3e semaine de l’avent

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
Troisième semaine de l’avent

Le lundi de la troisième semaine de l’avent
Le mardi de la troisième semaine de l’avent
Le mercredi des Quatre-Temps
Le jeudi de la troisième semaine de l’avent
Le vendredi des Quatre-Temps
Le samedi des Quatre-Temps

 

A partir du 17 décembre, consulter aussi la page des grandes féries de l’avent.

Le lundi de la troisième semaine de l’avent

Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le.

Du prophète Isaïe. Chap. 28

Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Je vais placer dans les fon­dements de Sion une pierre, une pierre éprouvée, angulaire, précieuse, qui sera un ferme fondement. Que celui qui croit ne se hâte point. Et j’établirai un poids de justice et une mesure d’équité ; et la grêle détruira l’espérance du men­songe ; les eaux emporteront le rempart derrière lequel on se croyait en sûreté ; et l’alliance que vous aviez faite avec la mort sera rompue, et votre pacte avec l’enfer ne subsistera plus.

Père céleste, vous vous préparez à poser dans les fondements de Sion une pierre ferme et angulaire ; et cette pierre qui donnera la solidité à Sion qui est l’Église, cette pierre est votre Fils incarné. Déjà elle avait été figurée, suivant le commentaire de votre Apô­tre, par ce rocher du désert qui recelait les eaux abondantes et salutaires dans lesquelles votre peuple se désaltéra. Voici que vous allez nous la donner bientôt en réalité ; elle est déjà descen­due du ciel ; et l’heure approche où elle va être posée dans le fon­dement. Ô pierre d’union et de solidité ! par vous, il n’y aura plus ni Juif, ni Gentil, mais une seule famille ; par vous, les hommes ne bâtiront plus sur le sable ces édifices éphémères que les pluies et les vents emportaient au premier choc. L’Église s’élèvera sur la pierre, et son faîte atteindra jusqu’au ciel sans qu’il y ait rien à craindre pour sa base ; et si faible, si mobile que soit l’homme dans ses pensées, pourvu qu’il s’appuie sur vous, ô pierre divine, il participera à votre immutabilité. Malheur à celui qui vous dédai­gne ! car vous avez dit, ô Vérité éternelle : « Celui qui tombera sur cette pierre sera brisé ; et celui sur qui elle tombera sera écrasé. » Gardez-nous de ce double malheur, ô vous, pierre auguste, appe­lée à occuper la première place de l’angle, et qui pourtant avez été rejetée par d’aveugles architectes. Ne permettez pas que nous ayons le malheur d’être du nombre de ceux qui vous ont ainsi méconnue. Donnez-nous de vous honorer toujours comme le principe de notre force, comme l’unique raison de notre solidité ; et parce que vous avez communiqué cette qualité de pierre im­muable à un de vos apôtres, et par lui à ses successeurs jusqu’à la consommation des siècles, accordez-nous de nous tenir sans cesse fermes sur le rocher de la sainte Église romaine, avec laquelle toutes les Églises, sur toute la surface de la terre, se pré­parent à célébrer votre divine apparition, ô pierre précieuse, pierre éprou­vée, qui venez détruire l’empire du mensonge et briser l’alliance que le genre humain avait faite avec la mort et l’enfer.

Hymne de l’avent

(Au bréviaire mozarabe, 1er dimanche de l’avent)

Que la famille du Christ fasse éclater ses chants ; qu’elle offre au Père universel les actions de grâces les plus dignes d’une si haute majesté, et qu’elle consacre à sa gloire les louanges les plus magnifiques.

Le Fils unique du Dieu qui forma l’univers, en venant nous racheter, a rempli les oracles sortis jadis de la bouche des prophètes du ciel.

Le Verbe descendu du trône de la gloire pour se manifester, a délivré les hommes de la peine que méritaient leurs crimes ; et, prenant notre poussière, il a terrassé le prince de la mort.

Né d’une mère dans le temps, mais éternel par son Père, il n’est en deux substances qu’une seule Personne de Dieu.

Dieu est venu se faisant homme : afin que le vieil homme, devenu nouveau, brille d’une beauté nouvelle, renaissant dans le Dieu nouveau-né.

Que le peuple des Gentils, qui a pris renaissance par la grâce, triomphant de joie, et fier de son trophée, célèbre tous les ans cette fête de la naissance.

Que cet avènement soit célébré par les vœux solennels de tous ceux qui sont appelés à prendre part au triomphe d’un si grand jour ;

Afin que cette humble démonstration de notre zèle soit pour nous un motif d’espérance, lorsque le second avènement, éclatant tout à coup, glacera le monde de terreur.

À Dieu le Père soit gloire, et à son Fils unique, avec l’Esprit consolateur, dans les siècles éternels.

Amen.

Prière du missel ambrosien

(En la messe du 6e dimanche de l’avent, préface)

C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, que nous célébrions en ce saint temps la mémoire de la bienheureuse Marie, toujours Vierge ; elle qui porta dans l’enceinte étroite de ses entrailles le Maître du ciel, et qui, après avoir reçu le message prophétique de l’ange, mit au jour le Verbe lui-même, devenu notre Sauveur dans une chair mortelle. C’est lui qui est le Rédempteur du monde, conçu dans un sein vir­ginal, pénétrant ce qui est fermé et le laissant ferme après sa visite.

 

Le mardi de la troisième semaine de l’avent

Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le.

Du prophète Isaïe. Chap. 30

Le Seigneur attend afin de vous faire miséricorde, et il signa­lera sa gloire en vous pardonnant ; parce que le Seigneur est un Dieu d’équité : heureux tous ceux qui l’attendent ! Car le peuple de Sion habitera encore dans Jérusalem : toi qui pleu­res, tu ne pleureras plus ; il aura compassion de toi. Lorsque tu crieras vers lui, à peine aura-t-il entendu ta voix, qu’il te répondra. Et le Seigneur vous donnera du pain en petite quantité, et de l’eau en petite mesure, et il ne fera plus dispa­raître de devant toi celui qui t’instruisait ; et tes yeux verront ton Docteur. Et le Seigneur répandra la pluie sur tes grains, partout où tu auras semé ; et le pain de tes récoltes sera très abondant et savoureux. En ce jour-là, l’agneau trouvera dans tes plaines de spacieux pâturages ; et tes taureaux et tes ânons qui labourent la terre, mangeront toutes sortes de grains mêlés ensemble, comme ils auront été vannés dans l’aire. Et il y aura sur toutes les montagnes les plus hautes et sur toutes les collines les plus élevées, des ruisseaux d’eau courante, au jour où plusieurs auront été tués, au jour où les tours seront tombées. Et la lumière de la lune sera comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil sera sept fois plus éclatante, comme serait la lumière de sept jours ensemble, lorsque le Seigneur aura bandé la plaie de son peuple, et guéri la blessure qu’il avait reçue. Voici le Nom du Seigneur qui vient de loin ; sa fureur est ardente et dure à porter. Ses lèvres sont pleines d’indignation, et sa langue est comme un feu dévorant. Son souffle est comme un torrent débordé qui engloutit l’homme jusqu’au cou ; il vient perdre et anéantir les nations, et rompre le frein d’erreur qui retenait les mâchoires des peuples.

Donc, ô Jésus ! nous ne pleurerons plus : vous allez vous rendre à nos cris, et nos yeux vous verront, vous, notre Maître, notre Doc­teur. Si vous tardez encore, c’est pour nous faire miséricorde : car vous avez mis votre gloire à pardonner. Ô félicité de votre Royaume ! ô fertilité de nos champs, c’est-à-dire de nos âmes, quand votre rosée sera tombée sur elles ! ô douceur et suavité de notre Pain qui sera vous-même, ô Pain vivant descendu du ciel ! ô splendeur de la lumière dont vous réjouirez nos yeux mortels, au jour même où vous banderez nos plaies ! qu’il vienne donc bien­tôt, ce jour fortuné : qu’elle approche, cette nuit radieuse où Marie déposera son divin fardeau. Telle est la confiance de nos cœurs dans ce miséricordieux avènement, que nous éprouvons moins de terreur à l’annonce formidable que nous fait votre pro­phète, qui, franchissant les âges avec la rapidité de votre parole, nous dénonce déjà l’approche du jour redoutable où vous arrive­rez tout à coup, ardent dans votre fureur, les lèvres pleines d’indignation, et la langue semblable à un feu dévorant. Aujourd’hui nous ne faisons qu’espérer, et nous attendons un avènement tout pacifique : soyez-nous propice au dernier jour ; mais présentement laissez-nous vous dire avec un de vos pieux serviteurs, le vénérable Pierre de Celles, dans son premier sermon de l’avent : « Oui, venez, ô Jésus ! mais dans les langes, non dans les armes ; dans l’humilité, non dans la grandeur ; dans la crèche, non sur les nuées du ciel ; dans les bras de votre Mère, non sur le trône de votre Majesté ; sur l’ânesse, et non sur les chérubins ; vers nous, et non contre nous ; pour sauver, et non pour juger ; pour visiter dans la paix, et non pour condamner dans la fureur. Si vous venez ainsi, ô Jésus ! au lieu de vous fuir c’est vers vous que nous fuirons. »

Hymne tirée de l’anthologie des Grecs

(Au 20 décembre)

Bethlehem, prépare-toi, Éden est ouvert à tous ; réjouis-toi, Éphrata, car dans la grotte l’arbre de vie a fleuri au sein de la Vierge. Ce sein est devenu un paradis spirituel, où nous trou­vons la plante divine, de laquelle ayant mangé nous vivons ; car désormais nous ne mourrons plus comme Adam : le Christ naît pour relever son image tombée aux premiers jours du monde.

Le Christ daigne venir lui-même pour servir ; il prend, lui créateur, la forme de l’œuvre de ses mains ; riche de sa divi­nité et plein de miséricorde, il apporte à Adam misérable une création et une naissance nouvelles.

Il incline les cieux, et, habitant dans la Vierge, il approche re­vêtu de notre chair. Il va naître en la grotte de Bethlehem, ainsi qu’il a été écrit ; il va paraître comme un enfant, celui qui donne la vie aux enfants dans le sein des mères ; allons tous au-devant de lui avec un cœur ardent et joyeux.

Le Seigneur plein de sagesse vient naître comme étranger en son propre domaine ; recevons-le, afin que, devenus les hôtes du paradis de délices, nous y puissions habiter de nouveau par la miséricorde de celui qui naît dans l’étable.

Déjà les portiques de la divine incarnation du Verbe s’ouvrent pour tous. Cieux, réjouissez-vous ; anges, tressaillez d’allégresse ; que la terre et ses habitants se livrent à une joie spirituelle avec les bergers et les mages.

La Vierge s’avance portant un vase d’albâtre tout rempli d’un parfum spirituel ; elle l’introduit d’une manière mystique en la grotte pour l’y répandre avec prudence, et remplir nos âmes de sa bonne odeur.

Accourez, Vertus angéliques, vous qui habitez Bethlehem ; préparez la crèche, car le Christ va naître ; la Sagesse s’avance. Reçois, ô Église, les félicitations ; peuples, disons pour réjouir la Mère de Dieu : Béni soit celui qui vient, notre Dieu.

Le Christ notre Dieu paraîtra au grand jour ; il s’avance, il va venir, et ne tardera pas ; il apparaîtra issu d’une Vierge in­tacte ; dans quelques jours il reposera dans la grotte ; et toi, crèche d’animaux privés de raison, reçois, pour être en toi enveloppé de langes, celui que le ciel ne peut contenir, qui d’une parole répare nos coupables folies.

Mène le chœur, ô Isaïe ! signale-nous le Verbe de Dieu ; pro­phétise-nous comment le buisson de la Vierge Marie est en feu sans se consumer. Orne-toi, Bethlehem, d’une splen­deur de divinité ; Éden, ouvre tes portes ; Mages, mettez-vous en chemin pour voir le Salut enveloppé de langes en la crèche ; c’est lui qu’a désigné l’astre mystérieux s’arrêtant au-dessus de l’étable, l’auteur de la vie, le Seigneur qui vient sauver le genre humain.

Priere du missel gallican

(In Adventu Domini, Immolatio)

C’est une chose digne et juste, que nous vous rendions grâces en tout temps et en tous lieux, ô vous, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, dont la nature est plutôt d’accorder le pardon du péché que de sévir par de justes châ­timents. C’est vous qui avez daigné employer à relever l’édifice que vos mains avaient bâti, la même pierre qui était entrée dans sa construction ; afin que cette image vivante que vous aviez formée à votre ressemblance ne fût pas rendue dissemblable à son principe par la mort. Vous avez accordé une remise pleine d’indulgence, en sorte que la cause même qui avait produit la mort par le péché servît à réparer la vie, par votre immense miséricorde. La voix des prophètes fit plus d’une fois retentir l’oracle, et vint l’ange Gabriel annoncer à Marie que les temps étaient arrivés. La Vierge crut, et dans son sein s’accomplit la conception tant désirée du Verbe fidèle aux promesses : et il fut soumis aux lois de la naissance humaine, celui par la volonté duquel tous tes êtres sont pro­duits. Le sein de la Vierge prenait accroissement, et, malgré la fécondité de ses entrailles, son corps ne perdait rien de sa merveilleuse pureté. Un remède puissant était promis au monde, par ce mystère de l’enfantement d’une femme sans le secours de l’homme ; de cette femme dont le plus léger nuage n’obscurcit jamais la pudeur, et qui pourtant, Mère future de son créateur, sentait croître en elle le fruit que nourrissaient ses entrailles.

 

Le mercredi des Quatre-Temps

Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le.

L’Église commence à pratiquer en ce jour le jeûne appelé des Quatre-Temps, lequel s’étend aussi au vendredi et au samedi sui­vants. Cette observance n’appartient point à l’économie liturgique de l’avent : elle est une des institutions générales de l’année ecclé­siastique. On peut la ranger au nombre des usages qui ont été imités de la Synagogue par l’Église ; car le prophète Zacharie parle du jeûne du quatrième, du cinquième, du septième et du dixième mois. L’introduction de cette pratique dans l’Église chré­tienne semble remonter aux temps apostoliques ; c’est du moins le sentiment de saint Léon, de saint Isidore de Séville, de Rhaban Maur et de plusieurs autres écrivains de l’antiquité chrétienne : néanmoins, il est remarquable que les Orientaux n’observent pas ce jeûne.

Dès les premiers siècles, les Quatre-Temps ont été fixés, dans l’Église romaine, aux époques où on les garde encore présente­ment ; et si l’on trouve plusieurs témoignages des temps anciens dans lesquels il est parlé de Trois Temps et non de Quatre, c’est parce que les Quatre-Temps du printemps, arrivant toujours dans le cours de la première semaine de carême, n’ajoutent rien aux observances de la sainte quarantaine déjà consacrée à une absti­nence et à un jeûne plus rigoureux que ceux qui se pratiquent dans tout autre temps de l’année.

Les intentions du jeûne des Quatre-Temps sont les mêmes dans l’Église que dans la Synagogue : c’est-à-dire de consacrer par la pénitence chacune des saisons de l’année. Les Quatre-Temps de l’avent sont connus, dans l’antiquité ecclésiastique, sous le nom de jeûne du dixième mois ; et saint Léon nous apprend, dans un des sermons qu’il nous a laissés sur ce jeûne, et dont l’Église a placé un fragment au second nocturne du troisième dimanche de l’avent, que cette époque a été choisie pour une manifestation spéciale de la pénitence chrétienne, parce que c’est alors que la récolte des fruits de la terre étant terminée, il convient que les chrétiens témoignent au Seigneur leur reconnaissance par un sacrifice d’abstinence, se rendant d’autant plus dignes d’appro­cher de Dieu, qu’ils sauront dominer davantage l’attrait des créa­tures ; « car, ajoute le saint Docteur, le jeûne a toujours été l’aliment de la vertu. Il est la source des pensées chastes, des résolutions sages, des conseils salutaires. Par la mortification volontaire, la chair meurt aux désirs de la concupiscence, l’esprit se renouvelle dans la vertu. Mais parce que le jeûne seul ne nous suffit pas pour acquérir le salut de nos âmes, suppléons au reste par des œuvres de miséricorde envers les pauvres. Faisons servir à la vertu ce que nous retrancherons au plaisir ; et que l’absti­nence de celui qui jeûne devienne la nourriture de l’indigent. »

Prenons notre part de ces avertissements, nous qui sommes les enfants de la sainte Église ; et puisque nous vivons à une époque où le jeûne de l’avent n’existe plus, portons-nous avec d’autant plus de ferveur à remplir le précepte des Quatre-Temps, que ces trois jours, en y joignant la vigile de Noël, sont les seuls auxquels la discipline actuelle de l’Église nous enjoigne d’une manière pré­cise, en cette saison, l’obligation du jeûne. Ranimons en nous, à l’aide de ces légères observances, le zèle des siècles antiques, nous souvenant toujours que si la préparation intérieure est surtout nécessaire pour l’avènement de Jésus-Christ dans nos âmes, cette préparation ne saurait être véritable en nous, sans se produire à l’extérieur par les pratiques de la religion et de la pénitence.

Le jeûne des Quatre-Temps a encore une autre fin que celle de consacrer, par un acte de piété, les diverses saisons de l’année ; il a une liaison intime avec l’ordination des ministres de l’Église, qui reçoivent le samedi leur consécration, et dont la proclamation avait lieu autrefois devant le peuple à la messe du mercredi. Dans l’Église romaine, l’ordination du mois de décembre fut longtemps célèbre ; et il paraît, par les anciennes chroniques des papes, que, sauf les cas tout à fait extraordinaires, le dixième mois fut, durant plusieurs siècles, le seul où l’on conférât les saints ordres à Rome. Les fidèles doivent s’unir aux intentions de l’Église, et présenter à Dieu l’offrande de leurs jeûnes et de leurs abstinences, dans le but d’obtenir de dignes ministres de la parole et des sacrements, et de véritables pasteurs du peuple chrétien.

En l’office des matines, l’Église ne lit rien aujourd’hui du pro­phète Isaïe ; elle se contente de rappeler le passage de l’évangile de saint Luc dans lequel est racontée l’annonciation de la Sainte Vierge, et lit ensuite un fragment du commentaire de saint Ambroise sur ce même passage. Le choix de cet évangile, qui est le même que celui de la messe, selon l’usage de toute l’année, a donné une célébrité particulière au mercredi de la troisième semaine de l’avent. On voit, par d’anciens ordinaires à l’usage de plusieurs Églises insi­gnes, tant cathédrales qu’abbatiales, que l’on transférait les fêtes qui tombaient en ce mercredi ; qu’on ne disait point ce jour-là, à genoux, les prières fériales ; que l’évangile Missus est, c’est-à-dire de l’annonciation, était chanté à matines par le célébrant revêtu d’une chape blanche, avec la croix, les cierges et l’encens, et au son de la grosse cloche ; que, dans les abbayes, l’abbé devait une homélie aux moines, comme aux fêtes solennelles. C’est même à cet usage que nous sommes redevables des quatre magnifiques sermons de saint Bernard sur les louan­ges de la Sainte Vierge, et qui sont intitulés : Super Missus est.

Comme il est rare que la messe des Quatre-Temps soit chantée hors des Églises où l’on célèbre l’office canonial, et aussi, pour ne pas grossir ce volume outre mesure, nous n’avons pas jugé à pro­pos de donner ici le texte des messes des mercredi, vendredi et samedi des Quatre-Temps de l’avent. Nous nous contenterons d’indiquer la station. Le mercredi, elle a lieu à Sainte-Marie-Majeure, à cause de l’évangile de l’annonciation qui, comme on vient de le voir, a fait pour ainsi dire attribuer à ce jour les hon­neurs d’une véritable fête de la Sainte Vierge.

Comme nous devons toucher quelque chose de ce mystère ci-après, dans le Propre des saints de l’avent, nous nous contente­rons d’insérer ici une prose du moyen-âge, en l’honneur de la glorieuse Vierge saluée par l’ange, et une prière tirée des ancien­nes liturgies.

Prose en l’honneur de la Sainte Vierge

Sur le seuil de la demeure virginale, l’ange apparaît à Marie, et, pour rassurer son effroi lui dit avec douceur :

Salut, Reine des vierges ! vous concevrez le Maître du ciel et de la terre, et sans cesser d’être vierge, vous enfanterez le Salut des hommes, ô vous, la porte du ciel, le baume de nos iniquités.

Comment concevrai-je, moi qui ne connais point l’homme ? Comment pourrait-je enfreindre le vœu que mon cœur a juré ?

L’Esprit-Saint, par sa grâce consommera tous ces mystères ; ne craignez point, mais pleine de joie, rassurez-vous ; car la pudeur en vous demeurera sans tache, par la puissance de Dieu.

Adonc, la noble vierge répond et dit : Je suis l’humble petite servante du Dieu tout-puissant.

Céleste messager, confident d’un si haut secret, je consens et veux voir accomplie cette parole que j’entends : me voici prête à condescendre au dessein de Dieu.

L’ange disparût, et soudain le sein très pur de la Vierge mon­tra l’indice de la future maternité.

Son fruit, captif neuf mois dans de si chastes entrailles, en sortit et s’en alla au grand combat, appuyant sur son épaule la croix de laquelle il frappa à mort l’homicide ennemi.

Las ! Mère du Seigneur, qui avez rendu la paix à l’ange et à l’homme, en mettant le Christ au monde ;

Suppliez votre Fils, qu’il nous soit secourable et qu’il efface nos fautes ; qu’il nous vienne en aide, et nous fasse jouir de la vie bienheureuse, au terme de cet exil. Amen.

Prière du missel mozarabe

(Au 2e dimanche de l’avent, Illation)

C’est une chose digne et juste, vraiment équitable et salutaire, de célébrer avec enthousiasme l’avènement de Jésus-Christ Notre Seigneur. Sa naissance au milieu des hommes fut an­noncée par un messager céleste. Une Vierge habitante de cette terre entendit un salut merveilleux : l’Esprit-Saint coo­pérant avec le Verbe de Dieu, le cœur de la Vierge se rassurait au moment même où l’ange la saluait, et la promesse faite par lui recevait déjà son accomplissement ; la virginité elle-même se sentait féconde, ombragé qu’elle était par la vertu du Très-Haut. L’ange avait dit : Voilà que vous concevrez et enfante­rez un Fils ; Marie avait répondu : Comment cela pourrait-il être ? Mais parce que Marie répondait dans la foi, et non dans le doute, l’Esprit-Saint accomplit ce que l’ange avait promis. Elle avait été vierge avant la conception ; elle de­meura à jamais vierge après l’enfantement. Elle avait d’abord conçu son Dieu dans son cœur ; plus tard elle le conçut dans ses entrailles. La première de tous, elle reçut le salut du monde, cette Vierge vraiment pleine de la grâce, et, pour cela, choisie pour être la véritable Mère du Fils de Dieu.

 

Le jeudi de la troisième semaine de l’avent

Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le.

Du prophète Isaïe. Chap. 33

Ayez pitié de nous, Seigneur ; car nous vous avons attendu. Soyez dès le matin le bras qui nous soutienne, et notre salut au temps de la tribulation. À la voix de votre ange les peuples ont fui : à l’éclat de votre gloire, les nations ont été disper­sées. Et on ramassera vos dépouilles, ennemis de Sion, comme on ramasse une multitude de hannetons, dont on remplit des fosses entières. Le Seigneur s’est glorifié ; car il habite dans les hauteurs ; il a rempli Sion d’équité et de jus­tice. Et la foi régnera en votre temps : la sagesse et la science seront les richesses du salut ; et la crainte du Seigneur, le trésor. Les pécheurs ont été saisis d’épouvante en Sion : la frayeur s’est emparée des hypocrites. Qui de vous pourra habiter un feu dévorant ? Qui de vous pourra demeurer dans des ardeurs éternelles ? Mais celui qui marche dans la justice, et parle la vérité ; qui chasse loin de lui l’avarice, compagne de la calomnie, et rejette de ses mains tout présent corrup­teur ; qui bouche ses oreilles aux paroles de sang, et ferme ses yeux pour ne pas voir le mal : celui-là habitera dans les lieux hauts ; des rochers élevés lui serviront de rempart. Le pain lui a été donné ; ses eaux ne tariront jamais ; ses yeux contem­pleront le Roi dans sa beauté ; ils verront la terre de loin.

Heureux celui dont les yeux contempleront ainsi le Roi nou­veau-né dans le doux éclat de son amour et de son humilité ! Il demeu­rera tellement ravi de sa beauté, que la terre avec toutes ses magnificences sera pour lui comme si elle n’était pas. Il ne pourra plus voir autre chose que celui qui aura apparu couché dans la crèche et enveloppé de langes. Mais, pour avoir ce bonheur de contempler de près le puissant Roi qui vient à nous, pour mériter de former sa cour, il faut suivre le conseil du prophète : marcher dans la justice et parler la vérité ; c’est ce qu’exprime avec onc­tion le pieux Rhaban Maur, dans son premier sermon de la prépa­ration à la fête de Noël. « S’il convient, dit-il, que, dans tous les temps, nous paraissions ornés et éclatants de bonnes œuvres, c’est principalement au jour de la naissance du Sauveur. Considé­rez, mes frères : Si un roi de la terre, ou tout homme puissant vous invitait à venir célébrer son jour natal ; combien seraient neufs, recherchés et même splendides, les habits sous lesquels vous voudriez paraître ! Vous ne souffririez pas que rien de vieux, de vil ou de malpropre y offensât les yeux de celui qui vous eût invités. Faites preuve d’un zèle égal dans l’occasion présente ; et que vos âmes, parées des divers ornements des vertus, s’avancent embellies des perles de la simplesse et des fleurs de la sobriété. Que vos consciences soient dans le calme, aux approches de la solennelle naissance du Sauveur. Qu’elles y paraissent brillantes de chasteté, éclatantes de charité, toutes blanches du mérite de l’aumône, brillantes de justice et d’humilité, et, par-dessus tout, illuminées par l’amour de Dieu. Que si le Seigneur Christ vous voit célébrer dans cette parure la fête de sa naissance, sachez qu’il ne se contentera pas de visiter vos âmes ; il poussera la condes­cendance jusqu’à venir s’y reposer et y habiter à jamais, ainsi qu’il est écrit : Voici que je viendrai et que j’habiterai en eux, et ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu. » Donc, chrétiens, hâtez-vous ; que ceux qui sont pécheurs se convertissent et deviennent justes ; que les justes se justifient encore ; que les saints se sancti­fient encore ; car c’est le Seigneur Dieu qui vient, et non un autre.

Prose pour le temps de l’avent
(11e siècle, anciens missels romainsfrançais.)

Chantons tous ensemble à notre Dieu créateur de toutes choses,

Par qui les siècles ont été faits ;

Et le ciel éblouissant de lumière, et les étoiles sans nombre ;

Le soleil, gloire du monde ; la lune, ornement des nuits, et tout ce qui resplendit ;

La mer, la terre, les hauteurs, les plaines, et les gouffres des fleuves ;

Et les vastes espaces de l’air, que parcourent les oiseaux, les vents et les pluies ;

Et tous ces êtres, ô Dieu Père, obéissent à vous seul comme une armée ;

Maintenant et à jamais, sans fin, et par tous les siècles,

Tous chantent un hymne à votre gloire ;

À vous qui, pour notre salut, donnez votre Fils unique,

Et l’envoyez souffrir en terre, victime innocente, pour nos péchés.

Sainte Trinité, nous vous prions : gouvernez et conservez nos corps et nos cœurs, et donnez le pardon de nos péchés. Amen.

Préface du missel ambrosien
(Au 2e dimanche de l’avent)

C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, par Jésus-Christ notre Seigneur, dont l’incarnation a été le salut du monde, et dont la passion a été la rédemption du genre humain. Qu’il daigne nous conduire à l’éternelle récompense, celui qui nous a rachetés des ténèbres des enfers ; qu’il nous justifie au second avènement, celui qui nous a délivrés au premier ; afin que, comme son humilité nous a rétablis dans la vie, sa puissante majesté nous préserve des malheurs qui seront à craindre au dernier jour.

 

Le vendredi des Quatre-Temps

Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le.

L’Église ne lit rien du prophète Isaïe en ce jour ; elle se contente de rappeler, à l’office des mMatines, le passage de l’évangile où saint Luc raconte le mystère de la visitation de la Sainte Vierge ; après quoi on lit un fragment du commentaire de saint Ambroise sur ce même passage. Nous réservons, pour le Propre des saints ci-après, les considérations et les affections que doit inspirer aux fidèles cette importante circonstance de la vie de la Mère de Dieu.

La station de ce jour est en l’Église des Saints-Apôtres, que plusieurs pensent avoir été bâtie d’abord par Constantin, et dans laquelle les glorieux corps des deux saints apôtres Philippe et Jacques le Mineur, ensevelis sous l’autel, attendent le second avènement de celui qui les choisit pour ses coopérateurs dans l’œuvre du premier, et aux côtés duquel ils siégeront sur des trônes au dernier jour, pour juger les douze Tribus d’Israël [1].

Nous nous unirons aux intentions de la sainte Église, qui nous propose aujourd’hui la visitation de la Sainte Vierge, en récitant la prose suivante, composée à la louange de ce mystère, dans les siècles de foi :

Prose en l’honneur de la Sainte Vierge
(Tirée des anciens missels romains-français)

Salut Mère du Verbe divin, ô virginale humilité ! Salut, Mère sans tache humble virginité !

Soyez dans la joie, vous qui devenez féconde, et votre fardeau n’est point lourd ; soyez dans la joie, vous dont le fils est un poids doux à porter.

Salut, rejeton de Jessé, branche en fruits féconde ; salut, porte close du temple, ouverte à Dieu seul.

Triomphez, toison de Gédéon, baignée de la rosée de l’Esprit-Saint ; triomphez, tente de Salomon, de toutes la plus écla­tante.

Salut, Étoile scintillante de Jacob, dont la lueur illumine toutes les mers ; salut, demeure scellée, buisson à la puis­sante flamme.

Réjouissez-vous : le soleil est votre vêtement ; humble Étoile, vous enfanterez le Soleil. Réjouissez-vous, vous l’élue entre mille, la radieuse Échelle des cieux.

Chantez, vous l’aurore naissante dans l’éclat d’un astre nou­veau. Chantez, vous l’arche d’alliance, dont le sein garde trois trésors pour les pécheurs.

Il est temps que votre âme glorifie le Christ Jésus ; et pour que nous le chantions avec vous, priez, ô douce Marie ! Amen.

Prière du sacramentaire gallican
(Pour la venue du Seigneur, Collecte)

Purifiez, Seigneur Dieu tout-puissant, les secrets de nos cœurs ; et dans votre miséricorde, lavez toutes les taches de nos péchés. Faites, Seigneur, que par votre clémence à jamais bénie, étant dégagés de nos crimes, nous puissions attendre sans frayeur le redoutable et terrible avènement de notre Seigneur Jésus-Christ.

 

Le samedi des Quatre-Temps

Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le.

La lecture du prophète Isaïe est encore suspendue en ce jour, et remplacée à matines par une homélie sur l’évangile de la messe. Cet évangile se trouvant répété à la messe du 4e dimanche de l’avent, qui est demain, nous ne nous en occuperons pas au­jour­d’hui. Nous donnerons seulement ici la raison pour laquelle le missel n’assigne qu’un seul évangile à ces deux messes.

L’usage fut d’abord, dans l’Église romaine, de célébrer l’ordina­tion dans la nuit du samedi au dimanche, en la même manière qu’on administrait le baptême aux catéchumènes dans la nuit du samedi saint au jour de Pâques. La cérémonie avait lieu vers minuit, et se prolongeait toujours d’une manière notable sur le dimanche, en sorte que la messe de l’ordination comptait pour celle du dimanche lui-même. Plus tard, la discipline s’adoucit, et ces veilles pénibles furent supprimées ; on avança la messe de l’ordination, comme on a avancé aussi celle du samedi saint ; en sorte que le quatrième dimanche de l’avent et le deuxième de carême n’ayant point eu jusqu’alors d’évangile propre, puisqu’ils n’avaient pas de messe propre, il fut réglé, vers les 10e ou 11e siè­cles, qu’on répéterait l’évangile de la messe de l’ordination dans la messe spéciale de ces deux dimanches.

La station est à Saint-Pierre, le samedi, à cause de l’ordination. Cette basilique convenait mieux que toute autre pour réunir le peuple, ayant toujours été une des plus vastes de la ville de Rome.

Honorons Marie en ce jour du samedi qui lui est consacré, en nous unissant aux cantiques de l’Église Orientale, toujours iné­puisable dans les louanges de la Mère de Dieu.

Hymne tirée de l’anthologie des Grecs
(Au 15 décembre)

Comme un trône empourpré, vous portez le créateur ; comme une couche vivante, vous entourez le roi, ô pleine de divines grâces !

Tige vigoureuse, vous avez produit comme un rejeton le Christ notre appui : car elle était votre figure, la verge d’Aaron bourgeonnant autrefois sans culture ; ô chaste colom­be ! ô toujours vierge !

Chanter la manière admirable de votre étonnante et incom­préhensible maternité, est chose impossible aux mortels ; car elle dépasse toute intelligence, toute pensée, toutes les conceptions de l’esprit, toute la force des paroles.

Isaïe voyant votre indicible, votre ineffable maternité, s’écriait dans son accent divin : L’Esprit-Saint est survenu en vous, ô Mère de Dieu ! il vous a conservée comme autrefois le buisson ardent, sans vous consumer ; c’est pourquoi nous aussi, nous crions avec les anges : Réjouissez-vous, ô taber­nacle de Dieu !

Prière du missel mozarabe
(Au 5e dimanche de l’avent, Illation)

C’est une chose digne et juste que nous vous rendions grâces, Seigneur saint, Père éternel, Dieu tout-puissant, par Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur, dont l’incarnation a été le salut du monde, comme sa Passion en a été la rédemption. Que celui-là donc, ô Père tout-puissant ! nous fasse parvenir à la récompense, qui nous a retirés des ténèbres infernales ; qu’il purifie notre chair de ses péchés, celui qui a pris cette chair dans la Vierge ; qu’il nous fasse rentrer en grâce avec votre majesté, celui qui par son sang nous a réconciliés avec vous ; qu’il nous rende justes pour le jugement qu’il exercera au second avènement, celui qui, dans le premier, nous a ac­cordé le don de sa grâce ; qu’il soit pour nous un juge plein de douceur, celui qui autrefois daigna apparaître dans l’humilité ; qu’il se montre envers nous clément dans sa sen­tence, celui qui ne se manifesta que dans le secret de ses abaissements.

 

 

[1]           s. Matth. 19