Dédicace des églises

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
La fête de la dédicace des églises

Domum Dei decet sanctitudo : Sponsum ejus Christum adoremus in ea [1]. C’est la formule invitatoire où se précise la pensée liturgique du jour. « Il convient que soit sainte la maison de Dieu : adorons en elle le Christ, son Époux. » Quel est le mystère de cette maison en même temps épouse ?

Saintes, nos églises le sont par leur appartenance à Dieu, par la célébration du Sacrifice, par la prière et la louange offertes en elles à l’hôte divin. À meilleur titre que le tabernacle figuratif ou l’ancien temple, leur dédicace les a solennellement, pour toujours, séparées de toute demeure d’hommes, élevées au-dessus de tout palais de la terre. Mais nonobstant les rites dont la magnificence emplit leur enceinte au jour de la consécration qui les voue à Dieu, sous l’huile sainte dont demeurent à jamais imprégnés leurs murs, elles-mêmes n’en restent pas moins dépourvues de sentiment et de vie.

Qu’est-ce à dire donc, sinon que cette sublime fonction de la dédicace des églises, comme aussi la fête destinée à en perpétuer le souvenir, ne s’arrêtent pas au sanctuaire bâti par nos mains, mais s’élèvent à de vivantes et plus augustes réalités ? La principale gloire du noble édifice sera d’en symboliser la grandeur. L’humanité s’initiera sous l’ombre de ses voûtes à d’ineffables secrets, dont le mystère se consommera par delà le monde, au plein jour du ciel. Entendons sur ce point la doctrine.

Dieu n’a qu’un sanctuaire vraiment digne de lui : sa propre vie divine ; le tabernacle dont il est dit qu’il s’entoure [2] quand il incline les cieux [3], épaisses ténèbres [4] aux yeux mortels, inaccessible lumière [5] où habite dans sa gloire la tranquille Trinité. Pourtant, ô Dieu très haut, cette vie divine que ne sauraient abriter dignement les cieux mêmes [6] et bien moins la terre, vous daignez la communiquer à nos âmes, et ce faisant, rendre l’homme participant de votre nature [7]. Nul obstacle dès lors qu’en lui, comme par delà tous les cieux, ne réside la Trinité sainte. Ainsi dès le principe [8], comme loi du monde en formation [9], pouviez-vous déclarer à l’abîme, à la terre, aux cieux, que vos délices seraient d’être avec les fils des hommes [10].

Quand fut venue la plénitude des temps, Dieu en effet envoya son Fils [11], le faisant fils d’Adam, pour que dans l’homme habitât corporellement la plénitude entière de la divinité [12]. À dater de ce jour, la terre l’emporta sur le ciel. Tout chrétien participa du Christ et, devenu la demeure de l’Esprit-Saint [13], porta Dieu dans son corps [14]. Le temple de Dieu est saint, disait l’Apôtre, et ce temple, c’est vous [15] : c’est le chrétien ; c’est aussi l’assemblée chrétienne.

Le Christ appelant l’humanité entière à participer de sa plénitude [16], l’humanité à son tour compléta le Christ [17]. Elle fut l’os de ses os, la chair de sa chair [18], un seul corps [19], formant avec lui l’hostie qui doit brûler du feu de l’amour éternellement sur l’autel des cieux ; ce pendant qu’il était la pierre d’angle sur laquelle, autres pierres vivantes [20], l’assemblée des prédestinés s’éleva par les soins des architectes apostoliques [21] en un temple saint du Seigneur [22]. Ainsi l’Église est l’Épouse, et par le Christ et avec lui la Maison de Dieu.

Elle l’est dès ce misérable monde, où s’accomplit, dans le labeur et la souffrance, la taille des pierres élues, successivement posées au lieu prévu par le plan divin [23]. Elle l’est dans la félicité au ciel, où le temple éternel s’accroît de toute âme envolée d’ici-bas, en attendant qu’achevé par l’accession de nos corps immortels, il soit dédié par notre grand Pontife au jour de l’incomparable dédicace qui clora les temps [24] : remise solennelle du monde racheté et sanctifié au Père qui lui donna son Fils [25], à Dieu devenu tout en tous [26].

Alors il apparaîtra que l’Église fut bien l’archétype montré d’avance sur la montagne [27], et dont tout autre sanctuaire fait de main d’hommes ne pouvait être que la figure ou l’ombre [28]. Alors la prophétie de Jean le bien-aimé sera réalisée : J’ai vu la sainte cité, la nouvelle Jérusalem, qui descendait des cieux, parée comme une épouse ornée pour son époux ; et j’entendis une grande voix qui venait du trône et disait : C’est ici le tabernacle de Dieu [29].

Aussi convenait-il que cette fête illuminât des premiers rayons de l’éternité le Cycle expirant. C’est un des anges chargés des coupes remplies de la colère de Dieu qui montre à l’Évangéliste-prophète l’Épouse de l’Agneau sous l’éclat de sa riche parure [30] ; que l’espérance de la contempler dans sa gloire soit également pour nous le réconfort des jours mauvais. L’attente de son apparition prochaine animera les justes au temps des derniers combats.

Mais dès maintenant, fils de l’Épouse, applaudissons à notre Mère [31] ; que ce jour très cher à son cœur [32] soit pour nous l’égal des plus augustes solennités. Car il rappelle et sa naissance du côté de l’Adam céleste, et la consécration bienheureuse formant son titre aux complaisances du Père, à l’amour du Fils, aux largesses du divin Esprit.

Aux premières vêpres

Lorsque, au commencement du siècle dernier, les églises de France furent rendues au culte, le Saint-Siège voulut qu’une fête générale de la Dédicace remplaçât désormais la solennité locale qui s’était célébrée jusque-là pour chacune à l’anniversaire même de sa consécration. Les honneurs du rit Double de première classe lui furent conservés, montrant bien qu’elle n’avait rien perdu de son importance aux yeux du premier Siège. Sa fixation permanente au dimanche garantissait aux populations le bénéfice du retour annuel des enseignements sublimes où se complaisaient nos pères ; et le choix de ce dimanche, à la suite de l’octave de la Toussaint, faisait d’elle comme l’auguste complément de cette dernière, l’épanouissement glorieux du Cycle entier.

L’office et la messe qui vont suivre constituent le Commun de la Dédicace au cours de l’année. Ils reparaissent en ce mois même, dans la sainte liturgie, pour célébrer la Dédicace de la Basilique du Sauveur au Latran, et celle des Basiliques de saint Pierre et de saint Paul au Vatican et sur la voie d’Ostie.

Les vêpres

L’Église, qui va chanter dans le psaume 109 le Pontife éternel, est tout d’abord saisie du sentiment de la sainteté que réclame cette maison du Seigneur où elle a convoqué ses fils, où s’offre à Dieu le grand Sacrifice. La première antienne est tirée du psaume 92 [33], qu’elle accompagne de même à l’office des laudes.

  1. Ant. Seigneur, il convient que votre maison soit à jamais sainte.

Psaume 109. Dixit Dominus

Oui ; cette maison est sainte : maison de la prière est le nom que lui donnent tous les peuples. Isaïe l’avait annoncé [34] ; l’Homme-Dieu le rappela aux vendeurs du temple [35].

  1. Ant. Ma maison s’appellera la maison de la prière.

Psaume 110. Confitebor tibi, Domine

Maison de Dieu ! ce mot, l’Église aime à le redire ; et voici qu’il la fait se souvenir du texte évangélique où Jésus compare l’homme qui écoute ses paroles, et les met en pratique, à celui qui bâtit sa maison sur la pierre [36]. Déjà l’on pressent qu’un rapprochement s’opère, dans la pensée de l’Église, entre l’édifice sacré dont elle exalte la stabilité sainte et le fidèle lui-même.

  1. Ant. C’est ici la maisons du Seigneur ; elle est bâtie solidement, bien établie sur la pierre ferme.

Psaume 111. Beatus vir

Les chants s’élèvent ; l’extase se trahit dans la reprise enthousiaste par la quatrième antienne des expressions de la précédente ; nul doute maintenant que l’Église illuminée n’ait plus en vue seulement ces murs qui tomberont un jour : pour elle la pierre ferme est le Christ, la maison l’assemblée des élus [37].

  1. Ant. Bien établie sur la pierre ferme est la maison du Seigneur.

Psaume 112. Laudate pueri

Et ravie par delà le monde, l’Église interpelle en son admiration la glorieuse demeure que le Seigneur Époux se construit au ciel, de pierres précieuses exclusivement, de gemmes vivantes qui formeront les tours de la Sion nouvelle [38].

  1. Ant. Tous v0s murs seront de pierres précieuses, et vos tours seront bâties en perles, ô Jérusalem!

Psaume 147

Jérusalem, chantez le Seigneur ; Sion, chantez votre Dieu.

C’est lui qui fortifie les serrures de vos portes ; il bénit les fils nés en votre sein.

Il a placé la paix sur vos frontières ; il vous nourrit de la fleur du froment.

Il envoie son Verbe à la terre ; sa parole parcourt le monde avec rapidité.

Il donne la neige comme des flocons de laine ; il répand les frimas comme la poussière.

Il envoie le cristal de la glace semblable à un pain léger : qui pourrait résister devant le froid que son souffle répand ?

Mais bientôt il envoie son Verbe, et cette glace si dure se fond à sa chaleur : l’Esprit de Dieu souffle, et les eaux reprennent leur cours.

Il a donné son Verbe à Jacob, sa loi et ses jugements à Israël.

Il n’a point traité de la sorte toutes les nations, et ne leur a pas manifesté ses décrets.

Mais cette nouvelle Sion, c’est l’Église même ! Car qui donc, autre qu’elle, est l’Épouse ? et, au capitule, Jean nous montre la cité sainte descendant du ciel parée comme une épouse pour son époux.

Capitule (Apoc. 21)

J’ai vu la sainte cité, la nouvelle Jérusalem, qui descendait des cieux, venant de Dieu parée comme une épouse ornée pour son époux.

Le 7e siècle où s’accomplit, on s’en souvient, la solennelle dédicace du Panthéon qui donna naissance à la fête de tous les Saints, nous a légué, pour chanter les mystères du présent jour, une très suave composition d’où furent tirées les hymnes des vêpres et des laudes. On la trouvera plus loin dans son texte primitif et dans son entier.

Hymne

Jérusalem, céleste cité, bienheureuse vision de la paix, bâtie de pierres vivantes vous vous élevez jusqu’aux astres, entourée de milliers d’Anges qui vous font un cortège d’épousée.

Dotée par le Père de sa gloire, la grâce de l’Époux est sur vous répandue ; Reine de toute beauté, que le Christ Roi s’est unie : combien heureux est votre sort d’Épouse, resplendis­sante cité des cieux !

Faites de perles brillantes, vos portes demeurent ouvertes pour tous ; car c’est vers elles que la vertu conduit le mortel qui la prend pour guide, quiconque pressé de l’amour du Christ supporte ici-bas des tourments.

Il faut que toute pierre, pour entrer dans vos murs, se livre à l’ouvrier qui la polit sous les coups répétés du marteau, du ciseau salutaire ; il faut qu’elle s’appareille et se laisse fixer, pour y trouver place honorable.

Soit en tout lieu rendu l’honneur au Père, au Fils unique du Père, au glorieux Paraclet ; soit au Très-Haut louange, puissance, gloire à jamais durant les siècles.

Amen.

V/. C’est ici la maison du Seigneur ; elle est bâtie solidement, R/. Bien établie sur la pierre ferme.

Quand Salomon dédia le temple, il rappela au ciel les antiques promesses concernant le lieu que Jéhovah devait choisir pour y placer son Nom [39]. Nos églises l’emportent sur l’ancien temple, ayant mieux en elles que le simple Nom du Seigneur ; et tout chrétien est aujourd’hui la demeure de Dieu. Combien mieux encore, combien excellemment Marie, le tabernacle prédestiné, sanctifié, dédié dès sa première origine au Dieu qui prit chair en elle, et commença ainsi d’habiter parmi nous [40] ! Rendons grâces et pour elle et pour nous, en chantant son divin cantique.

Antienne de Magnificat

Le Seigneur a sanctifié son tabernacle ; car c’est ici la maison de Dieu, dont le nom y sera invoqué, selon qu’il est écrit : Là sera mon nom, dit le Seigneur.

Le cantique Magnificat

Oraison

Ô Dieu qui ramenez chaque année le jour de la consécration de ce saint temple, et faites que la célébration des mystères sacrés nous y trouve encore de ce monde : exaucez les prières de votre peuple, et accordez que quiconque viendra dans ce temple solliciter vos bienfaits, ait la joie de se voir pleinement exaucé. Par Jésus-Christ.

La consécration des églises

Le nom d’église donné au temple chrétien lui vient de l’assemblée des baptisés fréquentant ses parvis. C’est à la sanctification du même peuple élu dans ses phases successives, que la dédicace de l’édifice sacré emprunte l’inspiration et la trame qui font d’elle une des plus augustes fonctions de la liturgie.

Que nous représente, dès l’abord, ce temple aux murailles nues, aux portes closes, sinon l’humanité, faite pour Dieu et pourtant vide de lui depuis le péché d’origine ? Mais les héritiers de la promesse se sont gardés de la désespérance : ils ont jeûné ; ils ont prié dans la nuit. Le matin les retrouve faisant monter vers Dieu la supplication des psaumes de pénitence qu’inspirèrent au Prophète-roi son châtiment et son repentir.

Or voici qu’avec l’aube, sous la tente abritant ces prières d’exilés [41], est apparu le Verbe Sauveur ; c’est Lui que nous montre, en effet, la personne du pontife revêtant les insignes de son ministère, comme Lui revêtit notre nature [42]. Et Dieu fait homme s’unit à la prière des autres hommes ses frères ; et les ramenant devant le temple fermé toujours, il se prosterne comme eux, redouble avec eux de supplications.

Autour du noble édifice inconscient de ses destinées, se dessine alors la patiente stratégie à laquelle Dieu veut que se prêtent sa grâce et les ministres de sa grâce, entreprenant le siège des âmes perdues. Par trois fois, le Pontife fait le tour des murailles et tente de forcer ces portes obstinément closes ; mais son investissement est tout de prières au ciel, sa force toute de persuasion miséricordieuse et respectueuse de l’humaine liberté : Ouvrez-vous, portes, et le Roi de gloire entrera [43].

L’infidèle cède enfin ; l’entrée du temple est conquise. Paix éternelle à cette maison au nom de l’Éternel [44] ! Tout cependant n’est pas fini, mais plutôt commence : de l’édifice, profane encore, reste à faire une demeure digne de Dieu. Introduit dans la place, le Pontife prie toujours.

L’humanité, dont la future église sera le symbole, absorbe sa pensée. Il sait que, depuis si longtemps déchue, l’ignorance est son premier mal. Se levant donc, avec la crosse épiscopale il trace sur deux lignes de cendres qui se dirigent transversalement d’une extrémité à l’autre du temple, et se croisent au milieu de la grande nef, l’alphabet grec et l’alphabet latin : premiers éléments [45] des deux langues principales où se conservent pour nous la Tradition et l’Écriture ; ils sont tracés avec l’aide du bâton pastoral sur la cendre et la croix, parce que la science sacrée nous vient de l’autorité doctrinale, qu’elle n’est comprise que des humbles et qu’elle se résume dans Jésus crucifié [46].

Éclairée maintenant comme le catéchumène, comme lui l’humanité demande avec le temple à être purifiée. Le Pontife s’inspire des plus hautes données du symbolisme chrétien, pour parfaire l’élément de cette purification qui lui tient à cœur ; il y mêle l’eau et le vin, la cendre et le sel, qui figurent l’humanité et la divinité du Sauveur, sa mort et sa résurrection. En la manière que le Christ nous précéda dans les eaux du baptême au Jourdain [47], les aspersions commencent par l’autel, qui le représente, et se poursuivent dans l’édifice entier. Primitivement, c’était alors que non seulement tout l’intérieur et le pavé du temple, mais aussi l’extérieur des murailles, et jusqu’aux toits en certains lieux [48], se voyaient inondés de la pluie sanctifiante qui chasse le démon, donne cette demeure à Dieu, la prépare aux faveurs qui vont suivre.

Dans l’ordre des opérations du salut, l’eau appelle l’huile, qui confère au chrétien par le deuxième sacrement la perfection de son être surnaturel, qui fait aussi les rois, les prêtres et les pontifes. À tous ces titres, l’huile sainte à son tour coule à flots sur l’autel, qui est le Christ chef, Pontife et Roi ; pour de lui, comme avait fait l’eau, gagner les murs, l’Église entière. Vraiment, en effet, le temple est-il digne de ce nom d’Église désormais ; car ainsi baptisées, ainsi consacrées avec l’Homme-Dieu dans l’eau et l’Esprit-Saint, les pierres dont il est bâti représentent au vif l’assemblée des élus [49], liés entre eux comme avec la pierre divine par l’indestructible ciment de l’amour.

Jérusalem, loue le Seigneur ; loue ton Dieu, ô Sion [50] ! Les chants sacrés, qui, depuis le commencement de l’auguste fonction, n’ont point cessé d’en relever les sublimes développements, redoublent d’enthousiasme ; et atteignant le sommet du mystère, dans l’Église si intimement associée à l’Autel ils saluent l’Épouse de l’Agneau [51]. De cet Autel l’encens s’élève en tourbillons qui, montant jusqu’aux voûtes et parcourant les nefs, imprègnent le temple entier des parfums de l’Époux. Et voici que s’avancent les sous-diacres de la sainte Église, présentant à la bénédiction du Pontife les dons faits à l’Épouse en ce grand jour, les vêtements précieux qu’elle-même a préparés pour elle et pour le Seigneur.

Alors seulement [52], aux premiers siècles du moyen âge, avait lieu la triomphale translation des reliques destinées à entrer dans l’autel, et qui étaient demeurées jusque-là sous la tente de l’exil ; c’est toujours, en Orient, le couronnement de la consécration des églises [53]. Je vais vous préparer une place, disait l’Homme-Dieu ; et quand je l’aurai préparée, je reviendrai vous prendre avec moi, afin que là où je suis vous soyez vous-mêmes [54]. Chez les Grecs, le Pontife dépose les saintes reliques sur le disque sacré [55], et les porte élevées au-dessus de sa tête, « honorant à l’égal des redoutables Mystères ces restes précieux, parce que l’Apôtre a dit des fidèles : Vous êtes le corps du Christ et ses membres [56]. » En Occident, jusqu’au 13e siècle et plus tard, on scellait dans l’autel avec les Saints le Seigneur lui-même en son corps eucharistique. C’était « l’Église unie au Rédempteur, l’Épouse à l’Époux, » dit saint Pierre Damien [57] ; c’était la consommation finale, le passage du temps à l’éternité.

À la messe

Toute au souvenir du jour qui fît d’elle l’objet des divines prédilections, la Maison de Dieu renouvelle sa jeunesse sous l’éclat des plus riches parures. La couleur blanche de ses ornements montre en elle l’Épouse. Comme au moment où l’effusion du chrême l’ennoblit pour jamais, les douze flambeaux, symboles de la lumière apostolique, illuminent sur ses murs consacrés les douze croix qui témoignent de son titre aux faveurs du ciel.

Nos églises sont pour les Anges le point d’aboutissement du ciel en terre ; et c’est pourquoi l’introït s’inspire des paroles de Jacob, au sortir de la vision où lui était apparue l’échelle mystérieuse par où montaient et descendaient les célestes messagers [58]. Le verset, tiré des psaumes [59], chante à la fois le temple d’ici-bas et celui des cieux. « N’est-ce donc pas là le royaume que vous m’avez promis, mon Père? » s’écriait Clovis ébloui, à sa première entrée dans l’église Sainte-Marie de Reims ; et Rémi répondait : « C’est l’entrée du chemin qui doit t’y conduire. »

Introït

Ce lieu est terrible : c’est la maison de Dieu et la porte du ciel : on l’appellera la demeure de Dieu. Ps. Qu’ils sont aimés vos tabernacles, ô Seigneur des armées ! mon âme défaille en ses aspirations vers les parvis du Seigneur. Gloire au Père. Ce lieu.

Le Saint-Siège, en étendant le bénéfice de cette fête aux églises qui ne sont pas consacrées, n’a pas cru devoir modifier pour celles-ci la collecte. Soit que l’on admette alors une communication de privilège entre l’Église cathédrale de chaque diocèse et ses filles moins honorées ; soit que l’on s’attache au sens pleinement universel exposé ci-dessus, et dans lequel tout édifice réservé au culte divin n’est que le symbole d’un temple plus auguste, le même en tous lieux : action de grâces est due à Celui qui nous donne de pouvoir goûter encore cette année les joies d’une si grande solennité. La vie prolongée, la santé conservée, sont des bienfaits de Dieu qu’il est juste de reconnaître ; l’en remercier dans sa maison, c’est le disposer à nous exaucer quand nous reviendrons implorer quelque autre bénédiction du corps et de l’âme, en ce lieu où il daigne écouter toute demande de son peuple [60].

Collecte

Ô Dieu qui ramenez chaque année le jour de la consécration de ce saint temple, et faites que la célébration des mystères sacrés nous y trouve encore de ce monde : exaucez les prières de votre peuple, et accordez que quiconque viendra dans ce temple solliciter vos bienfaits, ait la joie de se voir pleinement exaucé. Par Jésus-Christ.

Épître
Lecture du livre de l’Apocalypse du bienheureux Jean, Apôtre. Chap. 21

En ces jours-là, j’ai vu la sainte cité, la nouvelle Jérusalem, qui descendait des cieux, venant de Dieu, parée comme une épouse ornée pour son époux. Et j’entendis une grande voix qui venait du trône et disait : C’est ici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il habitera avec eux. Et ils seront son peuple, et lui-même demeurant avec eux sera leur Dieu ; et Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux ; et ni mort, ni deuil ne seront plus ; plus de cris, plus de souffrance : tout le passé s’en est allé. Et celui qui était assis sur le trône dit : Voici que je fais toutes choses nouvelles.

Nous ne devons pas oublier que les magnificences de l’Église des cieux sont déjà, moins la vision qui nous en est différée, celles de l’Église de la terre, sans plus tarder toute belle et sainte, vraiment Épouse, et à ce titre attirant Dieu qui par elle demeure avec nous. Les prophètes d’Israël n’usèrent point d’autres expressions que le disciple bien-aimé ne fait en ces lignes, quand ils annoncèrent la substitution ici-bas d’une autre Jérusalem à l’infidèle Sion.

« Voici que je crée des cieux nouveaux et une terre nouvelle, dit le Seigneur, et l’on ne se souviendra plus du passé ; je prendrai mes délices en Jérusalem : plus de cris ni de pleurs, plus que joie pour mon peuple [61]. Car ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu [62]. — Cité de Dieu, loue le Seigneur : il relèvera son tabernacle en toi. Tu brilleras d’une lumière éclatante, et les nations viendront des extrémités de la terre, apportant leurs dons, adorant en toi le Seigneur. Les portes de Jérusalem seront bâties de saphirs et d’émeraudes ; l’enceinte entière de ses murailles sera de pierres précieuses ; blanches et belles seront les pierres qui paveront ses places publiques, et l’on chantera l’Alleluia dans ses rues [63]. »

Faisons donc fête à l’Église militante aujourd’hui, non moins qu’à la triomphante ; renouvelons pour elle notre vénération, notre dévouement, notre amour. « Réjouissez-vous avec Jérusalem, et tressaillez en elle, vous tous qui l’aimez ; que ses allégresses comme ses deuils soient les vôtres : abreuvez-vous avec délices au sein de sa consolation ; que votre joie grandisse en la mesure où déborde sa gloire [64]. » Ainsi chantait le prince des prophètes, à qui la maison de Dieu fut montrée reparaissant dans le lointain des âges au sommet des monts, sur les collines de la gentilité [65]. Et de l’altière Ninive qui retenait Israël captif, le vieux Tobie, lui faisant écho, se proclamait bienheureux de l’espoir que quelqu’un de sa race vivrait assez pour contempler les gloires de la Sion nouvelle [66] ; il ajoutait : « Que maudits soient tes contempteurs, et bénis ceux qui te construisent ; heureux tous ceux qui t’aiment et que réjouit ta paix [67] ! » Disons nous-mêmes : « Béni soit le Seigneur qui l’a exaltée ! qu’il règne en elle dans les siècles des siècles [68]. »

Les ineffables sentiments qui remplissent l’âme de la sainte Église se font jour, au graduel, dans une des plus admirables mélodies qui soient au répertoire grégorien. Le verset d’Alleluia est tiré du psaume 137.

Graduel

Ce lieu a été fait par Dieu, inestimable mystère ! il est sans nul reproche. V/. O Dieu devant qui se tient le chœur des Anges, exaucez les prières de vos serviteurs. Alleluia, alleluia. V/. J’adorerai dans votre saint temple, et louerai votre nom.  Alleluia.

Évangile
La suite du saint évangile selon saint Luc. Chap. 19

En ce temps-là, Jésus étant entré dans Jéricho marchait par la ville. Et voici qu’un homme du nom de Zachée, qui était riche et chef des publicains, cherchait à voir Jésus pour le connaître. Mais il ne pouvait y parvenir à cause de la foule ; car il était de petite taille. Courant donc devant, il monta sur un sycomore pour le voir, en un endroit où il devait passer. Et Jésus, y étant arrivé, leva les yeux, et l’ayant vu lui dit : Zachée, hâtez-vous de descendre ; car c’est dans votre maison que je dois demeurer aujourd’hui. Lui donc, descendant vite, le reçut avec joie. Or à cette vue, tous murmuraient, disant qu’il était allé loger chez un pécheur. Mais Zachée, se tenant debout devant le Seigneur, lui dit : Seigneur, je donne la moitié de mes biens aux pauvres ; et si j’ai fait tort à quelqu’un en quelque chose, je lui rends le quadruple. Jésus lui dit : Le salut est entré aujourd’hui dans cette maison, parce que celui-là aussi est fils d’Abraham. Car le Fils de l’homme est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu.

Les Grecs chantent, à la messe qui suit la dédicace de leurs églises, l’évangile où l’Homme-Dieu dit à Simon fils de Jean : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle [69]. Digne complément des symboliques leçons d’un aussi grand jour ; le schisme qui nous l’apporte est loin d’en diminuer la saveur. Saluons la pierre apostolique, dont la pose en notre Occident montra les races latines prédestinées à demeurer, jusqu’à la fin, la carrière d’où seraient tirés les plus nobles matériaux du temple éternel. Toutefois, ce fut à d’autres textes du livre sacré que nos pères empruntèrent la lecture évangélique du jour.

La comparaison établie par le Christ entre le fidèle et l’homme qui bâtit lui aussi sa maison sur la pierre [70], fixa le choix de quelques églises ; on a vu qu’elle inspire encore plus d’une antienne et d’un verset de l’office. Rome cependant, capitale des nations, préféra le récit de saint Luc où Jésus déclare prendre la maison de Zachée pour demeure. La maison que le Seigneur daignait faire sienne alors, et mieux que pour un jour, c’était en effet le publicain lui-même, le méprisé de la synagogue ; c’était nous tous, la gentilité, dont saint Ambroise atteste, en l’office de la nuit, qu’il était la figure [71].

Zachée, petit de race et de mérites comme le peuple des nations, ainsi s’exprime le saint Docteur, désirait voir Celui que les siens n’avaient point voulu recevoir [72]. Lui donc qui n’avait ni les Prophètes ni la Loi, pour s’élever au-dessus de la terre et parvenir à la vue du Sauveur, prit les devants ; et il courut au sycomore, à la Croix [73], par où Jésus, quittant les Juifs, devait passer pour aller aux Gentils. De la situation dominante où l’avait porté son humilité, il vit la Sagesse de Dieu [74]. Il l’entendit qui disait à cette foule ingrate et hautaine : On vous laissera votre maison déserte [75] ; pendant que, dédaigneuse des pharisaïques murmures d’Israël déchu, montait vers lui la voix si douce qui l’invitait à remplacer le premier-né dans l’honneur de recevoir chez lui son Dieu. Et certes, si la maison de l’homme qui écoute les paroles de Jésus et les met en pratique n’a rien à craindre de la tempête ou des flots déchaînés, étant bâtie sur la pierre [76] : quelle demeure plus sûre que le cœur de ce représentant des déshérités de jadis, réparant si grandement le passé, allant si généreusement au-devant des conseils mêmes du Seigneur !

L’offertoire est emprunté au passage du premier Livre des Paralipomènes, où David remercie Dieu qui lui a permis de rassembler les trésors nécessaires à la construction du temple. L’Église fait siennes les paroles du fils de Jessé en offrant à l’autel ses propres dons, en s’offrant surtout elle-même et ses fils, pour être unis dans un même sacrifice au Seigneur Époux et former avec lui le véritable temple de Dieu. « Toutes choses sont à vous, disait le Roi-prophète en la circonstance : ce que nous vous donnons, nous le tenions nous-mêmes de votre main ; mon Dieu, vous voyez les cœurs, et vous aimez la simplicité [77]. »

Offertoire

Seigneur mon Dieu, je vous ai tout offert avec joie dans la simplicité de mon cœur, et j’ai été bien heureux de voir ainsi rassemblé ce peuple qui est vôtre : Dieu d’Israël, gardez en lui cette bonne volonté. Alleluia.

Si la Messe se dit en dehors de l’église même dont on célèbre la dédicace, le Prêtre omet, dans la secrète qui suit, les mots entre parenthèses.

Secrète

Nous vous en supplions, soyez propice, Seigneur, à nos prières ; (faites que nous tous, rassemblés dans l’enceinte de ce temple, et célébrant le jour anniversaire de sa dédicace, vous soyons agréables par une entière et parfaite dévotion du corps et de l’âme 🙂 afin que vous rendant présentement ces vœux, nous méritions de parvenir avec votre secours aux éternelles récompenses. Par Jésus-Christ.

Bonne en tous lieux, la prière cependant revêt une efficacité particulière dans les églises consacrées. L’antienne de communion s’appuie, pour le dire, sur la parole du Très-Haut déclarant sa maison la maison de la prière [78], en laquelle, ajoute l’Église de sa propre autorité, se vérifie l’autre divine parole : « Qui demande, reçoit ; qui cherche, trouve ; et l’on ouvre à celui qui frappe [79]. »

Communion

Ma maison s’appellera la maison de la prière, dit le Seigneur : en elle, quiconque demande, reçoit ; qui cherche, trouve ; et à qui frappe, il sera ouvert.

La postcommunion, qui rassemble dans une suprême aspiration les sentiments dont cette fête laisse l’Église embrasée, formule avec un grand bonheur d’expression le multiple mystère du jour.

Postcommunion

Ô Dieu qui préparez à votre Majesté une demeure éternelle construite de pierres vivantes et choisies, venez en aide à votre peuple en prière, pour qu’aux espaces nouveaux acquis sur la terre à votre Église répondent de plus grands accroissements spirituels. Par Jésus-Christ.

Aux secondes vêpres

Les secondes vêpres sont en tout semblables aux premières, à l’exception du verset et de l’antienne de Magnificat.

V/. Seigneur, il convient que votre maison soit sainte. R/. A jamais.

Antienne de Magnificat

Oh ! combien ce lieu est redoutable ! c’est véritablement ici la maison de Dieu et la porte du ciel.

Cette fête devait être, et elle le fut, une source féconde d’inspiration pour la poésie chrétienne. On fait remonter au 7e siècle, nous l’avons dit, la rédaction première que voici des hymnes de l’office.

Hymne

Jérusalem, bienheureuse ville, dont le nom signifie la vision de la paix ! elle se bâtit de pierres vivantes dans les cieux ; les Anges l’entourent, lui formant un cortège d’épousée.

C’est la nouvelle Sion : elle vient du ciel, parée pour la fête nuptiale ; le Seigneur l’a élue pour épouse. Ses places publiques et ses murailles sont d’or très pur.

Les portes en sont de perles brillantes ; elles demeurent ouvertes toujours : quiconque souffre en ce monde pour le nom de Jésus-Christ, y trouve entrée par le droit du mérite.

Le marteau des souffrances en polit les pierres ; et c’est ainsi qu’appareillées par l’ouvrier, elles sont posées, elles sont fixées à leurs places respectives dans le saint édifice.

Le Christ en est dans les fondations la pierre d’angle, reliant en lui le double mur : Sion, en l’accueillant, devint sainte ; sa foi dans le Christ est l’élément qui lui garantit la durée.

Toute cette cité bien-aimée, vouée à Dieu, n’est que louange, que mélodies : chants d’allégresse dont son fervent amour adresse l’hommage au Dieu unique en trois personnes.

Dieu souverain, descendez dans ce temple où vous appellent nos prières : que votre bonté clémente y accueille nos vœux suppliants ; daignez répandre ici toujours d’abondantes bénédictions.

Que tous méritent ici d’obtenir leurs demandes et de conserver vos bienfaits, pour qu’à jamais en son repos avec les Saints nous reçoive, au sortir du monde, le Paradis.

Gloire et honneur soient en tous lieux au Dieu très haut, au Père avec le Fils, avec l’auguste Paraclet, à qui appartiennent louange et puissance dans les siècles éternels. Amen.

Autres liturgies

Les strophes qui suivent célèbrent magnifiquement le sublime mystère de la dédicace, compris comme l’entendaient nos pères. Chantées depuis le 13e siècle dans nos églises, elles ont mérité d’être attribuées à Adam de Saint-Victor. Nous avons dû nous arrêter au texte le plus généralement usité de nos jours.

Séquence

Que les filles de Sion et de Jérusalem, que toute l’assemblée du peuple fidèle donne essor à ses chants d’intarissable liesse : Alleluia !

Le Christ, en effet, règle de toute justice, épouse aujourd’hui notre Mère, l’Église, après l’avoir tirée de l’abîme de sa misère.

Par le sang et par l’eau qu’il lui donna pour dot, l’Homme-Dieu la produisit de son propre côté, tandis qu’à l’arbre de la croix il était suspendu.

Que l’Église dût être ainsi formée, on le vit en figure dans la première femme, quand fut créée d’une des côtes d’Adam notre mère Ève.

Ève fut une marâtre pour ses descendants : celle-ci est la mère de la race élue ; elle donne la vie aux malheureux dont elle se fait l’asile et le rempart.

C’est la barque où nous voguons en sécurité ; c’est le bercail où nous vivons à couvert ; c’est la colonne de vérité formant notre ferme appui.

Ô fête de solennelle allégresse, où le Christ s’unit à l’Église, où se célèbrent les noces de notre salut !

C’est pour les justes la récompense, pour les tombés le pardon, pour les saints Anges l’accroissement du bonheur.

De toute éternité, la divine Sagesse, ne considérant que sa grâce, régla l’évolution des siècles à cette seule fin.

Veuille le Christ, nous donnant d’avoir part à ses noces et d’en goûter les substantielles délices, nous admettre aux joies des élus. Amen.

Écoutons maintenant les bénédictions que l’Épouse implore, au jour de leur consécration, pour ces églises dans chacune desquelles elle voit son symbole. Si nous considérons que l’Épouse est toujours exaucée, cette préface du Pontifical nous dira quels bienfaits y attendent notre humble prière.

Préface

Dieu éternel, favorisez nos prières, favorisez ces rites sacrés, favorisez aussi les pieux labeurs de ceux qui vous servent : nous implorons votre miséricorde. Malgré notre indignité, nous consacrons cette Église, qui est vôtre, sous l’invocation de votre saint nom, en l’honneur de la croix sainte sur laquelle votre Fils coéternel notre Seigneur Jésus-Christ a daigné souffrir pour racheter le monde, en mémoire aussi de votre saint N. (On nomme ici le Saint titulaire de l’Église.) Que sur elle descende votre Saint-Esprit, dans l’abondance débordante de sa grâce septiforme, pour qu’autant de fois qu’en cette maison votre saint nom sera invoqué, votre bonté, Seigneur, exauce invocations et prières. Ô bienheureuse et sainte Trinité, qui tout purifiez, tout parez, tout ornez ! Ô bienheureuse majesté de Dieu, qui remplissez tout, renfermez tout, ordonnez tout ! Ô bienheureuse et sainte main de Dieu, qui tout sanctifiez, tout bénissez, tout enrichissez ! Ô Dieu saint des Saints, nous implorons dans nos plus dévots abaissements votre clémence : daignez, par notre humble ministère, purifier, bénir et consacrer a jamais, dans l’abondance de vos dons sanctificateurs, cette Église élevée en l’honneur de la croix sainte et victorieuse, en mémoire aussi de votre saint N. Qu’ici les Prêtres vous offrent le sacrifice de la louange. Qu’ici les peuples fidèles acquittent leurs vœux. Qu’ici se dissolvent les fardeaux des péchés et reviennent à la grâce les fidèles tombés.

Exaucez donc notre prière, Seigneur : que par la grâce du Saint-Esprit, dans cette maison qui est la vôtre, les malades soient guéris, les infirmes recouvrent leurs forces, les boiteux marchent, les lépreux soient purifiés, les aveugles voient, les démons soient chassés. Seigneur, qu’ici, par votre faveur, disparaisse toute débilité et misère, soient déliés tous liens des péchés. Qu’ainsi tous ceux qui viendront dans ce temple solliciter comme il faut vos bienfaits, aient la joie de se voir pleinement exaucés : afin qu’ayant obtenu la miséricorde, objet de leur prière, ils glorifient votre gratuite munificence à jamais. Par le même Jésus-Christ.

Nous terminerons par ces belles formules de la liturgie ambrosienne, où la dédicace est célébrée en Octobre [80] et donne son nom, post Dedicationem, aux derniers dimanches du cycle sacré.

Préface

C’est une chose juste de vous rendre grâces, Dieu éternel, par Jésus-Christ notre Seigneur. Donnant à l’Église la même souveraine puissance qu’il avait reçue de vous, il l’établit par cet honneur qu’il lui faisait Épouse et Reine, soumettant tout à sa sublimité, ordonnant que le ciel ratifiât ses jugements. Mère de tous les vivants, sa grandeur croît par sa fécondité : chaque jour la voit donner à Dieu des fils par l’Esprit-Saint. C’est une vigne dont les branches remplissent le monde entier ; suspendant ses rejetons au bois qui la porte, elle les élève jusqu’au royaume des cieux. C’est la ville fondée au sommet des monts, visible pour tous, attirant tous les yeux ; elle a pour fondateur et tout ensemble pour habitant notre Seigneur Jésus-Christ, votre Fils, que louent avec vous les Anges.

Oraison

Dieu, qui daignâtes donner à votre Église le titre d’Épouse de votre Fils unique, afin que la ferveur de sa foi appelant votre grâce, elle attirât aussi par son nom et y puisât l’amour ; faites que tout ce peuple de vos serviteurs soit digne et mérite de porter avec elle un tel nom. Par le même Jésus-Christ, notre Seigneur.

Seigneur, j’ai aimé la beauté de votre maison, et le lieu dont vous avez fait l’habitation de votre gloire [81]. Que cette parole demeure en nous comme le parfum de l’auguste solennité. Votre maison, ô Dieu, c’est notre église, ineffablement belle du rayonnement des mystères divins. Qu’était près d’elle le tabernacle, abritant l’arche de l’alliance du Sinaï ? et pourtant sa pensée remplissait l’âme de David au désert et le faisait défaillir [82], semblable au cerf qui soupire après l’eau des fontaines [83]. Apprenons de nos pères des siècles de l’attente à aimer les parvis du Seigneur.

Pourtant, chrétien, l’exil dont souffrait David ne saurait t’atteindre ; car tu es devenu au baptême le sanctuaire de Dieu. Que ce jour de dédicace te rappelle les consécrations qui t’enlevèrent à toi-même [84], pour faire de toi le temple de l’Esprit-Saint, pour te donner au Christ, avec lequel ta vie est désormais cachée [85] dans le très doux et très fécond secret de la face du Père. Sache entourer dans ton âme la Trinité sainte des hommages que réclame sa présence.

Enfin, âme baptisée et consacrée, rappelle-toi que tu n’es pas seule au banquet de l’amour de ton Dieu ; que la divine charité qui t’unit au Christ Époux doit aussi te joindre à ses membres, et t’appareiller, pierre animée, préparée ici-bas pour la place qui sera tienne un jour dans l’édifice du sanctuaire des cieux. Sache t’adapter à l’Église vivante, vibrer à l’unisson de la grande Épouse, t’essayant à l’éternité, où ton unique et bienheureux emploi sera de glorifier comme elle Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, dans les siècles des siècles.

[1] – Invitator. festi ad Matut.

[2] – Psalm. 17, 12.

[3]Ibid. 10.

[4]Ibid. 12.

[5] – 1 Tim. 6, 16.

[6] – 3 Reg. 8, 27.

[7] – 2 Petr. 1, 4.

[8] – Prov. 8, 22.

[9]Ibid. 27.

[10]Ibid. 31.

[11] – Gal. 4, 4.

[12] – Col. 2, 9.

[13] – 1 Cor. 3, 16.

[14]Ibid. 6, 20.

[15]Ibid. 3, 17.

[16] – s. Jean 1, 16 ; Col. 2, 10.

[17] – Éph. 1, 23.

[18] – Gen. 2, 23.

[19] – Éph. 6, 3o.

[20] – 1 Petr. 2, 4-7.

[21] – 1 Cor. 3, 10.

[22] – Éph. 2, 20-22.

[23] – Hymn. festi ad Vesp.

[24] – 1 Cor. 15, 24.

[25] – s. Jean 3, 16.

[26] – 1 Cor. 15, 28.

[27] – Exod. 26, 3o.

[28] – Héb. 8, 5 ; 9, 24.

[29] – Apoc. 21, 2, 3.

[30]Ibid. 9.

[31]Sequentia Jerusalem et Sion filiae, quae infra dabitur.

[32] – Cant. 3, 11.

[33] – Psalm. 92, 5.

[34] – Isaï. 56, 7.

[35] – s. Matth. 21, 13.

[36] – s. Matth. 7, 24-27.

[37] – Éph. 2, 19-22.

[38] – Apoc. 21.

[39] – 3 Reg. 8, 29 ; Deuter. 26, 2.

[40] – s. Jean 1, 14.

[41]Sub tentorio ante fores Ecclesiae consecrandae parato. Pontificale rom.

[42] – Simeon Thessalonic. De templo et ejus consecratione, 102.

[43] – Pontificale rom. ex Psalm. 23, 7.

[44] – Pontificale rom. Ant. ad intr. Pontificis.

[45] – Remig. Antissiodorensis, tractatus de Dedicat. Ecclesiœ ; Ivo Carnotensis, Sermo 4, de sacramentis Dedicat. De Rossi, Bulletin, 1881 : L’alphabet dans les monuments chrétiens ; et au point de vue plus spécialement archéologique de la terminatio loci sacri, ibidem : Les alphabets que l’évêque trace sur la croix grecque en consacrant les églises ; p. 138-155.

[46] – 1 Cor. 2, 2.

[47] – Simeon Thessalon. ubi supva, 107.

[48] – Et per culmina templi. Ordo 4 in Dedicat. ap. Martene, ex Pontificali S. Dunstani Cantuariensis.

[49] – Pontificale rom. Ant. Lapides pretiosi, ad unctionem parietum.

[50] – Psalm. 147, ibid. ad id.

[51] – Haec est Jerusalem, ibid.

[52] – Remig. Antissiod. ubi supra ; Ordines veterum ap. Martène.

[53] – Eucholog. Ordo et Officium Dedicationis Templi.

[54] – s. Jean 14, 2, 3.

[55] – Répondant à notre patène.

[56] – 1 Cor. 12, 2 ; Simeon Thessalon. ubi supra, 116.

[57] – Petr. Dam. Sermo 72, in Dedicat. 4.

[58] – Gen. 28.

[59] – Psalm. 83.

[60] – 3 Reg. 8, 52 ; 9, 3

[61] – Isaï. 65, 17-19.

[62] – Jérém. 31, 33.

[63] – Tob. 13.

[64] – Isaï. 66, 10, 11.

[65] – Ibid. 3, 2.

[66] – Tob. 13, 20.

[67]Ibid. 16, 18.

[68]Ibid. 23.

[69] – s. Matth. 16.

[70]Ibid. 7.

[71] – Homil. diei festi, ex Ambr. in Luc. 8.

[72]Ibid. Ex Jean 1, 2.

[73] – Homil. 5ae diei infra Oct., ex Bed. in Luc 5.

[74] – Homil. 4ae diei infra Oct., ex Greg. Moral. 27, 27.

[75] – s. Matth. 23, 38.

[76]Ibid. 7, 24, 25.

[77] – 1 Paralip. 29.

[78] – s. Matth. 21, 13 ; ex Isaï. 56, 7.

[79] – s. Matth. 7, 8.

[80] – Dominica 3 Octobris.

[81] – Psalm. 26, 8.

[82] – Psalm. 83.

[83] – Psalm. 41.

[84] – 1 Cor. 6, 19.

[85] – Col. 3, 3.