Sermons pour adolescents
05. Tout jeune doit être apôtre

Mes chers Amis,

Le premier conseil que saint Jean Bosco donna à Dominique Savio qui voulait devenir saint fut de travailler à sauver les âmes.

C’est ce que nous demande Notre Seigneur : Le premier commandement est d’aimer Dieu par dessus tout. Le second lui est semblable, c’est d’aimer son prochain comme soi-même. Ces deux commandements résument tout l’enseignement divin.

Voici par saint Jean Bosco le récit de l’apostolat de Dominique Savio. C’est ainsi que Dominique devint saint.

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L’apostolat de saint Dominique Savio raconté par saint Jean Bosco

Le premier conseil qui lui fut donné pour devenir un saint ce fut de faire en sorte de gagner des âmes à Dieu. Il n’est rien de plus saint au monde que de coopérer au bien des âmes, pour lesquelles Jésus-Christ répandit jusqu’à la dernière goutte de son précieux sang. Il comprit aussitôt l’importance de cet apostolat. Il disait souvent : « si je pouvais gagner à Dieu tous mes camarades, comme je serais heureux ! » En attendant il ne laissait passer aucune occasion de mettre en garde ses camarades, de les conseiller, et au besoin il les reprenait.

Ce qui le rendait véritablement malade, c’était les jurons et les blasphèmes qui lui causaient une véritable souffrance quand il en entendait en ville ou ailleurs. Baissant alors la tête, il disait pieuse­ment « Béni soit le nom de Jésus-Christ ».

Sur une place publique, un de ses camarades le vit un jour ôter son béret et dire quelque mots à voix basse.

– Que dis-tu ? lui demanda-t-il.

– Tu n’as pas entendu blasphémer ce charretier ? Je pourrais aller le prier de ne plus le faire, mais j’ai peur de lui faire dire des choses encore pires. Alors je me contente d’enlever mon béret et de dire « Loué soit Jésus-Christ ». J’espère que le Seigneur accepte cette petite réparation.

Le compagnon de Dominique admira sa manière de se comporter et racontait souvent ce petit incident.

Une autre fois, en revenant de l’école, Dominique entendit un gros homme jurer horriblement. Il se mit à trembler, demanda pardon à Dieu, puis il fit une chose magnifique. Il s’approcha d’un air très respectueux et lui demanda poliment s’il pouvait lui indiquer la rue où était l’Oratoire de Don Bosco. L’autre s’étant calmé à la vue de ce visage innocent lui répondit :

– Je ne sais pas, mon enfant, je le regrette.

– Si vous ne pouvez pas m’indiquer cette rue, peut-être pouvez-vous me faire plaisir d’une autre façon ?

– Volontiers, je t’écoute.

Dominique s’étant approché un peu plus pour que personne d’autre ne puisse l’entendre, lui murmura :

– Vous me feriez un grand plaisir en ne disant plus de blasphèmes quand vous êtes fâché.

L’autre, qui était un homme grand et gros fut saisi de stupeur et d’admiration. Puis il dit :

– C’est bien ! Tu as tout à fait raison. Je dois perdre cette mauvaise habitude.

Il arriva un jour qu’un enfant de neuf ans environ commença à se chamailler avec un de ses camarades près de la porte de la Maison. Au cours de la dispute il prononça le nom de Jésus-Christ, qu’on ne doit évoquer qu’avec respect. À ce mot Dominique, malgré l’indi­gna­tion qu’il ressentait dans son cœur, s’interposa sans perdre son sang-froid entre les deux garçons. Il les calma. Ensuite il dit à celui qui avait prononcé vainement le nom de Dieu : « Viens avec moi. Tu seras content ». Ses bonnes manières incitèrent l’enfant à accepter. Il le prit par la main, l’emmena à l’église devant l’autel, le fit ensuite s’agenouiller à côté de lui en lui disant :

– Demande pardon au Seigneur de l’offense que tu lui as faite par ton blasphème.

Comme l’enfant ne savait pas son acte de contrition, il le récita avec lui. Après quoi il ajouta :

– Dis avec moi ces paroles pour réparer l’injure que tu as faite à Jésus-Christ : « que soit loué Jésus-Christ et que son nom saint et adorable soit toujours loué ».

Il lisait de préférence les vies des saints qui avaient spécialement travaillé au salut des âmes. Il parlait volontiers des missionnaires qui s’épuisent dans des pays lointains pour le bien des âmes. Ne pouvant leur envoyer des secours matériels, il offrait chaque jour quelques prières et, au moins une fois par semaine, il recevait la sainte communion à leur intention.

Je l’ai entendu plusieurs fois s’écrier :

– Combien d’âmes attendent notre aide en Angleterre ! Si j’en avais la force et la vertu, je voudrais y aller à l’instant et je voudrais, par mes paroles et par le bon exemple, les gagner toutes à Notre-Seigneur.

Il se plaignait souvent à part soi, mais souvent aussi devant ses camarades, du manque de zèle de bien des gens pour instruire les enfants des vérités de la foi.

– Dès que je serai séminariste, disait-il un jour, je veux aller à Mondonio, je veux rassembler tous les enfants sous un hangar pour leur faire le catéchisme, leur raconter beaucoup d’histoires édifian­tes et en faire des saints. Combien de ces enfants vont peut-être aller à leur perte parce qu’ils ne connaissent rien de leur foi ! 

Ses paroles étaient confirmées par des actes autant que le lui permettaient son âge et son instruction. Il se plaisait à faire le catéchisme dans l’église de l’Oratoire. Si l’un de ses camarades en avait besoin, il lui faisait la classe et lui enseignait le catéchisme quel que soit l’heure ou le jour de la semaine : son seul but était de pouvoir parler de la vie spirituelle et de faire connaître que ce qui compte, c’est de sauver son âme.

Un jour l’un des plus étourdis l’interrompit pendant qu’il racon­tait une histoire au moment de la récréation :

– Qu’est-ce que cela te fait ?

– Ce que cela me fait ? Cela me fait que les âmes de mes camarades ont été rachetées par le sang de Jésus ; cela me fait que nous sommes tous frères et que nous devons donc, les uns les autres, aimer nos âmes ; cela me fait que Dieu recommande de nous aider à nous sauver et que si quelqu’un réussit à sauver une seule âme, il assurera aussi le salut de la sienne.

Son zèle pour le salut des âmes ne se relâchait pas pendant les vacances, que Dominique passait chez ses parents. Pendant l’année il avait reçu des livres, des médailles, des crucifix, de belles images. Il mettait tout cela de côté pour les vacances. Avant de partir, si sa récolte n’était pas suffisante, il en demandait encore d’autres à ses supérieurs « pour faire plaisir à ses amis au village ».

Là bas, de nombreux enfants petits et grands étaient ravis d’aller avec lui. Et à l’occasion il leur enseignait un peu de catéchisme. Aux meilleurs il donnait une petite récompense. Beaucoup, attirés par sa gaieté et sa gentillesse, l’accompagnaient à l’église et priaient avec lui.

Quelqu’un de son village me raconta qu’il passa longtemps à ensei­gner le catéchisme à l’un de ces garçons. Il lui disait : si tu réussis à bien faire le signe de la croix, je te donnerai une médaille. Puis nous irons chez Monsieur le curé qui t’offrira un beau livre. Mais tu dois le faire tout à fait bien : en prononçant ces mots, tu dois porter la main au front, à la poitrine, puis à l’épaule gauche et à l’épaule droite. À la fin tu dois joindre les mains en disant Ainsi soit-il ». Trop souvent en guise de signe de croix, on fait n’importe quoi sans aucune signification. Dominique tenait à ce que ses amis le fissent convenablement, parce que c’est le signe de la passion et de la mort de Notre-Seigneur. Il le faisait lentement devant eux; et puis il les invitait à l’imiter.

Il s’occupait beaucoup de ses deux petits frères à qui il apprenait à lire et à écrire, il leur faisait réciter leur catéchisme ; il assistait à leur prière le matin et le soir. Il les emmenait à l’église, leur tendait l’eau bénite, leur montrait comment faire convenablement le signe de la sainte croix. Le temps que d’autres passeraient ici ou là à s’amuser, il le passait à raconter des histoires édifiantes à ses parents ou à des camarades désireux de l’écouter.

Même chez lui, il allait chaque jour faire une visite au Saint-Sacrement. Il était tout heureux quand il pouvait décider l’un ou l’autre de ses camarades à l’y accompagner. Ainsi peut-on dire qu’il ne manquait aucune occasion de faire une bonne œuvre, de donner de bons conseils, de faire du bien à son prochain.

Le souci de gagner des âmes à Dieu l’accompagnait partout. Pendant les récréations, il animait les jeux et répandait la joie. Tout ce qu’il disait et faisait était pour le bien de tous. Il avait constam­ment à l’esprit le beau principe de politesse consistant à ne pas interrompre les autres quand ils parlent, mais il profitait d’un silence de ses camarades pour parler des cours, de l’histoire, de l’arithmétique ou pour faire une plaisanterie, ce qui rendait agréable sa compagnie. Et si la conversation tournait aux récriminations ou à la médisance il l’interrompait d’une boutade, lançait une plaisante­rie ou racontait une blague pour les faire rire, coupant court aux critiques et évitant ainsi d’offenser Dieu autour de lui.

Son entrain et la vivacité de son caractère le faisaient aimer même de ses camarades les moins pieux, de sorte que chacun se plaisait à s’entretenir avec lui et ils prenaient en bonne part les mises en garde qu’il leur faisait parfois.

Un de ses camarades voulait un jour mettre un masque. Domi­ni­que lui dit que cela ne lui plaisait pas :

– Serais-tu content d’être pour de bon comme tu veux te déguiser, avec deux cornes sur le front, un nez démesuré, un habit grotesque ? 

– Mais non, répondit l’autre.

– Donc si tu ne désires pas être comme ça, pourquoi veux-tu en avoir l’apparence et enlaidir les jolis traits que Dieu t’a donnés ?

Un jour un homme vint pendant une récréation parmi les enfants qui jouaient et se mit à parler à l’un d’eux à haute voix, de sorte que tous pouvaient l’entendre. Il raconta d’abord des histoires drôles pour les faire rire et attirer les enfants autour de lui. Et beaucoup interrompirent leurs jeux pour venir l’écouter. Quand ils furent ainsi rassemblés il commença à dire du mal de la religion, à racon­ter des calomnies et lancer des outrages.

Quelques uns s’éloignèrent alors, mais les autres continuaient à l’écouter. Or Dominique passa par là, entendit quelques mots et comprit tout. Avec son courage habituel, il éleva la voix et dit à ses camarades : « Ce pauvre homme est venu chez nous pour nous faire du mal. Laissons-le. Allons-nous-en. »

À ces mots ils s’éloignèrent et reprirent leurs jeux. Se retrouvant tout seul, ce triste individu venu faire l’ouvrage du diable s’en repartit.

Une autre fois certains voulaient aller se baigner dans le fleuve. Si cela comporte partout un risque, dans les environs de Turin il y en a infiniment plus à cause de la profondeur de l’eau et de la force du courant, sans parler des risques pour la vertu. Et souvent des jeunes sont victimes des baignades.

Dominique le sut et cherchait à les en détourner en leur racontant mille choses. Mais, les voyant tout à fait décidés, il leur parla ferme­ment :

– Non, dit-il, je ne veux pas que vous y alliez.

– Nous ne faisons aucun mal.

– Vous désobéissez. Vous allez donner un mauvais exemple et vous risquez d’assister à des scènes choquantes, et de mourir noyés. Tout cela n’est-il pas un mal ?

– Mais nous mourons de chaleur et nous n’en pouvons plus.

– Si vous ne pouvez supporter la chaleur de ce monde, est-ce que vous pourrez ensuite supporter la terrible chaleur de l’Enfer que vous allez mériter ?

Touchés par ces mots et abandonnant leur projet, ils passèrent la récréation avec lui et se rendirent ensuite à l’église pour l’office.

Quelques généreux garçons de l’Oratoire formèrent une sorte de société pour l’apostolat auprès des plus difficiles de leurs camara­des. Dominique en était, et parmi les plus zélés. S’il avait un bonbon, un fruit, une croix, une médaille, une image ou n’importe quoi d’autre, il le gardait pour cela.

– Qui en veut ? qui en veut ? disait-il.

– Moi ! moi ! criaient-ils tous en courant vers lui.

– Doucement, disait-il, je veux le donner à celui qui répondra le mieux à une question du catéchisme.

Il n’interrogeait alors que les moins doués : à peine fournissaient-ils une réponse un peu satisfaisante, il leur faisait ce petit cadeau.

D’autres étaient gagnés de manière différente : il les prenait, les invitait à se promener avec lui. Il les faisait parler et au besoin jouait avec eux. On le vit parfois avec une gros bâton sur l’épaule, tel Hercule avec sa massue, jouer à la grenouille[1] . Il semblait se prendre éperdument au jeu, mais soudain il interrompait la partie et disait à son camarade :

– Samedi, veux-tu que nous allions nous confesser ?

L’autre acceptait parce que le samedi était loin et pour vite repren­dre la partie, mais aussi pour lui faire plaisir. Dominique en avait obtenu assez et reprenait le jeu mais il n’oubliait pas la promesse : il trouvait chaque jour un prétexte pour la lui rappeler et lui expli­quait comment faire une bonne confession. Le samedi venu, tel un chasseur ramenant sa proie, il l’accompa­gnait à l’église et le précédait au confessionnal ; la plupart du temps il prévenait le confes­seur ; ensuite il faisait avec lui l’action de grâces. Cela arrivait fréquemment et lui causait une grande joie. C’était d’un grand profit pour ses camarades : il arrivait en effet souvent que tel qui ne tirait aucun fruit d’un sermon entendu à l’église revenait ensuite à la piété sous l’influence de Dominique.

Il arrivait quelquefois que l’un d’eux le trompe toute la semaine et que, le samedi venu, il disparaisse au moment de se confesser. Quand Dominique le revoyait par la suite, il lui disait comme en plaisantant :

– Dis donc ! coquin, tu m’as eu !

– Mais, vois-tu, disait l’autre, je n’étais pas disposé, je n’en avais pas envie.

– Mon pauvre ami, tu as cédé au démon, répondait Dominique. Il était très bien disposé à te recevoir. Mais toi, maintenant, tu es encore plus mal disposé. Et même je te vois tout à fait de mauvaise humeur. Allez ! essaye donc d’aller te confesser. Fais un effort et tâche de bien le faire, tu verras combien ton cœur sera rempli de joie.

La plupart du temps le garçon, après s’être confessé, allait le trouver, le cœur content :

– C’est vrai, disait-il, je suis vraiment content et je veux à l’avenir me confesser plus souvent.

On trouve souvent dans les communautés de garçons des éléments soit un peu rustres, ignorants ou mal élevés, soit tourmentés pour quelque raison et, de ce fait, laissés de côté par leurs camarades. Ils souffrent d’être abandonnés alors qu’ils auraient le plus grand besoin du réconfort d’un ami.

Ceux-là étaient les amis préférés de Dominique. Il les approchait, leur redonnait de l’assurance par quelque bonne parole, leur prodi­guait de bons conseils. Il est souvent arrivé que des garçons décidés à mal se comporter, à se révolter, reviennent à de bons sentiments, réconfortés par les paroles charitables de Dominique.

Voilà pourquoi tous ceux qui avaient le cafard s’ouvraient à lui et ceux qui étaient malades le demandaient pour infirmier. Ainsi pouvait-il exercer continuellement la charité envers le prochain et accroître ses mérites devant Dieu.


[1]  Il s’agit d’un jeu consistant à lancer en l’air un palet de bois et à le relancer à coups de bâton.