Sermon ~ La pénitence 5
La satisfaction

Mes bien chers Frères,

Que Dieu vous aide à comprendre l’importance et à pratiquer la satisfaction (ce que tout le monde appelle la pénitence).

Avez-vous prévu les dates pour faire une retraite ?

Il est grand temps de vous inscrire pour celle de la Semaine Sainte, profitez-en ! Tous les offices solennels, les matines des trois jours saints, des conférences de lundi à mercredi pour bien profiter de la Passion de Jésus.

Ne laissez pas passer cette bonne occasion !

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Notes pour le sermon
Catéchisme du Concile de Trente

Notes pour le sermon

Les notes toutes tirées de la somme de saint Thomas d’Aquin.

Ce qu’est la satisfaction

La satisfaction consiste à rétablir la justice dans les rapports de l’homme envers Dieu

Se rappeler ce que nous avons dit de la vertu de vengeance.

La pénitence est une vengeance du péché que le pénitent s’impose à soi-même

C’est un acte de la vertu de justice, mais non de la justice commutative entre deux égaux, de la justice générale qui rétablit la juste proportion.

Et comme la justice est le fondement de l’amitié, la satisfaction rétablit l’égalité de l’amitié.

La satisfaction a un double objet : rétablir la justice et, donc, réparer pour le passer et maintenir la justice et, donc, prévenir le mal à l’avenir.

On ne peut rien soustraire à Dieu, bien que le pécheur s’efforce de le faire autant qu’il peut. En conséquence, dans une satisfaction faite à Dieu, l’amendement du pécheur pour l’avenir est bien plus important que la compensation pour le passé.

Possibilité de la satisfaction

« L’homme devient le débiteur de Dieu à double titre, à raison des bienfaits reçus et à raison des péchés commis. L’action de grâces, l’adoration et les autres prières de même genre ont pour objet la dette que nous créent les bienfaits reçus de Dieu ; la satisfaction acquitte la dette contractée par le péché que nous avons commis.

« À la vérité, les honneurs que nous rendons ainsi à nos parents et à Dieu ne peuvent pas être en équivalence avec ce que nous devons, au té­moignage même du Philosophe, mais il suffit que l’on rende ce qu’on peut, car l’amitié n’exige pa­s l’équivalence, mais le possible. Il y a d’ailleurs encore en cela une certaine égalité, une égalité de proportionnalité, car entre ce que nous devons à Dieu et Dieu lui-même, il y a la même propor­tion qu’entre le tout de ce que nous pouvons et ce même Dieu. C’est ainsi qu’est conservé le formel de la justice.

« Il en va de même de la satisfaction. L’homme ne peut pas offrir satisfaction à Dieu, si le satis (le mot assez) implique une égalité absolue de valeur ; mais il le peut si la satisfaction n’implique qu’une égalité de proportion, et puisque cela suffit pour qu’il y ait justice, cela suffit aussi pour qu’il y ait satisfaction

« L’homme devient le débiteur de Dieu à double titre, à raison des bienfaits reçus et à raison des péchés commis. L’action de grâces, l’adoration et les autres prières de même genre ont pour objet la dette que nous créent les bienfaits reçus de Dieu ; la satisfaction acquitte la dette contractée par le péché que nous avons commis.

« À la vérité, les honneurs que nous rendons ainsi à nos parents et à Dieu ne peuvent pas être en équivalence avec ce que nous devons, au té­moignage même du Philosophe, mais il suffit que l’on rende ce qu’on peut, car l’amitié n’exige pa­s l’équivalence, mais le possible. Il y a d’ailleurs encore en cela une certaine égalité, une égalité de proportionnalité, car entre ce que nous devons à Dieu et Dieu lui-même, il y a la même propor­tion qu’entre le tout de ce que nous pouvons et ce même Dieu. C’est ainsi qu’est conservé le formel de la justice.

« Il en va de même de la satisfaction. L’homme ne peut pas offrir satisfaction à Dieu, si le satis (le mot assez) implique une égalité absolue de valeur ; mais il le peut si la satisfaction n’implique qu’une égalité de proportion, et puisque cela suffit pour qu’il y ait justice, cela suffit aussi pour qu’il y ait satisfaction

On peut satisfaire pour autrui

On peut satisfaire pour autrui à raison de la charité par laquelle « nous ne sommes tous qu’un dans le Christ. »

« La peine satisfactoire a deux buts, l’acquit d’une dette et le remède qui nous fait éviter le péché. En tant qu’elle doit donner un remède contre le renouvellement du péché, la satisfaction d’un pénitent ne peut pas servir à un autre, le jeûne de l’un ne dompte pas la chair de l’autre ; de même les bonnes actions du premier ne donnent pas au second l’habitude de bien agir, si ce n’est par accident, à savoir en tant que les bonnes actions de celui qui satisfait peuvent mériter à celui pour lequel il satisfait une augmen­tation de grâce qui soit un remède très efficace pour lui faire éviter le péché. Mais alors cet effet est produit par manière de mérite plus que par manière de satisfaction.

« Au contraire, s’il s’agit de l’acquit d’une dette, un homme peut satisfaire pour un autre, à la con­dition qu’il soit en état de charité. C’est la charité surtout qui donne à la peine sa vertu satisfactoire, et comme la charité, dans celui qui satisfait pour un autre, paraît plus grande que s’il satisfaisait pour lui-même, la peine que la justice lui demande est moindre que celle exigée du débiteur principal­.
De là vient qu’on lit dans les Vies des Pères du désert, qu’un frère ayant été amené par la charité à faire la pénitence d’un autre pour un péché que lui-même n’avait pas commis, cette charité a obtenu la rémission du péché à celui qui l’avait commis.

Les qualités de la satisfaction

La qualité principale est d’être en état de grâce.

« L’offense ne disparaît qu’avec le rétablissement de l’amitié, et tant qu’il reste un obstacle à ce rétablissement de l’amitié, il ne peut pas y avoir de satisfaction, même entre humains.

« La satisfaction faite en état de péché mortel ne prend pas de valeur quand revient la charité.

aucune de nos œuvres ne peut être méritoire de par sa propre valeur ; mais elle devient méritoire de par la charité qui met et commun tous les biens des amis. D’où il suit que si bonne que soit une œuvre faite en dehors de la charité, elle ne saurait donner à l’homme un droit strict de recevoir quelque chose de Dieu.

« Cependant, il y a deux sortes de mérites : en stricte justice = de condigno et celui de convenance = de congruo.

« Tous les biens du temps et de l’éternité nous venant de la libéralité divine, personne ne peut prétendre avoir le droit d’en recevoir aucun, si ce n’est dans l’état de charité avec Dieu. Les œuvres faites en dehors de l’état de charité ne méritent donc en stricte justice ni bien éternel, ni bien temporel.

Mais comme il convient à la bonté de Dieu de donner quelque perfection à toutes les bonnes dispositions qu’elle rencontre, on dit que les œuvres faites ainsi en dehors de la charité méritent de congruo quelque récompense. À ce titre elles peuvent nous valoir trois sortes de bien : un succès temporel, une disposition à la grâce, une habitude de bonnes œuvres.

Les œuvres satisfactoires

La satisfaction doit être pénale.

« La compensation d’une offense implique une égalisation à établir entre l’offensant et l’offensé. En matière de justice humaine, cette égalisation s’obtient par la soustraction d’un bien fait à celui qui a plus que son dû, au profit de celui auquel l’offense avait enlevé quelque chose. Or, quoique du côté de Dieu, rien du bien divin ne puisse être enlevé, le pécheur cependant, comme nous l’avons dit, s’efforce, autant qu’il est en son pouvoir, d’enlever quelque chose à Dieu. Il faut donc, pour qu’il y ait compensation, que la satisfaction enlève quelque chose au pécheur, au profit de l’honneur de Dieu. Mais l’œuvre bonne, en tant qu’œuvre bonne, n’enlève rien à celui qui la fait ; elle ajoute plutôt à sa perfection ; celui-ci ne peut donc subir une soustraction de bien, pour l’œuvre bonne, que si cette œuvre est pénale.

« Il faut donc, pour qu’une œuvre soit satisfactoire, qu’elle soit bonne, afin d’honorer Dieu et qu’elle soit pénale afin de soustraire au pécheur quelque bien.

« De même l’œuvre satisfactoire doit être pénale en tant que préservative des fautes futures, car on revient plus difficilement aux péchés pour lesquels on a souffert quelque peine. De là vient, qu’au témoignage du Philosophe, les remèdes aux péchés sont des peines.

Objection : Dieu ne se délecte pas du mal. Réponse : « Bien que Dieu ne se délecte pas dans les peines en tant que peines, il y prend plaisir en tant qu’elles sont justes et peuvent être ainsi satisfactoires.

Les peines de la vie présente peuvent être satisfactoires

La satisfaction doit être offerte volontairement par celui qui satisfait. Donc, les peines de la vie présente sont satisfactoires si elles sont volontairement acceptées comme des peines, pour l’expiation de ses péchés et avec patience.

Les trois œuvre satisfactoires sont principalement la prière, le jeûne et l’aumône.

« La satisfaction doit être telle, qu’elle nous enlève quelque chose au profit de l’honneur de Dieu. Or nous n’avons que trois genres de biens, ceux de l’âme, ceux du corps et ceux de la fortune ou biens extérieurs. Nous nous enlevons quelque chose des biens de la fortune par l’aumône, et des biens du corps par le jeûne. Quant aux biens de l’âme, nous ne devons pas nous les enlever en touchant à leur essence ou en les diminuant, puisque c’est par eux que nous sommes agréables à Dieu, mais en les soumettant totalement à Dieu, ce qui se fait par la prière.

« Cette énumération est justifiée aussi du point de vue de l’action de la satisfaction sur les causes du péché qu’elle extirpe. Ces racines du péché sont au nombre de trois, d’après saint Jean : « La concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux et l’orgueil de la vie ». Le jeûne combat la concupiscence de la chair ; l’aumône, la concupiscence des yeux ; et la prière, l’orgueil de la vie, comme le dit saint Augustin commentant saint Matthieu.

« Elle s’harmonise aussi très bien avec cet autre caractère de la satisfaction, qui est de fermer l’entrée de notre âme aux suggestions du péché. Tout péché en effet est commis contre Dieu, contre le prochain ou contre nous-mêmes. Aux premiers s’oppose la prière, aux seconds l’aumône, aux troisièmes le jeûne.

La pratique du jeûne dans l’Église. L’équilibre de la règle de saint Benoît – Les recommandations de saint jean Chrysostome – les règles fixées par l’Église – les recommandations de Mgr Lefebvre.

Catéchisme du concile de Trente
La satisfaction

Il convient d’abord d’expliquer le mot de Satisfaction, et d’en préciser la portée. Car les ennemis de la foi catholique ont pris occasion de ce mot pour semer la division et la discorde parmi les chrétiens, et au grand détriment de la religion.

§ 1. – Qu’est-ce que la satisfaction ?

La Satisfaction est le paiement intégral d’une dette. Car qui dit satisfaction, dit une chose à laquelle rien ne manque. Par exemple, en matière de réconciliation, satisfaire signifie accorder à un cœur irrité tout ce qu’il faut pour le venger de l’injure qu’on lui a faite. D’où il suit que la satisfaction n’est pas autre chose que la compensation, (ou réparation) de l’injure faite à quelqu’un. Et pour en venir à l’objet qui doit nous occuper ici, les Docteurs de l’Église ont employé ce mot de Satisfaction pour exprimer cette compensation qui s’établit, lorsque l’homme paie quelque chose à Dieu pour les péchés qu’il a commis.

Et comme cette compensation peut avoir plusieurs degrés différents, on a distingué aussi plusieurs sortes de Satisfaction. La première et la plus excellente est celle qui a payé suffisamment à Dieu tout ce que nous devions pour nos péchés, quand même il aurait voulu traiter avec nous en toute rigueur de justice. Mais nous ne regardons comme telle que la Satisfaction qui a apaisé Dieu et nous l’a rendu propice. Et c’est à Jésus-Christ seul que nous en sommes redevables. Car c’est lui qui sur la Croix a payé la dette de nos péchés, et a satisfait surabondamment à la justice de Dieu pour nous. Rien de créé n’aurait pu être d’un prix assez grand pour nous libérer d’une dette si considérable. Mais, comme dit S. Jean ([1]) : « Jésus-Christ est lui-même la Victime de propitiation pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. » Cette Satisfaction est donc pleine et complète. Elle est proportionnée d’une manière parfaite et adéquate au poids de tous les crimes qui ont été commis, et qui se commettent en ce monde. C’est elle seule qui donne du prix et du mérite à nos actions devant Dieu. Sans elle, elles seraient vaines et dénuées de toute valeur réelle. C’est là ce que David semblait avoir en vue quand, se recueillant en lui-même, il s’écriait ([2]) : « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les bienfaits qu’il m’a accordés ? » et que ne trouvant, pour reconnaître tant de faveurs, que la Satisfaction dont nous parlons, et à laquelle il donne le nom de calice, il ajoutait : « Je prendrai le calice de salut, et j’invoquerai le Nom du Seigneur. »

Une autre espèce de Satisfaction est celle que l’on appelle canonique, et qui s’accomplit dans un temps fixe et déterminé. C’est un usage suivi dès la plus haute antiquité dans l’Église, d’infliger quelque peine aux pénitents, lorsqu’ils reçoivent l’Absolution de leurs péchés, et l’accomplissement de cette peine s’est toujours appelé Satisfaction.

Enfin on donne encore le nom de Satisfaction à toutes les peines que nous subissons pour nos péchés, sans les recevoir des mains du prêtre, mais en nous les imposant nous-mêmes, et en nous les infligeant par notre propre volonté. Mais ces peines ne font point partie du sacrement de pénitence.

Celles-là seules lui appartiennent qui nous sont imposées par l’autorité du prêtre, pour payer à Dieu ce que nous lui devons pour nos péchés : encore faut-il que nous ayons dans l’âme la résolution très sincère et très ferme de faire tous nos efforts pour éviter de l’offenser à l’avenir. En effet quelques-uns ont dit que satisfaire, c’est rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû. Mais il est évident que nul ne peut lui rendre cet honneur, s’il n’est résolu à fuir absolument le péché. Par conséquent satisfaire, c’est détruire les causes du péché, et lui fermer l’entrée de nos cœurs. Dans le même ordre d’idées, d’autres ont affirmé que la satisfaction purifie notre âme des restes de souillures que la tache du péché y avait laissées et qu’elle acquitte les peines temporelles qui nous restaient à supporter.

§ 2. – Nécessité de la satisfaction

Les choses étant ainsi, il ne sera pas difficile de faire sentir aux fidèles combien il est nécessaire aux pénitents de s’exercer à cette pratique de la Satisfaction. Il faudra leur apprendre que le péché entraîne après lui deux choses, la tâche et la peine. Et bien que la remise de la faute renferme toujours en elle celle dl supplice de la mort éternelle, préparé dans les enfers, cependant il arrive souvent, comme l’a déclaré le Concile de Trente ([3]) que Dieu ne remet pas en même temps certains restes du péché, et la peine temporelle qui lui est due. Nous avons des preuves non équivoques de cette vérité dans plusieurs endroits de nos Saintes Lettres, au 3e chapitre de la Genèse, aux 12e et 22e chapitres des Nombres, et dans beaucoup d’autres passages, mais dont le plus célèbre et le plus frappant est celui de David. Le Prophète Nathan lui avait dit : ([4]) « Le Seigneur n’a point retenu votre péché, vous ne mourrez point. » Et cependant il s’imposa volontairement des peines très grandes, implorant jour et nuit la miséricorde de Dieu en ces termes : ([5]) « Lavez-moi de plus en plus de mon iniquité, et purifiez-moi de mon péché ; parce que je connais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi. »

Par ces paroles il demandait au Seigneur, non seulement le pardon de son crime, mais encore la remise de la peine qu’il avait méritée ; et il le conjurait de le purifier de tous les restes de ses fautes, et de le rétablir dans son premier état d’innocence et de gloire. Cependant, malgré toute la ferveur de ses prières, le Seigneur ne laissa pas de le punir, et par la perte de l’enfant né après sa faute, et par la révolte et la mort d’Absalon qu’il aimait tendrement, et par plusieurs autres peines et châtiments, dont il l’avait auparavant menacé. Nous voyons encore dans l’Exode que le Seigneur apaisé par les prières de Moïse, pardonna au peuple son idolâtrie : ce qui ne l’empêcha pas d’annoncer qu’il en tirerait une vengeance très sévère et Moïse lui-même déclara que le Seigneur le punirait de ce crime, avec la dernière rigueur, jusqu’à la troisième et quatrième génération. Quant à l’Église catholique, sa Doctrine n’a jamais varié sur ce point, et tous les écrits des Pères prouvent qu’elle n’a pas cessé de croire cette vérité.

Mais comment se fait-il que le sacrement de pénitence ne remette pas avec le péché toutes les peines qui lui sont dues, aussi bien que le baptême ? C’est ce que nous explique fort bien le Concile de Trente, en ces termes : « La justice divine semble exiger, dit-il, que la réconciliation soit accordée différemment à ceux qui ont péché par ignorance avant le baptême, et à ceux qui, délivrés du péché et de l’esclavage du démon, après avoir reçu le don du Saint-Esprit, ne craignent pas cependant de profaner sciemment le temple de Dieu, et de contrister le Saint-Esprit. »

D’ailleurs, il convient à la clémence divine de ne pas nous remettre nos péchés, sans exiger de nous quelque satisfaction. Autrement nous serions exposés à regarder nos fautes comme moindres qu’elles ne sont, et, à la première occasion, à tomber dans d’autres plus graves, par un mépris souverainement injurieux au Saint-Esprit, nous amassant ainsi à nous-mêmes un trésor de colère pour le jour de la vengeance ([6]). Il est hors de doute que les peines satisfactoires sont comme un frein puissant pour nous retenir, et nous empêcher de retomber dans le mal. Par la même raison elles rendent les pénitents beaucoup plus circonspects et plus vigilants pour l’avenir.

On peut ajouter que ces pénitences sont comme des témoignages publics de la douleur que nous font éprouver nos péchés, et par là même un moyen de satisfaire à l’Église qui a été grièvement offensée par nos crimes. Car, comme dit S. Augustin, Dieu ne rejette point un cœur contrit et humilié. ([7]) Mais comme la douleur d’un cœur est ordinairement cachée pour un autre, et qu’elle ne se manifeste au dehors ni par des paroles ni par d’autres signes, c’est avec raison que les Pasteurs de l’Église ont établi des Temps de pénitence, pendant lesquels on satisfait à l’Église, de qui l’on reçoit la rémission de ses péchés.

§ 3. – Effets et avantages de la satisfaction

D’un autre côté, nos exemples de pénitence apprennent aux autres comment ils doivent régler leur conduite et pratiquer la piété. Lorsque nos semblables sont témoins des peines qui nous sont infligées pour nos péchés, ils en concluent qu’ils doivent vivre toujours dans la plus grande vigilance et réformer leurs mœurs. Voilà pourquoi l’Église avait voulu avec beaucoup de sagesse imposer une pénitence publique à celui qui avait commis publiquement quelque faute, afin que les autres, frappés d’une salutaire terreur, fussent désormais plus attentifs à éviter le péché. Cette loi s’étendait même quelquefois aux crimes secrets, lorsqu’ils étaient très graves. Mais pour les fautes publiques, c’était un usage constant et invariable de ne point absoudre ceux qui en étaient coupables, avant qu’ils n’eussent subi et achevé leur pénitence publique. Pendant ce temps, les Pasteurs priaient Dieu pour leur salut, et ils ne cessaient d’exhorter les pénitents à faire de même. C’est en cela que l’on vit briller surtout le zèle et la sollicitude de S. Ambroise. Ses larmes, dit-on, attendrissaient tellement certains pécheurs qui venaient lui demander l’Absolution avec un cœur endurci, qu’il leur inspirait la douleur d’une véritable contrition. Mais dans la suite, il y eut tant de relâchement dans la sévérité de l’ancienne discipline, et la charité se trouva si refroidie que la plupart des fidèles ne regardent plus la douleur intérieure de l’âme et les gémissements du cœur comme nécessaires pour obtenir le pardon de leurs péchés, et qu’ils croient suffisant de montrer les dehors et les apparences du repentir.

Les peines satisfactoires qui nous sont imposées ont encore cet avantage de nous faire retracer l’image et la ressemblance de Jésus-Christ notre Chef, qui lui-même a été éprouvé, et a subi toutes sortes de souffrances. « On ne peut rien voir de plus difforme, dit S. Bernard, qu’un membre délicat sous un chef couronné d’épines. » ([8]) D’ailleurs au témoignage de l’Apôtre, « nous ne sommes les cohéritiers du Sauveur, qu’autant que nous souffrons avec lui ; ([9]) et comme il est écrit dans un autre endroit : Si nous mourons avec lui, nous vivrons aussi avec lui ; si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui. » ([10])

  1. Bernard établit encore que l’on trouve deux choses dans le péché : une tache pour l’âme, et une plaie ; qu’à la vérité la miséricorde de Dieu enlève la tache, mais que pour guérir la plaie du péché, il faut nécessairement ce traitement que l’on emploie comme remède dans la pénitence. Lorsqu’une blessure est guérie, il demeure encore des cicatrices, qui elles-mêmes ont besoin de guérison ainsi l’âme, après la remise de sa faute, conserve encore quelques restes de ses péchés, dont elle a besoin de se purifier. C’est ce que dit très bien S. Jean Chrysostome en ces termes : ([11]) « Ce n’est pas assez d’arracher la flèche du corps ; il faut de plus guérir la blessure qui a été faite par la flèche. » De même, après avoir reçu le pardon de ses péchés, il faut encore traiter par la pénitence la plaie qui reste dans l’âme. S. Augustin ne cesse de nous représenter qu’il y a deux choses à considérer dans le sacrement de pénitence : la miséricorde de Dieu et sa justice ; la miséricorde qui remet les péchés et les peines éternelles qui leur sont dues, la justice qui inflige à l’homme des peines limitées par le temps.

Enfin les Satisfactions du sacrement de pénitence nous font éviter les châtiments de Dieu et les supplices qui nous étaient réservés. Ainsi l’enseigne l’Apôtre : ([12]) : « Si nous nous jugions nous-mêmes, dit-il, nous ne serions certainement point jugés ; mais lorsque nous sommes jugés, c’est le Seigneur qui nous châtie, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde. »

Si les Pasteurs expliquent avec soin ces vérités, il est presque impossible que les fidèles n’embrassent pas avec ardeur les œuvres de la pénitence. Mais ce qui démontre parfaitement l’efficacité de cette pénitence, c’est qu’elle tire toute sa vertu des mérites de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ces mérites communiquent à nos bonnes œuvres en général deux immenses avantages : l’un est de nous faire mériter les récompenses et la gloire éternelle, au point qu’un verre d’eau froide, donné au nom du Sauveur, ne sera pas perdu ; et l’autre de satisfaire à Dieu pour nos péchés.

Et n’allons pas croire que nos satisfactions diminuent celle de Notre-Seigneur, si abondante et si parfaite. Au contraire elles ne servent qu’à la rendre plus éclatante et plus glorieuse encore, s’il est possible. En effet la grâce de Jésus-Christ paraît d’autant plus abondante qu’elle nous fait participer non seulement à ce qu’il a mérité et payé lui-même, mais encore aux mérites et au prix qu’il a communiqués aux Justes et au Saints, comme un Chef à ses membres. Et voilà évidemment ce qui donne tant de valeur et d’importance aux bonnes œuvres des vrais chrétiens ! Comme la tête communique la vie aux membres, comme la vigne fait passer la sève dans toutes ses branches, ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ ne cesse de répandre sa grâce sur ceux qui lui sont unis par la charité. Et cette grâce précède, accompagne et suit toujours nos œuvres. Sans elle nous ne pouvons ni mériter, ni satisfaire en aucune façon à la justice de Dieu. Ainsi rien ne manque aux justes : par les œuvres qu’ils opèrent avec le secours divin, ils peuvent d’un côté satisfaire à Dieu et à sa Loi, autant que le comporte la fragilité humaine, et de l’autre mériter la Vie Éternelle dont ils entreront en possession, s’ils meurent en état de grâce. La parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ est formelle : ([13]) « Celui qui boira l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif ; et cette eau que je lui donnerai deviendra en lui une fontaine qui jaillira pour la Vie Éternelle. »

Mais il y a deux choses nécessaires dans la Satisfaction la première, que celui qui satisfait soit juste et ami de Dieu. Les œuvres qui ne sont pas faites dans la foi et dans la charité ne sauraient être agréables à Dieu ;

la seconde, que les œuvres que l’on accomplit soient de nature à causer de la douleur et de la peine. Puisqu’elles sont une véritable compensation des péchés passés et, comme parle le martyr S. Cyprien « la rançon des péchés », il est de toute nécessité qu’elles présentent quelque chose de difficile et de pénible – bien qu’il n’arrive pas toujours à ceux qui s’exercent à ces œuvres de mortification d’éprouver le sentiment de la douleur. Souvent l’habitude de souffrir, ou une charité ardente empêchent de sentir les choses les plus dures à supporter par elles-mêmes. Cependant ces sortes d’actions ne laissent pas de posséder la vertu de satisfaire. C’est même le propre des enfants de Dieu d’être tellement enflammés des sentiments de l’amour et de la piété, qu’au milieu des plus cruelles souffrances, ils ne ressentent aucune douleur ou du moins qu’ils supportent tout avec un cœur plein de joie.

§ 4. – Diverses espèces d’œuvres satisfactoires

Les Pasteurs enseigneront que tous les genres de Satisfactions peuvent se ramener à trois sortes d’œuvres : la Prière, le Jeûne et l’Aumône, lesquels répondent parfaitement aux trois sortes de biens que nous avons reçus de Dieu, les biens de l’âme, les biens du corps et ceux que l’on appelle les avantages extérieurs. Rien n’est plus propre ni plus efficace que ces trois sortes d’œuvres pour extirper les racines de tous les péchés. Puisque, selon l’Apôtre S. Jean, ([14]) « Tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie », il n’est personne qui ne voie qu’à ces trois sources de maladies, on a eu bien raison d’opposer trois excellents remèdes, à la première le Jeûne, à la seconde l’Aumône, et à la troisième la Prière. D’autre part, si nous considérons ceux que nos péchés offensent, il nous sera facile de comprendre pourquoi toute satisfaction se rapporte à ces trois choses. En effet le péché offense Dieu, le prochain et nous-mêmes ; or par la Prière nous apaisons Dieu, par l’Aumône nous donnons satisfaction au prochain, et par le Jeûne nous nous mortifions nous-mêmes.

Mais comme une foule de peines et de calamités diverses nous accablent tant que nous sommes dans cette vie, il faut bien apprendre aux fidèles que ceux qui supportent avec patience tout ce que Dieu leur envoie de pénible et d’affligeant trouvent précisément là une source abondante de satisfaction et de mérites ; tandis que ceux qui n’endurent ces sortes d’épreuves qu’avec répugnance et malgré eux se privent de tous, les avantages des œuvres satisfactoires, et ne font que subir la punition et le juste châtiment de Dieu qui se venge de leurs péchés.

Mais ce qui doit nous faire exalter, par les louanges et les actions de grâces les plus vives, l’infinie bonté et la miséricorde de Dieu, c’est qu’il a bien voulu nous accorder à nous si faibles et si misérables de pouvoir satisfaire les uns pour les autres. C’est là en effet une propriété spéciale qui n’appartient qu’à la Satisfaction. S’il s’agit de la contrition et de la confession, personne ne peut ni se repentir, ni se confesser pour un autre ; mais ceux qui possèdent la grâce divine peuvent au nom d’un autre payer à Dieu ce qui lui est dû : C’est ainsi que nous portons en quelque sorte le fardeau les uns des autres. ([15]) Et personne parmi nous ne saurait douter de cette vérité, puisque nous confessons dans le Symbole des Apôtres la communion des Saints. Dès lors que nous renaissons tous à Jésus-Christ, purifiés par le même baptême, que nous participons tous aux mêmes sacrements, et surtout que nous avons pour aliment et pour breuvage réparateurs le même Corps et le même Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il est aussi certain qu’évident que nous sommes tous les membres d’un seul et même corps. Et si le pied, par exemple, ne remplit pas ses fonctions uniquement pour lui, mais encore au profit des yeux, et si les yeux ne voient pas pour eux seuls, ruais aussi pour l’avantage commun de tous les membres, les œuvres satisfactoires peuvent être également communes entre nous tous.

Cependant ceci, pour être vrai, ne doit pas s’entendre sans restriction, si nous envisageons en général tous les avantages que la satisfaction nous procure.

Car les œuvres satisfactoires sont aussi comme un traitement et un remède prescrits au pénitent pour guérir les affections déréglées de son âme. Mais il est évident que cet effet particulier ne peut s’appliquer à ceux qui ne satisfont point par eux-mêmes.

Voilà donc ce que les Pasteurs auront à exposer d’une manière claire et détaillée sur les trois parties du sacrement de pénitence : La contrition, la confession et la Satisfaction. Toutefois il est une chose que les Confesseurs doivent observer avec le plus grand soin, c’est après avoir entendu l’aveu des fautes du pénitent, et avant de l’absoudre, de l’obliger à la réparation suffisante des torts qu’il a pu faire au prochain, dans ses biens ou dans sa réputation, si ces torts semblent assez grands pour l’exposer à la damnation éternelle. Nul ne doit être absous, s’il ne promet de restituer à chacun ce qui lui appartient. Et comme il s’en trouve plusieurs qui s’engagent par beaucoup de paroles à s’acquitter de ce devoir, mais n’en sont pas moins décidés et résolus à ne point tenir leurs promesses, il faut absolument les obliger à restituer, et leur rappeler souvent ces mots de l’Apôtre : ([16]) « que celui qui dérobait, ne dérobe plus, mais qu’il s’occupe plutôt à travailler de ses mains à quelque ouvrage bon et utile, afin qu’il ait de quoi donner à ceux qui sont dans le besoin. »

Quant aux pénitences à imposer aux pécheurs, les confesseurs ne les prescriront point d’une manière arbitraire ; ils suivront en cela les règles de la justice, de la prudence et de la piété. Et pour montrer aux pénitents qu’ils mesurent leurs fautes d’après ces règles, comme aussi pour leur en faire sentir davantage la gravité, il sera bon qu’ils leur rappellent de temps en temps les peines que les anciens Canons Pénitentiaux avaient fixées pour certains péchés. En un mot la nature de la faute doit être la mesure générale de la Satisfaction.

Mais de toutes les œuvres satisfactoires que l’on peut imposer aux pénitents, la plus convenable, c’est qu’ils s’appliquent à la Prière à certains jours et pendant un certain temps, et qu’ils prient pour tout le monde, et surtout pour ceux qui sont morts dans le Seigneur.

Il faut aussi les exhorter à reprendre quelquefois et à recommencer d’eux-mêmes les œuvres de satisfaction prescrites par le Confesseur, et à acquérir des dispositions telles qu’après avoir accompli tout ce qui se rapporte au sacrement de pénitence, ils n’abandonnent jamais les pratiques de la vertu de pénitence.

Si quelquefois pour un crime public on se voit dans l’obligation d’infliger une pénitence publique, et que le pénitent la repousse et supplie d’en être exempté, on ne devra point l’écouter trop facilement ; au contraire, il faudra lui persuader de se soumettre volontiers et avec empressement à une peine qui doit être salutaire et à lui et aux autres.

En enseignant ces choses sur le sacrement de pénitence, et sur chacune de ses parties, le Pasteur aura pour but non seulement de les faire connaître exactement, mais encore d’amener les fidèles à les mettre en pratique avec un véritable esprit de religion et de piété.

[1] – Joan., 1, 2, 2.

[2] – Psm 115, 12.

[3] – Sess., 14, cap, 8.

[4] – II Reg., 12, 13 ; 3 Ps., 50, 4.

[5] – Ps. 50, 4.

[6] – Rom. 2, 5.

[7] – Ps. 50, 19.

[8] – Serm., 5, de Omn. Sanct.

[9] – Rom., 8, 17.

[10] – 2 Timot., 2, 11.

[11] – Serm., 1, in Ceena Dom.

[12] – I Cor., 11, 31.

[13] – Joan., 4, 14.

[14] – I Joan., 2, 16.

[15] – Gal., 6, 2.

[16] – Eph, 4, 48.