De l’Âme de tout apostolat
à la Milice de l’Immaculée
par Serge Iciar

DE vous à moi cher lecteur, en poursuivant l’étude de l’Âme de tout apostolat de Dom Jean Baptiste Chautard, je me suis trouvé confronté à toute une partie du livre consacrée à l’apostolat de ses chers et vénérés confrères que je ne parvenais pas à transposer à ma vie quotidienne.

De même la cinquième et dernière partie qui nous dispense Quelques principes et avis pour la vie intérieure me paraissait relever plus de la direction spirituelle et de la confession des fidèles vers lesquels il oriente leur apostolat, que du commentaire d’un profane.

Le prêtre manquerait, et parfois gravement, à son devoir de docteur et de médecin des âmes, s’il privait celles-ci du grand secours supplémentaire du confessionnal, de cet indispensable propulseur de vie intérieure qu’on appelle la direction spirituelle.

Mais je vous ai dit dans un article De vous à moi quelles ressources m’apportait l’étude des ouvrages conseillés par M. l’abbé Pivert et, arrivé au deux tiers de l’Immaculée notre Idéal de l’Abbé Stehlin, la complémentarité de ces deux ouvrages m’est apparue qui me permet de vous livrer le présent article.

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Dans l’Âme de tout apostolat le R. P. Abbé Dom Chautard établit Jésus Source et Source unique de cette vie divine sur laquelle tout homme d’action doit s’appuyer .

Je vous ai dit par ailleurs dans le premier article que cet ouvrage, que je considère comme un vrai petit chef d’œuvre, tant il m’a instruit sur la nécessité et les moyens d’une vie intérieure, s’adresse plus généralement aux hommes d’œuvres animés d’un ardent désir de se dépenser, mais exposés à négliger les mesures nécessaires pour que leur dévouement soit fécond pour les âmes sans être pour eux-mêmes un dissolvant de vie intérieure. Cependant si Dom Chautard réconcilie l’action et la vie intérieure ; il n’en reste pas moins vrai que, pour lui, seule cette vie intérieure permet à l’apôtre d’irradier par sa lumière intérieure l’amour divin – et de conquérir les âmes au Sacré Cœur.

Et il fait appel à l’une de ses plus hautes références Notre admirable Pontife et Père Pie X.

« Avec son intelligence profonde des besoins de l’Église, Pie X avait souvent des vues d’une rare justesse. L’Ami du Clergé [1] rappelle une intéressante conversation du saint Pontife avec un groupe de cardinaux : « Qu’y a-t-il, dit le Pape, de plus nécessaire aujourd’hui pour le salut de la société ?—Bâtir des écoles catholiques, répondit l’un. — Non. — Multiplier les églises, repartit un autre. — Non encore. — Activer le recrutement sacerdotal, dit un troisième. — Non, non, répliqua Pie X, ce qui est présentement le plus nécessaire, c’est d’avoir dans chaque paroisse un groupe de laïcs à la fois très vertueux, éclairés, résolus et vraiment apôtre [2] [3]. »

Or Dom Chautard nous l’explique le long de son livre, il ne peut y avoir de vertu, de lumière ni de résolution, sans vie intérieure. A cette fin il nous prodigue Quelques principes et avis pour la vie intérieure : La vie eucharistique encouragée par le pape de la communion fréquente, facilitée par les communions spirituelles ; la pratique de l’oraison, la garde du cœur ; tous moyens qui nous font partager, imiter la vie de Notre Seigneur.

Et, fidèle au chantre du culte marial, au père de son ordre, saint Bernard qu’il cite près d’une trentaine de fois, il nous appelle, comme le fera le père Maximilien Kolbe à suivre l’Immaculée, notre idéal, à pratiquer la dévotion à Notre-Dame qui facilite la Garde du cœur.

Ô ma Mère Immaculée, c’est pour que vous m’aidiez à garder mon cœur uni par Jésus à la Trinité Sainte que sur le Calvaire la parole de votre Fils m’a constitué votre enfant.

Je veux que les invocations de plus en plus fréquentes que je vous adresserai visent surtout cette garde de mon cœur, afin d’en purifier les tendances, les intentions, les affections et les volontés.

Je ne veux plus me dérober à votre douce voix : « Arrête-toi, mon fils, rectifie ton cœur. Non, il n’est pas vrai qu’en ce moment tu poursuives uniquement la gloire de Dieu. »

Que de fois, pendant mes dissipations ou mes occupations mal réglées, vous m’avez adressé cette maternelle invitation ! Et que de fois, hélas ! je l’ai étouffée !

Ma Mère, désormais, j’entendrai ce rappel de votre Cœur, et ma fidélité y répondra par un arrêt énergique et tout d’une pièce. Il pourra n’avoir que la durée d’un éclair, mais il suffira pour que je me pose l’une au l’autre de ces questions : Pour qui est l’action présente ? Comment Jésus agirait-il à ma place ? Cette interrogation intime passée à l’état d’habitude constitue la Garde du cœur. Elle me permettra dans les moindres détails de tenir mes facultés et leurs tendances dans une dépendance habituelle de plus en plus parfaite à l’égard de Dieu vivant en moi.

Une élite au service de Jésus par Marie pour conquérir et sauver les âmes. Tel est le programme proposé également par Maximilien Kolbe comme le présente l’Abbé Stehlin dans son livre L’Immaculée notre Idéal [4] .

Comme Dom Chautard, il donne une direction à la vie spirituelle, à la fois simple, efficace et pratique. Comme lui,  il appelle à la formation d’une armée (la Milice de l’Immaculée) dotée de bonnes armes (la vie intérieure et la dévotion à Marie) et de bons soldats (les Chevaliers de l’Immaculée). Enfin tous deux aspirent à constituer une élite, qui non seulement assume les devoirs les plus difficiles, mais aussi constitue la source d’énergie sans laquelle toute l’œuvre perd sa force et s’évanouit

Ainsi est conçue la règle de vie du premier chevalier de l’Immaculée : »

Ta règle de l’obéissance : la volonté de Dieu par l’Immaculée [5].

Je ne manquerai pas de vous livrer d’autres correspondances dans les prochains articles consacrés à ce troisième ouvrage conseillé par M l’abbé Pivert.

Serge Iciar

 

[1]    L’Ami du clergé était une revue hebdomadaire à destination du clergé.

[2]    Une note de bas de page précise : Quand on rapproche certains passages de la première encyclique de Pie X de diverses paroles qu’il proféra plus tard, on comprend que, dans l’entretien que nous citons ici, c’est de la ferveur des prêtres qu’il attend la formation des élites dont il parle ; et sur elles qu’il compte ensuite (et plus que sur tout autre moyens),  pour voir s’accroître le nombre de vrais fidèles. Ce résultat obtenu, c’est le recrutement sacerdotal assuré, ainsi que la multiplication des écoles et des églises ».

[3]    Nous n’exposeront pas ici un débat qui occupe une place importante dans ce livre entre ceux qui négligeraient les masses en ne voulant les atteindre que par le rayonnement des élites, et ceux qui agissaient directement sur les médiocres, ne fût-ce que pour les empêcher de tomber plus bas, et aussi pour y faire éclore des candidats pour les élites. Dom Chautard ne cherche pas à les concilier, mais montre une évidente préférence que je vous laisse découvrir en même temps que l’image des « Béquilles » .

[4]    Le titre de l’ouvrage est une citation du père Maximilien Kolbe.

[5]    Règlement de vie 1920 BMK p 369 BMK est une des sources de l’Abbé Stehlin BMK Błogosławiony Maksymilian Kolbe, Wybór pism, Warszawa, 1973