De la subversion (2)
par Serge Iciar

Deuxième article : Le communisme et  Fatima (suite et fin)

Dans mon article précédent je concluais sur la question de la disparition du communisme par rapport aux promesses de Fatima, certains commentateurs prenant la chute du régime communiste comme preuve de la réalisation de la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie.

Cette erreur de perspective est corrigée si l’on est attentif au contenu du message et au déroulement de l’histoire contemporaine. Il est certain que les demandes de Notre Seigneur ne sont pas satisfaites, puisqu’il est évident que le « mystère d’iniquité » continue de se manifester inexorablement.

Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle dénoncé la Russie qui répandra ses erreurs
et non pas le communisme ?

Si  la chronologie présente un intérêt certain, nous avons vu dans notre article précédent que  le communisme n’est qu’un avatar circonstanciel du Mal, dès lors, contrairement à une idée reçue, ce n’est pas contre le communisme en soi que la Sainte Vierge devait prévenir, mais contre l’infection diabolique du monde à partir de la Russie.

Les apparitions de la Sainte Vierge ont eu lieu du 13 mai au 13 octobre 1917, donc avant la prise du pouvoir par les bolcheviks dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917 (date du calendrier julien en vigueur en Russie, 7 au 8 novembre selon le calendrier Grégorien en vigueur chez nous). Jusque là ces révolutionnaires, dont le congrès constitutif du parti date de 1898, garderont leur référence sociale démocrate jusqu’en mars 1918 quand ils adopteront le nom de « Parti communiste  de Russie » après avoir éliminé les mencheviks plus « modérés »[1].

Alexandre Soljenitsyne[2] [3] avait parfaitement identifié la nature du mal et sa stratégie commencée avec la Révolution française et continuée par Napoléon : la destruction de tous les régimes monarchiques chrétiens. Cette œuvre pratiquement accomplie à la fin de la Première guerre mondiale, sera achevée par la Deuxième guerre et l’instauration des bases du Nouvel Ordre Mondial (NOM).

Cette approche historique nous permet de bien comprendre la portée du message de Fatima. Les « erreurs de la Russie » sont plus vivaces et plus répandues que jamais[4]. Cette révolution libérale impose dans nos sociétés l’athéisme social (en même temps que l’ouverture à l’islam), le divorce (en même temps que le regroupement familial des immigrés musulmans), l’avortement et l’euthanasie (en même temps que l’interdiction de la peine de mort pour les criminels), la pornographie, les pires perversions et, en définitive, la ruine de toute autorité naturelle.,[5] [6]

Dès lors, les catastrophes annoncées se produisent inexorablement depuis 1917, au risque aujourd’hui d’une nouvelle conflagration générale tant les foyers de tension se multiplient au Moyen et en Extrême-Orient. Mais ce ne sont là que les signes précurseurs du combat eschatologique[7] qu’annoncent la perte de la foi et la destruction apparente de l’Église.

Dans un tel contexte, le silence de l’Église atteste de sa propre contamination et, en prétendant que les demandes de la Très Sainte Vierge ont été satisfaites, l’Église moderne se fait complice du mystère d’iniquité annoncé par les Saintes Écritures, par des saints de l’Église, et par les apparitions ultérieures.

Le mystère d’iniquité annoncé

1 Les Saintes écritures St Paul Épître aux Thessaloniciens Chapitre 2

1 En ce qui concerne l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ et notre réunion avec lui, nous vous prions, frères,
2 de ne pas vous laisser ébranler facilement dans vos sentiments, ni alarmer, soit par quelque esprit, soit par quelque parole ou lettre supposées venir de nous, comme si le jour du Seigneur était imminent.
3 Que personne ne vous égare d’aucune manière ; car auparavant viendra l’apostasie, et se manifestera l’homme de péché, le fils de la perdition,
4 l’adversaire qui s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu ou honoré d’un culte, jusqu’à s’asseoir dans le sanctuaire de Dieu, et à se présenter comme s’il était Dieu.

L’apostasie est consommée.

2 Un grand saint de l’Église : Le père de Montfort (1673-1716)

Saint Grignion de Montfort prépare déjà les esprits à affronter cette subversion des maux qui, presque un siècle après les apparitions de Fatima, se sont abattus sur le monde, que ce soit le monde libéral ou communiste :

« Votre divine loi est transgressée, votre Évangile est abandonné, les torrents d’iniquité inondent toute la terre et entraînent jusqu’à vos serviteurs, toute la terre est désolée, l’impiété est sur le trône, votre sanctuaire est profané et l’abomination est jusque dans le lieu saint […] tout deviendra-t-il à la fin comme Sodome et Gomorrhe ? Ah ! Permettez-moi de crier partout : au feu, au feu, au feu ! À l’aide, l’aide, à l’aide ! Au feu dans la maison de Dieu, au feu dans les âmes, au feu jusque dans le sanctuaire ! À l’aide de notre frère qu’on assassine, à l’aide de nos enfants qu’on égorge, à l’aide de notre bon père qu’on poignarde !

« Seigneur, levez-vous ! Pourquoi semblez-vous dormir ? »

3 L’apparition de La Salette 19 septembre 1846

Puis vient le secret donné par la Sainte Vierge à Mélanie le 18 septembre 1846 sur la montagne de La Salette. Tout concourt à confirmer les vérités qui nous ont été révélées et enseignées par la Sainte Église.

Le mystère d’iniquité réalisé

Il y a bien dans la révolution en marche un mystère, un mystère d’iniquité que la foi seule permet de comprendre. Sa source se trouve dans la révolte initiale du Non serviam, je n’obéirai pas. Et comme nous l’avons vu dans le précédent article, Satan se sert, successivement, alternativement ou concomitamment, pour réaliser ses plans, de certains moyens humains parmi lesquels il faut ranger les fausses « religions », le communisme et les sociétés secrètes comme la Franc-Maçonnerie. Le drame absolu, l’abomination, c’est que l’Église visible en soit aujourd’hui l’instrument. C’est ce que Mgr Lefebvre nous a enseigné dans son livre Ils l’ont découronné.

« Le Concile, c’est 1789 dans l’Église », déclara le cardinal Suenens. « Le problème du Concile, ce fut d’assimiler les valeurs de deux siècles de culture libérale », dit le cardinal Ratzinger. Et il s’explique : Pie IX, par le Syllabus, avait rejeté sans appel le monde issu de la Révolution, en condamnant cette proposition : « Le Pontife romain peut et doit se réconcilier et composer avec le progrès, avec le libéralisme et avec la civilisation moderne » (n. 80). Le Concile, dit ouvertement Joseph Ratzinger, a été un « Contre-Syllabus » en opérant cette réconciliation de l’Église et du libéralisme notamment par Gaudium et spes, le plus long document conciliaire. Les papes du XIXe siècle, en effet, n’avaient paraît-il pas su discerner ce qu’il y avait de vérité chrétienne et donc d’assimilable par l’Église, dans la Révolution de 1789.

Une telle affirmation est absolument dramatique, surtout dans la bouche de représentants du magistère de l’Église !

Que fut, en effet, essentiellement, la Révolution de 1789 ? – Ce fut le naturalisme et le subjectivisme du protestantisme, réduits en normes juridiques et imposés à une société encore catholique. De là la proclamation des droits de l’homme sans Dieu, de là l’exaltation de la subjectivité de chacun aux dépens de la vérité objective, de là la mise sur le même niveau de toutes les « fois » religieuses devant le Droit, de là enfin l’organisation de la société sans Dieu, en dehors de Notre Seigneur Jésus-Christ. Un seul mot désigne cette théorie monstrueuse : le libéralisme.

Hélas, c’est là que nous touchons vraiment au « mystère d’iniquité » (II The. II, 7), dès le lendemain de la Révolution, le démon suscita à l’intérieur de l’Église des hommes remplis de l’esprit d’orgueil et de nouveauté, se posant en réformateurs inspirés, qui, rêvant de réconcilier l’Église avec le libéralisme, tentèrent de réaliser une union adultère entre l’Église et les principes de la Révolution ! Comment, en effet, concilier Notre Seigneur Jésus-Christ avec un amas d’erreurs qui s’opposent si diamétralement à Sa Grâce, à Sa Vérité, à Sa divinité, à Sa royauté universelle ? Non, les papes ne se trompèrent pas quand, appuyés sur la tradition et munis à ce titre de l’assistance du Saint-Esprit, ils condamnèrent de leur autorité suprême et avec une continuité remarquable la grande trahison catholique libérale. – Alors, comment la secte libérale a-t-elle réussi à imposer ses vues dans un concile œcuménique ? Comment l’union contre nature entre l’Église et la Révolution a-t-elle enfanté le monstre dont les divagations remplissent maintenant d’effroi même ses plus chauds partisans ? C’est à ces questions que je m’efforce de répondre dans ces entretiens sur le libéralisme, en montrant qu’une fois pénétré dans l’Église, le poison du libéralisme la conduit à l’apostasie par une conséquence naturelle.

C’est contre ce mystère d’iniquité qu’il nous faut nous armer tout en gardant bien présent à l’esprit que s’agissant d’un mystère nous ne pourrons que l’aborder avec prudence et humilité, mais avec la ferme assurance que nous donne le mystère de charité et les bons pasteurs que la Providence ne cesse de susciter.

C’est donc sans fausse modestie que je vous invite à vous reporter à nos articles consacrés au premier ouvrage recommandé par M. l’abbé Pivert, l’Âme de tout apostolat de Dom Chautard, afin de mener le combat auquel nous appelle l’Immaculée-Conception au sein de sa milice.

Serge ICIAR

[1]    Avec une très grande similitude avec la Révolution française, la révolution de février 1917 met au pouvoir les mencheviks pourtant minoritaires qui orientent  le parti vers l’action parlementaire organisée par le gouvernement tsariste (une Douma d’État) , l’action clandestine leur semblant sans perspectives. Ils préconisent l’alliance avec la bourgeoisie progressiste, libérale, qui s’apprête à partager le pouvoir avec le tsar. Cependant que Lénine s’inscrit dans une stratégie d’avance masquée derrière une démocratie bourgeoise et reprend l’action clandestine entreprise en 1905 jusqu’à ce que les conditions de la révolution prolétarienne soient réunies.

[2]    Cf Conseils de lecture Publié le 27 juin 2017 Soljenitsyne contrerévolutionnaire antilibéral « La roue rouge », son œuvre monumentale sur la Révolution russe commence à son premier nœud : Août 1914 ; dans l’édition de 1983 ; il avait  rajouté une partie intitulée « Extraits des nœuds précédents » : « Septembre 1911 », « Juin 1907 », « Juillet 1906 », « Octobre 1905 », « Janvier 1905 », « Automne 1904 », « Été 1903 », « 1901 », « 1899 ».

[3]    Lénine craignait que les réformes engagées par le tsar et son ministre Piotr Stolypine puissent réussir à aider la Russie à éviter une révolution violente. Beaucoup d’hommes politiques allemands redoutaient qu’une transformation économique réussie de la Russie sapât en une génération l’hégémonie allemande en Europe. Certains historiens pensent que les dirigeants allemands en 1914 ont voulu provoquer une guerre contre la Russie tsariste, pour la vaincre avant qu’elle devînt trop puissante. Il est établit que l’Allemagne a facilité le retour de Lénine en Russie afin qu’il puisse parachever son œuvre.

[4]    Sur cette permanence des « erreurs de la Russie, voir notamment l’article de Pascal BERNARDIN dans Le Sel de la terre 53, p. 332-349

[5]    Recension du livre de Jean Madiran L’accord de Metz Ou pourquoi notre Mère fut muette Le Sel de la Terre N°62 automne 2007 Philippe de Longsault

[6]    Cf notre article consacré à A Soljenitsyne.

[7]    Qui a trait à la fin du monde ou la fi des temps.