Historique, mystique et pratique du temps de la Septuagésime

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
Historique, mystique et pratique du temps de la Septuagésime

Historique
du temps de la Septuagésime

Le temps de la Septuagésime comprend la durée des trois semaines qui précèdent immédiatement le Carême. Il forme une des divisions principales de l’Année liturgique, et il est partagé en trois sections heb­domadaires, dont la première porte seulement le nom de Septuagésime, la seconde celui de Sexagésime, et enfin la troisième celui de Quinquagé­sime.

On voit, dès le premier abord, que ces noms expriment une relation numérique avec le mot quadragésime, dont notre mot carême est dérivé. Or, le mot quadragésime signifie la série des quarante jours qu’il faut traverser pour arriver à la grande fête de Pâques. Les mots quin­quagé­sime, sexagésime et septuagésime nous montrent cette solennité dans un lointain plus prolongé ; mais elle n’en est pas moins le grand objet qui commence à préoccuper la sainte Église, et qu’elle propose à ses enfants comme le but vers lequel désormais doivent tendre tous leurs désirs et tous leurs efforts.

Or, la fête de Pâques exige pour préparation quarante jours de recueillement et de pénitence ; cette sainte carrière est l’un des princi­paux incidents de l’Année liturgique, et le plus puissant moyen qu’emploie l’Église pour raviver dans le cœur et dans l’esprit des fidèles le sentiment de leur vocation. Il est du plus haut intérêt pour eux de ne pas laisser s’écouler cette période de grâces, sans en avoir profité pour le renouvellement de leur vie tout entière. Il était donc convenable de les préparer à ce temps de salut, qui est lui-même une préparation, afin que les bruits du monde s’éteignant peu à peu dans leurs cœurs, ils fussent plus attentifs à l’avertissement solennel que l’Église leur doit faire, en imposant la cendre sur leurs fronts, à l’ouverture de la sainte Quaran­taine.

Ce prélude aux saintes tristesses du carême n’était pas en usage aux premiers siècles du christianisme ; l’institution paraît en avoir com­mencé dans les Églises d’Orient. La coutume de celle de Constantinople étant de ne pas jeûner le samedi, elle commence le jeûne rigoureux dès notre lundi de Quinquagésime, et s’y prépare progressivement dans les semaines précédentes en la manière que nous ferons connaître en son lieu.

D’autres Églises orientales, signalées par Ratramne dans sa Contro­verse avec les Grecs [1] se trouvaient amenées par la coutume de ne pas jeûner non plus le jeudi à ouvrir l’observance quadragésimale neuf semaines avant Pâques. En cette manière même, elles n’avaient que trente-six jours de jeûne ainsi que les Grecs. Mais primitivement l’Occident lui-même ne dépassait pas ce nombre, qui formait pour Dieu, dit encore saint Grégoire le Grand, la dîme de l’année [2]. Un passage de saint Maxime de Turin nous montre qu’au 5e siècle, l’addition des quatre jours qui précèdent aujourd’hui le premier dimanche de Carême, était seulement le fait de la dévotion de quelques-uns, et non une coutume générale [3].

C’est donc postérieurement que les derniers jours de la semaine de Quinquagésime, à partir du mercredi appelé des Cendres, ont été ajou­tés au carême, afin de compléter le nombre de quarante jours de jeûne. Il est certain toutefois que déjà, au 9e siècle, cet usage avait force de loi généralement dans l’Église latine. Amalaire, qui décrit en détail la litur­gie de ce siècle, nous assure que le jeûne commençait bien dès lors quatre jours avant le premier dimanche de Carême. Cette disposition se trouve confirmée dans le même siècle par les conciles de Meaux et de Soissons. Déjà tous les manuscrits du sacramentaire grégorien sont unanimes à désigner ce mercredi par les mots In capite jejunii, c’est-à-dire commencement du jeûne. Toutefois, dans son respect pour la forme du service divin établie primitivement, l’Église n’a admis aucun chan­gement considérable dans ses offices, durant ces quatre jours. Elle garde le rite de la semaine de Quinquagésime jusqu’aux vêpres du samedi, auxquelles commence le rite quadragésimal.

Au 12e siècle, Pierre de Blois exprimait ainsi la pratique de son temps : « Tous les religieux commencent le carême à la Septuagésime, les Grecs à la Sexagésime, les ecclésiastiques à la Quinquagésime ; enfin, toute l’armée des chrétiens qui milite sur la terre, le mercredi sui­vant [4]. » On voit par ce passage que le clergé séculier était astreint au jeûne quadragésimal quelques jours avant les simples fidèles. Cette abstinence ne commençait toutefois que le lundi, ainsi qu’il paraît par la Vie de saint Udalric, évêque d’Augsbourg, qui a été écrite au 10e siècle. Le concile de Clermont, présidé par Urbain II en 1095, contient un décret qui sanctionne l’obligation pour les clercs de s’abstenir de viande à partir de la Quinquagésime. Ce dimanche était appelé Dominica carnis privii, et encore Carnis priviam sacerdotum ; mais il faut entendre cette appellation en ce sens qu’on y proclamait l’abstinence comme devant commencer le lendemain. Nous observerons un usage analogue dans l’Église grecque pour les trois dimanches qui précèdent le carême. Au 13e siècle, les clercs étaient encore obligés à ces deux jours de subrogation, comme on le voit par un concile d’Angers, qui frappe de suspense les prêtres qui ne commenceraient pas le carême le lundi de Quinquagé­sime. Cet usage cessa néanmoins peu après ; le clergé séculier et les moines eux-mêmes, dès le 15e siècle, commençaient le jeûne quadragé­simal le mercredi des Cendres avec tous les fidèles.

On sait que la liturgie gallicane avait conservé plusieurs usages des Églises d’Orient, auxquelles elle devait en partie son origine, et ce ne fut pas sans difficulté qu’on parvint à introduire dans les Gaules l’absti­nence et le jeûne du samedi. Avant que nos Églises eussent adopté sur ce point la coutume romaine, elles se trouvaient, comme celles de l’Orient, dans la nécessité d’anticiper le jeûne du carême. Le premier concile d’Orléans, tenu au commencement du 6e siècle, ordonne aux fidèles d’observer avant Pâques Quadragésime et non Quinquagésime, afin, dit le Canon, de maintenir l’unité des usages. Vers la fin de ce siècle, le qua­trième concile tenu dans la même ville répète la même défense, et en explique les intentions par l’injonction qu’il fait de jeûner les samedis de Carême. Déjà le premier et le second conciles d’Orange, en 511 et 541, avaient attaqué le même abus, en défendant pareillement d’obliger les fidèles à commencer le jeûne dès la Quinquagésime. L’introduction de la liturgie romaine en France, par les soins de Pépin et de Charlemagne, acheva d’établir chez nous l’usage de considérer le samedi comme un jour de pénitence ; et, comme on vient de le voir, l’anticipation du carême au lundi de Quinquagésime ne fut plus prati­quée que par le clergé. Au 13e siècle, de toutes les Églises du patriarcat d’Occident, il n’y avait plus que celles de Pologne qui fussent dans l’usage de commencer le carême avant l’Église romaine ; elles l’ouvraient au lundi de Septua­gésime, par suite de leurs relations avec les rites des Églises orientales. Cette coutume fut abolie en 1248 par Innocent IV.

Mais si l’Église romaine, au moyen d’une anticipation de quatre jours seulement, parvint à compléter d’une manière précise la sainte Quaran­taine que le Sauveur lui-même avait inaugurée par son exemple, en même temps qu’elle maintenait son antique usage de considérer le samedi comme un jour propre aux exercices de la pénitence, elle em­prunta volontiers à l’Église grecque l’usage de prévenir, par les saintes tristesses de la liturgie, durant trois semaines entières, l’ouverture du carême. On voit par Amalaire que, dès le commencement du 9e siècle, on suspendait déjà l’Alleluia et le Gloria in excelsis, à la Septuagésime. Les moines se conformèrent à cet usage, quoique la règle de saint Benoît exprimât une disposition contraire. Enfin le règlement du Pape Alexan­dre II, dans la seconde moitié du 11e siècle, établit partout l’uniformité, en prescrivant la suspension absolue de l’Alléluia aux vêpres du samedi qui précède le dimanche de Septuagésime. Ce pontife ne faisait que renouveler une disposition déjà sanctionnée par saint Léon IX, et consi­gnée au Corps du Droit [5].

C’est ainsi que cette importante période de l’Année liturgique, après divers essais, finit par s’établir sur le cycle, où elle figure depuis plus de mille ans. Le nom qu’on lui a donné exprime, ainsi que nous l’avons dit, une relation numérique avec le carême ; mais il n’y a en réalité que soixante-trois jours du dimanche de Septuagésime à Pâques. Une inten­tion mystérieuse a présidé à cette dénomination ; nous en parlerons au chapitre suivant. Le premier dimanche de Carême portant le nom de Quadragésime, on est remonté en rétrogradant jusqu’aux trois diman­ches qui précèdent, en gardant l’ordre par dizaine, de quarante à soixante-dix.

Le temps de la Septuagésime étant fondé sur l’époque de la Pâque, il est, par là même, sujet au retard ou à l’anticipation, selon le mouvement de cette fête. On appelle le 18 janvier et le 22 février Clefs de la Septua­gésime, parce que le dimanche qui porte ce nom ne peut pas remonter plus haut que la première de ces deux époques, ni descendre plus bas que la seconde.

 

Mystique du temps de la Septuagésime

Le temps où nous entrons renferme de profonds mystères ; mais ces mystères ne sont point propres seulement aux trois semaines que nous devons traverser pour arriver à la sainte Quarantaine ; ils s’étendent sur toute la période de temps qui nous sépare de la grande fête de Pâques.

Le nombre septénaire est le fondement de ces mystères. Nous avons vu comment la sainte Église avait été en travail pour la partie du cycle que nous parcourons présentement. Aujourd’hui elle en est en posses­sion, et elle nous invite à méditer les enseignements renfermés sous les symboles qui nous y sont proposés. Mais il est nécessaire de reprendre la doctrine de plus haut. Saint Augustin nous servira d’introducteur à tant de merveilleux secrets. « Il y a deux temps, dit ce grand docteur dans son énarration sur le psaume 148 : l’un, celui qui s’écoule mainte­nant dans les tentations et les tribulations de cette vie ; l’autre, celui qui doit se passer dans une sécurité et dans une allégresse éternelles. Ces deux temps, nous les célébrons, le premier avant la Pâque, le second après la Pâque. Le temps avant la Pâque exprime les angoisses de la vie présente ; celui que nous célébrons après la Pâque signifie la béatitude que nous goûterons un jour. Voilà pourquoi nous passons le premier de ces deux temps dans le jeûne et la prière, tandis que le second est consa­cré aux cantiques de joie ; et, pendant sa durée, le jeûne est suspendu. »

L’Église, interprète des saintes Écritures, nous signale deux lieux différents qui sont en rapport direct avec les deux temps dont parle saint Augustin : ces deux lieux sont Babylone et Jérusalem. Babylone est le symbole de ce monde de péché, au milieu duquel le chrétien doit passer le temps de l’épreuve ; Jérusalem est la patrie céleste au sein de laquelle il se reposera de tous ses combats. Le peuple d’Israël, dont toute l’histoire n’est qu’une grande figure de l’humanité, fut littéralement exilé de Jérusalem et retenu captif à Babylone.

Or, cette captivité loin de Sion dura soixante-dix ans ; et c’est pour exprimer ce mystère que, selon Alcuin, Amalaire, Yves de Chartres, et généralement tous les princes de la liturgie, l’Église a définitivement fixé le nombre septuagénaire pour les jours de l’expiation, prenant, selon l’usage des saintes Écritures, le nombre ébauché pour le nombre parfait.

La durée du monde lui-même, comme portent les antiques traditions chrétiennes, se partage aussi selon le septénaire. La race humaine doit traverser sept âges, avant le lever du jour de la vie éternelle. Le premier âge s’est étendu depuis la création d’Adam jusqu’à Noé ; le second depuis Noé et le renouvellement qui suit le déluge jusqu’à la vocation d’Abraham ; le troisième commence à cette première ébauche du peuple de Dieu, et va jusqu’à Moïse par les mains duquel le Seigneur donna la loi ; le quatrième s’étend de Moïse à David, en qui la royauté commence dans la maison de Juda ; le cinquième embrasse la série des siècles puis le règne de David jusqu’à la captivité des Juifs à Babylone ; le sixième est la période qui s’écoula depuis le retour de la captivité jusqu’à la nais­sance de Jésus-Christ. Vient enfin le septième âge, qui s’est ouvert à l’apparition miséricordieuse du Soleil de justice, et doit durer jusqu’à l’avènement redoutable du juge des vivants et des morts. Telles sont les sept grandes fractions des temps, après lesquelles il n’y a plus que l’éternité.

Pour encourager nos cœurs, au milieu des combats dont la route est semée, l’Église, qui luit comme un flambeau au milieu des ombres de ce séjour terrestre, nous montre un autre septénaire qui doit faire suite à celui que nous allons traverser. Après la Septuagésime de tristesse, la radieuse Pâque viendra avec ses sept semaines d’allégresse nous appor­ter un avant-goût des consolations et des délices du ciel. Après avoir jeûné avec le Christ et compati à ses souffrances, le jour viendra où nous ressusciterons avec lui, où nos cœurs le suivront au plus haut des cieux ; et, peu après, nous sentirons descendre en nous l’Esprit divin avec ses sept dons. Or, ainsi que le remarquent les mystiques interprètes des rites de l’Église, la célébration de tant de merveilles ne nous demandera pas moins de sept semaines entières, de Pâques à la Pentecôte.

Après avoir jeté un regard d’espérance sur cet avenir consolateur qui nous attend, et qui pourtant n’est que la figure de cet autre avenir que le Seigneur nous prépare dans les splendeurs de son éternité, il nous faut revenir aux réalités présentes. Que sommes-nous ici-bas ? exilés, captifs, en proie à tous les périls que Babylone recèle. Si nous aimons la patrie, si nous avons à cœur de la revoir, nous devons rompre avec les faux attraits de cette perfide étrangère, et repousser loin de nous la coupe dont elle enivre un grand nombre de nos frères de captivité. Elle nous convie à ses jeux et à ses ris ; mais nos harpes doivent demeurer suspen­dues aux saules des rives de son fleuve maudit, jusqu’au signal qui nous sera donné de rentrer dans Jérusalem [6]. Elle voudrait nous engager à faire du moins entendre les chants de Sion dans sa profane enceinte, comme si notre cœur pouvait être à l’aise loin de la patrie, et quand nous savons qu’un exil éternel peut être la peine de notre infidélité ; mais comment pourrions-nous chanter les cantiques du Seigneur dans une terre étrangère [7] ? »

Tels sont les sentiments que la sainte Église cherche à nous inspirer durant ces longs jours de deuil, en appelant notre attention sur les dan­gers qui nous environnent, et au dedans de nous-mêmes et de la part des créatures. Dans tout le reste de l’année, elle nous provoque à répéter le chant du ciel, le divin Alleluia ! et voilà qu’aujourd’hui elle met la main sur notre bouche pour arrêter ce cri d’allégresse qui ne doit pas retentir dans Babylone. « Nous sommes en voyage, loin du Seigneur [8] » ; gardons nos cantiques pour le moment où nous arriverons près de lui. Nous sommes pécheurs, et trop souvent complices des profanes qui nous environnent ; purifions-nous par le repentir ; car il est écrit que « la louange du Seigneur perd toute sa beauté dans la bouche du pécheur [9]. »

Le trait le plus caractéristique de la sainte carrière où nous entrons est donc la suspension rigoureuse de l’Alleluia, qui ne doit plus se faire entendre sur la terre jusqu’au moment où, ayant participé à la mort du Christ, ayant été ensevelis avec lui, nous ressusciterons avec lui pour une vie nouvelle [10].

Le beau cantique des anges, Gloire à Dieu au plus haut des cieux, que nous avons fait retentir chaque dimanche, depuis la naissance du Rédempteur, nous est enlevé en même temps ; il ne nous sera permis de le répéter que les jours où l’on célébrera sur la semaine quelque fête en l’honneur des saints. L’office de la nuit, le dimanche, va perdre aussi jusqu’à la Pâque son magnifique hymne ambrosien, Te Deum laudamus. Lorsque le sacrifice sera achevé, le diacre ne congédiera plus l’assemblée des fidèles par ces solennelles paroles : Ite, Missa est ; il invitera seule­ment le peuple chrétien à continuer sa prière dans le silence, en bénis­sant le Dieu de miséricorde, qui a daigné ne pas nous rejeter malgré nos iniquités.

Après le graduel de la messe, à l’endroit où l’Alleluia, trois fois répété, préparait nos cœurs à s’ouvrir pour écouter la voix du Seigneur lui-même, dans la lecture de son saint évangile, nous entendrons l’expressive mélodie du Trait, qui rendra les sentiments de repentir, d’instante supplication, d’humble confiance, qui doivent être les nôtres en ces jours.

Afin que nos yeux aussi soient avertis que la période où nous entrons est un temps de deuil et de tristesse, la sainte Église revêtira, le diman­che et les jours où elle n’aura pas à fêter quelque saint, la sombre couleur violette. Elle laisse cependant encore, jusqu’au mercredi des Cendres, le diacre se parer de la dalmatique et le sous-diacre de la tuni­que ; mais, à partir de ce jour, ils devront déposer ces vêtements de joie, en attendant que l’austère Quarantaine, qui doit s’ouvrir alors, inspire à la sainte Église d’exprimer de plus en plus ses tristesses, par la suppres­sion de tout ce qui ressentirait encore en quelque chose la pompe dont elle aimait, en d’autres temps, à environner les autels du Dieu qu’elle adore.

 

Pratique du temps de la Septuagésime

Les joies du temps de Noël semblent avoir fui loin de nous. À peine avons-nous pu jouir quarante jours de l’allégresse que nous avait apportée la naissance de l’Emmanuel, et déjà le ciel de la sainte Église s’est assombri, et on nous annonce que bientôt il apparaîtra couvert de teintes plus lugubres encore. Avons-nous donc perdu pour jamais celui que nous attendîmes avec tant d’anxiétés et d’espérances durant les semaines mélancoliques de l’Avent ; et celui qui se montra enfin à nous comme le Soleil de justice, a-t-il donc détourné sa course, pour la diriger loin d’une terre coupable ?

Rassurons-nous. Le Fils de Dieu, le fils de Marie, ne nous a point quittés. Le Verbe s’est fait chair, et c’est afin d’habiter parmi nous. Une gloire plus grande encore que celle de sa naissance au milieu des concerts angéliques, lui est réservée, et nous devons la partager avec lui. Mais cette gloire, il doit l’acheter au prix de mille souffrances : il ne l’obtiendra que par la plus cruelle et la plus ignominieuse des morts ; et, si nous voulons avoir part au triomphe de sa résurrection, il nous faut le suivre dans la voie douloureuse qu’il arrose de ses larmes et qu’il teint de son sang.

Bientôt la voix sévère et maternelle de l’Église se fera entendre pour nous convier à la pénitence quadragésimale ; mais, auparavant, dans le cours rapide des trois semaines de préparation à ce laborieux baptême, elle veut que nous nous arrêtions à sonder la profondeur des plaies que le péché a faites à nos âmes. Rien n’égale, sans doute, les charmes et la douceur de l’enfant qui nous est né ; mais les leçons d’humilité et de simplicité qu’il nous a données ne suffisent plus aux besoins de nos âmes. Cette victime de la plus redoutable justice a crû rapidement ; déjà l’autel sur lequel on l’immolera se dresse ; et comme c’est pour nous qu’elle y doit expirer, le temps presse de nous demander compte à nous-mêmes des obligations que nous avons contractées envers cette justice qui s’apprête à sacrifier l’innocent à la place des coupables.

Le mystère d’un Dieu qui daigne s’incarner pour les hommes a ouvert pour nous les sentiers de la vie illuminative ; mais nos yeux sont appelés à contempler une lumière plus vive encore. Que notre cœur ne se trouble pas ; les divines merveilles de Bethléhem seront dépassées au jour de la victoire de l’Emmanuel ; mais notre œil, s’il veut contempler ces merveilles, a besoin de s’épurer, en plongeant sans faiblesse son regard jusqu’au fond de l’abîme de nos misères. La lumière de Dieu ne nous sera pas refusée pour accomplir cette œuvre de justice ; et si nous parvenons à nous connaître nous-mêmes, à nous rendre compte de la profondeur de la chute originelle, à apprécier la malice de nos fautes personnelles, à comprendre, du moins en quelque degré, l’immense miséricorde du Seigneur envers nous, c’est alors que nous serons prépa­rés aux salutaires expiations qui nous attendent, aux joies ineffables qui doivent les suivre.

Le temps où nous entrons est donc consacré aux plus graves pensées, et nous ne saurions mieux exprimer les sentiments que l’Église attend du chrétien dans cette partie de l’année, qu’en traduisant ici quelques traits de l’éloquente exhortation que, dans le 11e siècle, le grand Yves de Chartres adressait à son peuple, à l’ouverture de la Septuagésime. « L’apôtre l’a dit : « Toute créature gémit, et elle est dans les douleurs de l’enfantement. Nous-mêmes, qui avons les prémices de l’Esprit, nous gémissons aussi, attendant l’adoption des enfants et le rachat de notre corps [11]. Cette créature qui gémit, c’est l’âme retirée de la corruption du péché, et qui, déplorant son sort d’être assujettie encore à tant de vani­tés, souffre les douleurs de l’enfantement, aussi longtemps qu’elle est éloignée de la patrie. C’est le cri du psalmiste : Hélas ! pourquoi mon exil se prolonge-t-il [12] ? L’apôtre lui-même, qui avait reçu l’Esprit-Saint, étant l’un des premiers membres de l’Église, dans son anxiété de rece­voir en effet l’adoption des enfants que déjà il possédait en espérance, disait : Je voudrais mourir et être avec Jésus-Christ [13]. Nous devons donc durant ces jours, plus encore qu’en tout autre temps, nous livrer aux gémissements et aux larmes, pour mériter, par l’amertume et les lamentations de notre cœur, de retourner dans cette patrie dont nous exilèrent ces joies qui donnent la mort. Pleurons donc durant le voyage pour nous réjouir au terme ; parcourons l’arène de la vie présente, de manière à saisir au bout le prix de l’appel céleste. Ne soyons pas ces voyageurs insensés qui oublient leur patrie, s’attachent au lieu de l’exil et restent en route. Ne soyons pas ces malades insensibles qui ne savent pas chercher le remède à leurs maux. On désespère de la vie de celui qui n’a pas conscience de son mal. Courons au médecin du salut éternel. Découvrons-lui nos blessures ; faisons-lui entendre ce cri intime : Ayez pitié de moi, Seigneur, car je suis infirme : guérissez-moi, Seigneur, car tous mes os sont ébranlés [14]. C’est alors que notre médecin nous pardon­nera nos iniquités, qu’il guérira toutes nos langueurs, qu’il comblera tous nos désirs pour le bien. »

Comme on le voit, le chrétien au temps de la Septuagésime, s’il veut entrer dans l’esprit de l’Église, doit faire trêve à cette fausse sécurité, à ce contentement de soi qui s’établissent trop souvent au fond des âmes molles et tièdes, et n’y produisent que la stérilité. Heureux encore lors­que ces dispositions n’amènent pas insensiblement l’extinction du véri­table sens chrétien ! Celui qui se croit dispensé de cette vigilance conti­nuelle tant recommandée par le Sauveur [15], est déjà sous la main de l’ennemi ; celui qui ne sent le besoin d’aucun combat, d’aucune lutte pour se maintenir et pour cheminer dans le bien, à moins d’avoir été honoré d’un privilège aussi rare que dangereux, doit craindre de ne pas être dans la voie de ce royaume de Dieu qui ne s’enlève que de vive force [16] ; celui qui oublie les péchés que la miséricorde de Dieu lui a par­donnés, doit redouter d’être le jouet d’une illusion périlleuse [17]. Rendons gloire à Dieu dans ces jours que nous allons consacrer à la courageuse contemplation de nos misères, et venons puiser, dans la connaissance de nous-mêmes, des motifs nouveaux d’espérer en celui que nos faiblesses et nos fautes n’ont point empêché de s’abaisser jusqu’à nous, pour nous relever jusqu’à lui.

 

Pratique de la sainte communion
au temps de la Septuagésime

Nous l’avons dit précédemment, le chrétien auquel les fortes impres­sions du temps de la Septuagésime ont révélé plus clairement sa misère originelle et la malice de ses propres fautes, doit s’empresser d’autant plus ardemment d’assister au divin Sacrifice dans lequel est offerte l’Hostie du salut. Mais devra-t-il, parce qu’il s’en reconnaît plus indigne que jamais, s’abstenir de participer à la chair vivifiante et purifiante de cette victime universelle ? Telle n’est pas l’intention du Rédempteur, qui est descendu du ciel, non pour nous juger, mais pour nous sauver[18]. Il sait combien est longue et austère la voie qu’il nous reste à parcourir jusqu’au jour où nous nous reposerons avec lui dans les joies de sa Résurrection. Il a pitié de nous ; il craint de nous voir défaillir dans la route[19] ; et, pour cela, il nous offre l’aliment divin qui donne aux âmes lumière et force, et qui les soutient dans le labeur. Nous sen l’on s le besoin de nous purifier davantage ; allons donc, d’un cœur humble et contrit, à celui qui est venu pour rendre à nos âmes leur beauté pre­mière. En même temps, souvenons-nous de cet avertissement solennel qu’il a daigné nous donner : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez point la vie en vous[20]. »

Si donc le péché ne règne plus en nous, si nous l’avons effacé par une vraie contrition et une confession sincère, rendues efficaces par l’abso­lution du Prêtre, quelque grandes que nous apparaissent nos infirmités, ne nous éloignons pas du Pain de Vie[21] ; car c’est pour nous que la table du Seigneur est dressée. Si nous sen l’on s que les liens du péché nous captivent encore ; si, en réfléchissant sur nous-mêmes, au flambeau de la Vérité qui luit maintenant à nos yeux, nous découvrons dans nos âmes des taches que les préjugés mondains et une dangereuse mollesse nous avaient jusqu’ici empêché d’apercevoir, cherchons promptement la piscine du salut, et quand nous aurons fait notre paix avec le Dieu des miséricordes, hâtons-nous de venir recevoir le gage de notre réconcilia­tion.

Allons donc à la table sainte, en ces jours de la Septuagésime, avec le sentiment profond de notre indignité. Plus d’une fois peut-être nous y sommes-nous présentés, dans le passé, avec une familiarité trop grande, faute de comprendre assez notre néant, notre misère et la souveraine sainteté de celui qui s’unit ainsi à l’homme pécheur. Désormais, notre cœur se rendra plus de justice, et, réunissant dans un même sentiment l’humilité et la confiance, il répétera avec une entière sincérité ces paro­les que l’Église emprunte au Centurion de l’Évangile, et qu’elle nous invite à redire au moment où elle nous donne le Pain de Vie : « Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez en moi ; mais dites seulement une parole, et mon âme sera guérie »

Nous formulerons ici, selon notre usage, les Actes pour la prépa­ra­tion à la sainte Communion dans ce saint temps, à l’usage des personnes qui sentiraient le besoin d’être aidées en cette manière, et nous ajoute­rons, pour complément, les Actes de l’Action de grâces.

Avant la Communion

Acte de foi

La grâce insigne que vous m’avez accordée, ô mon Dieu, de me faire connaître les plaies de mon âme, m’a révélé toute la profondeur de mes maux. J’ai compris que je n’étais que ténèbres, et quel besoin j’avais de votre divine lumière. Mais si le flambeau de la foi a éclairé pour moi les tristes ombres de ma nature, il m’a fait voir aussi tout ce que votre amour pour une créature ingrate vous a fait entreprendre, dans le but de la relever et de la sauver. C’est pour moi que vous avez pris naissance dans une chair mortelle ; c’est pour moi que vous accomplissez en ce moment, dans le désert, un jeûne si rigoureux ; c’est pour moi que bientôt vous donnerez votre sang sur l’arbre de la croix : tels sont les prodiges de votre bonté que vous m’ordonnez de croire. Je les crois, ô mon Dieu, avec autant de soumission que de reconnaissance. Mais je crois aussi d’une foi non moins vive que dans peu d’instants, par le plus ineffable des mystères, vous allez venir vous unir à moi dans votre sacrement. Votre parole est formelle ; malgré le cri de mon indignité, je m’abaisse devant votre souveraine raison. Il n’y a rien de commun entre le Dieu de toute sainteté et ma misère coupable ; cependant, vous dites que c’est vous-même qui venez à moi. Je tremble, mais je crois en vous, ô Vérité éternelle ! Je confesse que votre amour pour moi est infini, et que rien ne saurait l’arrêter, quand il a résolu de se communiquer à une humble et infidèle créature.

Acte d’humilité

Lorsque naguère je vous contemplais, ô mon Dieu ! descendant des splendeurs de votre gloire au sein d’une fille des hommes, unissant à votre divine substance notre faible et mortelle nature, naissant enfin dans la crèche abandonnée d’une pauvre étable, de tels abaissements d’un Dieu, en même temps qu’ils touchaient mon cœur, me révélaient toute la profondeur de mon néant. Je sentais mieux quelle distance infi­nie sépare la créature de son Créateur, et je confessais avec bonheur ma bassesse, à la vue des miracles de votre amour. Aujourd’hui, ô mon Sau­veur, ce n’est plus seulement la faiblesse de ma nature que je reconnais en moi ; le néant n’est pas coupable de n’être que le néant ; mais ce que je considère avec effroi, c’est le mal qui m’a si longtemps dominé, qui règne encore par ses suites, par les tendances qu’il m’a inspirées, par la faiblesse avec laquelle je le combats. Adam, après son péché, alla se cacher, comme pour fuir vos regards ; et vous m’appelez en ce moment, non pour prononcer contre moi une trop juste sentence, mais pour me donner la plus grande marque de votre amour, pour m’unira vous. Et vous êtes, ô mon Dieu, la sainteté même ! Je me rends à votre appel, car vous êtes mon maître, et nul ne saurait vous résister ; mais je m’humilie et m’anéantis devant votre majesté offensée, la suppliant de considérer que c’est par ses ordres seulement que j’ose approcher d’elle.

Acte de contrition

Mais que me servirait de reconnaître, ô mon Sauveur, la grandeur et le nombre de mes fautes, si mon cœur n’était pas dans la résolution de s’en détacher pour jamais ? Vous voulez vous réconcilier avec votre ennemi, le presser contre votre cœur ; et il se contenterait de reconnaître l’honneur que vous lui faites, sans rompre avec la malheureuse cause qui lui fit encourir votre disgrâce et le mit en hostilité avec vous ! Il n’en peut être ainsi, ô mon Dieu 1 Je ne chercherai pas, comme mon premier père, à fuir inutilement l’œil de votre justice ; comme le Prodigue, je me lève et je vais vers mon Père ; comme Madeleine, j’ose entrer dans la salle du festin ; je me rends tout tremblant à l’invitation de votre amour. Mais mon cœur a renoncé sincèrement au péché ; je hais, je déteste cet ennemi de votre gloire et de mon bonheur. Désormais, je veux l’éviter et le poursuivre en moi sans ménagement. Je romps avec cette mollesse qui engourdissait ma volonté, avec cette indifférence calculée qui endormait ma conscience, avec ces habitudes dangereuses qui entraî­naient mon âme loin de vous. Ne rejetez pas, ô mon Dieu, un cœur contrit et humilié.

Acte d’amour

Tel est, ô mon Sauveur, votre amour pour nous en ce monde, que, selon votre consolante promesse, vous n’êtes pas venu pour juger, mais pour sauver. Je ne m’acquitterais donc pas avec vous, en ce moment, si je n’avais à vous offrir que cette crainte si salutaire qui m’a ramené à vous, que cette confusion si légitime qui porte le pécheur à trembler en votre présence. C’est dans votre amour que vous venez me visiter. Le sacrement qui va m’unir à vous est le sacrement de votre amour. Vous l’avez dit, ô Pasteur plein de tendresse : C’est celui à qui on a remis davantage qui aime le plus son bienfaiteur. Il faut donc que mon cœur ose vous aimer, qu’il vous aime avec plénitude, que le souvenir de ses infidélités accroisse de plus en plus en lui le besoin et le sentiment de votre amour. Aidez-le, ô mon Dieu, rassurez-le ; chassez ses terreurs, et faites-vous sentir à lui. C’est parce qu’il vous a craint, qu’il s’est tourné vers vous ; s’il vous aime, il vous demeurera fidèle.

Ô Marie, refuge du pécheur, aidez mon cœur à aimer celui qui est votre fils et notre frère. Saints anges, qui vivez éternellement de cet amour qui ne s’est jamais éteint en vous, souvenez-vous qu’il m’a créé, comme vous-mêmes, pour l’aimer. Saints et Saintes, par l’amour dont il vous enivre au ciel, daignez vous souvenir de moi, et préparer mon cœur à s’unir à lui.

Après la Communion

Acte d’adoration

Vous êtes en moi, Majesté de mon Dieu ! Vous résidez en ce moment dans le cœur d’un pécheur : c’est là votre temple, votre trône, le lieu de votre repos. Que ferai-je pour vous adorer dignement, vous qui avez daigné descendre jusque dans l’abîme de ma bassesse et de ma misère ? Les Esprits bienheureux se voilent la face devant vous ; vos Saints dépo­sent à vos pieds leurs couronnes immortelles ; et moi, qui suis encore dans la condition de pécheur, puis-je m’anéantir assez devant vous, qui êtes infini en puissance, en sagesse, en bonté ? Cette âme, dans laquelle vous résidez en ce moment, osa se mesurer avec vous ; souvent elle eut l’audace de vous désobéir et d’enfreindre vos volontés ; et vous venez en elle, et vous y faites descendre toutes vos grandeurs ! Recevez, ô mon Dieu ! l’hommage qu’elle vous offre en cette heure où elle succombe sous le poids de l’insigne honneur que vous lui faites. Oui, mon Dieu, je vous adore, je vous reconnais pour le souverain Être, pour l’auteur et Je conservateur de toutes choses, pour mon Maître absolu ; je confesse avec bonheur ma dépendance, et j’ose vous offrir mon humble service.

Acte de remerciement

Vous êtes grand, ô mon Dieu ! mais vous êtes aussi plein de bonté envers votre humble créature. Votre présence en moi n’est pas seule­ment un trait de cette puissance qui se glorifie de la manière qu’elle veut ; elle est un nouveau gage de votre amour pour moi. Vous venez vous unir à mon âme, la rassurer, la rémunérer, lui apporter tous les biens. Oh ! qui me donnera de sentir un tel bienfait, de vous en remer­cier dignement ? Je ne le puis faire, ô mon Dieu ! car, dans ma faiblesse, je suis incapable de mesurer toute l’étendue de votre amour, tout le besoin que j’avais de votre présence. Et si je viens à considérer les moyens qui sont à ma disposition pour reconnaître la faveur que vous me faites, je tombe accablé sous mon impuissance. Cependant vous voulez, ô mon Dieu, que ce cœur, tout faible qu’il est, vous rende grâces ; vous prenez plaisir à recevoir l’hommage de sa chétive reconnaissance. Agréez-le donc ; mon âme tout entière vous l’offre, en vous suppliant de lui révéler de plus en plus l’immensité de.vos dons, et de prendre pitié de son insuffisance.

Acte d’amour

Mais je ne puis m’acquitter avec vous que par l’amour, ô mon souve­rain bien ! Vous m’avez aimé, vous m’aimez ; il faut que je vous aime. Vous m’avez supporté, vous m’avez pardonné, vous venez de me com­bler d’honneur et de richesse : l’amour vous a fait accomplir tous ces prodiges, et c’est mon amour que vous demandez en retour du vôtre. La reconnaissance ne suffit pas ; vous voulez être aimé. Si je jette un regard sur le passé, ces longs jours qui s’écoulèrent loin de vous dans la déso­béissance se présentent à ma pensée, et il me semble que je devrais fuir vos bontés. Mais où irai-je, ô mon Dieu, que je ne vous y porte avec moi, maintenant que vous êtes établi au centre de mon âme ? Je resterai donc ; et, comme si jamais je ne vous eusse trahi, je réunirai toutes les forces de mon cœur, pour vous dire que je vous aime, que votre divine charité a rassuré mon âme, que cette âme est à vous, qu’elle vous préfère à tout, qu’elle met désormais toute sa joie, tout son bonheur, à vous complaire, à faire vos volontés.

Acte d’offrande

Je sais, ô mon Dieu, que ce que vous demandez de moi, ce n’est pas l’effusion passagère d’un cœur touché de vos bontés. Vous m avez aimé de toute éternité, vous m’avez gardé votre prédilection, alors même que je ne vous servais p ; s. Tant de lumières que vous m’avez données sur l’état de mon âme, tant e protection contre votre propre justice, tant de miséricorde à me pardonner, tant d’amour a vous incliner vers moi en ce moment ; toutes ces œuvres de votre droite n’avaient qu’un seul but : celui de m’attacher à vous, de m’amener à vivre enfin pour vous. Ce but, vous avez voulu l’atteindre, en me donnant aujourd’hui le précieux gage de votre amour. Vous avez dit, en parlant de ce don ineffable : De même que je vis par mon Père, ainsi celui qui mange ma chair vivra par moi. Vous êtes désormais, ô Pain vivant descendu du ciel, le principe de ma vie : elle est donc à vous, plus que jamais. Je vous la donne ; je vous dévoue mon âme, mon corps, mes facultés, mon existence tout entière. Dirigez-moi, réglez-moi : je m’abandonne à vous. Je suis aveugle, mais votre lumière me conduira ; je suis faible, mais votre force me soutien­dra ; je suis inconstant, mais votre fermeté me maintiendra. Je me repose de tout sur votre miséricorde, qui ne manque jamais à ceux qui espèrent en vous.

Ô Marie ! gardez en moi le fruit de cette visite de votre divin fils. anges de Dieu, montrez-vous jaloux de conserver intacte la demeure que votre Maître a daigné habiter. Saints et Saintes de Dieu, priez pour le pécheur auquel il a donné un tel gage de réconciliation.

 

 

[1]     Ratramn. Contra Graecorum opposita, Lib. 4, cap. 4.
[2]     Grég. Homil. 16 in Évangél.
[3]     Maxim. Taurin. Hom. 36.
[4]     Serm. 13.
[5]     Cap. Hi duo, De consec. Dist. 1.
[6]     Psalm. 125.
[7]     Psalm. 136.
[8]     2 Cor. 5, 6.
[9]     Eccli. 15, 9.
[10]    Coloss. 2, 12.
[11]    Rom. 8, 22.
[12]    Psalm. 119.
[13]    Philip. 1, 23.
[14]    Psalm. 6.
[15]    s. Marc 13, 37.
[16]    s. Matth. 11, 12.
[17]    Eccli. 5, 5.
[18] S. Jean 3, 19
[19] S. Mt 15, 32
[20] S. Jean 6, 54
[21] S. Jean 6, 35