Sermon ~ Les sacrements : des signes nécessaires

Mes bien chers Frères,

Nous allons découvrir les richesses des sacrements et nous commençons en montrant leur valeur de signes et leur nécessité pour notre vie chrétienne.

Je vous donne ci-dessous mes notes à partir de saint Thomas d’Aquin, puis le résumé de mon sermon et, enfin, le récit des martyrs Processe et Martinien.

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Notes tirées de saint Thomas d’Aquin
Résumé du sermon
Illustration par la vie des saints

Notes tirées de saint Thomas d’Aquin

LA SIGNIFICATION DES SACREMENTS

on appelle sacrement à proprement parler ce qui est ordonné à signifier notre sanctification. Or on peut distinguer trois aspects de notre sanctification : sa cause proprement dite, qui est la passion du Christ ; sa forme, qui consiste dans la grâce et les vertus ; sa fin ultime, qui est la vie éternelle. Les sacrements signifient tout cela.

Un sacrement est donc un signe qui remémore la cause passée, la passion du Christ ; manifeste l’effet de cette Passion en nous, la grâce ; et qui prédit la gloire future.

Qu. 61. LA NÉCESSITÉ DES SACREMENTS

a. 1 Les sacrements sont-ils nécessaires au salut de l’homme ?

S. Augustin écrit : “On ne peut unir des hommes en aucune confession religieuse, vraie ou fausse, sans les assembler par une communauté d’insignes, c’est-à-dire de sacrements visibles.” Mais il est nécessaire au salut des hommes que ceux-ci soient unis en une seule confession de la vraie religion. Les sacrements sont donc nécessaires au salut des hommes.

Corpus. Les sacrements sont nécessaires au salut de l’homme pour trois raisons. La première se tire de la condition de la nature humaine : il lui est propre de s’acheminer par le corporel et le sensible au spirituel et à l’intelligible. Or, il appartient à la providence divine de pourvoir à chaque être selon le mode de sa condition. La sagesse divine agit donc harmonieusement en conférant à l’homme les secours du salut sous des signes corporels et sensibles qu’on appelle les sacrements.

La deuxième raison se tire de l’état de fait où se trouve l’homme : en péchant, il s’est soumis par sa sensibilité aux choses corporelles. Or, on doit appliquer le remède à l’endroit du mal. Il convenait donc que Dieu se servît de signes corporels pour administrer à l’homme un remède spirituel qui, présenté à découvert, serait inaccessible à un esprit livré aux intérêts corporels.

La troisième raison se tire du goût prépondérant de l’homme pour les occupations corporelles. L’en retirer totalement serait trop dur, aussi lui propose-t-on dans les sacrements des activités corporelles qui l’habituent salutairement à éviter des activités superstitieuses – c’est-à-dire le culte des démons – ou, en général, les activités pécheresses qui lui nuisent de toute façon.

Ainsi, par l’institution des sacrements, l’homme est instruit au moyen du sensible d’une façon adaptée à sa nature ; il s’humilie par le recours au corporel dont il reconnaît ainsi la domination ; enfin, les salubres activités sacramentelles le gardent des actions nuisibles.

Objection : Il a été dit à S. Paul (2 Col 2, 9) : “Ma grâce te suffit.” Elle ne suffirait pas si les sacrements étaient nécessaires au salut. Réponse : La grâce divine est cause pleinement efficace du salut. Mais Dieu donne la grâce aux hommes selon le mode adapté à leur nature. C’est pourquoi les sacrements sont nécessaires à l’obtention de la grâce.

Remarque 3. La passion du Christ est cause pleinement efficace du salut de l’homme. Mais il ne s’ensuit pas que les sacrements ne sont pas nécessaires au salut ; au contraire, ils opèrent en vertu de la passion du Christ, et c’est par eux que celle-ci est comme mise à la portée des hommes, selon l’épître aux Romains (6, 3) : “Nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés.”

Commentaire de l’éditeur : On s’attendrait à voir établir la « nécessité » des sacrements à partir de leur efficacité : ils sont nécessaires à l’homme en raison de tous les biens qu’ils lui procurent. Or l’argument Cependant que S. Thomas adopte, et sa Conclusion personnelle tirent la nécessité du sacrement de sa nature de signe. Ce faisant S. Thomas prépare l’article 3 destiné à montrer la nécessité de sacrements même avant le Christ. En outre il élimine de graves objections. Les sacrements ne sont pas requis comme producteurs de richesses spirituelles. Leur efficacité ne porte aucune atteinte à la pleine suffisance de la Passion du Christ, ou de la grâce. Ils se bornent à communiquer, à mettre à notre portée les richesses spirituelles qui appartiennent au Christ. Et ils sont requis en raison de leur structure de signe qui leur permet d’adapter au mieux ces richesses corporelles à notre nature humaine. (Fin du commentaire de l’éditeur)

a. 2 Les sacrements étaient-ils nécessaires dans l’état qui a précédé le péché ?

La médecine n’est nécessaire qu’au malade : “Les gens bien portants n’ont pas besoin du médecin” (Mt 9, 12). Mais les sacrements sont des médecines spirituelles qu’on emploie contre les blessures du péché.

Corpus. Dans l’état d’innocence qui précéda le péché originel les sacrements ne furent pas nécessaires. On peut en donner comme raison le bon ordre qui régnait dans cet état où le supérieur dominait l’inférieur et ne dépendait de lui en aucune façon ; car, de même que l’âme rationnelle était soumise à Dieu, les puissances inférieures étaient soumises à l’âme rationnelle, et le corps à l’âme. Il eût été contraire à cet ordre que l’âme fût perfectionnée soit quant à la science, soit quant à la grâce, par un moyen corporel tel que les sacrements. C’est pourquoi, dans l’état d’innocence, l’homme n’avait pas besoin de sacrements, non seulement en tant qu’ils sont ordonnés à guérir le péché, mais aussi en tant qu’ils sont ordonnés à la perfection de l’âme.

Sans doute l’homme, dans l’état d’innocence, avait besoin de la grâce ; toutefois, il n’avait pas à l’obtenir par des signes sensibles, mais de façon spirituelle et invisible.

a. 3 Les sacrements étaient-ils nécessaires dans l’état qui a suivi le péché ?

Il fallait des signes qui désignent à l’avance la passion du Christ à venir, car la foi en Jésus-Christ et en sa passion sont le seul moyen de se sauver.

a. 4 Les sacrements étaient-ils nécessaires après la venue du Christ ?

Corpus. De même que les anciens Pères ont été sauvés par la foi dans le Christ à venir, ainsi sommes-nous sauvés par la foi au Christ qui, maintenant, est né et a souffert. Les sacrements sont des signes professant cette foi qui justifie.

Cependant, il faut des signes différents pour signifier des réalités futures, des réalités passées ou des réalités présentes. “On énonce différemment la même chose selon qu’elle est à faire ou déjà faite, dit S. Augustin. C’est pourquoi il faut, depuis que Jésus-Christ est venu, des sacrements différents des signes de l’ancienne loi qui annonçaient des réalités à venir.

Résumé du sermon

Signification

Les sacrements sont des signes. On appelle sacrement à proprement parler ce qui est ordonné à signifier notre sanctification. Or on peut distinguer trois aspects de notre sanctification : sa cause proprement dite, qui est la passion du Christ ; sa forme, qui consiste dans la grâce et les vertus ; sa fin ultime, qui est la vie éternelle. Les sacrements signifient tout cela.

Un sacrement est donc un signe qui remémore la cause passée, la passion du Christ ; manifeste l’effet de cette Passion en nous, la grâce ; et qui prédit la gloire future.

Nécessité

St Thomas ne définit pas leur nécessité à partir de leur efficacité, mais en tant que signes. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas requis comme producteurs de la grâce, mais pour communiquer, mettre à notre portée les richesses spirituelles qui appartiennent au Christ : Ils sont requis en raison de leur structure de signe qui leur permet d’adapter au mieux ces richesses à notre nature humaine blessée.

Trois raisons à cela :

  1. condition de la nature humaine : il lui est propre de s’acheminer par le corporel et le sensible au spirituel et à l’intelligible. Or, il appartient à la providence divine de pourvoir à chaque être selon le mode de sa condition. La sagesse divine agit donc harmonieusement en conférant à l’homme les secours du salut sous des signes corporels et sensibles.
  2. l’état de fait où se trouve l’homme : en péchant, il s’est soumis par sa sensibilité aux choses corporelles. Or, on doit appliquer le remède à l’endroit du mal. Il convenait donc que Dieu se servît de signes corporels pour administrer à l’homme un remède spirituel qui, présenté à découvert, serait inaccessible à un esprit livré aux intérêts corporels.
  3. goût prépondérant de l’homme pour les occupations corporelles. L’en retirer totalement serait trop dur, aussi lui propose-t-on dans les sacrements des activités corporelles qui l’habituent salutairement à éviter des activités superstitieuses – c’est-à-dire le culte des démons – ou, en général, les activités pécheresses qui lui nuisent de toute façon.

Ainsi, par l’institution des sacrements, l’homme est instruit au moyen du sensible d’une façon adaptée à sa nature ; il s’humilie par le recours au corporel dont il reconnaît ainsi la domination ; enfin, les salubres activités sacramentelles le gardent des actions nuisibles.

N. B. dans l’état d’innocence l’homme avait besoin de la grâce ; toutefois, il n’avait pas à l’obtenir par des signes sensibles, mais de façon spirituelle et invisible.

N. B. 2 Il y a des degrés dans la nécessité : nécessité physique, morale absolue, conditionnelle ou relative. Par exemple, la grâce et les vertus théologales sont nécessaires de façon absolue en continu : dès que l’une est perdue, l’homme est séparé de Dieu. Les sacrements sont nécessaires de façon relative pour produire un effet et de façon conditionnelle car Dieu peut produire le même effet directement.

Conclusion

  1. ce qu’il faut chercher dans les sacrements : la passion du Christ ; l’effet de cette Passion, la grâce ; la gloire future
  2. dispositions nécessaires. Ex opere operato par rapport au ministre, mais en fonction des dispositions du côté du sujet.

Illustration par la vie des saints

Saints Processe et Martinien, martyrs à Rome le 2 juillet

Lorsque saint Pierre eut remporté, sur Simon le Magicien, l’illustre victoire dont nous avons parlé en sa vie, il fut jeté dans la prison Mamertine, avec l’apôtre saint Paul, par le commandement du cruel Néron. Parmi les soldats qui furent chargés de les garder, Processe et Martinien étaient des principaux. Comme ils furent témoins des merveilles que les Apôtres opéraient à. tous moments sur les malades et les possédés qu’on amenait à leurs pieds, ils résolurent de se faire chrétiens. S’adressant donc à eux, ils leur dirent : « Il y a déjà neuf mois, vénérables serviteurs de Jésus-Christ, que nous vous tenons dans cette prison par ordre de l’empereur comme il y a beaucoup d’apparence qu’il ne pense plus à vous, vous pouvez donc vous en aller où il vous plaira ; nous vous demandons une grâce avant que vous sortiez, c’est que vous nous confériez le baptême au nom de Celui par la vertu duquel vous faites de si grands prodiges ». Les saints Apôtres leur dirent que s’ils voulaient croire de tout leur cœur en la très sainte Trinité, ils pourraient eux-mêmes faire de semblables merveilles ; ce que les autres prisonniers ayant entendu, ils se mirent à crier tous ensemble : « Donnez-nous donc de l’eau par la puissance de Jésus-Christ, car nous sommes consumés de soif ». Saint Pierre leur répondit que s’ils croyaient en Dieu, le Père tout-puissant, en Jésus-Christ, son Fils unique, et au Saint-Esprit, ils obtiendraient tout ce qu’ils demanderaient ; et, faisant en même temps sa prière, il fit sourdre, (c’est-à-dire couler), par le signe de la croix qu’il imprima sur la roche Tarpéienne où était située la prison, une fontaine d’eau vive qui n’a point cessé de couler jusqu’à présent ; et, avec cette même eau, il baptisa Processe et Martinien, et cinquante-sept autres prisonniers de l’un et de l’autre sexe.

Le bruit de cette conversion s’étant bientôt répandu par toute la ville, Paulin, magistrat très-illustre, fit arrêter Processe et Martinien, et les fit comparaître dès le lendemain devant son tribunal. Quand ils furent en sa présence « Quoi donc » leur dit-il, « mes amis, avez-vous été si fous que d’abandonner les dieux de l’Empire et le service de votre prince, pour cette religion nouvelle que les Romains ne connaissent point ? Revenez, je vous prie, à vous-mêmes, et rentrez dans le culte des dieux tout-puissants ; ne quittez point les ornements de votre milice, et rendez-vous recommandables par votre obéissance aux volontés de votre souverain renoncez à cette folie que l’on vous a mise dans l’esprit, et adorez les dieux immortels que vous avez reconnus dès votre enfance et dans la religion desquels vous avez été élevés ». – « Nous étions alors dans l’ignorance », répondirent les généreux confesseurs « mais, maintenant que nous avons été éclairés d’une lumière d’en haut, et que nous avons reçu les sacrements de la milice céleste, nous faisons profession d’être chrétiens, et nous protestons que nous serons toute notre vie les fidèles serviteurs du vrai Dieu, que les bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul nous ont annoncé. Et ne vous attendez pas que nous soyons assez lâches pour abandonner un si juste parti. Vos menaces non plus que les supplices ne nous étonnent point, et nous sommes tous prêts à mourir pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont nous avons embrassé la foi ». Paulin voyant bien, par cette confession intrépide, qu’il ne gagnerait rien sur eux, et que ses paroles ne feraient aucune impression sur leur cœur, que la foi rendait invincible, leur fit casser les dents et rompre les mâchoires avec des cailloux. Mais ce supplice fut loin d’ébranler la constance des saints Martyrs au contraire, ayant les yeux élevés au ciel, ils chantaient de toute leur force des cantiques de louange, pour remercier Dieu de la grâce qu’il leur accordait de souffrir quelque chose pour la gloire de son nom. Ensuite, le tyran ayant fait apporter une idole de Jupiter, leur commanda de lui offrir de l’encens, sous peine d’endurer de nouveaux tourments. Mais les braves soldats de Jésus-Christ, méprisant les menaces de Paulin, au lieu de sacrifier à cette fausse divinité, la chargèrent d’injures et de crachats. Le juge, irrité, les fit à l’heure même appliquer à la torture ; leurs membres furent disloqués avec une cruauté inouïe, leurs côtés brûlés avec des plaques de fer ardentes ils furent si peu troublés que, dans le fort de ce supplice, ils chantaient ces belles paroles : « Béni soit à jamais le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a appelés à sa connaissance par les bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul. »

Parmi les personnes qui regardaient cet horrible spectacle, il se trouva une dame romaine nommée Lucine, qui les exhortait puissamment à la persévérance. « Généreux soldats de Jésus-Christ », leur criait-elle au milieu de la foule, « montrez que vous avez du cœur n’appréhendez point des supplices qui passent en un moment, vous serez amplement récompensés de toutes vos peines ». Pour les empêcher d’entendre les pieuses exhortations de cette sainte femme, on leur criait aux oreilles, en déchirant leurs corps avec des scorpions : « Si vous voulez que nous cessions de vous tourmenter, obéissez aux ordres de l’empereur, ne refusez point de sacrifier aux dieux, et nous vous laisserons en repos ne différez pas davantage de reconnaître la religion de l’Empire, et vous serez mis en liberté. Mais Processe et Martinien, bien loin de se laisser toucher par ces paroles se fortifiaient au contraire de plus en plus dans la foi et dans l’amour de Jésus-Christ, et se moquaient des cruels tourments qu’on leur faisait endurer.

Cependant, Dieu ne laissa point cette cruauté impunie car, durant ce supplice, Paulin perdit l’œil gauche et comme, au lieu de reconnaître la puissance du vrai Dieu, qui éclatait par ce premier châtiment, il fit resserrer plus étroitement les saints martyrs en prison, pour les réserver à d’autres supplices, trois jours après, le démon s’étant saisi de son corps le fit mourir et emporta son âme dans les enfers. Pompinius, son fils, voulant venger son père, courut aussitôt au palais pour demander justice contre nos saints Confesseurs de sorte que Néron ordonna à Césaire, préfet de la ville, de ne plus différer leur condamnation. Ce nouveau juge n’eut pas plus tôt reçu cet ordre, qu’il l’exécuta. Les ayant fait conduire hors des murs de Rome, il leur fit trancher la tête sur la voie Aurélienne, auprès de l’aqueduc, le 2 juillet de l’an 68 du salut, et la treizième année de l’empire de Néron. Leurs corps furent laissés au milieu de la campagne pour être dévorés par les chiens mais la vertueuse Lucine, qui les avait suivis avec toute sa famille, les ayant fait promptement enlever, les embauma avec de précieux parfums, et les enterra dans son héritage, d’où ils furent ensuite transférés dans une église que l’on bâtit en leur honneur. Mais cette église ayant été ruinée, le pape Pascal Ier fit transporter, vers l’an 820, les reliques des deux Martyrs dans celle de Saint-Pierre, au Vatican, où elles sont conservées encore aujourd’hui.

Saint Grégoire le Grand, dans la trente-deuxième Homélie sur les Évangiles, qu’il prononça devant le peuple au jour de leur fête et en présence de leurs reliques, dit que les malades qui priaient à leur tombeau y trouvaient leur guérison ; que ceux qui avaient la témérité d’y faire de faux serments étaient à l’heure même saisis du démon, et que les énergumènes y trouvaient leur délivrance. Il rapporte aussi ce trait : une femme pieuse avait coutume de visiter souvent l’église des saints martyrs. Comme elle en sortait un jour après avoir fait sa prière sur leur sépulchre, ils lui apparurent sous la forme de deux religieux, qui, s’approchant d’elle, lui dirent : « Vous nous visitez maintenant, et nous, au jour du jugement, nous vous chercherons entre toutes les autres créatures pour vous rendre tout le service que nous pourrons ». Là-dessus ce grand Pape exhorte les fidèles à invoquer ces deux martyrs, afin de les avoir pour défenseurs en ce jour terrible, qui saisira de crainte les plus innocents.