Méditation pour la Purification de la Vierge Marie

Purification
de la Très Sainte Vierge

La Loi du Seigneur ordonnait aux femmes d’Israël, après leur enfantement, de demeurer quarante jours sans approcher du tabernacle ; après l’expiration de ce terme, elles devaient, pour être purifiées, offrir un sacrifice qui consistait en un agneau, pour être consumé en holocauste. On devait y joindre une tourterelle ou une colombe, destinées à être offertes selon le rite du sacrifice pour le péché. Que si la mère était trop pauvre pour fournir l’agneau, le Seigneur avait permis de le remplacer par une autre tourterelle, ou une autre colombe.

La loi de la purification des mères était essentiellement la conséquence du péché originel. Elles qui doivent transmettre la vie, mettent au monde des enfants qui sont plus morts que vivants puisqu’ils ne vivent que d’une vie mortelle et non de la vie éternelle. Et puis, il convenait de tourner vers Dieu des cœurs qui n’ont que trop tendance à se complaire dans la concupiscence, des cœurs qui, à cause du mariage, ont besoin de plus d’efforts pour demeurer unis à Dieu dans la contemplation.

Un second commandement prescrivait que les aînés fussent présentés et consacrés au Seigneur, ce dont la loi rend deux raisons. L’une générale : « Consacrez-moi tous les premiers-nés ; car tout est à moi » et dans la personne des aînés, tout le reste des familles m’est donné en propre. La seconde était particulière au peuple juif : Dieu avait exterminé en une nuit tous les premiers-nés des Égyptiens et, épargnant ceux des Juifs, il voulut que dorénavant tous leurs premiers-nés lui demeurassent consacrés par une loi inviolable, en sorte que leurs parents ne pussent s’en réserver la disposition, ni aucun droit sur eux qu’ils ne les eussent auparavant rachetés de Dieu par le prix qui était prescrit.

Le respect dû au Fils de Dieu et à sa Mère permettait-il l’accomplissement de ces lois ?

Marie voyait clairement que la première loi n’avait point été faite pour elle. Quel rapport pouvait avoir avec les épouses des hommes, celle qui était le très pur sanctuaire de l’Esprit-Saint, Vierge dans la conception de son Fils, Vierge dans son ineffable enfantement ; toujours chaste, mais plus chaste encore après avoir porté dans son sein et mis au monde le Dieu de toute sainteté ? Et, si elle considérait la qualité sublime de son Fils, Créateur et du souverain Seigneur de toutes choses qui avait daigné prendre naissance en elle, comment aurait-elle pu penser qu’un tel Fils fût soumis à l’humiliation du rachat, comme un esclave qui ne s’appartient pas à soi-même ? Convenait-il même qu’il fût racheté pour retourner à la vie profane, celui qui, dès son entrée dans le monde, s’était offert à son Père en sacrifice d’oblation pour le salut des hommes, comme nous l’apprenons par les psaumes et par l’épître aux Hébreux ?

Cependant, l’Esprit qui habite en Marie lui révèle qu’elle doit accomplir cette double loi. Malgré son auguste qualité de Mère de Dieu, il faut qu’elle se mêle à la foule des mères des hommes, qui se rendent de toutes parts au Temple pour y recouvrer, par un sacrifice, la pureté qu’elles ont perdue. Cependant, elle ne va pas au temple pour subir la loi, mais pour lui donner son sens. C’est vers elle que cette loi tournait toutes les femmes qui l’accomplissaient, vers elle que Notre Seigneur, par deux fois, appellerait « femme », beau titre qui indique que, désormais, aucune femme ne peut plus être vraiment telle sans imiter la Très Sainte Vierge. En venant au Temple elle prend la tête de leur cortège et les mène avec leur famille à sa suite et à la suite de son Fils.

Quant à Jésus, s’il veut être racheté, c’est pour s’affranchir de la loi juive et, ainsi, s’offrir en sacrifice non pour le seul peuple juif, mais pour tous les hommes. De plus, il le fait en esclave qu’on rachète, car il prend la place des hommes, et aucun homme ne peut être affranchi qu’en revenant d’abord à la soumission à Dieu contre qui il s’était révolté. Et Bossuet s’adresse ainsi à Marie : « Rachetez-le, pieuse mère : mais vous ne le garderez pas longtemps : vous le verrez revendu pour trente deniers, et livré au supplice de la croix. » Saint Thomas d’Aquin nous enseigne que la présentation de Jésus au temple est comme l’offertoire de la grande messe qui durera toute sa vie et dont la consécration s’accomplira au Calvaire. Sacrifice dont il est et le prêtre et la victime.

C’est tout cela que Marie connaît de par l’Écriture Sainte qu’elle a tant et si profondément méditée, dont elle comprend toujours plus le mystère grâce à l’action du Saint Esprit qui ne cesse de la faire grandir dans ses dons. Plutôt que d’affirmer qu’elle obéit à une loi qui n’est pas pour elle, il serait plus juste d’affirmer qu’elle en comprend toute la portée.

Comment conclure autrement qu’en entrant dans les vues de la Providence à la suite de Marie et Jésus ? Voici comment Bossuet l’exprime : « Divin premier-né, soit que vous soyez racheté pour être à moi dans votre enfance, soit que vous soyez vendu pour être encore plus à moi à la fin de votre vie, je veux me racheter pour vous de ce siècle malin, je veux me vendre pour vous, et me livrer aux emplois de votre amour. »

Voici, pour terminer le commentaire de Dom Guéranger dans son L’Année liturgique :

Quel admirable voyage que celui de Marie et de Joseph allant de Bethléem à Jérusalem ! L’Enfant divin est dans les bras de sa mère ; elle le tient sur son cœur durant tout le cours de cette route fortunée. Le ciel, la terre, la nature tout entière, sont sanctifiés par la douce présence de leur miséricordieux créateur. Les hommes au milieu desquels passe cette mère chargée de son tendre fruit la considèrent, les uns avec indifférence, les autres avec intérêt ; mais nul d’entre eux ne pénètre encore le mystère qui doit les sauver tous.

Pendant que Marie portant son divin fardeau monte les degrés du Temple, soyons attentifs ; car une des plus fameuses prophéties s’accomplit, un des principaux caractères du Messie se déclare. Conçu d’une Vierge, né en Bethléem, ainsi qu’il était prédit, Jésus, en franchissant le seuil du Temple, acquiert un nouveau titre à nos adorations. Cet édifice n’est plus le célèbre Temple de Salomon, qui devint la proie des flammes aux jours de la captivité de Juda. C’est le second Temple bâti au retour de Babylone, et dont la splendeur n’a point atteint la magnificence de l’ancien. Avant la fin du siècle, il doit être renversé pour la seconde fois ; et la parole du Seigneur sera engagée à ce qu’il n’y demeure pas pierre sur pierre. Or, le Prophète Aggée, pour consoler les Juifs revenus de l’exil, qui se lamentaient sur leur impuissance à élever au Seigneur une maison comparable à celle qu’avait édifiée Salomon, leur a dit ces paroles, et elles doivent servir à fixer l’époque de la venue du Messie : « Prends courage, Zorobabel, dit le Seigneur ; prends courage, Jésus, fils de Josedec, souverain Prêtre ; prends courage, peuple de cette contrée ; car voici ce que dit le Seigneur : Encore un peu de temps et j’ébranlerai le ciel et la terre, et j’ébranlerai toutes les nations ; et le Désiré de toutes les nations viendra ; et je remplirai de gloire cette maison. La gloire de cette seconde maison sera plus grande que ne le fut celle de la première ; et dans ce lieu je donnerai la paix, dit le Seigneur des armées. »

La bénédiction des cierges

Après l’Office de Tierce, l’Église pratique, en ce jour, la bénédiction solennelle des Cierges, que l’on compte pour une des trois principales qui ont lieu dans le cours de l’année : les deux autres sont celle des Cendres et celle des Rameaux.

Le mystère de cette cérémonie a été fréquemment expliqué par les liturgistes depuis le VIIe siècle. Selon saint Yves de Chartres, dans son deuxième Sermon sur la fête d’aujourd’hui, la cire des cierges, formée du suc des fleurs par les abeilles, que l’antiquité a toujours considérées comme un type de la virginité, signifie la chair virginale du divin Enfant, lequel n’a point altéré, dans sa conception ni dans sa naissance, l’intégrité de Marie. Dans la flamme du cierge, le saint Évêque nous apprend à voir le symbole du Christ qui est venu illuminer nos ténèbres. Saint Anselme, dans ses Enarrations sur saint Luc, développant le même mystère, nous dit qu’il y a trois choses à considérer dans le Cierge : la cire, la mèche et la flamme. La cire, dit-il, ouvrage de l’abeille virginale, est la chair du Christ ; la mèche, qui est intérieure, est l’âme ; la flamme, qui brille en la partie supérieure, est la divinité.

Autrefois, les fidèles s’empressaient d’apporter eux-mêmes des cierges à l’Église, le jour de la Purification, afin qu’ils fussent bénis avec ceux que les prêtres et les ministres portent à la Procession ; cet usage est encore observé en beaucoup de lieux. Il est à désirer que les pasteurs des âmes recommandent fortement cette coutume, et qu’ils la rétablissent ou la soutiennent partout où il est besoin. Tant d’efforts que l’on a faits pour ruiner, ou du moins pour appauvrir le culte extérieur, ont amené insensiblement le plus triste affaiblissement du sentiment religieux, dont l’Église possède seule la source dans la Liturgie. Il est nécessaire aussi que les fidèles sachent que les cierges bénis au jour de la Chandeleur – car tel est le nom populaire de la fête de la Purification, emprunté à la cérémonie même dont nous parlons – que ces cierges, disons-nous, sont bénis, non seulement pour servir à la Procession, mais encore pour l’usage des chrétiens qui, en les gardant avec respect dans leurs maisons, en les portant avec eux, tant sur la terre que sur les eaux, comme dit l’Église, attirent des bénédictions particulières du ciel. On doit allumer aussi ces cierges de la Chandeleur auprès du lit des mourants, comme un souvenir de l’immortalité que le Christ nous a méritée, et comme un signe de la protection de Marie.

Après les Oraisons, le Célébrant asperge d’eau bénite et encense les cierges ; on procède ensuite à leur distribution. A ce moment, l’Église, émue à la vue des symboles glorieux qui lui rappellent les caractères de l’Emmanuel, s’unit aux transports du vieillard Siméon qui, tenant en ses bras l’Enfant de la Vierge, le proclama la Lumière des nations. Elle emprunte son beau Cantique, répétant après chaque Verset une Antienne formée des dernières paroles dont il se compose.

La procession des cierges

Remplie d’allégresse, illuminée de ces feux mystérieux, entraînée, comme Siméon, par le mouvement de l’Esprit-Saint, la sainte Église se met en marche pour aller à la rencontre de l’Emmanuel. L’Église veut imiter la merveilleuse procession qui eut lieu en ce moment même dans le Temple de Jérusalem, et que saint Bernard célèbre ainsi, dans son premier Sermon pour la Fête de la Purification de Notre-Dame : « Aujourd’hui la Vierge-mère introduit le Seigneur du Temple dans le Temple du Seigneur ; Joseph présente au Seigneur, non un fils qui soit le sien, mais le Fils bien-aimé du Seigneur, dans lequel il a mis ses complaisances. Le juste reconnaît Celui qu’il attendait ; la veuve Anne l’exalte dans ses louanges. Ces quatre personnes ont célébré pour la première fois la Procession d’aujourd’hui, qui, dans la suite, devait être solennisée dans l’allégresse de la terre entière, en tous lieux, et par toutes les nations. Ne nous a étonnons pas que cette Procession ait été si petite ; car Celui qu’on y recevait s’était fait petit. Aucun pécheur n’y parut : tous étaient justes, saints et parfaits. »

Marchons néanmoins sur leurs traces. Allons au-devant de l’Époux, comme les Vierges sages, portant dans nos mains des lampes allumées au feu de la charité. Souvenons-nous du conseil que nous donne le Sauveur lui-même : « Que vos reins soient ceints comme ceux des voyageurs ; tenez dans vos mains des flambeaux allumés et soyez semblables à ceux qui attendent leur Seigneur. » (s. Luc 12, 35). Conduits par la foi, éclairés par l’amour, nous le rencontrerons, nous le reconnaîtrons, et il se donnera à nous.

La sainte Église ouvre les chants de cette Procession par l’Antienne suivante, qui se trouve mot à mot dans la Liturgie Grecque, en cette même Fête : « Décore ta chambre nuptiale, ô Sion ! et reçois le Christ Roi : accueille avec amour Marie, qui est la porte du ciel ; car elle tient dans ses bras le Roi de gloire, Celui qui est la Lumière nouvelle. La Vierge s’arrête, présentant son Fils engendré avant l’aurore ; Siméon le reçoit dans ses bras, et annonce aux peuples qu’il est le maître de la vie et de la mort, et le Sauveur du monde. »

On ajoute l’Antienne suivante, tirée de l’Évangile, et dans laquelle est racontée la mystérieuse rencontre du vieillard Siméon : « Siméon avait appris de l’Esprit-Saint qu’il ne mourrait pas sans voir le Christ du Seigneur ; et au moment où l’Enfant était introduit dans le Temple, il le prit dans ses bras, et bénissant Dieu, il dit : C’est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur. »