Conduite pour passer saintement le temps de l’Avent

Conduite pour passer saintement le temps de l’Avent

où l’on trouve pour chaque jour une pratique,
une méditation, des sentiments, et des sentences
de la Sainte Écriture et des Saints Pères,
et un point de l’Incarnation.

Par le R.P. Avrillon, Religieux Minime

Préface pour servir de préparation à l’Avent

1ère semaine de l’avent

2e semaine de l’avent

3e semaine de l’avent

Les neuf jours avant Noël

Noël !

LITANIES en l’honneur de l’enfance de Notre Seigneur Jésus-Christ

Préface pour servir de préparation à l’Avent

C’est entrer dans l’esprit et suivre les traces du grand Précurseur, de préparer les fidèles à l’heureux Avènement de leur Rédempteur ; c’était en effet la glorieuse destination de Jean-Baptiste, qui semblait n’être venu sur la terre que pour cette importante fonction ; il a commencé même à la remplir avant que de naître ; il tressaille de joie dans le sein qui le porte, il s’efforce de faire sentir à sa mère ce qu’il sent lui-même le premier, c’est-à-dire la présence de son Dieu et de son Sauveur ; ce qui fit dire à son bienheureux père Zacharie, dans un transport de joie et de prophétie tout ensemble : « Et vous, enfant, vous serez appelé le Prophète du Très-Haut, car vous marcherez devant lui pour préparer ses voies. » (S. Luc, 1)

Ce divin Précurseur entra dans la solitude dès ses plus tendres années, pour mieux se préparer lui-même à s’acquitter de ce devoir ; et il n’en sortit, par l’inspiration du Saint-Esprit, que pour préparer les hommes, par la pénitence, à l’avènement du Messie dont il était la voix ; mais voix si éloquente et si retentissante, qu’elle se change en cris et en clameurs, pour se faire mieux entendre du grand peuple dont il était suivi dans le désert aux environs du Jourdain. Ego vox clamantis in deserto : Dirigite viam Domini. (S. Jean, 1)

Servons-nous ici de ses mêmes paroles, il n’en est point qui soient plus dignes d’être mises à la tête de cette Conduite pour passer saintement le temps de l’Avent : c’est le Saint-Esprit qui les a mises dans la bouche de ce saint Précurseur ; demandons-lui qu’il les mette dans nos cœurs, et que, pour changer de canal, elles ne perdent rien de leur force, de leur énergie et de leur onction, pour nous préparer dignement à la naissance d’un Dieu fait homme, qui descend du ciel, par l’amour qu’il a pour nous, pour venir être notre Rédempteur, notre modèle, notre législateur et enfin notre rémunérateur, aux dépens de sa vie et de son sang.

Les voici ces admirables paroles de Jean-Baptiste, paroles qui ont retenti avec tant de force et tant de succès dans le voisinage du Jourdain, et que l’Église répète et fait retentir aujourd’hui dans la bouche de ses Ministres dans tous les sanctuaires : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : préparez la voie du Seigneur, rendez droits et unis ses sentiers, toute vallée sera remplie et toute colline sera abaissée ; les chemins tortueux deviendront droits, et tout homme verra le Sauveur envoyé de Dieu. » (S. Luc, 3)

Heureux si le Seigneur voulait répandre ses bénédictions sur cette Conduite, sur les âmes fidèles qui la suivront, et si, pendant cette carrière de l’Avent, qui va nous acheminer à la naissance tant désirée du Sauveur de tous les hommes, elle pouvait contribuer à abaisser quelques-unes de ces collines orgueilleuses qui se sont élevées contre Dieu, qui ne méritent pas qu’un Dieu, abaissé pour leur amour à l’humble qualité d’enfant, les honore de sa visite, qu’il ne rend ordinairement qu’à ceux qui sont humbles de cœur ! Heureux si elle pouvait contribuer à remplir et à combler quelques-unes de ces vallées bourbeuses où l’on ne trouve que des pensées basses et terrestres, que des sentiments grossiers et que des désirs charnels qui les empêchent de s’élever jusqu’à Dieu, et qui les enfoncent dans la boue, où il n’y a point de substance, selon l’expression du Prophète (Ps. 68). Heureux si elle pouvait redresser et aplanir quelques-uns de ces chemins tortueux et raboteux remplis de ronces et de pierres de scandale, où il n’est pas sûr de marcher sans tomber ; ce qui les empêche d’aller à la Crèche pour s’instruire et pour profiter du mystère de l’Incarnation, et qui empêche aussi ce Sauveur naissant de venir à eux pour éclairer leurs esprits, pour sanctifier leurs âmes, et pour embraser leurs cœurs de ses divines ardeurs.

Suivez cette Conduite qu’on vous présente, recevez-la comme vous avez eu la bonté de recevoir celle que l’on vous a présentée pour le Carême et pour les grandes Fêtes de l’année ; assujettissez-vous à ses pratiques, ce seront autant de démarches qui vous approcheront de la crèche, parce qu’elles sont tirées des vertus mêmes que le Sauveur naissant a pratiquées dans l’étable, pendant son enfance et dans tout le cours de sa vie. Je prie le Seigneur que vous y alliez dans le même esprit de foi que les pasteurs et les mages, que vous en rapportiez, comme eux, des bénédictions, des trésors de grâce et d’amour, et qu’on puisse dire de vous ce que le Roi-Prophète disait d’un peuple fidèle, dont il louait la ferveur : Seigneur, votre oreille a écouté favorablement la préparation de leur cœur : Preparationem cordis eorum audivit auris tua. (Ps.9)

Entrez incessamment dans cette préparation de cœur, et ne laissez perdre aucun moment ; persuadez-vous que vous n’avez pas trop de temps, car cet adorable Sauveur s’approche, disait saint Bernard, il vient à nous, il marche à pas de géant ; le voici, il nous attend, il nous appelle, il nous regarde, il nous parle.

Il est bien juste que nous fassions quelques démarches pour aller à lui ; il est déjà descendu du sein de son Père céleste dans celui d’une Vierge pour s’y renfermer l’espace de neuf mois ; il est à présent en solitude, en silence et en captivité ; il y pense à nous, il s’occupe de nous, il s’intéresse à notre bonheur ; il est juste que nous pensions à lui ; il est déjà revêtu de notre chair pour établir entre lui et nous une alliance intime et un sacré commerce du plus parfait amour dans la plus parfaite ressemblance ; il a pris la nôtre, afin que nous prissions la sienne, et il ne tiendra pas à lui que cette alliance ne soit éternelle.

Il va naître dans une pauvre étable et sur une crèche quand le terme de neuf mois sera expiré ; terme heureux que nous devons désirer avec ardeur, si nous sentons, comme nous devons le sentir, l’extrême besoin que nous avons d’un Sauveur, et qu’il attend lui-même avec une sainte et amoureuse impatience, qui ne peut venir que du désir violent qu’il a de nous délivrer de nos péchés, de nous rendre la vie de la grâce que nous avions perdue, et la vie de la gloire à laquelle nous n’avions plus aucun droit et que nous n’osions presque plus espérer.

Ce Sauveur se hâte de venir à nous, hâtons-nous d’aller à lui ; courons et ne portons rien avec nous qui puisse retarder notre course ; allons à lui, non pas tant par les démarches du corps que par celles du cœur, qui font bien plus de chemin ; suivons, pour aller à lui, toutes les démarches qu’il fait lui-même pour venir à nous, et nous aurons le bonheur de le joindre bientôt ; suivons l’étoile avec la même ardeur et la même fidélité que les Mages ; si elle s’éteint quelquefois, allons à lui par les voies obscures de la foi, disons-nous à nous-mêmes ce qu’ils dirent à Hérode : Vidimus, nous avons vu (S. Matth. 1) ; ne cessons pas de marcher, et cette étoile éteinte brillera bientôt avec un nouvel éclat sur nos têtes et dans nos cœurs pour nous conduire à Bethléem.

Pour vous aider à vous préparer à cette naissance de votre Sauveur, occupez-vous de ces sentiments, de ces désirs et de ces oraisons jaculatoires toutes de feu, que les Patriarches et les Prophètes poussaient souvent vers le ciel du plus profond de leurs cœurs avant le mystère de l’Incarnation, pour en obtenir l’accomplissement ; servez-vous des mêmes expressions, ce sont de grands modèles ; le Saint-Esprit les leur a dictées, ils nous les ont laissées par écrit ; vous aurez soin d’en choisir une tous les jours de cet Avent pour vous en servir, et pour porter vos désirs vers le ciel.

Unissez-vous à ces grands hommes de l’ancien Testament ; demandez, comme eux et avec eux, le désiré de toutes les nations, le libérateur de son peuple, la lumière des gentils, le Juste, le Sauveur de tout le monde, la gloire du peuple d’Israël, le destructeur de la mort, le conquérant pacifique de toute la terre ; en un mot, la voie, la vérité et la vie ; la voie qui conduit sûrement, la vérité qui éclaire tous les hommes et qui ne peut jamais tromper et la vie qui n’est point sujette à la mort.

Efforcez-vous pendant cet Avent de marcher toujours dans le recueillement et dans la présence de Dieu : aimez la retraite et la solitude, persuadé que Jésus ne vient point dans une âme dissipée ; adressez à ce Sauveur qui va naître, et vos désirs et vos vœux, et vos plus respectueux et vos plus tendres hommages ; tantôt dans l’heureux moment de la divine et incompréhensible opération du Saint-Esprit, auquel ce Dieu de majesté fut fait homme pour notre amour, du plus pur sang d’une Vierge ; tantôt dans son voyage chez Zacharie et Elisabeth, où il se laissait porter par Marie à la première de ses conquêtes, pendant qu’il portait lui-même, par son amour et par sa grâce, celle qui avait l’honneur de le porter : Portans a quo portabatur, dit le dévot saint Bernard ; tantôt dans le chemin de Nazareth à Bethléem, où il souffrit tant de disgrâces de la part de son propre peuple ; tantôt dans l’étable où il va prendre naissance, comme le plus pauvre de tous les hommes, sur un peu de foin, au milieu de deux animaux, étable qu’il va arroser de ses larmes, et faire retentir de ses cris enfantins.

Mais, pour rendre vos hommages plus dignes de l’adorable Enfant auquel vous les adresserez, unissez-les, tantôt à ceux de Marie, sa divine Mère, qui a été la première et la plus parfaite adoratrice de cet Homme-Dieu ; tantôt à ceux de saint Joseph, son chaste époux, le plus digne de tous les hommes d’approcher du Verbe incarné, aux soins duquel il va être confié ; tantôt à ceux des Anges qui descendent du ciel pour célébrer cette naissance par leurs sacrés cantiques ; tantôt faites-lui des présents comme les pasteurs et comme les mages ; adorez ce divin Enfant avec autant de foi, de respect et d’amour que ces premiers adorateurs ; prenez part aux présents qu’ils lui offrent, et faites en sorte que parmi ces présents il y trouve votre cœur ; c’est le plus agréable que vous puissiez lui offrir.

Ne passez pas un seul jour d’un temps aussi saint et aussi précieux comme est celui de l’Avent, que vous ne fassiez quelque pratique de mortification intérieure et extérieure pour honorer les souffrances de Jésus-Christ dans l’étable ; rendez-lui souvent des visites tendres et respectueuses ; multipliez le plus que vous pourrez vos bonnes œuvres pour les lui aller offrir dans la crèche ; priez-le tous les jours d’accomplir en vous les adorables desseins qui l’ont engagé à se revêtir de notre chair, de vous combler de toutes les grâces qui sont attachées au mystère ineffable de son Incarnation, de son séjour de neuf mois dans l’auguste sein de sa mère, de sa naissance temporelle, et qu’il vous fasse part de tout ce qu’il a mérité de son Père céleste dans le cours de sa vie mortelle ; priez-le de venir vous visiter et de demeurer chez vous, selon la divine promesse qu’il vous en a faite par son disciple bien-aimé, quand il a dit : Celui qui m’aime, mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous demeurerons en lui (S. Jean) ; priez-le, enfin, de vous préparer lui-même cette visite précieuse, si sainte et si honorable.

Vous trouverez dans cette Conduite, pour tous les jours de l’Avent, une Pratique, une Méditation, des Sentences tirées de l’Évangile ou de l’Épître, et des Sentences de l’Écriture Sainte et des saints Pères conformes à la Méditation, comme dans la Conduite du Carême. Vous trouverez aussi tous les jours un point sur l’Incarnation ; enfin on finit par une demande et un soupir d’un des Prophètes pour obtenir le Messie, pour s’en servir comme d’une oraison jaculatoire pendant la journée.

Le 16 décembre, qui est le premier des neuf jours qui précèdent la Fête de Noël, on y ajoute, et pour les jours suivants, de courtes paraphrases sur les grandes Antiennes de Vêpres, dites antiennes Ô, car elles commencent toutes par ce mot : Ô Sagesse, Ô Roi des nations, Ô Emmanuel, etc. avec un hommage tous les jours à Jésus naissant. Enfin, pour s’entretenir, pendant la Fête et pendant les jours suivants, de ce grand mystère, on explique l’Évangile du jour par plusieurs paraphrases affectives, qui sont autant de réflexions, d’aspirations et d’actes d’amour vers cet adorable Sauveur dans la crèche ; et l’ouvrage finit par quelques pratiques pour bien finir et pour bien commencer l’année.

1ère semaine de l’avent

Le 1er dimanche de l’Avent Jour de crainte
Le 1er lundi de l’Avent Jour de confiance
Le 1er mardi de l’Avent Jour de vigilance
Le 1er mercredi de l’Avent Jour de fidélité
Le 1er jeudi de l’Avent Jour de ferveur
Le 1er vendredi de l’Avent Jour de lumières
La conception de la Sainte Vierge Jour de pureté

Le 1er dimanche de l’Avent
Jour de crainte

Pratique

Comme la crainte du Seigneur est l’entrée à la vraie sagesse, selon le Roi-Prophète (Ps.110), vous commencerez cette sainte carrière de l’Avent par la pratique de cette vertu, afin qu’elle dirige sûrement vos pas vers la sagesse incarnée. Vous ne perdrez point de vue ce redoutable jugement, dont l’Évangile de ce jour fait aujourd’hui un portrait si effrayant : jugement qui a fait trembler les plus intrépides et les plus grands Saints (Is. 74), où Dieu jugera non seulement les péchés, mais encore les justices.

Cependant faites en sorte que votre crainte ne soit point mercenaire, mais filiale, et comportez-vous et réglez-vous dans vos pensées, dans vos paroles et dans vos actions, comme si vous deviez être jugés, incontinent après, au tribunal de Dieu ; dites-lui souvent dans la journée, avec le Prophète : Seigneur, n’entrez point en jugement avec votre serviteur ; car, hélas ! quel est celui qui pourrait se justifier en votre présence ! (Ps. 142)

Méditation
Sur la crainte des jugements de Dieu, tirée de l’Évangile

Premier point

Alors ils verront le Fils de l’Homme qui viendra dans une nue avec une grande puissance et une grande majesté. (S. Luc. 21)

Quel affreux spectacle se présente aujourd’hui à nos yeux, et par quelle effroyable route l’Église commence-t-elle à nous conduire à Bethléem dès le premier jour de l’Avent, pour y adorer et rendre nos tendres et respectueux hommages, non à un Juge souverain des vivants et des morts, mais à un enfant doux et humble ; non à un Dieu foudroyant dans les nues pour condamner les pécheurs impénitents à des peines éternelles, mais à un Sauveur naissant, qui ne vient que pour briser nos fers, pour nous faire miséricorde, pour nous combler de grâces, pour nous ouvrir le Ciel, et pour nous frayer, par son exemple, par ses souffrances et par l’effusion de son sang, le chemin qui y conduit sûrement. Pensez-y sérieusement ; car si l’un de ces sujets fait naître nos confiances, l’autre est bien capable d’exciter nos craintes et nos frayeurs.

Dans l’étable de Bethléem, l’Évangéliste nous dit que nous trouverons un enfant enveloppé de langes et posé dans une crèche ; ici il nous dit que nous trouverons le Fils de l’Homme dans les nues avec un éclat et une majesté redoutable. Dans l’étable, c’est un enfant sans parole, qui ne s’explique que par ses larmes et par ses cris enfantins ; dans les nues, c’est un Dieu tout-puissant, dont la voix éclatante se fera entendre de toute la terre. Dans l’étable, nous trouverons un Sauveur naissant qui nous tend les bras, un Libérateur qui nous délivre et qui vient nous donner tout son sang pour nous sauver du péché, de la mort et de l’enfer ; dans les nues, c’est un Juge inexorable, qui semble n’avoir que la Justice pour attribut, et qui ne sait plus faire miséricorde, parce qu’il en a trop fait, et que le pécheur qui en a abusé va devenir la malheureuse victime de ses vengeances éternelles. Pensez-y souvent, pour vous précautionner contre les disgrâces dont vous êtes menacés. Craignez-le à présent, ce terrible jugement, dit saint Augustin, c’est le moyen de ne pas le craindre quand il arrivera.

Second point

Ne séparez jamais les deux grands sujets qu’on vous propose aujourd’hui, qui vous représentent un Sauveur naissant dans l’étable, et un Dieu Juge dans les nues, afin d’éviter d’un côté la présomption, et de l’autre le découragement, qui sont deux écueils également dangereux ; l’un nous attire, nous console et nous fait tout espérer ; l’autre nous effraie et nous fait tout craindre ; le premier nous inspire de la confiance, et l’autre nous fait prendre de justes précautions pour éviter les disgrâces dont nous sommes menacés ; le premier nous fait espérer mille douceurs, le second nous fait craindre des peines éternelles et nous engage à éviter tout ce qui peut déplaire à ce rigoureux Juge. Pensez-y donc sérieusement.

Allez en esprit à cet effroyable jugement, allez-y souvent, c’est la démarche salutaire qu’un vrai Chrétien doit faire tous les jours, et dans toutes les occasions où il se trouve d’offenser son Dieu, rien n’étant plus capable de retenir sa main quand elle se porte à quelque action défendue par la Loi de Dieu, et de fortifier l’esprit et le cœur contre les différentes tentations qui se présentent. Pensez-y, dit le Sage, et pensez-y sérieusement, et vous ne transgresserez jamais la loi du Seigneur : Memorare novissima tua, et in æternum non peccabis. (Ecclés. 7)

Réveillez-vous comme d’un profond sommeil à cette terrible trompette qui appelle tous les morts et qui les fait sortir de leurs tombeaux pour paraître à ce jugement. Levez les yeux pour voir ce juste Juge dans tout l’éclat de sa Majesté, la croix à ses côtés, et accompagné de tous ses Anges ; écoutez la voix éclatante qui appelle les justes à des couronnes immortelles, et qui leur dit : Venez, les bénis de mon Père, venez posséder le Royaume qui vous est préparé dès le commencement des siècles ; et cette même voix foudroyante, qui dit aux impies : allez, maudits, dans les flammes éternelles qui sont préparées aux démons.

Dans quelle triste situation sera alors le pécheur ? dit saint Anselme. D’un côté il verra ses péchés dans toute leur énormité ; de l’autre, une multitude effroyable de démons prêts à l’entraîner dans l’abîme ; sur sa tête, un Dieu en fureur prêt à le foudroyer et à le précipiter dans l’enfer, et sous ses pieds, cet enfer ouvert où il va être précipité pour une éternité tout entière.

Où fuirez-vous alors, malheureux pécheurs ? dit saint Bernard ; hélas ! il ne sera plus temps alors de fuir ; mais fuyons à présent et par avance. Et où fuirons-nous ? À la crèche, allons chercher chez un Sauveur enfant un asile contre un Dieu Juge ; allons nous traduire du Tribunal de sa Justice à celui de sa miséricorde ; allons enfin nous instruire de ce qu’il faut faire pour nous soustraire à sa colère. Aimez-le, humiliez-vous, souffrez avec patience comme lui, et vous ne serez point jugés, ou vous serez jugés favorablement.

Sentiments

Transpercez mes chairs, ô Dieu de justice, disait le Roi pénitent (Ps. 118) ; pénétrez mon cœur, pénétrez mon âme et toutes ses puissances du glaive salutaire de votre crainte ; car vos jugements me font trembler, parce que je suis pécheur. Que cette chair pécheresse, qui vous a tant offensé par ses délicatesses, par ses lâchetés et par ses révoltes contre l’esprit, soit percée à présent d’une juste douleur, et qu’elle entre dans la carrière de la pénitence pour expier tous les péchés dont elle est coupable, pour éviter ainsi les douleurs éternelles dont elle est menacée. Que ma mémoire, qui est si souvent remplie de tant de souvenirs dangereux qui vous ont déplu, n’oublie jamais ce redoutable jugement ; qu’elle ne s’occupe que de mes péchés pour les pleurer, et de vos miséricordes pour les reconnaître. Que mon esprit, qui vous a tant offensé par des pensées contraires à vos saintes lois, ne pense plus qu’à vous pour expier ses égarements, et que mon cœur en soit pénétré d’une vive douleur.

Je suis criminel, ô mon souverain Juge ! je l’avoue, et j’ai mérité mille fois la mort ; je ne puis ni décliner votre tribunal, ni vous refuser pour mon juge, ni m’inscrire en faux contre la sentence que vous prononcerez contre moi, ni en appeler à un autre tribunal ; mais ce que je ne pourrais alors, je le puis à présent ; j’appelle de vous à vous-même, du tribunal de votre dernier jugement à celui de votre crèche. Ah ! je respire, il m’est bien plus doux de trouver dans une étable un Dieu de bonté, un Médiateur, un Enfant et un Sauveur, que de vous voir terrible dans les nues au jour de vos vengeances. Ah ! Seigneur, faites-moi la grâce de vous aimer si tendrement comme mon Sauveur, que je n’aie pas lieu de vous appréhender alors comme mon Juge.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Dieu est un juge également juste, fort et patient. (Ps. 7)

C’est un Dieu qui nous a ordonné de prêcher au peuple et de rendre témoignage que Jésus-Christ est établi de Dieu, le souverain Juge des vivants et des morts. (Act. 10)

Qu’y a-t-il de plus agréable pour nous que de voir venir sur la terre le Sauveur que nous désirons ? Mais cependant craignons, puisque celui qui est à présent notre Avocat sera un jour notre Juge. (S. Augustin)

Jésus-Christ a été humble et patient dans son premier avènement ; mais on ne peut s’imaginer combien il sera grand, puissant et terrible dans le second.

Point de l’Incarnation
Un Juge médiateur

Dieu est le souverain juge des anges et des hommes, c’est un apanage inséparablement attaché à la grandeur suprême de son être et à sa qualité de Créateur. Il a jugé les anges rebelles, il les a précipités dans l’enfer qu’il a créé dans sa fureur pour ces intelligences révoltées ; et ces esprits, si parfaits d’ailleurs, n’ont eu ni médiateur ni rédempteur. Nous sommes donc bien plus favorisés de Dieu que la nature angélique, puisque nous avons l’un et l’autre dans un Dieu fait homme pour notre amour. C’est une faveur que nous devons reconnaître tous les jours et à tous les moments de notre vie.

Comme Jésus-Christ est Dieu, il ne perd pas, pour être homme, sa qualité de juge souverain des vivants et des morts ; il l’a encore à titre de rédempteur et de Fils de l’homme, dit le disciple bien-aimé. (Chap. 5) Mais il semble qu’il renonce à cette qualité dans la crèche, et dans toute sa vie mortelle, pour se faire notre médiateur auprès de Dieu son Père ; ou plutôt, il a uni, par un miracle de son amour, ces deux qualités de juge et de médiateur, partout ailleurs incompatibles.

C’est ainsi que le grand Apôtre en parle à son disciple Timothée. (Ép. à Tim., 2) Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ; comme il n’y a qu’un seul Dieu, il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, et ce médiateur est Jésus-Christ, qui s’est livré pour la rédemption de tous. Mais il est important de faire attention que, pour établir notre confiance en ses miséricordes, il n’exerce que cette seule fonction de médiateur dans la crèche, et il ne prendra celle de juge qu’à la fin des siècles.

Allons en esprit dans l’étable de Bethléem, nous y trouverons ce Dieu médiateur qui, tout enfant qu’il est, peut nous secourir, parce qu’il est tout-puissant ; et qui veut nous secourir, parce qu’il nous aime. Il est Dieu avec son Père, auprès duquel il traite de notre réconciliation ; il est homme avec l’homme, pour lequel il prie ; il tient donc à l’un et à l’autre, parce qu’il est l’un et l’autre. Et c’est ce qu’il fallait pour être un parfait médiateur ; et par conséquent notre confiance en son pouvoir et en son amour doit être parfaite et sans bornes, pourvu que nous la soutenions par nos bonnes œuvres.

Son enfance, sa faiblesse, ses cris enfantins, ses larmes, sa pauvreté, ses douleurs, et plus que tout cela, son cœur plein de bonté, parlent pour nous, et se font entendre efficacement de Dieu son Père ; demandons lui à lui-même qu’il prie pour nous comme notre médiateur, et qu’il nous épargne comme notre juge.

Oraison jaculatoire

Rorate, cæli, desuper, et nubes pluant Justum.
Cieux, envoyez d’en haut votre rosée, et que les nues fassent pleuvoir le Juste, (Isaïe, 45)

Le 1er lundi de l’Avent
Jour de confiance

Pratique

Ayez soin de faire, à votre réveil, un acte de confiance, et adressez-le à Jésus naissant et reposant dans la crèche ; efforcez-vous de le faire sentir, ou pour mieux dire, de le faire sortir de votre cœur ; répétez-le plusieurs fois dans la journée, sans perdre de vue ni la défiance que vous devez avoir de votre faiblesse, ni la crainte filiale d’un Dieu infiniment juste, ni le soin de soutenir votre confiance par les bonnes œuvres, sans lesquelles la confiance n’est que présomption ; et dites souvent à Jésus-Christ, avec l’apôtre saint Paul, ces tendres et consolantes paroles : Je me confie en vous, mon Seigneur Jésus : Confido in Domino Jesu. (Ép. aux Rom., 44)

Méditation
Sur la confiance en Dieu

Premier point

Pour vous, dit Jésus à ses apôtres, lorsque ces choses commenceront d’arriver, regardez en haut et levez la tête, parce que votre rédemption approche. (S. Luc, 21)

Quelle admirable sagesse, et quelle excessive bonté dans le Sauveur des hommes ! Mais quelle charitable attention à ménager leur faiblesse et les différents mouvements de leurs cœurs ! Il était de sa sagesse et de sa justice de les intimider par la crainte du jugement dernier ; mais il était aussi de son bon cœur de les relever par la confiance en ses miséricordes et en sa rédemption, qu’il venait opérer sur la terre par son incarnation, et il a la bonté de le faire dans le même discours.

Il fallait effrayer ses apôtres, qui étaient encore grossiers, par la peinture terrible du jugement dernier, pour les prémunir contre la présomption, et les engager à se mettre en sûreté contre cet effroyable appareil, par la pénitence et par les bonnes œuvres ; mais, de peur qu’ils ne tombassent dans le découragement, il fallait, sans effacer l’impression qu’un discours si effrayant pouvait faire sur leurs esprits, relever leur courage abattu, et leur faire comprendre que ce portrait si épouvantable du jugement dernier n’était pour eux qu’une précaution, mais pour les impies une réalité, et l’approche de la rédemption pour les justes ; et qu’enfin ils pouvaient éviter l’un et se procurer l’autre.

Quel parti allez-vous prendre entre ces deux états si différents ? Si vous entendez bien vos vrais intérêts, le voici. Voyez en tremblant ce juste juge, et entendez-le avec frayeur prononcer cet arrêt foudroyant contre les pécheurs impénitents ; mais soyez toujours fidèle à la grâce, ayez confiance de voir alors votre rédemption qui s’approche, et ménagez tellement vos sentiments, que votre confiance l’emporte sur la crainte.

Je sais que la crainte est de précepte, et qu’elle retient souvent une main tremblante qui sans elle se porterait à l’iniquité. Craignez donc, à la bonne heure ; mais craignez Dieu comme on craint un père à qui l’on appréhende de déplaire parce qu’on l’aime. Je sais aussi que la confiance est de précepte, parce qu’elle est formée par l’amour ; faites-en souvent des actes. D’ailleurs elle est beaucoup plus consolante et beaucoup plus douce à pratiquer que la crainte, car quoi de plus doux que de se jeter entre les bras d’un Dieu sauveur qu’on aime, dont on est aimé, et de se confier à ses bontés ? Confiez-vous donc, et vous ne serez point confondu. Ne perdez pas votre confiance, dit saint Paul (Ep. aux Héb., 10), à laquelle Dieu a attaché une grande récompense.

Second point

Lorsque vous verrez arriver ces choses, sachez, dit le Sauveur, que le royaume de Dieu est proche.

(S. Luc, 1)

Regardez ces admirables paroles comme une confirmation des précédentes ; elles semblent même les expliquer et les étendre ; et pour exciter notre confiance en Dieu et en ses bontés, et la flatter même de ce qu’elle peut désirer de plus agréable et de plus délicieux, elles nous font entendre que cette rédemption, qu’il nous promet et qu’il nous fait espérer, n’est autre chose que le royaume de Dieu, qui est éternel, auquel nous participerons infailliblement, si nous lui sommes fidèles. Quel motif de confiance !

Mais cependant, pour ne prendre point ici le change dans une matière de cette importance, où il n’y va pas moins que d’une éternité de bonheur ou de malheur, vous devez faire attention à deux principes et à deux fondements sûrs et inébranlables qui la produisent, sur lesquels elle se soutient, avec lesquels il est impossible de tomber dans l’illusion et d’excéder, et sans lesquels elle tombe et elle périt.

Le premier principe de cette confiance est Dieu seul, c’est-à-dire sa puissance, sa bonté, sa fidélité, ses grâces, sa rédemption, ses mérites, ses souffrances, son sang et sa mort. La bonté de Dieu, qui est sa propre nature, et qui a beaucoup plus de plaisir à faire miséricorde au pécheur qui l’implore avec un cœur contrit et humilié, que le pécheur n’en a à la recevoir. Sa puissance, qui peut tout, à qui rien ne résiste, qui sait tirer sa gloire du péché même, selon l’apôtre saint Paul, et qui ne la fait jamais triompher avec plus d’éclat qu’en pardonnant aux pécheurs, et en faisant des vases de grâces et d’élection, des vases qui ne méritaient que des supplices éternels. Ses divines promesses, qui sont si sûres qu’il dit dans notre évangile : Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas. Son sang, qui est le prix dont il nous a acheté le ciel ; et ses grâces, qu’il ne refuse à personne.

L’autre principe de notre confiance, ce sont nos bonnes œuvres ; croire en effet éviter ce terrible jugement de Dieu, sans cesser de l’offenser, sans faire pénitence et sans pratiquer la vertu, ce n’est point confiance, mais présomption ; ce n’est point à ces présomptueux que Jésus-Christ a dit : Levez vos têtes, votre rédemption approche ; mais il leur dira bien plutôt : Vous m’avez fait servir, par votre fantôme de confiance, à vos péchés ; allez, maudits, dans les flammes éternelles.

Sentiments

Dieu tout-puissant et tout miséricordieux, Dieu de justice et Dieu de bonté, je ne puis vous voir qu’en tremblant avec tout l’éclat de votre majesté terrible, prêt à juger les vivants et les morts ; et ce qui cause ma crainte, c’est que je suis pécheur, et que je sais que ce jour si formidable sera le jour de votre justice et de vos vengeances, que nul des mortels ne pourra jamais éviter s’il a encouru votre haine par ses péchés.

Mais je sais que vous êtes aussi le Dieu des miséricordes, et que, pour être mon juge, vous ne cessez pas d’être mon Sauveur ; et c’est ce qui me rassure, et ce qui m’empêche de perdre ma confiance, parce que vous me l’ordonnez, parce que vous m’aimez, parce que je suis l’ouvrage de vos mains et le prix de votre sang.

Quand votre colère serait près d’éclater sur ma tête, je saurais bien m’en soustraire avec votre secours ; j’appellerais de vous à vous-même, et du tribunal de votre justice à celui de votre miséricorde ; je serais toujours épargné, selon la parole que vous m’avez donnée par votre Prophète (Ps. 2), pourvu que je ne perde pas ma confiance ; parce que je ne puis pas me confier véritablement en vous que je ne vous aime, ni ne peux vous aimer sans être saisi de douleur de vous avoir offensé, ni sentir cette douleur sans être dans la disposition de vous venger sur moi-même par la pénitence.

Je me confie en vous, ô mon Dieu et mon Sauveur, et, sûr de votre divine protection, je ne craindrai pas mes ennemis, quelque nombreux et quelque redoutables qu’ils puissent être, quand ils auraient tendu leur arc pour me percer de leurs flèches, selon l’expression du même Prophète. Oui, ô mon Jésus, puisque votre amour pour moi est égal à votre puissance, je me confierai en vous, et je ne serai point confondu. (Ps. 10)

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères.

Ceux qui se confient au Seigneur auront l’intelligence de la vérité, et les fidèles dans la dilection se fieront en lui. (Sag., 3)

Je me confie en mon Seigneur Jésus. (Ép. aux Rom, 14)

On ne doit se confier qu’en ce qui est éternel, et on ne peut ôter cette confiance à celui qui aime. (S. Augustin)

Hélas ! Seigneur, mes péchés ne peuvent m’inspirer que la crainte, mais vos bontés m’inspirent la confiance. (S. Augustin)

Point de l’Incarnation
Un Dieu vengeur et ami

À moi seul appartient la vengeance, et c’est à moi à punir, dit le Seigneur par ses Prophètes et par l’apôtre saint Paul ; elle lui appartient, dit saint Augustin, parce qu’étant la justice même aussi bien que la souveraine sagesse, qu’étant exempt de toute passion, et incapable par conséquent d’aucune injuste prédilection et d’aucune antipathie, il sait lui seul proportionner la punition au crime. Dans la loi ancienne, qui était une loi de rigueur, et où Dieu ne se faisait presque jamais entendre au peuple que parmi les foudres et les éclairs, il menaçait souvent de ses vengeances ; il se faisait même appeler le Dieu des vengeances, Deus ultionum, et de temps en temps il en exerçait de terribles (Ps. 43) ; et c’est ainsi qu’il ramenait à son devoir le peuple grossier et indocile qu’il conduisait.

Mais il semble qu’il veuille déposer cette redoutable qualité de Dieu des vengeances dans la loi nouvelle qu’il vient établir par son incarnation, qui est une loi d’amour et de grâce, parce qu’il veut gagner nos cœurs, et que le temps de la nouvelle alliance qu’il est venu contracter avec nous, était celui auquel il avait prédit, par un de ses Prophètes (Jér., 31), qu’il donnerait une autre loi aux hommes, qu’il l’imprimerait dans leurs entrailles, et qu’il l’écrirait et la graverait lui-même dans leurs cœurs.

Il devient donc un Dieu ami à l’égard des hommes, et il se fait semblable à eux, afin qu’ils deviennent semblables à lui ; il se fait homme, afin que les hommes deviennent des dieux, il prend par amour ce qu’il y a dans l’homme, afin que l’homme prenne ce qu’il y a en lui ; on ne peut pas pousser plus loin son amour. En effet, ce Dieu tout-puissant, qui a fait l’homme sans le secours de l’homme, se fait homme lui-même pour l’amour de l’homme. Ajoutons encore avec saint Fulgence quelque chose de plus tendre et de plus pressant : L’homme pécheur, dit ce Père, méprise Dieu et il se retire de lui ; et ce Dieu tout-puissant ainsi méprisé se fait homme pour son amour. Ah ! je comprends, dit saint Bernard, que l’homme n’ayant rien en soi qui mérite d’être aimé, il faut que Dieu prenne en soi des motifs de son amour pour lui, et que c’est ce qui rend son amour plus ardent ; il est donc, conclut ce Père, non seulement ami, mais encore l’amour même ; peut-on ne pas aimer l’amour ?

Oraison jaculatoire

Aperiatur terra, et germinet Salvatorem.

Terre, ouvrez votre sein, et faites-en sortir le Sauveur, comme un précieux germe. (Isaïe, 45)

Le 1er mardi de l’Avent
Jour de vigilance

Pratique

Sortez aujourd’hui de votre sommeil le plus tôt que vous pourrez, gardez-vous bien de rien donner à la paresse ni à la négligence, et surtout, dans ce jour consacré à la vigilance, ne vous endormez sur aucun de vos devoirs, et ne vous pardonnez pas la perte d’un seul moment de temps, de peur que vous n’entriez en tentation ; tout vous y engage, la valeur inestimable du temps, qui ne vaut pas moins dans un sens que le sang de Jésus-Christ, parce qu’il est le prix dont il vous a acheté, la proximité de votre rédemption et par conséquent de la mort et du jugement, qui sont plus proches que vous ne pensez. Que votre vigilance s’étende surtout sur vos pensées, sur vos sentiments, sur vos désirs, sur vos paroles et sur toutes vos actions.

Méditation
Sur la vigilance chrétienne

Premier point

Sachez, dit Jésus-Christ à ses apôtres, que le royaume des cieux est proche. (S. Luc, 21)

Il ne suffisait pas à notre adorable Sauveur d’avoir effrayé ses apôtres par la crainte du jugement dernier, pour les précautionner contre la présomption ; il ne lui suffisait pas d’avoir calmé leurs frayeurs par la confiance et par l’espérance d’une rédemption prochaine, pour les prémunir contre le découragement et contre le désespoir de la divine miséricorde ; il veut encore, par bonté, leur donner les moyens d’éviter les rigueurs de ce jugement, et toutes ses suites redoutables, et de s’assurer cette rédemption si avantageuse, par la vigilance qu’il leur inspire et dont il leur fournit les motifs ; il se sert pour cela de la comparaison du figuier, qu’il relève avec une éloquence divine, et de celle des autres arbres, qui annoncent que l’été est prochain quand ils commencent à se charger de fruits ; ainsi, dit ce Sauveur, croyez que le royaume de Dieu approchera, quand on commencera dans le monde à voir l’accomplissement de ces prophéties ; il faut donc veiller, y être attentif, de peur qu’elles n’arrivent sans que nous nous en apercevions.

L’homme est naturellement porté à s’endormir sur ses devoirs les plus essentiels ; la vigilance, la fatigue et l’application le rebutent. Il est vrai que les menaces le réveillent, et que la crainte d’un grand mal qui peut lui arriver, et l’espérance d’un grand bien qu’on lui promet, et dont on lui donne des assurances, le rendent attentif et vigilant ; mais il retombe bientôt après par sa propre pesanteur dans l’indifférence, dans la paresse et dans l’insensibilité ; il semble que ces grandes vérités s’usent, qu’elles perdent à son égard toute leur force et qu’elles ne le touchent pas.

Il est bien honteux à l’homme chrétien, qui a un royaume éternel à espérer et un enfer à craindre, d’être vigilant à l’excès quand il s’agit d’un vil intérêt temporel, et qu’il s’endorme sur les intérêts de son âme, surtout lorsque sa vigilance est capable de lui assurer ce qu’il espère, et de le délivrer de ce qu’il craint. Veillez donc, dit Jésus-Christ, car vous ne savez ni le jour ni l’heure du plus grand et du plus intéressant de tous les événements, qui décidera souverainement entre votre éternité bienheureuse ou malheureuse.

Second point

Si c’est une lâcheté impardonnable à un héros du siècle, qui aspire à la gloire mondaine, de ne pas veiller lorsqu’il s’agit de la conquête d’un royaume, quand on lui fournit tout ce dont il a besoin pour en venir à bout, et s’il mérite d’être dégradé de tous ses honneurs quand il le laisse perdre par sa nonchalance et sa paresse, c’en est une bien plus honteuse à un chrétien, qui est né pour les combats, de s’endormir quand on lui offre un royaume éternel à conquérir, et qu’on lui en fournit tous les moyens. Ah ! il faut qu’il manque de courage et de foi, surtout quand il est persuadé que s’il manque, par sa lâcheté et par son peu de vigilance, à conquérir ce royaume, il sera éternellement malheureux par sa faute.

Un avare s’endort-il quand un trésor est attaché à sa vigilance ? L’application, le travail, les veilles, la privation du repos et du sommeil lui font-ils peur quand il est question de s’enrichir ? Un ambitieux s’endort-il quand il a en vue quelque place d’honneur à laquelle il est sûr de parvenir ? Il y donne son application, ses sollicitudes et ses veilles. Un père de famille s’endort-il, dit le Sauveur (S. Matth., 5), quand il est averti qu’un voleur de nuit s’apprête pour lui enlever son bien ? Si l’amour pour ses richesses temporelles, dont cependant le moindre accident peut le dépouiller, le fait surmonter le sommeil, à combien plus forte raison devons-nous veiller pour conserver les biens spirituels de notre âme, qui consistent dans la grâce de Jésus-Christ, et pour acquérir les biens éternels ! Veillez donc, dit saint Augustin, veillez par le cœur, veillez par la foi, veillez par la charité, veillez par les bonnes œuvres. Veillez, dit saint Pierre (I. Ép., 5), car le démon rôde autour de vous pour vous dévorer, et il vous surprendra si vous ne veillez.

Vous avez tout à craindre, vous avez tout à espérer : voilà les deux grands motifs de la vigilance chrétienne ; vous avez un royaume éternel à espérer ; et pour y parvenir, vous avez des péchés à expier et des vertus à acquérir : veillez donc.

Sentiments

Que ne puis-je, Seigneur, vous dire avec autant de vérité que le Roi-Prophète (Ps. 62) :

Ô Dieu, ô mon Dieu, je veille dès que le soleil se lève pour penser à vous, j’aspire vers vous, mon âme brûle d’une soif ardente pour vous, ma chair même que je fais veiller se sent pressée de cette même ardeur (Ps. 101) : j’oublie même quelquefois de manger mon pain, à force de veiller sur mes devoirs, pour vous rendre incessamment les hommages et les adorations que je vous dois, parce que vous êtes mon Dieu, mon créateur et toute ma force ; je veillais pendant les nuits à méditer sur vos grandeurs et à chanter vos louanges, et j’étais dans ma solitude comme un passereau sur un toit.

Mais aussi à quelle perfection éminente est parvenu ce roi pénitent par sa vigilance ! et combien en suis-je éloigné pour n’avoir pas assez veillé sur moi-même ! Ah ! si j’avais été fidèle à cette vigilance chrétienne, et si je ne me fusse pas si souvent et si longtemps endormi sur mes devoirs les plus essentiels, pendant que les ennemis de mon bonheur ne veillaient que trop pour me perdre, combien de vertus aurais-je acquises ! combien de passions et de mauvaises habitudes aurais-je extirpées ! Hélas ! je ne connais que trop que, faute de veiller sur mon âme, je l’ai laissée comme une terre en friche, où les mauvaises habitudes ne se sont que trop enracinées ; mon cœur a été en proie à une infinité d’attaches imparfaites, et il a perdu bien des grâces.

Si les pasteurs avaient été endormis, les anges ne leur auraient pas annoncé votre naissance, ô mon Sauveur. Je veux veiller comme eux pour en profiter ; mais, Seigneur, réveillez mon âme endormie, et confirmez-la, disait le Roi-Prophète, dans la vigilance chrétienne, par l’autorité de votre divine parole : Dormitavit anima mea præ tædio, confirma me in verbis tuis. (Ps. 111)

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Je dors, et mon cœur veille. (Cant. 1) Celui qui veille dès le matin pour acquérir la sagesse n’aura pas de peine, parce qu’il la trouvera assise à sa porte. (Sag., 6)

Plus l’ennemi veille pour nuire, plus le chrétien doit veiller pour le vaincre. (S. Augustin)

Celui-là veille qui a toujours les yeux de l’âme ouverts à la vraie lumière et sur ses propres devoirs. (Le Vénér. Bède)

Point de l’Incarnation
Un Verbe muet

Au commencement était le Verbe, dit le disciple bien-aimé (Jean, 1), et ce Verbe était Dieu comme le Père céleste qui l’a engendré de toute éternité. Par ce Verbe toutes choses ont été faites, et ce Verbe était la vie et le principe de la vie, la lumière de tous les hommes ; cette lumière a brillé dans nos ténèbres, et ces ténèbres ne l’ont pas comprise ; ce Verbe a eu le pouvoir de faire autant d’enfants de Dieu qu’il y a eu d’hommes sur la terre qui l’ont reçu et qui ont cru en lui ; enfin ce Verbe s’est fait chair pour notre amour. Voilà l’admirable et sublime théologie du Verbe, dictée par le Saint-Esprit, et écrite par le disciple bien-aimé, qui en a été le secrétaire et l’interprète.

Ajoutons avec les saints Pères que cette génération du Verbe divin est ineffable et incompréhensible ; parce que le Père qui engendre est Dieu ; que le Fils engendré est Dieu, et que ce Fils est aussi ancien, aussi puissant et aussi grand que le Père ; il est engendré par l’Esprit, il est par conséquent la pensée par laquelle cet adorable principe se connaît soi-même ; il est, dis-je, sa pensée, son Verbe, sa parole, son Fils, sa propre substance, Dieu de Dieu et sa parfaite image. Quelle grandeur inconcevable ! Croyez-la, adorez-la, aimez-la ; la foi, l’adoration et l’amour ont droit de s’approcher de ce Soleil de justice.

Mais ce Verbe qui est Dieu, et qui est si grand, si pur et si saint, s’est fait homme, il s’est fait enfant pour notre amour ; engendré de Dieu de toute éternité, il veut être engendré dans le sein d’une Vierge, par l’opération ineffable du Saint-Esprit ; ce Verbe qui est la parole vivante, et l’éloquence même de toute la Divinité, veut devenir un Verbe muet et sans parole ; quel prodige d’humilité et d’amour tout ensemble !

Rendons nos hommages à ce Verbe sans pareil, en premier lieu dans l’auguste sein de la divine Marie ; il est renfermé comme un prisonnier d’amour, comme une parole sans parole ; et ce silence volontaire qu’il y garde est digne de nos attentions et de nos respects, autant que les oracles que sa bouche adorable prononcera un jour quand il conversera parmi les hommes ; en second lieu, allez aussi à la crèche adorer ce Verbe enfant ; il a une bouche, mais qui ne parle pas ; il vous écoutera, et quoique muet, il parlera à sa manière à votre cœur ; son silence et ses cris enfantins ont chacun leur langage, leur éloquence, leur énergie et leur onction.

Oraison jaculatoire

Qui sedes super Cherubim, excita potentiam tuam et veni, ut salvos facias nos.

Vous qui êtes assis sur les Chérubins, faites paraître votre puissance, et venez pour nous sauver. (Ps. 79)

Le 1er mercredi de l’Avent
Jour de fidélité

Pratique

Comme une fidélité exacte en toutes choses, telle que Dieu la pratique à votre égard, et telle qu’il a droit par conséquent de l’exiger de vous qui lui devez tout, demande de vous un grand retour et une grande attention, commencez par la lui promettre à votre réveil et à la lui demander ; soyez attentif dans tout le cours de la journée à ne pas commettre la moindre infidélité dans les plus petites choses aussi bien que dans les plus grandes ; et s’il vous en échappait quelqu’une, expiez-la aussitôt ; soyez donc fidèle à bien remplir tous vos devoirs, à la présence de Dieu, aux inspirations, à la prière, à la mortification, et à la charité du prochain ; le Dieu que vous servez, qui est un Dieu fidèle, vous la facilitera et vous récompensera.

Méditation
Sur la fidélité

Premier point

Le ciel et la terre passeront, dit Jésus-Christ, mais mes paroles ne passeront pas. (S. Luc, 21)

Oui, le ciel et la terre, quelque stables qu’ils vous paraissent, passeront plutôt que les paroles qui sortent de la bouche de Jésus-Christ, soit dans les menaces terribles qu’il fait dans l’Évangile, du dernier jugement et de ses suites redoutables, soit dans les récompenses éternelles qu’il promet à ceux qui lui seront fidèles jusqu’à la mort ; les unes et les autres sont infaillibles, et seront justifiées par l’événement à la face du ciel et de la terre, parce que notre Dieu est un Dieu fidèle, qui a droit par conséquent d’exiger la fidélité des hommes, en faveur desquels il a poussé la fidélité jusqu’à la mort.

Quand un homme a conservé une fidélité exacte à son ami, qu’il a soutenu ses intérêts aux dépens des siens, qu’il lui a toujours rendu des services importants, qu’il a toujours pris son parti, gardé son secret, et exécuté ses promesses, sans s’être jamais relâché de sa fidélité, quelque chose de fâcheux, quelque contretemps qui lui soit arrivé, n’a-t-il pas droit d’exiger que cet ami qui lui a tant d’obligation lui soit fidèle ?

Jésus-Christ est cet ami fidèle jusqu’à la mort ; il nous invite à la fidélité ; il est fidèle dans ses paroles, dit le Roi-Prophète (Ps. 88, 110, 114) ; il est fidèle dans ses promesses, il est fidèle dans ses voies, il est fidèle dans son testament ; et sa fidélité à mon égard ne lui a pas moins coûté que tout son sang, et c’est par cet acte héroïque qu’il l’a couronnée ; il se fait même tant d’honneur de la fidélité, qu’il prend dans l’Apocalypse le glorieux nom de fidèle (Apoc., 19), et qu’il le prend pour deux motifs : l’un, pour inspirer la confiance aux bons et la terreur aux méchants ; l’autre, pour les engager à se faire un devoir et un honneur de cette fidélité à son exemple.

Je suis pécheur, j’ai commis un grand nombre d’infidélités ; je dois craindre ce Dieu fidèle qui me menace de me punir, et qui ne me menace pas en vain ; au contraire, si je satisfais à sa justice, et si je lui suis fidèle dorénavant, je dois tout espérer de sa fidélité et de sa bonté, parce qu’il m’a promis de grandes récompenses, et que je suis sûr que le ciel et la terre périront plutôt qu’il me manque de parole.

Second point

Les voici ces magnifiques promesses : imaginez-vous donc qu’elles sont faites à vous-même, et que c’est à vous qu’il parle pour vous engager à lui être fidèle jusqu’à la mort. Le Seigneur dit par son Prophète (Ps. 100), que ses yeux seront attachés sur l’homme fidèle, et qu’il lui fera part de son royaume en le faisant asseoir auprès de lui. Après son incarnation il lui confirme cette promesse pour sa consolation, il a même la bonté de lui adresser la parole, en lui disant tendrement : Ô bon et fidèle serviteur, parce que vous avez été fidèle jusqu’aux plus petites choses, entrez dans la joie de votre Seigneur. (S. Matth., 25)

Mais ne vous imaginez pas que la fidélité que nous devons à Dieu soit d’un jour ou d’une bonne fête, ou même de quelques années ; comme il n’est point de jour ni de moment dans toute notre vie où Dieu ne nous soit fidèle (quoiqu’il ne nous doive rien), qu’il n’ait les yeux sur nous, et qu’il ne soit prêt à nous faire du bien, quand nous n’y mettons point d’obstacles par nos infidélités ; aussi la fidélité qu’il exige de nous est de toute notre vie, et il nous en avertit par ces paroles : Soyez fidèle jusqu’à la mort, et vous aurez la couronne de vie. (Apoc., 2)

Faites ici réflexion sur les grâces infinies que vous avez reçues de Dieu, et sur vos infidélités innombrables à les reconnaître, à y répondre, et à les faire profiter, comme Dieu le demandait de vous et comme vous auriez pu le faire ; et convenez que cet examen ne peut que vous couvrir de honte et de confusion, vous pénétrer de douleur, et vous faire craindre avec sujet un avenir redoutable, et un bien plus rigoureux examen que le vôtre de la part de Dieu, si vous ne mettez incessamment tout en usage pour les expier et pour les réparer. Examinez surtout les sujets sur lesquels vous avez commis le plus d’infidélités ; accusez-vous d’abord au tribunal de votre conscience, pour anticiper et pour prévenir celui de Dieu ; regrettez, gémissez, réparez, formez enfin une ferme et généreuse résolution de lui être fidèle jusqu’à la mort.

Sentiments

Ô Dieu fidèle, puis-je ici paraître à vos yeux sans confusion après tant d’infidélités dont je me sens coupable ? (Apoc., 19) Vous m’avez toujours été fidèle ; et, pour m’engager à cette fidélité que je vous dois, vous m’avez promis une couronne de vie. Oui, Seigneur, quoique vous ne me deviez rien, vous m’avez été toujours fidèle dans vos paroles et dans vos promesses, que vous m’avez toujours tenues ; fidèle à pourvoir à tous les besoins de mon corps et de mon âme ; fidèle dans votre amitié, que je n’ai jamais perdue que par ma faute ; fidèle dans vos grâces, qui ne m’ont jamais manqué. Non content de vous donner à vous-même le glorieux nom de fidèle, pour m’inspirer la confiance en vos bontés, vous me le donnez aussi pour me distinguer des infidèles, qui n’auront jamais part à votre céleste héritage.

Mais, hélas ! combien indignement ai-je porté cet auguste nom de fidèle, puisque je n’en ai pas encore rempli la signification, et qu’au contraire je l’ai démenti et déshonoré par des infidélités sans nombre ! Infidèle à votre divine parole, que j’ai mille fois entendue sans en profiter ; infidèle à vos inspirations et à vos grâces, que j’ai négligées ; infidèle à mes propres résolutions et aux promesses les plus sacrées que je vous ai faites souvent au pied des autels, et que j’ai violées presque aussitôt ; infidèle aux devoirs de ma religion et de mon état, que je n’ai pas remplis comme je le devais, comme je le pouvais, comme vous me l’inspiriez et comme je vous l’avais promis. Pardon, ô Dieu fidèle, donnez-moi le courage de vous faire ici la promesse de vous être fidèle jusqu’à la mort, et de n’y manquer jamais.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Celui qui est fidèle dans les plus petites choses, le sera dans les grandes. (S. Luc, 16)

Soyez fidèle jusqu’à la mort, et je vous donnerai la couronne de vie (Apoc., 2)

Si vous écoutez la parole de Dieu avec toute la ferveur, et si vous la conservez avec toute la fidélité que vous devez, cette parole vous deviendra tout ce que vous désirez. (Orig., in hom. 16 in Exod)

Les grâces cessent de couler du ciel dans nos âmes, si par notre infidélité nous cessons de les faire remonter à leur principe. (S. Bernard)

Point de l’Incarnation
Un Rédempteur racheté

Le titre de rédempteur est un des plus glorieux attributs de Dieu, et le nom qu’il prend et que les Prophètes lui donnent souvent dans l’Ancien Testament, pour inspirer le respect, la reconnaissance, la confiance et l’amour aux hommes. Vous êtes mon secours et mon rédempteur, ô mon Dieu, disait le Prophète. (Ps. 18) Notre rédempteur est le Dieu des armées, le Saint d’Israël, c’est son nom, dit le prophète Isaïe (Isaïe, 41), et c’est dans cet esprit que le prêtre Zacharie, voyant Marie enceinte de Jésus-Christ, le reconnut, avant qu’il parût sur la terre, pour le rédempteur d’Israël, en s’écriant dans son sacré cantique : Que le Seigneur, le Dieu d’Israël soit béni, parce qu’il est venu visiter son peuple pour en être le rédempteur. (S. Luc, 1)

Il fallait en effet, dit saint Augustin, que le Verbe de Dieu, par qui tout le monde a été fait, vînt aussi racheter tout le monde ; mais non content d’avoir rempli cette fonction glorieuse, pour faire briller son amour avec un éclat nouveau, il fallait qu’il se mît en état d’être racheté lui-même, pour faire plus efficacement la fonction de rédempteur. Il s’est fait homme pour racheter tous les hommes ; il a pris la forme de serviteur, pour nous racheter de la servitude ; il a pris l’apparence de pécheur, et il s’est chargé réellement de nos péchés pour nous racheter de nos péchés et des peines qui leur étaient dues ; enfin il s’est assujetti à la mort pour nous racheter de la mort. Quelle plus grande miséricorde ! dit Cassiodore ; quelle prodigieuse rédemption et quel miracle d’amour, de voir un Créateur créé, un Souverain servir, un rédempteur vendu, la grandeur même abaissée, et l’Auteur de la vie subir la mort ! Mais à quel prix ? À celui de son sang. Soyez persuadés, disait le prince des Apôtres (1re Épître), que ce n’a point été par des choses corruptibles, comme l’or et l’argent, que vous avez été rachetés, mais par le précieux sang de Jésus-Christ.

À peine même ce divin Rédempteur paraîtra-t-il au monde, qu’il sera racheté lui-même et à sa manière, et par ses propres créatures. Hérode le cherchera pour le massacrer, et il aura obligation de sa vie à Joseph, qui sauvera son Sauveur par sa fuite en Égypte ; on le présentera au temple, et Marie sa divine mère rachètera sa liberté par deux tourterelles.

Oraison jaculatoire

Adjutor et protector meus es tu ; Deus meus, ne tardaveris.

Seigneur, vous êtes mon aide et mon protecteur ; mon Dieu, ne tardez pas à venir briser mes chaînes. (Ps. 39)

Le 1er jeudi de l’Avent
Jour de ferveur

Pratique

En donnant, à votre réveil, votre cœur à Dieu, ce qui n’est autre chose qu’un acte d’amour que tout chrétien est obligé de faire tous les jours, surtout au commencement de la journée, faites-le le plus parfait, le plus pur et le plus fervent qu’il vous sera possible. Pour le bien faire, demandez humblement le secours de la grâce de Dieu, sans laquelle vous ne pouvez rien : réitérez cet acte le plus souvent que vous pourrez dans la journée ; et que toutes vos pensées, tous vos sentiments, toutes vos paroles, et toutes vos actions se sentent de cette ferveur.

Méditation
Sur la ferveur

Premier point

L’heure est venue de nous réveiller de notre sommeil, puisque nous sommes plus proches de notre salut que lorsque nous avons reçu la foi. (Ép. aux Rom., 13)

Faites attention que ce grand Apôtre, qui était tout embrasé du feu du divin amour, et qui voulait que tous les fidèles aimassent Dieu avec autant de ferveur qu’il l’aimait lui-même, afin de n’être pas pris au dépourvu à l’approche du grand jour, commence fort sagement à réformer les cœurs et à les avertir d’en éloigner tous les obstacles qui s’opposent à cette ferveur, qui sont l’assoupissement spirituel, la tiédeur et la langueur.

En effet, quelque convaincus que nous soyons de la nécessité qu’il y a d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces, nous nous trouvons quelquefois dans ces états humiliants qui nous chagrinent et qui nous désolent ; nous nous sentons assoupis et incapables de produire par sentiment aucun acte d’amour de Dieu, quand même nous ferions tous nos efforts pour le former, et dans une espèce d’indifférence, de langueur, de ténèbres, de sécheresse, et même d’insensibilité et de dégoût, qui nous alarment.

La plupart des grands saints sont passés par ces rudes épreuves, qui ont été même quelquefois des châtiments de leurs moindres infidélités ; mais c’est aussi le temps auquel ils ont le plus travaillé à s’en relever, persuadés qu’ils ne pouvaient pas donner à Dieu une plus grande preuve de leur fidélité et de la ferveur de leur amour.

Car aimer Dieu quand on se sent du plaisir à lui dire qu’on l’aime de tout son cœur, il n’y a que de la douceur ; mais l’aimer sans sentir qu’on l’aime, s’élever au-dessus de son assoupissement et de ses sécheresses, et ne cesser de le chercher quand il ne cesse pas de se cacher, c’est l’amour le plus héroïque et le plus fervent.

Second point

Revêtez-vous de notre Seigneur Jésus -Christ, dit le grand Apôtre, (Ép. aux Rom., 3)

Persuadez-vous que le plus excellent remède pour se réveiller de son assoupissement et de sa langueur, c’est de prendre Jésus-Christ pour modèle, d’avoir recours à lui et de se revêtir de son esprit, puisqu’il nous a aimés avec ferveur, et qu’il n’est venu sur la terre que pour allumer partout le feu du divin amour.

En effet, cette ferveur n’est autre chose qu’un feu céleste et permanent, sorti du cœur de Jésus-Christ comme de son foyer et de la fournaise, qui s’empare de nos cœurs, qui les embrase d’une ardeur divine, qui brille et qui porte la lumière partout, qui met l’âme en mouvement pour aller à Dieu, pour chercher Dieu, pour s’unir à Dieu, et pour posséder Dieu ; qui la rend vigilante, prompte et courageuse à tout entreprendre et à exécuter tout ce que Dieu lui ordonne, quelque difficile qu’il lui paraisse. Examinez si ce sont là vos dispositions.

C’est ce feu que le Prophète sentait lorsqu’il disait de lui-même : Mon cœur s’est échauffé au milieu de moi ; et tandis que je méditais, un feu s’y est embrasé. (Ps. 38) C’est ce feu dont les disciples d’Emmaüs étaient embrasés quand Jésus-Christ leur apparut après sa résurrection, ce qui les obligea de se dire l’un à l’autre : Notre cœur n’était-il pas tout brûlant dans nous lorsqu’il nous parlait en chemin ? (S. Luc, 24) Heureux si vous sentiez les mêmes ardeurs après une bonne communion !

Je sais qu’il est bien difficile que la ferveur soit toujours égale, et que l’âme, quelquefois entraînée par le poids du corps de chair qu’elle anime, tombe dans quelques petites langueurs ; mais alors elle doit sentir sa faiblesse, s’en humilier, mettre tout en usage pour se réveiller de son assoupissement, et se rapprocher de Jésus-Christ pour prendre de nouvelles ardeurs. Un flambeau nouvellement éteint et qui fume encore, reprend la flamme dès qu’on le rapproche du feu et de la lumière, et il brille comme auparavant, parce qu’il conservait encore une partie de sa chaleur et de son inclination vers le feu ; vous reprendrez bientôt votre première ferveur, dès que vous vous rapprocherez de Jésus-Christ.

Sentiments

Vous voulez que je vous aime, ô mon Dieu ; quoi de plus glorieux pour moi, puisque je ne suis rien, et que vous êtes mon Dieu, mon Créateur et mon Sauveur ? quoi de plus juste ? Vous m’avez aimé le premier, vous m’avez donné votre sang sur la croix, et vous me donnez tous les jours votre corps, votre âme et votre divinité en nourriture, et votre propre table, et vous m’avez promis le ciel pour prix de mon amour ; je serais bien ingrat de ne pas vous aimer ! d’ailleurs je serais bien aveugle si je n’aimais pas ce qu’il y a de plus aimable, et ce qui est seul souverainement aimable.

Mais vous voulez que je vous aime de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes forces, ce qui s’appelle vous aimer avec ferveur. Ah ! Seigneur, c’est tout ce que je désire : aidez-moi donc à vous aimer comme vous voulez que je vous aime. Tenez mon cœur entre vos mains, disait saint Augustin, si vous voulez l’avoir tout entier, de peur qu’il ne m’échappe ; gouvernez-vous seule mon âme, de peur qu’elle ne s’écarte parmi les objets créés ; dirigez mon entendement, de peur qu’il ne s’égare dans ses pensées ; élevez mon amour, de peur qu’après s’être attaché à vous, il ne tombe dans la boue ; suspendez toutes mes puissances, tous mes sens, tous mes organes, tout ce que je suis, de peur que je ne m’attache à quelque chose qui ne soit pas vous ; attirez-moi, entraînez-moi vers ces célestes torrents du plus fervent amour dont vous êtes la source, et dont mon âme est tout altérée.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous, pendant que Jésus-Christ nous parlait en chemin, et qu’il nous expliquait les Écritures ? (S. Luc, 24)

Acquérez l’esprit de ferveur, et ressouvenez-vous que vous servez le Seigneur. (Epit. aux Rom., 12)

Ô amour, qui brûlez toujours, et qui ne vous éteignez jamais, embrasez-moi de vos divines ardeurs ! (S. Augustin)

Quoi de plus digne d’être aimé, que l’amour même dont vous aimez, et dont vous êtes aimé ? (S. Bernard)

Point de l’Incarnation
Un pasteur devenu agneau

Il n’est personne à qui la qualité de pasteur des âmes convienne à plus juste droit, et qui puisse la remplir avec plus de dignité, que le Dieu tout-puissant, qui en est le créateur : comme il les a tirées du néant, il les connaît parfaitement ; comme il est infiniment sage, il sait lui seul la manière de les conduire ; comme il les aime, parce qu’elles sont les ouvrages de ses mains, il les nourrit, il les ramène au bercail quand elles s’égarent, il les porte quand elles sont faibles, et il les guérit quand elles sont malades ; ce qui faisait dire au Roi-Prophète : Hélas ! Seigneur, je me suis égaré comme une brebis qui se perd, cherchez votre serviteur. (Ps. 118)

Le Verbe, pour s’être incarné, n’a pas cessé d’être notre Pasteur ; il a dit lui-même qu’il était le bon Pasteur, qui s’exposait à la mort, et qui donnait sa vie pour ses ouailles, et il l’a fait sur le Calvaire. Mais par surcroît de tendresse, il unit cette auguste qualité de Pasteur à celle d’Agneau, quoi de plus doux, quoi de plus aimable !

Allez à la crèche adorer et caresser cet Agneau, il laissera tondre sa laine sans se plaindre, pour vous revêtir, dit le prophète Isaïe (Isaïe, 53) ; vous y trouverez cet Agneau, dit le même, qui bien que faible en apparence, est cependant le souverain de toute la terre. (Isaïe, 16) Un Agneau si rempli de douceur, dit Jérémie (Jérémie, 11), qu’il se laissera conduire au sacrifice, et qu’il se laissera égorger sans résistance pour vous sauver la vie : un Agneau de Dieu, dit saint Jean, qui se charge des péchés du monde pour les expier et pour les effacer ; allez, dis-je, lui rendre vos hommages et lui faire vos caresses ; il est doux, il les souffrira. Mais ressouvenez-vous que cet Agneau sera assis sur son trône céleste, parce qu’il est le souverain du ciel et de la terre. Soyez donc marqués du sang de l’Agneau, comme les Israélites avant de sortir de l’Égypte, si vous voulez être épargnés au jour redoutable de ses vengeances. Ressouvenez-vous encore que cet Agneau a un livre de vie, où il a écrit le nom des élus : heureux ceux qui s’y trouveront. (Apoc., 4) Suivez-le à présent dans ses souffrances, si vous voulez l’adorer éternellement sur son trône céleste.

Oraison jaculatoire

Deus, converte nos ; ostende faciem tuam, et salvi erimus.
Seigneur, convertissez-nous ; venez nous montrer votre face, et nous serons sauvés. (Ps.79)

Le 1er vendredi de l’Avent
Jour de lumières

Pratique

En sortant du lit et des ténèbres de la nuit, pour jouir de la clarté du jour, demandez à Dieu, en lui donnant votre cœur à votre réveil, qu’il en dissipe les ténèbres et qu’il l’éclaire de ses divines lumières. Dites-lui souvent dans la journée avec le Roi-Prophète : Mon Dieu, éclairez mes ténèbres : Deus meus, illumina tenebras meas. (Ps. 4) Ne vous fiez point à vos propres lumières, ne faites rien, n’entreprenez rien que vous n’ayez auparavant demandé du secours au Père des lumières.

Méditation
Sur l’aveuglement éclairé

Premier point

Le jour s’approche, quittons donc les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumière. (Ép. aux Rom., 13)

Le grand jour de la naissance du Sauveur s’approche, c’est le plus heureux de tous les jours ; désirons-le, attendons-le, mais préparons-nous-y ; nous verrons bientôt nos ténèbres dissipées par la lumière surnaturelle et bienfaisante de Celui qui vient pour éclairer tous les hommes. Quand l’aurore commence à paraître, toute la terre dépose sa tristesse, les ténèbres de la nuit se dissipent, toute la nature reprend sa beauté et son lustre ; l’aurore va se lever sur Bethléem et sur toute la terre, le Soleil de justice va paraître ; déposons les œuvres de ténèbres, pour nous revêtir des armes de lumières.

Examinez si vous n’êtes point dans les ténèbres, et mettez tout en usage pour en sortir. Mais pour réussir dans cet examen, convenez d’abord que tout homme est né dans les ténèbres, parce qu’il est né dans le péché ; et qu’encore que le baptême nous ait rendu la lumière, parce qu’il nous a conféré la grâce, le péché originel, quoique effacé quant à la coulpe, ne nous délivre pas de la concupiscence, qui est une autre source d’aveuglement.

Il y a un aveuglement qui se forme dans l’esprit ; il y en a un autre dans le cœur ; il y en a un dans les œuvres, qui est la suite des deux autres, et que l’Apôtre appelle des œuvres de ténèbres. Faites-en un sérieux examen ; examinez les préjugés de votre esprit, ses entêtements, son orgueil délicat, ses fausses lumières, ses légèretés, ses dissipations, ses pensées, ses curiosités, ses ignorances ; examinez les attaches de votre cœur, ses antipathies, sa trop grande sensibilité, son amour-propre, et les fautes qu’il vous fait commettre ; mais examinez vos œuvres, peut-être y trouverez-vous des œuvres de ténèbres, soit dans la vanité, soit dans les délicatesses, soit dans la lâcheté, soit dans le temps perdu. Examinez-les, réformez-les, et n’ayez plus que des pensées, que des sentiments et des œuvres de lumières ; car le jour du Seigneur approche.

Second point

Revêtons-nous des armes de la lumière, marchons avec bienséance et avec honnêteté, comme on marche dans le jour.

Si vous pesez au poids du sanctuaire ces paroles du grand Apôtre (Ép. aux Rom., 13), vous y trouverez deux grandes vérités, conçues en peu de mots, qui peuvent vous être d’un grand secours. La première, c’est qu’on est fort quand on marche à la faveur de la lumière qui vient de Dieu, et que par conséquent on est bien faible quand on marche dans les ténèbres, ou qu’on n’est guidé que par ses propres lumières, qui n’ont rien de sûr et de solide. Revêtons-nous, dit saint Paul, des armes de la lumière. La lumière est donc armée, elle a de la force pour résister à ses ennemis ; quelle consolation pour moi ! quelle ressource ! Le Roi-Prophète l’avait bien expérimenté quand il disait : Mon Seigneur est ma lumière et mon salut, qui pourrais-je craindre ? (Ps. 26) Ainsi le parti que je dois prendre, quand je sentirai ma faiblesse, c’est de courir à cette lumière, c’est de me revêtir de ses armes, et je serai sûr de la victoire.

La seconde vérité, c’est que, pour marcher sûrement dans les voies du salut, il faut, dit l’Apôtre (Ép. aux Rom., 13), marcher comme on marche en plein jour, c’est-à-dire dans la lumière ; on ne marche ni hardiment, ni sûrement pendant les ténèbres de la nuit, on fait beaucoup de fausses démarches, et on risque de tomber. Quand notre âme est éclairée par le Père des lumières, et que nous ne faisons rien sans le lui demander et sans le consulter ; quand nous avons soin de nous procurer la divine présence de ce Soleil de justice, nous marchons sûrement ; ce Seigneur est à notre droite, dit le Prophète (Ps. 15), et nous ne sommes pas ébranlés ; approchez-vous donc de Dieu, conclut ce saint roi (Ps. 26), participez à ses lumières, et vous ne serez pas confondus ; et convenez que, si vous avez eu le malheur de tomber dans quelque faute notable, c’est que vous vous êtes soustraits à ses divines lumières ; cet éloignement vous a mis dans les ténèbres, et dans ces ténèbres on ne peut faire que des œuvres de ténèbres.

Sentiments

Seigneur tout-puissant, Père de lumières, qui avez mis votre tabernacle dans le soleil, éclairez les yeux de mon âme, disait le Prophète (Ps. 18), afin que je ne m’endorme jamais au temps de la mort, de peur que mon ennemi ne se vante d’avoir eu l’avantage sur moi. (Ps. 12) Source de ténèbres où je me suis précipité moi-même, qui m’ont privé de la lumière en me privant de votre grâce (Ps. 17) ; car, hélas ! je puis bien tenir le même langage que tenait ce saint roi pénitent après son péché : Seigneur, mon cœur est dans le trouble, ma force m’a abandonné, et les yeux de mon âme sont privés de lumière depuis que j’ai eu le malheur de vous offenser. (Ps. 37)

Mais, ô Dieu de lumières, vous qui dissipez les plus épaisses ténèbres, parce que vous éclairez du haut des montagnes éternelles que vous habitez, favorisez-moi de vos divins regards, pour détruire, pour dissiper ou pour réformer mes œuvres de ténèbres (Ps. 75) ; et les nuits les plus épaisses et les plus obscures de mes iniquités deviendront comme les plus beaux jours, et mes ténèbres se changeront en clartés. (Ps. 138)

Répandez sur moi les clartés de votre face, enseignez-moi vos divines lois ; en me les enseignant, donnez-m’en l’intelligence ; en éclairant mon esprit, vous me dilaterez le cœur, pour les aimer et pour courir à pas de géant dans la voie de vos préceptes et de vos conseils. (Ps. 118)

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Malheur à vous qui faites passer les ténèbres pour la lumière, et la lumière pour les ténèbres ! (Isaie, 9)

La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière. (S. Jean, 3)

L’homme est éclairé dès qu’il est en la présence de Dieu, et il est dans les ténèbres aussitôt que Dieu est absent. (S. Augustin)

Si vous voulez voir la lumière éternelle, ayez soin premièrement d’être dans la lumière par la pureté de la chair : c’est une condition nécessaire. (Hugon)

Point de l’Incarnation
La lumière dans les ténèbres

Dieu est essentiellement lumière, et il n’y a point en lui de ténèbres, de sorte que si nous disons que nous avons société avec lui, et que nous marchons dans les ténèbres, nous mentons, mais si nous marchons dans la lumière, nous entrons en société avec lui, parce qu’il est la lumière. Voilà la divine théologie que le disciple bien-aimé disait avoir apprise de Jésus-Christ même. (1re Ép. de S. Jean, 1)

Tout est lumière dans Dieu, il habite une lumière inaccessible. (Ép. de S. Jacques, 1) Le Père céleste est appelé le Père des lumières, de qui tout don parfait descend, qui ne peut recevoir ni d’ombre ni d’obscurité. (Ps. 109) Le Fils est un Dieu de lumières, il est engendré de toute éternité dans la splendeur des saints ; et l’Esprit saint est celui que tous les fidèles appellent à leur secours quand ils ont besoin de lumières.

Ces trois adorables personnes ont concouru à l’auguste mystère de l’Incarnation ; le Père l’a déterminé, le Fils s’est soumis et s’est fait homme, et le Saint Esprit en a conduit la divine opération ; c’est par conséquent un mystère de lumières ; ce qui faisait dire au prophète lsaïe, en parlant à Jérusalem de ce mystère (Isaïe, 60) : Levez- vous, Jérusalem, soyez éclairée, parce que votre lumière va paraître, à la faveur de laquelle les gentils marcheront.

Aussi Jésus-Christ est-il venu, dit le disciple bien aimé (S. Jean, 1), pour éclairer tous les hommes, et cette lumière luira dans les ténèbres ; cependant je ne vois ici que des apparences de ténèbres, car ce Sauveur vient dans l’obscurité de la nuit, quoiqu’il soit l’auteur de la lumière. Il est vrai que, selon le Prophète (Ps. 128), cette nuit sera éclairée comme le plus beau jour ; éclairée par la vraie lumière qui prend naissance, et qui est Jésus-Christ ; éclairée par les Anges qui descendent du ciel ; éclairée par la clarté qui conduit les pasteurs à l’étable. Ainsi les ténèbres de cette naissance ont quelque chose de si grand, qu’elles sont comparables à la lumière : Sicut tenebræ ejus, ita et lumen ejus. (Ibid)

Respectons jusqu’à ces ténèbres, qui n’ont rien que de mystérieux et de saint ; allons à Dieu par ces ténèbres et par les voies obscures de la foi, et nous serons éclairés ; quittons les œuvres de ténèbres, et marchons comme des enfants de lumière, ut filii lucis ambulantes. (Ép. aux Éphés., 5)

Oraison jaculatoire

Emitte Agnum, Domine, dominatorem terræ, de petra deserti ad montem filiæ Sion.

Seigneur, envoyez l’Agneau dominateur de la terre, de la pierre du désert à la montagne de la fille de Sion. (Isaïe, 16)

La conception de la Sainte Vierge
Jour de pureté

L’auteur a mis la fête de l’Immaculée Conception en ce jour, on pourra la déplacer quand elle arrivera avant ou après, et la changer avec le jour dont elle prendra la place. De ce fait il n’y a pas de méditation pour le samedi de la première semaine de l’avent. Note de l’éditeur.

Pratique

Hâtez-vous aujourd’hui pour être des premiers à rendre vos hommages à Marie nouvellement conçue, après cependant les avoir rendus à son adorable fils. Dites à votre réveil ce que l’Ange disait à Jacob : Quittez-moi, car voilà l’aurore qui paraît. Jésus-Christ est le soleil, mais Marie est l’aurore ; saluez-la à toutes les heures du jour, et autant de fois demandez-lui, par son immaculée conception, qu’elle vous obtienne de son adorable fils la pureté d’esprit, de cœur et de corps.

Méditation
Sur la pureté de Marie dans sa conception

Premier point

De qui est né Jésus, qui s’appelle le Christ. (S. Matth., 1)

Ne vous paraît-il pas surprenant que l’Église, si sage dans le choix des évangiles pour les grandes fêtes, ait choisi celui où est marquée la maternité divine pour un enfant qui ne naîtra que dans neuf mois ? Pensez-y, vous y trouverez une profonde sagesse. Elle nous donne en effet, dès le jour de sa Conception, une grande idée de sa pureté, en parlant de sa glorieuse destination : elle est conçue aujourd’hui, et l’Église dit que c’est d’elle qu’est né Jésus qui s’appelle le Christ.

En effet, quelle pureté plus qu’angélique ne faut-il point supposer dans la formation d’une chair d’où sera prise un jour celle de Jésus, qui signifie Sauveur ! La chair de Marie doit être celle de Jésus, dit saint Bernard, et le sang qui en sera pris sera celui de Jésus, cette chair sera un jour déchirée, et ce sang sera répandu sur la croix, et sera l’instrument et le prix de la rédemption de tous les hommes : quel degré de pureté ne doivent point avoir dès aujourd’hui cette chair et ce sang !

Ce Jésus s’appelle le Christ, c’est-à-dire la plus pure et la plus glorieuse de toutes les onctions, puisque c’est l’onction de la Divinité : cette chair, formée aujourd’hui, sera, après l’opération ineffable du Saint Esprit, la chair d’un Dieu, la Divinité y habitera corporellement ; quelle pureté ne doit-elle point avoir !

Marie est cette colombe toute pure, figurée par celle que Noé fit sortir de l’arche, qui, ne trouvant d’abord qu’impureté dans les eaux souillées de restes de cadavres, revint dans l’arche d’un vol précipité, mais laquelle envoyée une autre fois, revint avec une branche d’olivier que le déluge avait respectée ; elle apporte avec elle cette pureté originelle que nos premiers parents avaient perdue. Respectons-la, cette pureté dans Marie, nous ne pouvons mieux l’honorer qu’en conservant notre pureté, ou en la réparant, si nous avons eu le malheur de la perdre.

Second point

De qui est né Jésus, qui s’appelle le Christ. (S. Matth., 1)

Il semble que cet oracle de l’Évangile me donne le droit et m’invite même à entrer avec respect dans le décret éternel de la prédestination de la divine Marie, puisqu’il nous le développe assez clairement, en nous disant par avance que c’est d’elle que Jésus est né. Marie n’est donc prédestinée que pour Jésus, puisqu’elle doit en être la mère, sans qu’aucun homme en soit le père, c’est-à-dire qu’elle doit concourir de son sang et de sa chair en unité de principe à la formation de l’Homme-Dieu, et Jésus-Christ n’est prédestiné que pour racheter tous les hommes au prix de son sang, qui est celui qu’il a tiré de Marie. Le décret de la prédestination de la mère est renfermé dans celui de son fils, qui est Jésus et le Christ ; leurs adorables destinées sont unies inséparablement ensemble. Jésus-Christ devait être la pureté même ; celle qui en devait être la mère devait être la plus pure de toutes les créatures qui soient jamais sorties de la main de Dieu, soit parmi les hommes, soit parmi les Anges ; parce qu’elle devait être la mère de son Créateur, de son Dieu et de son Sauveur, et faire en soi-même une alliance miraculeuse de la virginité avec la maternité.

La nature n’ose dans la formation de Marie précéder la grâce ; elle attend avec respect, dit saint Anselme, qu’elle ait produit son fruit, afin qu’elle soit regardée comme un fruit de la grâce, et qu’on puisse justifier en elle le glorieux titre de pleine de grâce. Il vous paraît qu’il serait honteux à la Mère de Dieu d’avoir été un seul moment souillée du péché, et que la honte en aurait pu rejaillir sur son adorable fils, parce qu’il est la pureté même. Concevez de là une grande horreur de la moindre souillure, nettoyez les plus petites taches de votre cœur, et mettez tout en usage pour acquérir la vraie pureté, si vous voulez être agréable au fils et à la mère.

Sentiments

Divine Marie, vierge et mère tout ensemble, et miroir sans tache de la pureté de Dieu, Vierge plus pure que toutes les intelligences célestes, Mère féconde, mais sans tache et sans souillure, puisque vous êtes toujours demeurée vierge, obtenez-moi de votre adorable fils, qui est l’époux des vierges, un véritable amour pour la pureté d’esprit, de cœur et de corps, et une véritable horreur pour la moindre souillure qui en pourrait ternir l’éclat. Demandez pour moi à Jésus que la corruption n’entre jamais dans mon imagination, en la délivrant de tous les fantômes qui pourraient la salir ; ni dans ma mémoire, en effaçant le souvenir dangereux de tout ce qui pourrait blesser cette vertu plus angélique qu’humaine ; ni dans mon esprit, en éloignant toutes les pensées contraires ; ni dans mon cœur, qui devrait être un sanctuaire consacré à la pureté de Dieu, pour être digne de l’y attirer et d’y prendre ses délices ; ni dans mes yeux, en réglant tous mes regards par la modestie ; ni sur ma langue, en lui donnant de l’horreur pour les paroles équivoques ; ni dans mes oreilles, en les fermant à tous les discours qui pourraient blesser cette pureté ; ni dans ma chair, en l’assujettissant toujours à l’esprit, pour me rendre digne de la protection que vous accordez toujours aux âmes pures, et pour me préparer dignement à la naissance de votre adorable fils, qui ne se plaît et qui ne prend ses délices que parmi les lys des âmes pures qui sont ses épouses.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Le Seigneur a sanctifié son tabernacle. Dieu est au milieu d’elle, elle ne sera jamais ébranlée. (Ps. 45)

La sagesse n’entrera pas dans une âme souillée, et elle ne demeurera point dans un corps sujet aux péchés. (Sag., 1)

La pureté dans une âme raisonnable est infiniment agréable à Dieu ; c’est dans elle qu’il se repose et qu’il prend ses délices comme dans son image. ( S. Antoine)

Il faut une demeure très pure à Dieu, qui est infiniment pur.

Point de l’Incarnation
Une vierge mère

Une vierge devenir mère, c’est un miracle unique et inouï ; une mère concevoir et enfanter sans perdre sa virginité, c’est le prodige le plus éclatant qui soit jamais sorti des mains de Dieu, et il est bien difficile que celui dont elle est mère soit un autre que Dieu même.

La virginité de Marie surpasse infiniment celle de toutes les vierges de la terre ; c’est une virginité féconde, et par conséquent miraculeuse ; c’est par cette précieuse qualité qu’elle attire les yeux et le cœur du Verbe incarné : virginitate placuit. Marie est vierge, mais elle est mère, et Celui dont elle est mère est un Dieu : quelle gloire et quelle grandeur !

La virginité a ses avantages aussi bien que la maternité ; il se trouve cependant quelques privations dans l’une et dans l’autre partout ailleurs que dans la divine Marie ; l’intégrité a toujours fait l’honneur de la virginité, mais elle est stérile, et cette stérilité dans l’Ancien Testament faisait sa disgrâce ; la fécondité fait l’honneur de la maternité, mais elle est souillée, et voilà la confusion. La Vierge sainte a toute l’intégrité de la virginité, sans en avoir la stérilité ; sa maternité a tout l’honneur de la fécondité, sans en avoir la souillure, et voilà sa gloire.

Mais quel honneur lui procurait sa maternité divine ? C’est par cette auguste qualité qu’elle est élevée, dit saint Thomas, à un terme de perfections infini ; elle est la juste mesure de ses grandeurs. C’est par là quelle approche le plus près de Dieu et de l’union hypostatique ; qu’elle est, dit saint Ildefonse, l’image la plus ressemblante de la paternité divine, et qu’elle nous produit une expression plus juste de l’incompréhensible génération du Verbe ; parce que de la même manière à proportion que le Père éternel engendre son Verbe avec communication de substance, sans que ce divin principe en soit altéré, comme ce Fils adorable est engendré vierge de toute éternité d’un Père vierge, de même il est né dans le temps d’une mère vierge, qui lui a tout donné sans rien perdre de son intégrité. Quelle gloire pour cette Vierge mère !

Oraison jaculatoire

Revenez, Vierge d’Israël, revenez, car le Seigneur a créé sur la terre un prodige nouveau, une femme environnera un homme. (Jérémie, 31)

2e semaine de l’avent

Le 2e dimanche de l’Avent Jour de souffrances
Le 2e lundi de l’Avent Jour de foi
Le 2e mardi de l’Avent Jour de docilité
Le 2e mercredi de l’Avent Jour de mortification
Le 2e jeudi de l’Avent Jour de patience
Le 2e vendredi de l’Avent Jour de charité
Le 2e samedi de l’Avent Jour d’espérance

Le 2e dimanche de l’Avent
Jour de souffrances

Pratique

Comme on n’a pas tous les jours une occasion de souffrances, il faut que vous entriez dans la préparation du cœur, et dans la disposition de souffrir et de bien souffrir tout ce qui se présentera de plus affligeant, quand Dieu le voudra. Commencez la journée par demander pardon à Dieu de toutes les fautes que vous avez faites dans les souffrances qui vous sont arrivées : suppléez-y aujourd’hui en vous mortifiant surtout par la privation de tout ce qui pourrait vous faire du plaisir ; soyez-y attentif, et vous ne manquerez pas d’en trouver l’occasion.

Méditation
Sur les souffrances

Premier point

Jean ayant appris dans sa prison les œuvres admirables de Jésus-Christ, il lui envoya deux de ses disciples. (S. Matth.. 5)

Entrez en esprit dans la prison affreuse où Hérode a renfermé Jean-Baptiste : voyez-y un juste, un prophète, un précurseur chargé de chaînes pour la justice et pour la chasteté, et destiné à une mort infâme comme un scélérat, et qui souffre sans se plaindre ; écriez-vous, à ce spectacle si touchant, avec un saint docteur : Seigneur, vous nous donnez ici un parfait modèle, pour nous apprendre à souffrir ; et vous nous produisez l’exemple de cet illustre affligé, pour condamner nos lâchetés, et pour m’exciter, moi, qui suis pécheur, à souffrir pour mes péchés et pour votre amour. Malheur à moi, si je n’en fais un saint usage, et si je ne travaille pas à satisfaire à votre justice pendant cette vie, pour ne le point faire avec plus de rigueur dans l’autre ! Mais, hélas ! comment ai-je souffert jusqu’à présent, et comment dois-je souffrir dorénavant, quand je serai dans la douleur ? Apprenez-le-moi, Seigneur.

Il ne fallait rien moins que ce héros dans les afflictions et dans les liens, pour préparer les hommes à la venue d’un Sauveur, et à embrasser la religion qu’il devait établir, qui devait être une religion de croix et de souffrances. Il ne fallait rien moins que cet invincible martyr de la synagogue expirante et du christianisme naissant, pour préparer les voies à un Sauveur qui devait nous ouvrir le ciel par ses souffrances et par son sang.

D’où il résulte que nous devons souffrir avec générosité, si nous voulons nous préparer à nous-mêmes les voies qui conduisent à la crèche de Jésus-Christ, et nous rendre dignes des grâces qui sont attachées à la naissance d’un Sauveur ; si nous voulons porter avec dignité l’auguste titre de chrétiens, et si nous voulons participer un jour au bonheur éternel qui nous est préparé dans le ciel. Sondez ici les dispositions de votre cœur, examinez votre conduite quand vous êtes dans l’affliction, et réformez-la sur celle du divin précurseur.

Second point

Il fallait que Jean-Baptiste souffrît la persécution, parce qu’il était prédestiné pour préparer les voies à un Dieu fait homme, qui devait nous sauver par la croix, et qui ne devait lui-même, tout innocent qu’il était, rentrer dans sa gloire que par la souffrance, comme il le dit lui-même. (S. Luc, 24) Voilà la route sanglante du premier des prédestinés ; ne prétendons pas, nous qui sommes pécheurs, nous faire une route fleurie et agréable pour aller au même terme ; ne prétendons pas, nous qui sommes les disciples d’un Dieu crucifié, nous sauver sans porter notre croix, puisque nous sommes prédestinés, dit l’Apôtre (Ép. aux Rom., 8), pour être conformes à cet adorable et douloureux original, et que nous ne serons jamais reçus dans le ciel, si nous n’y portons son image.

Il est bien surprenant, et en même temps bien avantageux pour un chrétien, qu’une légère tribulation opère d’elle même un poids immense de gloire dans le ciel ; car quel rapport entre nos souffrances, qui sont passagères, avec une gloire qui est éternelle ? (2e Ép. aux Cor., 4) D’ailleurs Dieu y est engagé de parole, et son sang, auquel nos souffrances sont unies, leur donne une valeur infinie.

Regardez doucement vos souffrances comme un fonds précieux ; Dieu le prend, il le fait valoir, il nous en donne l’intérêt pendant cette vie : cet intérêt c’est sa grâce. Elles produisent encore un autre fonds entre les mains de Dieu : c’est la gloire, c’est un bonheur éternel ; quelle abondante et quelle innocente usure ! quel avantageux commerce ! quel riche contrat !

Qu’y mettez-vous de votre côté ? Presque rien, un mépris, une humiliation, une maladie, une privation, le tout souffert avec patience, avec constance et avec foi ; et Dieu y met du sien, sa grâce, son amour, sa consolation, sa protection, son sang, son royaume. Votre résignation l’appelle à votre secours ; il vient, il se fait sentir, il est en tribulation avec vous, il porte la meilleure partie de votre peine, il vous aide à porter l’autre, il essuie vos larmes, il vous délivre, il vous sanctifie, il vous couronne. Ah ! Seigneur, vous nous sauvez presque pour rien.

Sentiments

Que ne puis-je dire, Seigneur, avec autant de sentiment, autant de foi et autant de résignation que le roi pénitent : Je reconnais, ô mon Dieu, que c’est un vrai bien pour moi d’avoir été humilié par la souffrance : Bonum mihi quia humiliasti me (Ps. 118) ; la prospérité m’avait aveuglé de manière que je ne vous connaissais pas comme je le dois. Hélas ! je méconnaissais vos bontés, qui sont infinies, parce que je ne savais pas assez que vous ne nous affligez jamais que vous ne nous donniez une grâce supérieure à la peine à laquelle vous nous exposez ; que vous êtes toujours avec nous en tribulation ; que c’est vous seul qui nous consolez et qui nous délivrez par votre main toute puissante.

Si vous ne m’aviez livré quelquefois à la souffrance, la délicatesse, la nonchalance et la lâcheté allaient prendre un terrible ascendant dans mon âme ; et à peine aurais-je incliné l’oreille de mon cœur pour écouter vos divines lois, pour les aimer et pour les pratiquer.

Oui, Seigneur, l’affliction a toujours été un bien pour moi ; par elle vous m’avez fait marcher à la faveur d’une lumière que vos flèches portent toujours avec elles, comme le disait un Prophète (Habac., 1). Les vestiges de la religion qui allaient s’effacer de mon cœur, dans le temps de la prospérité, y ont été tracés et gravés plus profondément par les pointes salutaires de vos flèches, qui ne pénètrent le cœur que pour y porter le remède à la paresse, à l’infidélité et au penchant pour les plaisirs sensuels ; vous vous êtes fait connaître à moi, vous qui m’avez fait connaître à moi-même.

Je suis pécheur, et je mérite de souffrir ; la loi et la justice me le font sentir, mais la délicatesse n’en veut pas convenir. Ruinez-la, Seigneur, je la déteste de tout mon cœur ; donnez-moi tout le courage et toute l’humilité dont j’ai besoin pour me soumettre, et pour tirer de mes souffrances toutes les lumières qui sont nécessaires pour me détacher de toutes les consolations sensibles, de toutes les créatures et de moi-même, pour ne m’attacher dorénavant qu’à vous seul.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Heureux ceux qui souffrent la persécution pour la justice, dit le Sauveur, parce que le royaume des cieux leur appartient ! (S. Matth., 5)

On ne peut entrer dans le royaume de Dieu que par plusieurs tribulations. (S. Matth., 14)

Les tribulations, qui nous pressent, nous engagent et nous forcent, pour ainsi dire, de retourner vers Dieu. (S. Grégoire)

Dieu ne mélange nos prospérités d’amertume que pour nous engager à chercher une autre félicité. (S. Augustin)

Point de l’Incarnation

Dieu est essentiellement heureux, parce qu’il est infiniment parfait ; il est heureux par lui-même, et il fait lui seul son propre bonheur ; il jouit de lui-même avec des délices infinies ; il se voit, il se comprend, et il aime ses adorables perfections ; enfin il est lui-même sa propre béatitude. Toutes les créatures ensemble ne peuvent lui donner aucun accroissement de gloire essentielle ; et avant que sa main toute puissante les eût tirées du néant, il se suffisait à lui-même ; dans son éternelle et divine solitude il était lui-même, dit Tertullien, son temple, ses adorateurs, et toutes choses. Il fait enfin le bonheur de tous les saints, et c’est de lui, en lui et par lui, dit saint Augustin, que tout ce qui est heureux est heureux : Deus beatitudo in quo et a quo et per quem beata sunt quæ beata sunt omnia. (Solil. I, c. 1)

Mais ce Dieu tout-puissant, si heureux par lui-même, s’est fait homme ; pour s’être fait homme, il n’a pas quitté son auguste qualité de compréhenseur, il l’a unie à celle de voyageur ; il souffre dans l’étable, il y répand des larmes de tendresse et des larmes de douleur, parce qu’il nous aime et qu’il souffre ; et il en répandra dans la suite sur Jérusalem et sur Lazare ; cette douleur, cette joie, dans un même temps et dans un même sujet, m’engagent à confesser qu’un Dieu heureux et souffrant est un mystère surprenant et incompréhensible.

Pour sortir de cet embarras, j’ai recours aux lumières de la foi, qui m’apprend que l’amour l’a réduit (tout jouissant de Dieu qu’il est) dans cet état douloureux ; il cède tous les droits que son bonheur essentiel lui donne ; il sort hors de lui-même ; il suspend, par un miracle d’amour, cette communication de joie et de plaisir qui devait être naturellement entre la divinité et l’humanité, qui sont inséparablement unies ; il retient le rejaillissement de gloire sur son corps, il se livre à la douleur ; il pleure dans sa crèche, il l’arrose de ses larmes, parce qu’il en veut à notre cœur, et qu’il veut le purifier, le dégoûter des voluptés sensibles par ses larmes, et lui procurer ainsi plus sûrement des plaisirs éternels. Recevez-les, ces précieuses larmes, arrosez-en vos cœurs ; un Dieu pleure, et il pleure parce que vos misères le touchent ; quel est le cœur qui ne serait pas attendri par les larmes d’un Dieu enfant ?

Oraison jaculatoire

Ostende nobis, Domine, misericordiam tuam, et salutare tuum da nobis. (Ps)
Seigneur, montrez-nous votre miséricorde, et donnez-nous l’auteur de notre salut.

Le 2e lundi de l’Avent
Jour de foi

Pratique

Aussitôt votre réveil, allez en esprit dans la crèche, faire votre profession de foi aux pieds de Jésus enfant ; croyez, adorez, aimez ce Verbe éternel dans son silence, sa bassesse, sa toute-puissance ; dans sa faiblesse, sa divinité, dans sa chair ; ce Dieu du ciel dans l’étable, et son immensité renfermée dans un corps d’enfant ; demandez-lui qu’il perfectionne votre foi par l’humilité la plus profonde, par la constance la plus inébranlable, et par la charité la plus fervente, et faites aussi toutes vos actions dans un esprit de foi.

Méditation
Sur la Foi

Premier point

Allez, racontez à Jean ce que vous avez entendu, et ce que vous avez vu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, l’Évangile est annoncé aux pauvres. (S. Matth., 11)

Admirez les solides fondements sur lesquels Jésus-Christ établissait et la divinité de sa personne et celle de la religion qu’il prêchait. Les saints ont fait des miracles, il est vrai ; mais comme ils les opéraient par la vertu de Dieu, ces miracles publiaient leur sainteté, et servaient à confirmer la religion déjà établie ; mais pour fonder une religion de croix et de souffrances, il fallait des miracles opérés de la main de Dieu même, et Jésus-Christ en fait aujourd’hui de très

éclatants et de très nombreux, et il les fait par sa propre vertu ; c’est ce qui montre incontestablement sa divinité. Éclairer les aveugles, faire entendre les sourds, ressusciter les morts, et le faire par sa propre vertu, quelle preuve plus incontestable de sa divinité ?

Je ne m’étonne pas si Jésus-Christ ajoute que les pauvres sont éclairés des vérités de l’Évangile, pauperes evangelizantur : qui est-ce en effet qui pouvait être le témoin de ces prodiges soutenus des oracles de vie de Celui qui les opérait, sans se rendre ? Quelle consolation pour nous ! quel sujet d’actions de grâces ! quel repos de conscience, de voir notre foi si bien établie et suivre une religion tout infaillible et toute divine !

L’esprit de l’homme peut-il, sans tomber dans un pitoyable égarement ou dans une révolte déclarée, s’inscrire en faux contre ce témoignage, autorisé dans la suite du sang de Jésus-Christ et de celui d’un million de martyrs et de miracles !

Second point

Voilà, pour notre consolation, la foi suffisamment établie par des miracles contre lesquels il n’est plus permis de se récrier ; les aveugles sont éclairés, les sourds entendent, et les morts sont ressuscités ; Jésus-Christ, qui a opéré ces miracles, a parlé ; il instruit les pauvres ; à ses paroles il a ajouté tout son sang ; le Saint-Esprit l’a confirmée, les apôtres l’ont prêchée par toute la terre ; il ne manque plus rien, ni à son établissement ni à sa confirmation ; vous l’avez embrassée par le baptême, vous la professez, vous en espérez les récompenses qui y sont attachées et qui consistent dans la possession éternelle de l’auteur de votre foi, qui est Dieu.

Cependant éprouvez-vous encore, selon le conseil du grand Apôtre, et demandez-vous à vous-même si vous êtes dans la foi : Vosmetipsos tentate si estis in fide (1re Ép. aux Cor., 13) ; demandez-le à votre esprit, demandez-le à votre cœur, demandez-le à vos mains.

Votre esprit est-il parfaitement soumis à toutes les vérités qu’elle enseigne, ne se récrie-t-il pas quelque fois contre l’autorité de la foi, qui veut le réduire en servitude ? n’appelle-t-il pas à son propre jugement des vérités qu’elle oblige de croire ? n’écoute-t-il pas ses propres lumières, en raisonnant trop quand il n’est question que de se soumettre ? ne se sert-il pas quelquefois de la simplicité qu’elle exige pour trop donner à sa curiosité, en s’attachant plus à l’incertain qu’au solide ?

Cherchez la foi dans votre cœur, il en est le siège aussi bien que de l’infidélité ; et c’est dans son cœur et non dans son esprit que l’insensé a dit qu’il n’y avait point de Dieu. (Ps. 13) Examinez-en les désirs, les attaches, les affections, et voyez si la foi en est la règle : l’austérité de la foi ne le déconcerte-t-elle pas quelquefois ? Serait-il dans la disposition de sacrifier son repos, son plaisir, son bien, son sang, plutôt que de perdre sa foi ? Demandez à vos mains quelle

divinité vous adorez, c’est sans doute celle pour qui elles travaillent le plus ; ne sont-elles point lâches et paresseuses dans les devoirs de la religion et dans les pratiques austères de la foi, pendant qu’elles ne sont que trop ardentes quand il est question de travailler pour la vanité, pour le monde et pour l’amour-propre ? Voilà le sujet d’un sérieux examen.

Sentiments

Donnez-moi, Seigneur, disait saint Augustin, une foi soumise, généreuse, universelle et fervente, puisque je ne puis ni vous plaire, ni me sauver sans son secours. Je me soumets de tout mon cœur, et je vous reconnais pour mon Dieu dans la crèche et sur la croix, aussi bien que dans le ciel ; je respecte vos paroles, qui sont toujours des oracles, et qui seront la règle de ma conduite ; je me rends à vos miracles, j’adore votre divinité. Vous avez éclairé les aveugles, éclairez mon âme des lumières de la foi ; vous avez fait marcher les boiteux, redressez mes voies, afin que je ne m’écarte jamais des droits sentiers de la foi et de la justice ; vous avez fait entendre les sourds, parlez à mon âme, rendez l’oreille de mon cœur attentive à votre divin langage, et sourde à celui du monde ; vous avez ressuscité les morts, je ne m’en étonne pas, puisque vous êtes l’auteur de la vie. Je vous demande, Seigneur, la vie de la grâce, et cette vie de charité sans laquelle je n’aurais qu’une foi morte qui ne servirait qu’à ma condamnation. Donnez-moi un attachement inviolable à la foi que vous m’avez enseignée, après l’avoir établie par votre parole, par vos miracles et par votre sang ; et conduisez-moi de ses obscurités à l’évidence, de ses pratiques austères aux plaisirs purs et éternels que vous donnez aux vrais fidèles.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Je vis dans la foi du Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi. (Ép. aux Galat., 2)

Si nous recevons le témoignage des hommes, ah ! le témoignage de Dieu est bien plus authentique. (Ép. de S. Jean, 3)

La foi fait la force de la charité, la charité fait la force de la foi. (S. Léon)

Soumettez à votre esprit ce que vous avez de commun avec les bêtes, c’est votre corps ; mais soumettez à Dieu par la foi ce que vous avez de commun avec les Anges, c’est votre esprit.

(S. Augustin)

Point de l’Incarnation
Un pur esprit devenu chair

Dieu est esprit, dit Jésus-Christ à la Samaritaine (S. Jean., 4), dans l’admirable entretien qu’il eut avec elle pour purifier cette femme charnelle de tous les fantômes charnels, et pour l’élever à la connaissance du vrai Dieu, qu’elle devait adorer en esprit et en vérité, à la différence de ces fausses divinités qu’on adorait sur la montagne de Garisin, à qui leurs aveugles adorateurs donnaient des corps de chair.

Il est un esprit pur, incapable de mélange et de composition ; infiniment grand, sans extension locale ; invisible, et qui voit tout ; impénétrable, et qui pénètre tout par son infinie subtilité ; sublime, et qui surpasse tout : c’est un esprit créateur de tous les esprits, une intelligence universelle, qui remplit tout, qui peut tout, qui anime tout et qui soutient tout.

Cependant ce Dieu si grand, cet esprit si pur et si sublime, s’est abaissé par amour jusqu’à se faire homme ; disons plus, jusqu’à se faire chair, et Verbum caro factum est. (S. Jean, 4) Paroles qui méritent d’être pesées au poids du sanctuaire : car pourrait-on mieux que l’a fait le disciple bien-aimé exprimer le prodigieux abaissement du Fils de Dieu, qui est un pur esprit, quand il a dit : le Verbe s’est fait chair ? Où nous devons remarquer, avec saint Augustin, que le Saint-Esprit voulant nous donner une idée parfaite de l’amour et de l’humilité du Sauveur dans son incarnation, ne dit pas simplement qu’il s’est fait homme, mais qu’il s’est fait chair, nommant expressément cette chair, qui est ce qu’il y a de plus abject et de plus méprisable dans l’homme, et de plus indigne d’être uni hypostatiquement à un pur esprit ; de peur que, se servant d’une expression plus noble, il semblât avoir méprisé ce qu’il y a de plus bas dans l’homme : carnem pro homine posuit, etc. (S. Augustin) C’est pour faire entendre qu’il a pris une chair nouvellement formée dans le sein de Marie, qu’il a attendu le terme de neuf mois pour en sortir, et qu’enfin il a voulu naître d’une manière qui, bien que toute consacrée, n’avait rien en apparence qui le distinguât des autres enfants des hommes.

Le Verbe s’est fait chair, dit saint Augustin : quelle consolation et quel honneur pour les hommes ! Le pur esprit s’est uni non seulement à notre esprit pour l’éclairer, lui qui est la source de toutes les lumières ; mais il s’est encore uni à notre chair pour l’ennoblir, pour la consacrer ; il a pris notre chair, il nous a donné la sienne, afin que la chair qui nous avait aveuglés nous éclairât, que la chair qui nous avait blessés nous guérît, et que par l’union de sa chair avec la nôtre il éteignît en nous tous les vices de la chair : Verbum caro factum est ; caro te excæcaverat, caro te sanat, et sic venit ut de carne vitia carnis extingueret. (S. Augustin)

Oraison jaculatoire

Souvenez-vous de nous, Seigneur, selon la bonté que vous avez eue de marquer à votre peuple ; daignez nous visiter et nous envoyer l’auteur de notre salut. (Ps. 105)

Le 2e mardi de l’Avent
Jour de docilité

Pratique

Soyez aujourd’hui plus attentif que jamais à écouterDieu et à recevoir sa divine parole, ou prononcée, ou écrite, ou inspirée, avec toute la soumission d’esprit et toute la docilité de cœur dont vous êtes capable ; dès que vous l’aurez reçue, ne différez pas de la mettre en pratique. Ne vous scandalisez pas des rigueurs ou des humiliations qu’elle vous impose, encore moins de celles que Jésus-Christ a endurées pour votre amour, et dites souvent avec le Prophète : J’écouterai ce que mon Seigneur et mon Dieu dira dans mon cœur. (Ps. 84)

Méditation
Sur la docilité, contre le scandale

Premier point

Heureux celui qui ne prendra point de moi un sujet de scandale. (S. Matth., 11)

Faites attention que parmi ceux chez lesquels Jésus Christ prêchait les vérités célestes, toujours accompagnées de grands miracles, il se trouvait des cœurs dociles qui le suivaient avec empressement jusque dans les déserts, qui regardaient ses paroles, sa vie et ses actions comme des preuves éclatantes de sa mission et de sa divinité, et qui enfin se convertissaient ; mais il y avait des cœurs indociles, qui, loin d’en profiter, s’en scandalisaient. Jésus-Christ se plaint ici de ces derniers, et surtout des habitants de Corosaïm, de Bethsaïde et de Capharnaüm, chez lesquels il avait prêché et opéré beaucoup de miracles, sans qu’ils se fussent convertis. Et il dit (S. Matth.,11) : Jean est venu, ne mangeant et ne buvant, et ils disent qu’il est possédé du diable ; le Fils de l’homme est venu mangeant et buvant, et ils disent : Voilà un homme de bonne chère, et il est ami des gens de mauvaise vie.

Donnez-vous de garde de donner dans ce piège ; si vous voulez être heureux, ne prenez, ni des paroles, ni des actions de Jésus-Christ, aucun sujet de scandale ; respectez, adorez même les unes et les autres, elles sont de Dieu : elles sont toutes ordonnées pour sa gloire et pour votre bien spirituel et éternel, et tout y est sublime et divin ; c’est par ce respect et par cette docilité d’esprit et de cœur que commence la vraie sagesse du chrétien ; c’est même la première sentence du livre de la Sagesse, faites-en la règle de votre conduite : Ayez des sentiments du Seigneur, dit le Sage, qui soient dignes de lui et de sa bonté, Sentite de Domino in bonitate, et cherchez-le avec un cœur simple et docile. (Sag., 1)

Travaillez à acquérir cette simplicité et cette docilité de cœur pour tout ce qui vient de Dieu, ayez un profond respect pour toutes les paroles qui sont sorties de sa bouche adorable : tout est sententieux, tout est adorable, et ce sont des vérités éternelles. Recevez ces inspirations avec un cœur préparé à lui obéir ; regardez avec un culte religieux toutes ses actions, toute sa conduite, toutes ses démarches, ses humiliations, ses souffrances : tout y est saint, tout y est grand, tout y est respectable, tout y est divin, et tout est ordonné du Sauveur pour votre salut.

Second point

La première demande que fit à Dieu le plus sage de tous les rois, aussitôt qu’il fut monté sur le trône, fut la docilité de cœur, dabis ergo servo tuo cor docile (3e Livre des Rois, 3) ; il en avait besoin pour écouter Dieu, pour profiter de ses lumières, et pour les répandre sur ses peuples.

Nous avons notre âme à conduire, c’en est bien assez, et à conduire parmi une infinité de pièges, d’écueils et d’ennemis qu’elle rencontre en son chemin, et qui voudraient l’empêcher de parvenir au royaume qui lui est préparé. Nous avons un corps fragile à conduire ; nous avons nos yeux, notre langue, nos sens extérieurs, nos passions, nos désirs, notre chair à conduire, et nous manquons de lumières ; il faut les demander, il faut les écouter, il faut les suivre ; en un mot, il faut consulter Dieu sur tout, et l’écouter avec docilité.

Pourquoi tombons-nous si souvent ? c’est que nous manquons de docilité. Quelles sont les sources de notre indocilité ? Si vous les examinez bien, vous trouverez que c’est votre peu de foi, votre orgueil secret et votre lâcheté ; votre foi est languissante, vous n’avez pas assez d’estime pour ce qui vient de Dieu, et pour ce que Dieu a fait pour vous, et vous n’y faites pas assez attention ; les mystères ne vous frappent pas assez, vous n’y pensez que faiblement, vous les oubliez facilement ; la divine parole, les inspirations ne font pas assez d’impression dans votre âme, et vous les négligez.

Notre orgueil secret se met de la partie ; nous voudrions qu’on effaçât de l’Évangile l’humilité de la crèche ; nous aurions suivi volontiers Jésus-Christ sur le Thabor, et ses humiliations nous déconcertent et nous scandalisent ; notre lâcheté s’en mêle aussi, elle ne s’accommode pas des rigueurs que Jésus-Christ a endurées dans l’étable et sur la croix, ni de celles qu’il exige de nous pour arriver au bonheur qu’il nous a promis, et la moindre mortification fait peur à notre sensualité. Examinez-vous sur cet important article.

Sentiments

Non, Seigneur, quelque chose de rude que vous m’imposiez, je ne contredirai jamais aux paroles du Saint, disait le saint homme Job, parce que vous êtes mon Dieu, mon Créateur, mon Sauveur et mon souverain Seigneur, et que par conséquent je vous dois obéir (Job, 6). Je ne me scandaliserai jamais ni de vos paroles, qui sont des oracles, ni de vos actions, qui sont saintes, ni de ce que vous exigerez de moi, quelque rigoureux qu’il me paraisse, parce que vous m’aimez,

et que vos lois, qui sont divines, ne peuvent jamais surpasser les forces que vous m’avez données vous-même, et qu’elles me conduisent sûrement au souverain bonheur auquel j’aspire.

J’écouterai dorénavant vos divines inspirations avec tant de respect, tant d’attention et tant de docilité ; je les exécuterai avec tant de courage et tant de fidélité, que j’espère pouvoir vous tenir un jour ce langage du Roi-Prophète (Ps. 16), avec la même confiance : Seigneur, j’ai marché courageusement par les voies les plus rudes et les plus difficiles, parce que vous m’avez ordonné d’y marcher, et que ce sont des lois saintes sorties de votre bouche adorable, et que d’ailleurs vous m’en avez tracé les routes par vos exemples, et que vous me les avez aplanies par votre grâce.

Il me suffira dorénavant, ô mon Dieu, pour m’engager à me faire violence, que je me dise à moi-même : Mon Dieu le veut, il a parlé, je l’ai entendu dans le fond de mon cœur, il m’en a donné la vue, il me l’a inspiré ; qui suis-je pour m’y opposer et pour lui résister ? Je vous dirai toujours, comme le jeune Samuel (1er Liv. des Rois, 2) : Parlez, Seigneur, votre serviteur vous écoute, il est prêt à obéir à votre voix.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

J’écouterai ce que mon Seigneur et mon Dieu dira en moi, persuadé que j’y trouverai la paix. (Ps, 84)

Seigneur, faites-moi entendre au plus tôt la voix de votre miséricorde, parce que j’ai espéré en vous. (Ps. 142)

Celui qui écoute la parole de Dieu avec négligence est aussi coupable que celui qui laisserait tomber en terre le corps de Jésus-Christ par sa faute. (S. Augustin)

Plusieurs consentent à porter sur leur front le signe de Jésus-Christ, qui ne reçoivent pas sa parole dans leur cœur.

Point de l’Incarnation
La Providence dans le besoin

Comme Dieu est une source inépuisable de trésors, et que ses richesses, qui sont immenses, sont accompagnées d’une bonté et d’une sagesse infinies, de là vient qu’il pourvoit à tout par sa providence, sans pouvoir jamais s’appauvrir, et sans que rien manque jamais à tout ce qu’il a créé, ni pour sa subsistance, ni pour sa conservation, depuis la plus noble et la plus grande jusqu’à la plus abjecte et la plus petite de ses créatures, depuis l’homme jusqu’au ver de terre, depuis la baleine jusqu’au moucheron ; parce qu’il aime tout ce qui est sorti de ses mains, et qu’il répand dans sa plénitude, sans qu’elle en souffre jamais aucun vide, et qu’il peut toujours donner et infiniment donner, sans que jamais ses richesses diminuent.

Cependant ce Dieu si riche s’est fait homme par un excès de bonté, et en se faisant homme il s’est fait pauvre volontairement, par choix et par préférence, pour nous détacher des richesses, et pour nous attacher plus fortement à lui, pour nous inspirer un vrai désir des biens spirituels et éternels, qui sont la grâce et la gloire, en nous donnant du mépris pour les biens temporels et périssables, qui sont de grands obstacles aux premiers, qui sont infiniment plus précieux.

Pour venir au monde, il fait choix d’une famille destituée de biens, de fortune, et il veut que sa divine mère ait un époux qui n’ait point d’autre ressource pour soutenir sa vie que les profits médiocres d’un art mécanique. Et il s’expose dans ses parents à tous les rebuts et à tous les affronts inséparables de la pauvreté. Mais à quoi se détermineront Joseph et Marie ? Une pauvre étable découverte et abandonnée va être toute leur ressource, étable destituée de toutes les commodités de la vie, et c’est dans cet hospice d’animaux, et sur de la paille, que Marie va enfanter un Dieu, un Dieu qui possède tous les trésors du ciel et de la terre, et un Dieu qui veut naître pauvre pour notre amour.

Allez en esprit dans cette étable champêtre, voyez-y votre Dieu dans le besoin et dans une extrême pauvreté, qui attendrirait votre cœur, si vous voyiez la dernière des créatures dans cette extrémité : allez-y apprendre à souffrir, et même à aimer la pauvreté ; vous y verrez, dit saint Cyprien, la mère dans le foin, le fils dans l’étable, son lit dans une crèche, et de pauvres langes pour tout ornement. Ah ! quel intéressant et quel touchant spectacle ! Mater in feno, filius in stabulo, et in ornatu regio laciniæ congeruntur. (S. Cyprien)

Oraison jaculatoire

Venez nous sauver, Seigneur notre Dieu, et rassemblez-nous du milieu des nations, afin que nous rendions grâces à votre saint nom. (Ps. 105)

Le 2e mercredi de l’Avent
Jour de mortification

Pratique

Déclarez-vous à vous-même une guerre implacable pendant toute la journée, et regardez-vous comme votre plus dangereux ennemi ; souffrez et abstenez-vous, selon le conseil de saint Augustin ; souffrez tout ce qui se présentera ; abstenez-vous, privez-vous de tout ce qui pourrait vous faire plaisir : soyez attentif sur vos sens, sur le goût, sur la langue, sur les oreilles. Regardez-vous comme une personne à la mort, à qui on fait l’onction sur tous les organes des sens, et ne leur permettez rien qui ait un jour besoin d’être expié par ce sacrement ; à la fin de la journée

demandez-vous-en un compte exact, et punissez-vous de la moindre transgression.

Méditation
Sur la mortification

Premier point

Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? dit Jésus-Christ : un homme vêtu avec luxe et mollesse ? Ceux qui s’habillent ainsi sont dans les maisons des rois. (S. Matth., 11)

Après que Jésus-Christ eut congédié les envoyés de Jean-Baptiste, il eut encore la bonté d’adresser ces paroles à ceux qui étaient restés auprès de sa personne, et de leur faire une instruction pathétique sur la mortification ; et il leur propose ce précurseur pour modèle ; il leur parle de la dureté et de la rudesse de ses vêtements, en les comparant à la mollesse des habits des gens du monde, il leur parle de sa solitude, de sa nourriture et de sa vie affreuse à la sensualité ; et il termine par dire qu’il est le plus grand des enfants des hommes, faisant entendre que c’était sa mortification qui lui avait acquis sa grandeur.

Appliquez-vous à bien connaître cette vertu, qui était celle de Jésus -Christ, de Jean-Baptiste, et de tous les saints, et qui par conséquent doit être la vôtre, si vous voulez vous sauver. La mortification est une espèce de mort, comme son nom le porte ; mais une mort qui donne la vie, qui fait mourir au péché et à la concupiscence, pour vivre à la grâce et à la charité ; mourir au monde, mourir à soi-même pour mourir avec Jésus-Christ ; qui travaille sans relâche à l’extinction de l’amour-propre, de la nonchalance, de la paresse, et des plaisirs sensuels, pour faire régner l’amour de Dieu, qui est la véritable vie de l’âme ; ce qui faisait dire à saint Augustin : Mourez de cette mort, si vous voulez vivre de la véritable vie, qui est celle de la grâce et de la gloire ; soyez enseveli tout vivant dans le tombeau de la mortification si vous voulez ressusciter : Morere ut vivas, sepelire ut resurgas. (S. Augustin)

Regardez-la cette mortification comme une privation, un retranchement et une séparation de l’âme d’avec la vie charnelle, qui soumet l’esprit à Dieu et le corps à l’esprit ; qui ne se contente pas de retrancher les choses illicites, mais encore les plaisirs permis, pour l’amour de Dieu, pour expier les péchés, et pour acquérir de plus grandes grâces. Êtes-vous mort d’une mort si précieuse ? Hélas ! vous n’êtes peut-être que trop vivant à vous-même.

Second point

Regardez la mortification comme celle de toutes les vertus qui a le plus d’étendue dans sa pratique, et qui demande par conséquent plus d’attention ; elle embrasse l’intérieur et l’extérieur de l’homme chrétien, son âme et toutes ses puissances, son corps et tous ses sens, ce qui fait que la mortification doit être continuelle et universelle.

Continuelle, parce que les occasions de se mortifier se présentent très souvent, et qu’elles renaissent incessamment, de sorte qu’après nous être mortifiés sur un article, nous sentons un moment après qu’il faut recommencer et retrancher de nouveau, et que nous tombons si nous ne sommes pas sur nos gardes. C’est la précaution que saint Bernard se crut obligé de donner à ses enfants, quand il leur disait : Soyez incessamment attentifs à vous mortifier sans vous relâcher (S. Bernard) ; car, croyez-moi, mes frères, une plante taillée repousse bientôt après, un ennemi chassé revient bientôt à la charge, un flambeau éteint se rallume bientôt après, pour peu qu’on le rapproche du feu, et une passion assoupie se réveille incessamment.

Elle doit être universelle : elle commence par l’homme intérieur, elle retranche dans le cœur

l’amour-propre, les attaches imparfaites pour les créatures, pour les plaisirs même permis, les antipathies et les prédilections ; dans l’esprit, elle corrige l’orgueil, la vaine estime de soi-même, le mépris du prochain, la curiosité et les pensées qui ne sont pas dirigées vers Dieu.

Elle s’étend sur les sens extérieurs : car la vue, le goût, l’ouïe, l’odorat, portent la corruption dans l’âme, si on ne prend soin de les mortifier. Elle réduit le corps en servitude, et elle en retranche toutes les délicatesses. Voilà le sujet d’un grand examen. Après l’avoir fait, demandez-vous si vous êtes assez mort à vous-même pour vivre à Dieu seul.

Sentiments

Que je serais heureux, ô mon Dieu, si je pouvais, avec autant de vérité que le Roi-Prophète (Ps. 43), vous dire ces paroles que le grand Apôtre, animé du même esprit, eut la confiance de vous répéter : Seigneur, nous paraissons tous les jours dans la pratique de la mortification pour l’amour de vous, propter te mortificamur tota die, et nous sommes semblables à des brebis destinées à la boucherie. (Ép. aux Rom., 8)

Mais, hélas ! je suis trop lâche pour tenir ce langage, qui me couvrirait de confusion ; le travail me rebute, l’affliction m’abat, l’humiliation me révolte, la mortification me décourage, et je suis déconcerté dès qu’il faut me faire la moindre violence ; il semble que dans une religion de croix je ne sois qu’un homme de plaisirs ; la sensualité, la délicatesse, la lâcheté, la paresse font tout mon penchant, et je n’ai encore rien réformé, ni rien retranché par la mortification ; je ne trouve qu’amour-propre dans mon cœur, que souvenir dangereux dans ma mémoire, que curiosité, qu’orgueil, et qu’inutilité dans mon esprit.

Je porte une chair révoltée contre cet esprit, et une loi criminelle contraire à la vôtre, qui est sainte ; tous mes sens extérieurs ne me portent qu’à la corruption. Ah ! Seigneur, armez-moi d’une sainte haine contre moi-même, armez-moi de ce glaive salutaire qui, sans m’épargner, coupe et retranche tout ce qui vous déplaît dans toutes les puissances de mon âme et de tous mes sens extérieurs ; que ce glaive si saint de la mortification me fasse mourir au monde, au péché et à moi-même, pour vivre à vous, en vous et pour vous, dans le temps et dans l’éternité.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Qu’il plaise à Jésus-Christ de m’offrir à Dieu, étant mort, à la vérité, quant à la chair, mais étant ressuscité par l’esprit. (2e Ép. de S. Pierre, 3)

Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si vous faites mourir par l’esprit les œuvres de la chair, vous vivrez. (Ép. aux Rom., 8)

Mourez pour vivre, ensevelissez-vous pour ressusciter. (S. Augustin)

La pauvreté des habits, la frugalité des aliments, la rigueur des jeûnes doivent éteindre et non pas nourrir l’orgueil. (S. Jérôme)

Point de l’Incarnation

Un Dieu offensé devenu Sauveur

Tout péché, de quelque nature qu’il puisse être, attaque Dieu, offense sa majesté infinie, et choque ses plus grandes perfections ; il outrage sa bonté, parce qu’il présume presque toujours de sa divine miséricorde ; il attaque sa justice par le peu de crainte qu’il a de ses châtiments ; il fait insulte à son autorité par le mépris qu’il fait de ses divins préceptes ; il offense son immensité par le peu de respect qu’il a de son adorable présence.

Or est-il possible qu’on offense impunément un Dieu aussi juste, aussi grand et aussi puissant que celui que nous adorons ? L’injure que lui avaient faite le péché du premier père et ceux de tous ses descendants demandait réparation, et pour satisfaire l’injure faite à Dieu, pour en remettre les peines, et pour en effacer la coulpe, c’est-à-dire pour racheter l’homme de l’enfer et lui restituer le droit de prétendre au ciel.

Mais quel en sera le Sauveur ? L’homme est faible, et il ne peut rien de lui-même, parce qu’il faut un réparateur d’un mérite infini pour faire une juste compensation d’une injure infinie ; il n’y avait donc que Dieu seul ; et c’est le prodige d’amour que nous adorons dans l’incarnation : Dieu entreprend de se faire réparation à lui-même à ses propres dépens ; pour sauver l’homme, il se fait caution, il se charge de tous ses péchés, comme s’il en était coupable, et de cette réparation, qui semblait indigne de sa grandeur ; il porte la peine que le pécheur méritait, comme si par impossible il était pécheur lui-même ; il descend du ciel ; il prend un corps mortel, une chair fragile ; il souffre dans cette chair, il laisse répandre tout le sang qu’il avait pris dans le sein d’une Vierge, et il meurt de la mort la plus cruelle et la plus infâme qui fut jamais, et que mériterait de souffrir le plus grand de tous les scélérats.

J’étais exilé de ma céleste patrie, divin Sauveur, vous m’y avez rappelé ; j’étais vendu, vous m’avez racheté ; j’étais aveugle, vous m’avez éclairé ; j’avais encouru votre haine, vous m’avez remis en grâce et vous m’avez rendu votre amitié, votre cœur, votre royaume ; je vous avais outragé, vous vous êtes fait réparation à vous-même pour moi, et tout cela au prix de votre sang. Pouviez-vous pousser votre amour plus loin, vous qui étiez le Dieu offensé, et qui deviez être par conséquent le Dieu vengeur, de devenir cependant vous-même le Dieu sauveur ?

Oraison jaculatoire

Dieu de force, retournez-vous vers nous : regardez-nous du haut du ciel, venez visiter et perfectionner votre vigne que votre droite a plantée. (Ps. 79)

Le 2e jeudi de l’Avent
Jour de patience

Pratique

S’il se rencontre aujourd’hui quelque occasion de souffrir, appelez aussitôt la patience à votre secours, et pratiquez-la tant que la peine durera, sans vous plaindre et sans chercher à vous soulager, sinon avec Dieu seul ; ajoutez-y une parfaite conformité à sa volonté ; allez même jusqu’à l’action de grâces, et veillez si attentivement sur vous-même, qu’il ne vous échappe pas la moindre impatience, ni la moindre précipitation, ni dans vos actions, ni dans vos paroles, ni dans vos gestes, ni même dans vos sentiments.

Méditation
Sur la patience

Premier point

Tout ce qui est écrit a été écrit pour notre instruction, afin que par la patience et la consolation des Écritures nous ayons une ferme espérance. (Ép. aux Rom., 15)

Par quels puissants motifs le grand Apôtre insinue-t-il la patience aux chrétiens de Rome ? Par les exemples qu’on en trouve dans les Écritures, par la consolation qu’elle produit d’elle-même dans un cœur qui souffre, et par l’espérance d’un bonheur éternel dont elle est couronnée dans le ciel ; comme si ce saint Apôtre voulait leur dire : Vous souffrez, mes frères, mais lisez les Écritures, vous les avez sous vos yeux ; vous y trouverez des instructions et des exemples qui vous procureront de vraies consolations dans vos peines ; qui vous engageront ensuite à souffrir, non seulement avec patience, mais encore avec plaisir, selon les paroles de Jésus-Christ même, qui exhortait ses Apôtres à souffrir avec joie et même avec tressaillement de joie, dans l’espérance et même l’assurance qu’il leur donnait d’une ample récompense dans le ciel. Voilà l’instruction, voilà la consolation, voilà la récompense renfermée dans les paroles de l’Apôtre. En faut-il davantage pour vous engager à la patience ? Suivez son conseil, ouvrez les Écritures,

pensez comme le Prophète, lequel, après avoir peut-être raisonné d’abord trop inhumainement sur une rude affliction, revint ensuite à lui-même, et prononça ces belles paroles (Ps. 61) : Cependant, ô mon âme, soyez soumise au Seigneur, qui seul peut vous donner la patience et la consolation. Mais arrêtez-vous principalement à la patience de Dieu à votre égard : vous l’avez offensé, et il était assez puissant pour vous punir dans le moment, s’il eût écouté sa seule justice, qui demandait qu’un néant rebelle et armé contre son Dieu fût exterminé. Hélas ! où en seriez-vous à présent, si ce Dieu patient ne vous eût attendu à pénitence ? Comment reconnaître la patience de Dieu ? En retournant toujours promptement à lui, et en payant cette divine patience par la vôtre, c’est-à-dire en la pratiquant dans les souffrances qu’il vous envoie et dans celles que vous recevez par l’injustice des hommes.

Second point

Que le Dieu de patience et de consolation vous fasse la grâce d’être toujours unis par la charité. (Ép. aux Rom., 15)

Regardez la patience comme la vertu de Dieu qui, pour nous inspirer de la confiance en ses bontés, a pris souvent le nom de Dieu patient et abondant en miséricorde. Imitez-la cette vertu divine ; et, pour le faire avec plus d’ordre et de succès, examinez de quel côté vient le plus ordinairement l’exercice de notre patience. Premièrement, il vient du côté de Dieu, qui a tout droit sur nous, parce qu’il est notre souverain Maître et notre Sauveur. Il nous exerce, il nous punit, il nous éprouve, il nous livre à la douleur, aux humiliations, aux mépris, aux infirmités, aux pertes, aux sécheresses, et toujours pour notre bien, parce qu’il nous aime. Mais comment nous y comporter ? Le voici : écoutez le Roi-Prophète, il vous donnera un avis d’autant plus sage qu’il le tire de sa propre conduite à l’égard de Dieu dans les souffrances extrêmes auxquelles il l’a exposé. Voici ses paroles, pesez-les au poids du sanctuaire : Attendez le Seigneur, dit ce saint roi affligé (Ps. 36) ; agissez avec courage, que votre cœur prenne de nouvelles forces du fond de sa patience, et soyez fermes dans l’attente du Seigneur.

Nous souffrons quelquefois de la part des hommes, qui exercent notre patience tantôt par des mépris, tantôt par des médisances, tantôt par d’autres différents outrages ; mais si nous souffrons avec patience et dans l’esprit de la religion, qui est une religion de croix et de souffrances, soyons persuadés qu’il n’y a rien à perdre, tout à gagner : si vous souffrez avec patience les persécutions de votre ennemi, soyez persuadé, dit Tertullien dans son livre admirable de la Patience, que Dieu sera votre vengeur ; s’il vous a fait du tort dans vos biens, il prendra la restitu-tion sur lui-même ; s’il vous cause de la douleur, et que vous la souteniez patiemment pour son amour, il sera votre médecin et il vous guérira ; si vous avez patience jusqu’à la mort, il vous rendra la vie, et vous aurez l’honneur d’avoir un Dieu pour débiteur.

Mais pour exercer la patience d’une manière héroïque et chrétienne, montrez, dit ce grand homme, à cet ennemi qui vous fait souffrir un visage d’ami et agréable, un front serein, un œil tranquille, une bouche gracieuse, et des paroles charitables et sans émotion ; et que toutes ces démonstrations extérieures aient leur principe dans le cœur, parce que la patience chrétienne ne consiste pas tant dans un extérieur composé que dans un cœur plein de charité.

Sentiments

J’adore, Seigneur, avec un profond respect votre divine patience à mon égard ; je lui rends mille actions de grâces, et je confesse que je lui suis redevable de la vie, et que sans elle je serais perdu sans ressource pour le temps et pour l’éternité. Mais est-ce assez, ô mon Dieu, de vous dire avec le Prophète (Ps. 60), que vous êtes un Dieu patient, qui attendez les pécheurs au lieu de les punir, parce que vous voulez les sauver ? Non, il faut encore ajouter avec lui que c’est vous qui opérez en moi la patience, parce que vous êtes mon Dieu, mon Sauveur, mon salut et ma gloire : Quoniam ab ipso patientia mea. (Ps. 61)

Mais ne pourrais-je pas encore enchérir sur cette expression avec le même Prophète, et vous dire, pénétré comme lui d’une tendre reconnaissance : Seigneur, vous n’êtes pas seulement un Dieu patient, vous n’êtes pas seulement l’auteur de ma patience, quand je suis assez fidèle pour la pratiquer dans mes peines ; mais vous êtes encore vous-même ma patience, et par consé-quent mon unique espérance : Quoniam tu es patientia mea, Domine. (Ps. 70) Non seulement vous m’attendez avec bonté, sans vous fatiguer de mes lenteurs, sans vous irriter de mes résistances, et sans punir sur-le-champ mes impatiences et mes révoltes ; mais étant vous-même ma

patience, vous attendez encore en moi ; et vous soutenez ma patience, qui est la vôtre dans un sens, de peur que mon inconstance et ma légèreté ne me fassent tomber dans l’impatience, dans l’ennui et dans le découragement.

Soutenez-moi toujours, ô mon Dieu et ma patience ! opérez-la toujours en moi, rendez-moi par elle supérieur à tous les maux qui m’accablent, je serai toujours victorieux, et vous couronnerez vos dons en couronnant le victorieux d’une gloire éternelle.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

La patience vous est nécessaire, afin qu’en vous conformant à la volonté de Dieu, vous puissiez obtenir les biens qui vous sont promis. (Ép. aux Hébreux, 10)

Soyez patients, mes frères, et affermissez vos cœurs par cette vertu, parce que l’avènement du Seigneur est proche. (Ép. de S. Jacques, 5)

La patience nous fait aimer de Dieu, elle adoucit la colère, elle retient la langue, et tranquillise l’esprit, elle conserve la paix, elle soutient la règle et elle réprime la volupté. (S. Cyprien)

La patience est victorieuse de tout, non en combattant, mais en souffrant ; elle produit l’humilité, elle opère la pénitence, elle consomme le martyre. (Cassiodore)

Point de l’Incarnation
La grandeur dans la bassesse

Quel est le Dieu aussi grand que notre Dieu ? car vous êtes le Dieu qui opérez des merveilles, s’écrie le Roi-Prophète (Ps. 76), qui ajoute encore : Oui, notre Dieu est grand, et sa grandeur suprême mérite d’être louée de toutes les créatures : Magnus Dominus et laudabilis nimis. (Ps. 47) Il est grand par l’excellence infinie de son être suprême et incompréhensible ; il est grand par l’étendue prodigieuse de son autorité et de sa toute-puissance, qui sont sans bornes ; il est grand

par ses adorables perfections, qui sont infinies et sans mesure : grandeur si sublime et si complète, qu’elle ne peut recevoir ni accroissement ni diminution. En un mot, il est si grand, qu’il est la source de toutes les grandeurs, qu’on est grand que par lui, et que lui seul est sa propre grandeur.

Mais cette grandeur au-dessus de toutes les grandeurs, et que toutes les puissances du ciel, de la terre et des enfers ne pourraient abaisser ; cette grandeur qui a foudroyé le plus grand et le plus parfait des esprits et des êtres qui soient jamais sortis de ses mains, parce qu’il voulait se comparer à lui, va cependant être abaissée par lui-même et par son amour, et se mettre au rang des hommes, qu’il aime, en épousant leur nature avec toutes les misères auxquelles elle est sujette, excepté le péché. Ce Verbe incréé, égal en toutes choses à son Père céleste, dont il procède, devient par l’incarnation son adorateur, son sujet et sa victime : Souverain de tous les Anges, il leur devient inférieur par notre chair, qu’il épouse : Créateur des hommes, il vient sur la terre pour les servir et pour leur obéir comme à ses maîtres. Allez en esprit dans l’étable de Bethléem ; mais il faut y aller avec une foi bien soumise et bien éclairée dans un sens, pour adorer toute la grandeur de Dieu dans un corps d’enfant qui n’a que la petitesse pour partage, qui manque de tout, qui est rebuté des hommes, qui souffre, qui verse des larmes, qui pousse des cris enfantins de sa petite poitrine. Voilà le Souverain de tous les puissants rois du monde, qui bâtit et qui renverse des trônes quand il lui plaît. Mais voilà ce Dieu si grand que son amour a abaissé à l’état humiliant où vous le voyez ; refuserez-vous après cela, vous qui n’êtes rien, de vous humilier pour son amour ?

Oraison jaculatoire

Venez, Seigneur, venez dire à mon âme : Je suis ton salut. (Ps. 30)

Le 2e vendredi de l’Avent
Jour de charité

Pratique

Pour bien vous acquitter de cette importante pratique, vivez dans une grande circonspection avec vos frères, aimez-les avec leurs défauts, parce que Dieu vous l’ordonne, et qu’ils sont rachetés comme vous du sang de Jésus-Christ, et les héritiers du même royaume : ne faites rien, ne dites rien qui puisse les offenser. Allez plus loin : aimez-les, portez-les dans votre cœur ; car le cœur est assez le maître de ce que l’esprit pense. Mais allez encore plus loin ; car, pour ne rien faire, ne rien dire, ne rien penser, ne rien sentir contre son prochain, vous puiserez dans celui-là de quoi faire naître, soutenir, régler et sanctifier celui-ci.

Méditation
Sur la charité

Premier point

Que Dieu vous fasse la grâce d’être toujours unis de sentiments et d’affection les uns envers les autres, selon l’esprit de Jésus-Christ, afin que d’un même cœur et d’une même bouche vous glorifiiez Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. (Ép. aux Rom., 15)

Voilà un souhait bien avantageux et qui renferme d’admirables instructions sur la charité : reprenons-en en toutes les paroles et pesons-les au poids du sanctuaire.

Que Dieu vous fasse la grâce d’être toujours unis, etc.

L’amour du prochain vient donc de Dieu ; c’est une grâce aussi bien qu’un précepte ; et nous ne pouvons aimer notre frère comme nous devons l’aimer, que nous ne l’aimions surnaturellement.

Je sais que la loi de nature nous l’inspire et nous l’ordonne, et que cet amour naturel est louable ; je sais que c’est un dérèglement affreux dans la nature même, de voir des hommes dépourvus les uns envers les autres de sentiments d’humanité qui, loin de se secourir dans leurs besoins réciproques, ne cherchent qu’à se nuire, à se décrier et à se perdre, et que de pareils hommes sont des monstres que la nature abhorre.

Mais cet amour, tant qu’il ne sort pas de l’ordre de la nature, ne mérite rien pour le ciel, et il est d’ailleurs sujet à une infinité d’illusions, que la concupiscence et l’amour-propre y insinuent très souvent. Travaillez donc à faire passer votre charité de l’ordre inférieur de la nature à l’ordre supérieur de la grâce.

Soyez toujours unis, continue l’Apôtre. Par cette expression il demande une charité constante dans l’adversité comme dans la prospérité, dans la disgrâce comme dans la faveur, dans la maladie comme dans la santé, dans les richesses comme dans la pauvreté.

Toujours unis : c’est-à-dire, que rien ne soit capable de vous séparer d’amitié, ni même de vous refroidir : ni les soupçons, ni les rapports, ni les mauvais offices, ni les petites saillies, ni les inégalités d’humeur, en sacrifiant tout à la charité.

Selon l’esprit de Jésus-Christ. L’Apôtre exclut ici l’esprit du monde, l’esprit d’ambition, l’esprit de parti, l’esprit de jalousie et l’esprit d’intérêt, qui ne viennent que trop souvent à la traverse, et qui séparent souvent le frère d’avec le frère, surtout quand ils ne sont liés que par le sang de leur père, et non par le sang de Jésus-Christ.

Afin que d’un même cœur et d’une même bouche vous glorifiiez le Seigneur. L’Apôtre fait ici allusion à la charité des chrétiens de son temps, qui n’avaient tous qu’un cœur et qu’une âme, et qui par cette union rendaient tout l’honneur qu’ils pouvaient rendre à la charité de Jésus-Christ. Étudiez cet excellent modèle, et tâchez d’y conformer votre charité.

Second point

C’est pourquoi unissez-vous les uns avec les autres, pour vous soutenir mutuellement, comme Jésus-Christ vous a unis pour la gloire de Dieu. (Ép. aux Rom., 15)

Après que ce grand Apôtre nous a donné des instructions toutes saintes sur la charité du prochain, il finit par nous en donner les motifs, les règles et le modèle, qu’il tire de l’union du cœur de Jésus-Christ avec le nôtre, par l’amour le plus tendre, le plus fort, le plus parfait. Aussi Jésus-Christ appelle-t-il cet amour son commandement. Hoc est præceptum meum. (S. Jean, 13) Il s’en déclare plus particulièrement l’auteur que de tous les autres préceptes, comme s’il voulait dire,

selon saint Augustin, que si les autres lois sont promulguées dans sa bouche, celle de l’amour a pris naissance dans son cœur. Lex cordis.

En voici la teneur : recevez-la avec respect, et qu’elle passe du cœur de Jésus-Christ dans le vôtre. Mes apôtres, vous serez mes amis, si vous voulez accomplir ce que je vous ordonne ; voici mon précepte : c’est de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés, et c’est en cela qu’on connaîtra si vous m’aimez véritablement. Examinez-vous vous-même sur cet article, et voyez si vous êtes ami de Jésus-Christ.

Mais si l’amour de cet adorable Sauveur est la règle de celui qu’il veut que nous ayons pour nos frères, étudions cette règle ; elle est sûre, elle est sainte, elle est infaillible : suivons ce divin modèle. Jésus-Christ nous a aimés, tout pécheurs que nous étions ; il nous a donné sa grâce, que personne ne peut mériter ; il nous a instruits dans notre ignorance ; il nous a cherchés dans nos égarements ; il nous a consolés dans nos disgrâces ; il nous a secourus dans nos besoins corporels et spirituels ; il ne nous a jamais rebutés quand nous avons eu recours à lui ; il nous a portés dans son cœur ; il nous a donné tous ses biens les plus précieux ; il s’est donné lui-même ; il a souffert, il est mort pour notre amour : voilà la règle, voilà la mesure, voilà le motif, voilà le modèle de notre amour ; copiez-le, si vous voulez en avoir la récompense, qui n’est pas moins qu’un royaume éternel.

Sentiments

Répandez, ô Dieu d’amour, répandez dans mon cœur cette vraie charité dont vous êtes le principe, dont vous êtes le centre et la fin : que j’établisse ma demeure dans cette charité surnaturelle, puisque par elle je demeurerai en vous, et vous demeurerez en moi.

Je ne vous demande que cette charité que la grâce produit dans nos âmes, et qui porte l’image et l’expression de celle que vous avez eue pour moi et pour tous les hommes, en donnant tout votre sang pour notre salut ; je veux, avec le secours de votre grâce que je vous demande, aimer mon frère, parce qu’il est le prix de votre sang, comme vous l’aimez et pour la fin pour laquelle vous l’aimez. Je veux vous aimer premièrement en vous-même, parce que vous êtes seul souverainement aimable. Je veux vous aimer en moi, parce que vous y êtes toujours quand je vous aime ; et je veux aimer mon frère pour l’amour de vous, parce que vous me l’ordonnez et qu’il est votre image.

Je sais, disait saint Bernard, qu’il y a un amour naturel qui vient de la chair et de la consanguinité, qu’il y a un amour moral que le mérite attire ; mais il y a un amour surnaturel du prochain que la grâce produit. C’est celui-là seul, Seigneur, que je vous demande, il sanctifiera tous les autres.

Oui, disait saint Augustin, je vous aimerai dans mes amis, ou parce que vous êtes en eux, ou afin que vous y soyez. Donnez-moi la force d’accomplir cette loi d’amour ; unissez tous nos cœurs avec le vôtre ; que ce soit dans cet aimable centre que je puisse tirer tous les motifs de mon amour, pour me rendre digne de vous aimer et de vous posséder dans l’éternité bienheureuse.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

C’est en cela que l’on connaîtra que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. (S. Jean, 15)

Je vous donne un précepte nouveau, c’est de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. (S. Jean, 13)

Nous n’avons pas besoin ici de longs discours pour établir la loi : vous voulez recevoir, donnez ; vous voulez qu’on vous fasse miséricorde, faites-la. (S. Jean Chrysostome)

Si l’amour du prochain ne porte pas l’image de Dieu, il n’est pas parfait. (S. Augustin)

Point de l’Incarnation
Une majesté bienveillante

L’auguste titre de Majesté ne convient, dans la rigueur, qu’à Dieu seul, à cause de l’excellence de son être suprême et de la plénitude de sa puissance, qui s’étend sur le ciel et sur la terre, sans en excepter les plus puissants monarques, à qui les hommes cependant donnent le nom de majesté, parce qu’ils sont ses plus brillantes images, et qu’ils ont un précieux écoulement de sa gloire, de sa grandeur et de sa puissance.

Majesté de Dieu si éclatante, qu’elle est insoutenable à la faiblesse des hommes ; de sorte que

Moïse, pour s’en être approché sur la montagne, par une faveur singulière, en reçut un rayon si vif et si lumineux, qu’il fut obligé de voiler sa face pour parler aux Israélites, de peur de les éblouir par les rayons qui en sortaient.

Le Prophète chantait cette majesté de Dieu quand il disait : Que le nom de sa Majesté soit éternellement béni, et que toute la terre soit remplie de sa splendeur. (Ps. 71)

Mais quel surprenant miracle de la bonté de Dieu pour les hommes ! cette Majesté si resplendissante dépose ses rayons en prenant notre chair ; et dans le premier moment de l’incarnation, de crainte d’accabler Marie de l’éclat de la puissance et de la majesté du Verbe, le Saint-Esprit, qui conduisait cette divine opération, la couvrait d’un voile mystérieux et d’une ombre favorable, afin de cacher la majesté de Dieu à celle-là même qui en devenait la mère : majesté qu’il

ne reprend pendant sa vie mortelle que pour un moment sur le Thabor ; encore fut-elle insoutenable à trois grands Apôtres, que l’éclat trop brillant renversa par terre, quoique ce ne fût qu’une gloire adoucie et une majesté tempérée, qu’il reprendra encore au jour de son terrible jugement, où elle fera la joie des élus et la terreur des réprouvés.

Cette majesté de Dieu si brillante s’est éclipsée pour converser familièrement avec les hommes qu’il voulait sauver. Nous avons donc à présent plus de sujet que Moïse n’en avait de dire : Ah ! il n’y a point de nation si célèbre qui puisse se vanter d’avoir des dieux aussi familiers et aussi caressants que le nôtre l’est à nous.

Allez à la crèche, vous trouverez un enfant attentif à cacher toute sa majesté, pour empêcher qu’elle ne rejaillisse sur son front ; qui reçoit à son audience de simples bergers avec autant d’accueil et de bonté que des monarques. Suivez-le dans ses prédications, vous le trouverez bienveillant envers les pécheurs, et mangeant avec eux malgré les murmures des Juifs. Allez chez Simon, vous y trouverez à ses pieds une pécheresse qui les baise, qui les arrose de ses larmes, et qui les essuie de ses cheveux. Suivez-le dans sa passion, vous le trouverez toujours accessible, toujours souffrant, toujours bienveillant et toujours prêt à vous donner son sang. Répondez à ses bontés par votre amour.

Oraison jaculatoire

Seigneur, soyez attentif sur mon âme, délivrez-la au plus tôt, parce que mes ennemis me pressent. (Ps. 98)

Le 2e samedi de l’Avent
Jour d’espérance

Pratique

Que la première pensée, que le premier sentiment, que le premier acte et que la première parole qui succéderont à votre réveil soient pris du fond de votre espérance des biens célestes, fondée sur les promesses de Dieu, qui sont infaillibles. Pour y satisfaire, dites à Dieu, plus de cœur que de bouche, ces paroles du Prophète : J’espère en vous, Seigneur, je ne serai pas confondu. In te, Domine, speravi, non confundar in æternum. Bannissez aujourd’hui toute crainte servile, donnez tout à la sainte joie que produit dans un cœur l’espérance des biens célestes : Spe gaudentes, dit l’Apôtre.

Méditation
Sur l’espérance

Premier point

Tout ce qui est écrit a été écrit pour notre instruction, afin que nous recevions une ferme espérance par la patience et par la consolation des Écritures. (Ép. aux Rom.. 15)

Il faut que l’espérance, que l’Église met au nombre des vertus théologales, soit de la dernière importance au chrétien pour faire son salut, et que d’ailleurs elle fasse beaucoup d’honneur à Dieu, puisque, selon cette sentence du grand Apôtre, il semble que l’Écriture sainte n’ait été écrite que pour faire naître et pour affermir cette espérance, et justifier la fidélité de Dieu dans ses promesses, qui sont la base, le soutien, l’attrait et la substance même, pour ainsi parler, de cette grande vertu qui fait toute notre consolation pendant cette vie mortelle.

Oui, Dieu nous a promis dans l’Écriture un bonheur éternel, et il a bien voulu faire avec nous un contrat solennel : il a voulu que nous y missions de notre côté la foi, son amour, la haine du monde et la pratique des bonnes œuvres ; encore s’engage-t-il de donner sa grâce pour nous en faciliter la pratique ; il y met du sien, dans ce contrat, un royaume éternel ; et pour le rendre plus sûr et plus authentique, il fait deux choses : premièrement il promet, et ensuite il jure même de l’exécuter, pour faciliter notre espérance, et pour donner, par ses divins jurements, de l’autorité et du crédit à ses promesses. Ah ! dit le savant Tertullien, Dieu interpose un divin jurement : un Dieu infiniment croyable, parce qu’il est la vérité même, jurer pour l’amour de nous ! Que ce jurement nous fait d’honneur ! et que nous serions malheureux de ne pas nous fier à un Dieu qui nous promet et qui jure en promettant !

Secondement, pour rendre ce contrat plus authentique, il le signe de tout son sang : mon espérance n’est-elle pas suffisamment établie ? Ah ! dit saint Fulgence, puis-je en chrétien, et même en homme raisonnable, douter de la vérité et de l’authenticité des promesses de Dieu ? Deux grandes raisons m’en empêchent, et font toute ma sûreté et toute ma consolation dans mon espérance. Premièrement, parce qu’il est vrai qu’il aime souverainement la vérité, qu’il est lui-même. Secondement, parce qu’il ne lui en coûte rien, et qu’il n’en est pas plus pauvre pour tenir ses promesses, quelque magnifiques qu’elles puissent être, parce qu’il est infiniment riche, et que ses trésors sont inépuisables. Quelle consolation pour vous ! Pensez-y, comptez sur les promesses de Dieu, espérez tout ; mais ayez soin de nourrir votre espérance par les bonnes œuvres.

Second point

Espérez donc ce que vous ne voyez pas encore, conclut saint Augustin ; la foi des choses invisibles donnera du mérite à votre espérance, et votre espérance sera le soutien de votre foi. Attendez avec patience ce que vous n’avez pas encore, et soyez sûr que vous l’aurez infailliblement, parce que Jésus-Christ, qui est un Dieu fidèle, vous l’a promis ; parce que ce même Jésus-Christ, qui vous l’a promis, est un Dieu tout-puissant qui peut vous donner tout ce qu’il vous a promis, et qu’il est très fidèle dans ses promesses ; et par-dessus tous ces pressants motifs, parce que Jésus-Christ, qui vous l’a promis, vous le tenez tout entier ; il s’est donné à vous, corps, âme et divinité, pour gage de ce qu’il vous a promis ; ainsi vous le pouvez sommer tous les jours, avec un profond respect, des promesses qu’il vous a faites, et vous devez être sûr que cette sommation, tout Dieu qu’il est, ne lui sera pas désagréable.

On dit communément dans le monde, et on le dit avec vérité, que l’espérance fait vivre : on le dit avec bien plus de vérité dans la religion, à l’égard des biens éternels, qu’à l’égard des biens temporels, toute la consolation, tout le repos, toute la joie. Toute la vie même de la vie mortelle, dit saint Augustin, ne consiste que dans l’espérance de la vie immortelle : Vita vitæ mortalis, spes est vitæ immortalis.

Vous êtes livré à la douleur, vous craignez d’y succomber, parce que vous sentez votre faiblesse, de laquelle vous n’avez que de trop fâcheuses expériences ; ayez recours à votre espérance, méditez sur les promesses de Dieu, vous ne le ferez point sans consolation : dites avec le Prophète : J’adhérerai à mon Dieu, puisque les créatures m’abandonnent ; je mettrai en lui toute mon espérance, c’est mon bien (Ps. 72) : si mes ennemis s’élèvent contre moi, s’ils me livrent des combats, je les soutiendrai, et j’en sortirai victorieux par mon espérance. (Ps. 26) J’ajouterai même, sans présomption, avec le saint homme Job : Quand même ce Dieu tout-puissant aurait le bras levé pour me donner le coup de la mort, je ne cesserai pas d’espérer en lui : Etiam si occiderit me, in ipso sperabo. (Job. 13)

Sentiments

Pour moi, Seigneur, s’écrie le Prophète (Ps. 4), je vais jouir d’un parfait repos, pourvu que je vous aime de tout mon cœur ; je serai tranquille pendant les jours et pendant les nuits, parce que vous m’avez affermi d’une manière toute singulière dans l’espérance : vous en avez persuadé mon esprit jusqu’à l’évidence, par les secours que vous m’avez donnés dans tous mes besoins ; vous l’avez fait sentir à mon cœur ; vous m’y avez affermi par vos paroles, qui sont des oracles d’une éternelle vérité ; par vos divines promesses, vous qui êtes un Dieu fidèle et la fidélité même, et qui pouvez tout, parce que vous êtes un Dieu tout-puissant : vous m’avez affermi encore plus singulièrement dans mon espérance par vos sollicitudes, par vos travaux, par vos souffrances, par votre passion, par votre sang et par votre mort, qui sont d’un mérite infini, et qui sont la divine monnaie avec laquelle vous nous avez acheté ce séjour bienheureux auquel nous aspirons et que vous nous promettez.

Après de pareilles assurances, je serais bien malheureux et bien aveugle, si je ne mettais pas en vous toute mon espérance. Oui, Seigneur, disait le Roi-Prophète, nos pères m’ont frayé le chemin que je veux suivre ; ils ont espéré en vous, et ils n’ont point été confondus ; et ils ont crié vers vous, vous les avez sauvés. (Ps. 21) Quoique je ne sois qu’un ver de terre, et moins un homme que l’opprobre des hommes, vous serez toujours mon unique espérance. (Ibid) Vous l’avez été dès le temps que je suçais les mamelles de ma mère, et vous le serez jusqu’au dernier moment de ma vie. (Ibid,) Malheur à moi si je m’oubliais de ce juste devoir, qui fait toute ma joie et toute ma consolation ! (Ibid) J’ai crié vers vous, Seigneur, et je crierai toujours avec ce saint roi, en vous disant : Vous êtes mon refuge et mon espérance dans cette vie, et mon héritage dans la terre des vivants.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Béni soit celui qui met toute son espérance dans le Seigneur, ce Seigneur sera lui-même toute sa confiance. (Jérém., 17)

Agissez avec un grand courage, et que votre cœur s’affermisse, vous tous qui mettez votre confiance au Seigneur. (Ps. 30)

Ayez une espérance très ferme dans les biens célestes que vous ne voyez pas ; attendez-les avec patience, quoique vous ne les possédiez pas, parce que vous tenez ce même Jésus-Christ qui vous les avait promis. (S. Augustin)

Dieu nous promet, et il jure pour autoriser ses promesses. (Tertullien)

Que nous sommes heureux qu’un Dieu daigne jurer pour nous ! mais que nous serons misérables, si nous ne croyons pas à un Dieu qui jure en notre faveur !

Point de l’Incarnation
Une immensité renfermée

L’immensité de Dieu, par laquelle il remplit tout et il est en toutes choses, est un des plus beaux apanages de son être suprême, et un des plus glorieux attributs de sa divinité ; les vastes espaces de la terre, de la mer et des cieux ne peuvent ni le contenir, ni le renfermer, ni mettre aucune borne à son immensité. Vérité si constante, qu’elle a même été connue des philosophes que saint Paul voulut bien citer en présence de ces sages aréopagites, qui auraient pu le contre-

dire, s’ils n’en avaient pas été instruits eux-mêmes ; car c’est en lui, dit ce grand Apôtre, que nous avons la vie, le mouvement et l’être ; il est dans tous les êtres sans y être renfermé ; il est au-dessus et autour de tous, sans en être exclu, parce que son être est un tout indivisible, et un tout répandu universellement, sans être composé de parties.

C’est donc par l’amour infini que ce Verbe de Dieu porte aux hommes, qu’il a bien voulu mettre des bornes à son immensité, par le mystère de l’incarnation, et que ce Verbe abrégé, comme l’appellent les saints Pères, se laisse former un corps du plus pur sang d’une Vierge, où il trouve le secret de renfermer sa divinité tout entière ; car quoi de plus petit que le corps d’un enfant qui vient d’être formé, et qui contient tout entier ce que le ciel et la terre ne peuvent pas contenir ? Poussons ici nos réflexions plus loin, et faisons attention que dans ce petit corps d’enfant il se trouve un esprit, et dans cet esprit il y a un abîme de science et de sagesse, et toutes les lumières les plus brillantes et les plus étendues de la Divinité, qui y sont renfermées et éclipsées de manière que rien n’en paraît au dehors. Allons encore plus loin, et faisons attention que dans ce petit corps borné de tous côtés il se trouve encore un cœur, et que ce cœur, dès qu’il a été formé, est devenu le siège du divin amour, de toutes ses divines ardeurs, capable d’embraser tous les autres cœurs, et qu’il est obligé de contenir toutes les saillies par où il pourrait éclater.

Ce petit corps, formé de la main du Saint-Esprit, où réside toute la plénitude de la divinité, est encore renfermé dans le sein d’une Vierge, et il y sera l’espace de neuf mois, sans occuper plus de place, malgré son immensité. Ô prodige ! qui donne sujet à saint Augustin de s’écrier : Auguste sein de Marie, vous êtes plus étendu que le ciel, vous avez une plus vaste capacité que l’univers, puisque vous renfermez Celui qui renferme tout, et que le Roi de gloire repose chez vous.

Oraison jaculatoire

Seigneur, ayez pitié de nous, car nous vous attendons : venez être notre force et notre salut dans le temps de la tribulation. (Isaïe, 33)

3e semaine de l’avent

Le 3e dimanche de l’Avent Jour d’humilité
Le 3e lundi de l’Avent Jour de présence de Dieu
Le 3e mardi de l’Avent Jour de prière
Le 3e mercredi de l’Avent Jour de grâce
Le 3e jeudi de l’Avent Jour de modestie

Le 3e dimanche de l’Avent
Jour d’humilité

Pratique

Commencez la journée par adorer la suprême grandeur de Dieu ; adorez-le d’abord sur son trône céleste, environné de tous ses Séraphins : allez ensuite dans la crèche pour adorer avec les Anges cette même grandeur humiliée pour votre amour ; faites un acte de la plus profonde humiliation devant cette majesté suprême ; avouez que vous n’êtes qu’un ver de terre, un néant vivant, une boue animée et un pécheur qui a mérité l’enfer ; agissez conséquemment. Dans la journée, ne laissez échapper aucune occasion de vous humilier, et ne vous pardonnez pas la plus petite saillie d’orgueil et de vanité dans vos pensées, dans vos sentiments, dans vos paroles, dans vos regards, dans vos gestes, ni dans vos actions.

Méditation
Sur l’humilité

Premier point

Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Rendez droite la voie du Seigneur. (S. Jean, 1)

C’est l’admirable réponse que fit le grand Précurseur à des pharisiens envoyés de la part des Juifs de Jérusalem pour lui demander raison de sa mission, de ses prédications, de son baptême. Les prodigieuses conversions qu’il opérait le faisaient prendre ou pour le Messie, ou pour Élie, ou pour un Prophète ; la guerre impitoyable qu’il livrait à la mollesse et à la vie sensuelle, autant et plus par son exemple que par ses paroles, avait un succès extraordinaire. Ce divin prédicateur, dont les oracles étaient soutenus d’une vie affreuse à la délicatesse, gagnait tous les cœurs pour les tourner vers Dieu, et pour leur faire embrasser la plus rigoureuse pénitence, et relevait encore sa sublime grandeur par l’humilité la plus profonde : il répondit aux pharisiens qu’il n’était ni le Messie qui devait venir, ni Élie, ni un Prophète ; mais qu’il n’était seulement que la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez les voies au Seigneur.

Quelle prodigieuse humilité, et qu’elle est glorieuse quand elle est jointe à la vraie grandeur, telle que la possédait Jean-Baptiste, selon le témoignage de Jésus-Christ même ! Il dit qu’il n’est qu’une simple voix : qu’est-ce que la voix ? Ce n’est qu’un son articulé de la bouche qui se perd dans les airs aussitôt qu’il est formé : peut-on se mettre à plus bas prix ?

Il suivait bien à la lettre le conseil du Sage, qui disait : Plus vous êtes grand, plus aussi vous devez vous humilier en toutes choses ; c’est en cela que vous trouverez grâce auprès du Seigneur, parce que toute grandeur comparée à la sienne n’est rien ; il est grand lui seul, et il n’est honoré que par ceux qui sont véritablement humbles. (Ecclés., 3)

Étudiez à fond cette admirable sentence, elle est digne de vos réflexions ; faites-en la règle de votre conduite : commencez par vous humilier profondément en présence de ce Dieu de majesté, reconnaissez sa grandeur et votre néant, ne passez point de jour sans cette louable pratique, elle vous attirera sa grâce et sa protection, et vous y puiserez des motifs pour vous humilier devant les hommes et pour être toujours petit à vos yeux.

Second point

Celui qui doit venir après moi a été fait devant moi, et je ne suis pas digne de délier les cordons de ses souliers. (S. Jean, 1)

Remarquez ici que la profonde humilité de Jean-Baptiste se soutient jusqu’à la fin, par les bas sentiments qu’il exprime de lui-même, et qu’il veut sincèrement inspirer à ceux qui lui sont envoyés : en effet, non content d’avoir dit qu’il n’était qu’une simple voix, il enchérit sur cette expression si humble en s’abaissant encore aux pieds, et se disant indigne de délier les souliers de Celui qui devait venir après lui.

C’est l’excellent modèle que l’Église nous propose aujourd’hui pour nous préparer à recevoir un Dieu et un Sauveur humilié dans la crèche, qui a voulu éclipser toutes ses grandeurs pour guérir notre orgueil, et pour nous sauver par l’humilité. Le ciel, en effet, qu’il nous a promis et qu’il nous a mérité par ses souffrances et par ses prodigieux abaissements, est bien élevé, dit saint Augustin ; mais la voie qui y conduit est bien basse : si vous y aspirez, pourquoi n’en prenez-vous pas le chemin ? Qui quærit patriam, cur recusat viam ?

Demandez-vous à vous-même quel progrès vous avez fait dans l’humilité : elle doit être dans l’esprit, formée par la vérité, et dans le cœur, formée par la charité, dit saint Bernard. Votre esprit est-il persuadé que vous n’êtes rien ? Pour vous en persuader, demandez-vous encore à vous-même ce que vous avez été, ce que vous êtes et ce que vous serez.

Qu’étiez-vous avant que d’être ? Un pur néant, et moins qu’un ver de terre. Qu’étiez-vous dans votre formation ? Du limon de la terre, de la boue, et un assemblage d’ordures. Qu’étiez-vous dans votre naissance ? Un ennemi de Dieu, privé de la grâce et de la raison. Qu’êtes-vous à présent ? Un pécheur fragile, capable des plus honteuses faiblesses, sans la grâce. Mais que serez-vous ? La pâture des vers, de la pourriture, de la poussière et de la cendre ; et sûrement la proie des flammes éternelles, si vous n’êtes humble d’esprit, si vous ne l’êtes aussi de cœur, en aimant votre état humilié, par obéissance à Jésus-Christ, qui s’est abaissé pour l’amour de vous.

Sentiments

Quel admirable et quel excellent modèle d’humilité me produisez-vous aujourd’hui, ô mon Sauveur ! Votre bouche adorable, qui n’a jamais prononcé que des oracles, a fait de Jean-Baptiste un éloge accompli, quand elle a dit qu’il était le plus grand des enfants des hommes ; cependant ce saint précurseur dit de lui-même qu’il n’est qu’une simple voix, et qu’il n’est pas digne de délier vos souliers : ah ! cette grandeur si pure, si éminente, jointe à une humilité si profonde, fait un heureux assemblage digne de votre estime et de vos louanges ; mais aussi il me couvre de confusion, parce que je sens bien que je suis destitué d’humilité, et c’est ce qui me fait craindre avec raison d’être destitué des grâces et d’être privé des récompenses éternelles que vous n’accordez qu’aux humbles de cœur.

À ce modèle si parfait d’humilité vous en ajoutez un autre infiniment plus fort, c’est vous-même ; vous me préparez par l’exemple de l’humble Jean-Baptiste à vous rendre visite dans l’étable pour y adorer un humble Jésus-Christ sur une pauvre crèche, un Dieu tout-puissant, un Créateur des Anges et des hommes, un Souverain du ciel et de la terre humilié à la condition de la chair. Quoi de plus fort pour faire cesser toutes les rébellions de mon esprit, et pour guérir mon orgueil et ma vanité, moi qui ne suis qu’une vile créature toute remplie de misères, de faiblesses, de corruptions et de péchés ? Ah ! je comprends, avec le grand Augustin, que c’est une impudence insupportable qu’un ver de terre veuille s’élever et s’enfler d’orgueil, quand il voit un Dieu de majesté s’anéantir.

Humilité prodigieuse de mon Dieu, étable abandonnée, pauvres langes, crèche incommode, naissance obscure, apprenez-moi à m’humilier : adorable Jésus, divinité cachée dans ma chair, Sauveur plein de bonté, instruisez-moi, abaissez mon esprit, réformez mon cœur, guérissez mon orgueil, donnez-moi l’humilité et, avec elle, votre grâce, votre amour et votre gloire.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Jésus s’est humilié lui-même, en se faisant obéissant jusqu’à la mort ; c’est pour cela que Dieu l’a exalté. (Ép. à Philém., 2)

Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos et la paix dans vos âmes. (S. Matth., 11)

Heureuse humilité, qui nous a donné un Dieu, qui nous a engendrés au ciel, qui a purifié le monde, qui a retiré l’homme de l’enfer pour lui ouvrir le paradis. (S. Augustin)

Un cœur humble est le domicile du Saint-Esprit, il y repose, il le remplit, et il n’en sort jamais. (Ibid)

Point de l’Incarnation
Un souverain serviteur

Le grand Dieu que nous adorons est le Souverain de toute éternité ; et il sera dans toute l’éternité, dit le Prophète : Sedebit Rex in æternum. (Ps. 28) Sa souveraineté est d’autant plus auguste, qu’elle est jointe à sa divinité ; vous êtes mon Roi et mon Dieu, dit-il encore, Rex meus et Deus meus. (Ps. 5) Il est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, par conséquent le Souverain de toute la terre. (Apoc, 19) Il est encore le Roi du ciel, le grand Roi et le grand Dieu élevé au-dessus des autres dieux. (Ps. 49 et 94)

En effet, quand ce Roi tout-puissant parle des rois de la terre, il les traite comme étant ses serviteurs ; aussi se doivent-ils de faire honneur de l’être, puisqu’ils dépendent de lui, et que ce Roi de gloire le leur fait bien sentir quand il lui plaît, puisqu’il sait aussi bien tirer un berger de sa cabane pour lui mettre la couronne sur la tête, pour le placer sur le trône et changer sa houlette en sceptre, qu’il sait renverser les trônes les mieux affermis, briser les sceptres et les couronnes des rois de la terre, et les réduire à la condition la plus misérable.

Mais ce Souverain du ciel et de la terre a éprouvé le sort des armes, il s’est laissé vaincre par l’amour des hommes ; et de Souverain il est devenu serviteur en se faisant homme : car, comme il s’est chargé de tous nos péchés, il fallait qu’il en portât la peine, qui est la servitude.

À peine, en effet, est-il sur la terre, qu’il est obligé de fuir pour se soustraire à la fureur d’un roi ambitieux, qu’il aurait pu renverser lui-même de son trône et foudroyer dans les enfers.

Il veut encore remplir tous les devoirs de la servitude dans la maison de ses parents, quoiqu’il fût leur Dieu et leur souverain ; et dès qu’il paraîtra en public, il protestera qu’il n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. (S. Matth., 20)

On le verra aux approches de la mort finir comme il a commencé, par la servitude, s’abaisser humblement aux pieds de ses Apôtres pour les laver, et pour remplir ainsi les plus humiliantes fonctions d’un serviteur ; il mourra même par le supplice honteux des esclaves ; cependant, dès qu’il sera sur la croix, il reprendra les fonctions de Souverain ; ses ennemis mêmes lui en donneront l’auguste titre, qu’ils prendront soin d’écrire au-dessus de sa tête ; il convertira un voleur, il lui donnera un royaume, il régnera par la croix, et il tirera ainsi sa gloire du sein de l’opprobre et de l’infamie.

Les autres rois, dit un saint docteur, assemblent des soldats pour les exposer à la mort : notre Roi de gloire assemble des soldats sous cet étendard sacré pour leur donner la vie et pour en faire autant de rois. Servir un tel Souverain, n’est-ce pas régner ?

Oraison jaculatoire

Ô Dieu, Seigneur de toutes choses, ayez pitié de nous, regardez-nous favorablement, et faites-nous voir la lumière de vos miséricordes. (Eccl., 36)

Le 3e lundi de l’Avent
Jour de présence de Dieu

Pratique

Entrez, dès votre réveil, dans la pratique de la présence de Dieu, et mettez tout en usage pour n’en sortir que quand il faudra reprendre votre repos : si vous y êtes fidèle, alors vous pourrez dire avec l’épouse : Je dors, et mon cœur veille. (Cant., 5) Évitez toutes les actions dissipantes et les compagnies où l’on ne parle pas de Dieu, car on n’y pense pas que Dieu est présent : rentrez dans cette divine présence autant de fois et aussitôt que vous vous apercevrez que vous en serez sorti ; en y rentrant, dites quelque chose de tendre à ce Dieu qui vous regarde et qui vous entend, qui puisse l’engager à ne s’éloigner jamais de vous, comme ces paroles du Prophète : Seigneur, ne vous éloignez pas de moi : Deus, ne elongeris a me. (Ps. 70)

Méditation
Sur la présence de Dieu

Premier point

Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas, (S. Jean, 1)

C’était de Jésus-Christ que Jean-Baptiste parlait aux pharisiens, et il leur parlait en énigme, parce que cet adorable Sauveur était encore caché dans le sein de sa famille, et qu’il ne s’était point encore produit en public ni par ses prédications ni par ses miracles. Ainsi les pharisiens étaient excusables de ne le pas connaître ; mais ils ne le seront pas longtemps, parce qu’à peine le connaitront-ils, que loin de l’écouter ils le persécuteront.

Nous avons ce même Jésus-Christ au milieu de nous, et si nous ne le connaissons pas, c’est notre faute ; nous jouissons de son humanité sainte, et nous possédons sa divinité : son humanité repose dans nos sanctuaires, où nous pouvons à toutes les heures du jour aller l’adorer ; il vient même au milieu de nous et en nous par la sainte communion, il touche notre langue en passant, il entre dans nos corps, auprès de notre cœur, il y réside, et il se fait sentir par ses grâces.

Sa divinité, qui en est inséparable et qui remplit le ciel et la terre, est en nous, et nous en sommes pénétrés comme une éponge jetée dans une vaste mer : ce Dieu immense qui est en tous lieux est au-dessus de nous pour nous protéger ; il est autour de nous et dans l’air que nous respirons, pour nous garder et pour subvenir à nos besoins ; il est au-dessous de nous pour nous soutenir et pour nous porter ; il est au dedans de nous et plus dans nous que nous-mêmes,

pour nous nourrir, pour nous conserver, et pour nous marquer son amour. Cependant nous ne le connaissons pas comme nous devrions le connaître, parce que nous ne pensons pas à lui, et que nous ne l’avons présent ni à notre mémoire, ni à notre esprit, ni à notre cœur, pendant que son souvenir, sa pensée, son amour devraient faire les délices de ces trois facultés de notre âme.

Pour peu que nous y fassions attention, la raison nous dit ce que l’apôtre saint Paul disait aux aréopagites (Act. 17), et ce qu’ils avaient déjà appris de leurs philosophes, que c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être. La foi vient au secours de la raison, et elle nous apprend que c’est un devoir essentiel à l’homme, surtout à l’homme chrétien, de penser souvent à ce Dieu, qui est toujours présent. Le faites-vous ?

Second point

Nous entendons ici par la présence de Dieu un souvenir fréquent, une attention, une tendance du moins habituelle, un désir de Dieu, un regard respectueux et tendre de l’esprit et du cœur, un langage intime, un entretien familier, une dépendance totale, une ouverture de cœur pour le consulter en tout, pour l’écouter, pour agir sous ses yeux, et pour se détourner du langage tumultueux des créatures et de nos propres passions, qui pourraient distraire l’attention que nous lui devons.

Je suis persuadé que Dieu me regarde ; on prend soin de m’en faire ressouvenir, de peur que je ne l’oublie : je trouve en mille endroits ce mot, Dieu te regarde ; je le vois même écrit jusque sur les murailles : en suis-je frappé comme je devrais ? Hélas ! je m’accoutume à le lire sans y penser et sans y faire la moindre attention. Que dois-je donc penser quand je le rencontre sous mes yeux, ou quand je m’en ressouviens ? Que les yeux de mon Dieu, de mon juge, sont attachés sur moi dans tous les moments de ma vie ; que ces yeux perçants, à qui rien n’échappe, voient non seulement toutes mes actions extérieures, mais aussi les pensées les plus cachées de mon esprit et les mouvements les plus secrets de mon cœur. Je dois encore penser que je ne subsiste et que je ne me soutiens que par ce regard de Dieu, et que si, par impossible, il cessait de me regarder, je périrais dans le moment, et je tomberais dans l’affreux abîme du néant d’où je suis sorti.

Mais que dois-je encore inférer de là ? Le voici : c’est de me dire à moi-même : Ah ! si mon Dieu et mon Créateur, devant qui je ne suis rien, abaisse incessamment ses divins regards et ses pensées sur moi, une vile créature comme je le suis, ne doit -elle pas se faire un devoir, un honneur et même un plaisir d’élever incessamment ses yeux, son esprit et son cœur vers lui ?

Sentiments

Où est mon Dieu ? s’écriait le dévot saint Bernard. Mais qu’ai-je dit, misérable ! que ne dis-je plutôt : Où n’est-il pas ? Il est infiniment plus élevé que le ciel, plus profond que l’enfer, plus grand que la mer, plus étendu que la terre et que tout ce vaste univers.

Mais cependant, ô incompréhensible Divinité, disait saint Anselme, je ne puis que gémir, vous sentant si éloigné de mes yeux, quoique je sois toujours présent sous les vôtres. Vous êtes partout, Seigneur, cependant je ne puis vous voir, parce que mes yeux sont trop faibles. Je ne puis être, je ne puis vivre, je ne puis me mouvoir qu’en vous, parce que je suis en vous et que vous êtes en moi ; cependant je ne puis m’approcher de vous ! Vous êtes tout entier en moi, tout entier autour de moi ; cependant je ne vous sens pas !

Ah ! Seigneur, ma condition serait encore bien plus triste et bien plus déplorable si, dans l’impuissance où je suis de vous voir et de vous approcher sensiblement, je ne pouvais pas me procurer votre divine présence par la foi, par la pensée, par le souvenir, par mes désirs et par mon amour. Je le puis, et c’est la seule consolation qui me reste dans mon exil, en attendant que je puisse vous voir face à face dans le ciel, comme je l’espère, parce que vous me l’avez promis.

Pour y parvenir, je suivrai le conseil de votre Prophète, et je vous dirai en toute confiance avec ce saint roi : Mes yeux, Seigneur, seront toujours tournés vers vous ; parce que c’est le moyen de vous avoir toujours à ma droite, pour me protéger contre mes ennemis (Ps. 24) ; ils seront attachés sur les vôtres, pour ne rien commettre qui soit indigne de vos regards ; ils seront attachés sur vos mains adorables, comme les yeux d’un serviteur sur les mains de son maître, en attendant que vous ayez pitié de moi, et que vous répandiez sur moi les bénédictions de vos grâces et de vos miséricordes, qui sont les seules que je demande ; accordez-les-moi, Seigneur. (Ps. 112)

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Je suis le Seigneur tout- puissant, dit Dieu à Abraham ; marchez en ma présence, pour devenir parfait. (Gen., 17)

Pensez à Dieu dans toutes vos voies, et il dirigera tous vos pas. (Prov., 38)

Comme il ne peut y avoir aucun moment dans lequel nous n’expérimentions les bontés et les miséricordes de Dieu, il est juste qu’il ne se passe aucun moment dans lequel nous ne pensions à Dieu. (S. Augustin)

Dieu est partout par sa divinité, mais il n’est point partout par la présence de sa grâce. (Idem)

Point de l’Incarnation
Un immortel sujet à la mort

Dieu est immortel, et son immortalité fait sa gloire ; comme cet Être suprême n’a jamais eu de commencement, il ne peut aussi jamais avoir de fin. Il est immortel par sa divine nature, parce qu’elle est très simple, c’est-à-dire sans composition de parties tendant à la corruption ; car si la mort est, à proprement parler, la séparation du corps et de l’âme, Dieu n’ayant ni l’un ni l’autre, il ne peut pas par conséquent mourir.

Ajoutons, avec le grand Apôtre, qu’il possède lui seul l’immortalité par lui-même : solus habet immortalitatem ; et qu’il est la source et le principe de l’immortalité des Anges et de nos âmes. (1re Ép. à Tim., 6) Concluons, avec le même Apôtre, par cette exclamation et par cet hommage à son immortalité : Au Roi des siècles, immortel, invisible, à l’unique Dieu soit honneur et gloire dans tous les siècles des siècles. (1re Ép. à Tim., 1)

Mais, ô mon Dieu, quelle étrange chute faites-vous dans le mystère de l’incarnation ! Mais un Dieu peut-il tomber ? Oui, il le peut dans un sens : son seul amour pour les hommes peut abaisser cet Être suprême, peut désarmer ce Tout-Puissant, peut blesser cet Invulnérable, et peut faire mourir ce Dieu immortel.

La simplicité de sa divine nature, son immutabilité, son impeccabilité, qui sont les principes de son immortalité, vont ici disparaître, et il en sacrifie tout l’éclat en se faisant homme. Sa simplicité souffre, parce qu’il prend une nature composée de corps et d’âme, de chair et de sang ; et en les épousant il épouse aussi les principes de mort. Son immutabilité souffre, parce qu’il va éprouver tous les changements auxquels l’homme est sujet : le chaud, le froid, la faim, la soif, la lassitude, la joie, la tristesse, la crainte, la douleur, et surtout la mort, qui est le changement qui humilie l’homme à l’excès. Son impeccabilité souffre, parce qu’il va se charger des péchés de tous les hommes, prendre toutes les apparences du pécheur, en endurer toutes les ignominies, et la mort même, qui est d’autant plus honteuse qu’elle en est la peine, et qu’elle n’a été introduite que par le péché. Il va naître et naître mortel, car la naissance de l’homme est une destination à la mort : il commence à courir au tombeau dès qu’il est formé. Voilà le triste partage d’un Dieu immortel.

Oraison jaculatoire

Exaucez-moi, Seigneur, selon la multitude de vos miséricordes, et selon la vérité des promesses que vous m’avez faites de me sauver. (Ps. 68)

Le 3e mardi de l’Avent
Jour de prière

Pratique

Votre unique pratique aujourd’hui sera de prier toujours, selon le conseil de Jésus-Christ. (S. Luc, 18) Ne vous effrayez pas, on ne vous impose pas ici un joug trop difficile ; on prie de la mémoire, quand on se ressouvient de Dieu ; on prie de l’esprit, quand on y pense, on prie du cœur, quand on l’aime ; on prie de la bouche, quand on lui parle ; on prie des mains, quand on dirige toutes ses actions vers lui, et qu’on les fait en sa divine présence. Commencez à votre réveil la prière de la bouche, et qu’elle soit accompagnée de celle de l’esprit et du cœur ; faites en sorte que dans le cours de la journée tout prie chez vous.

Méditation
Sur la prière

Premier point

En quelque état que vous soyez, présentez à Dieu vos demandes par des supplications et des prières accompagnées d’actions de grâces. (Ép. aux Philipp., 4)

Faites une sérieuse réflexion sur cette belle sentence du grand Apôtre, et vous y trouverez une admirable instruction qui vous apprendra et comment il faut prier, et comment il faut toujours prier. En effet, il commence par ces paroles remarquables : En quelque état que vous soyez, c’est-à-dire qu’on peut et qu’on doit prier dans tous les lieux, en vaquant aux différents emplois de la vie, en santé, en maladie, en voyageant, dans toute situation, sinon de la bouche, du moins de l’esprit et du cœur ; et c’est ce qui s’appelle avoir l’esprit de la prière, qu’on ne peut

acquérir qu’à force de prier, de bien prier, et de prier souvent ; et cet esprit de prière porte avec soi un désir, une facilité, une tendance, une disposition de cœur à toujours prier, et à le faire avec plaisir et avec ardeur. Si vous n’avez pas cet esprit de prière, demandez-le à Dieu, travaillez à l’acquérir par l’assiduité à la prière : si vous l’avez, cultivez-le, perfectionnez-le tous les jours, si vous voulez être parfait.

Présentez à Dieu vos demandes, continue le grand Apôtre, par des prières et par des supplications : il nous fait ici ressouvenir que c’est notre Dieu que nous prions, c’est-à-dire un Dieu créateur, un Dieu sauveur et un Dieu juge. Ce Dieu créateur veut que je le prie avec un profond respect, parce que je ne suis rien, et qu’il est tout, et que les Anges mêmes, qui sont infiniment au-dessus de moi, tremblent en sa divine présence. Ce Dieu sauveur, qui s’est fait homme et qui a souffert la mort pour mon amour, veut que je le prie aussi avec amour et avec reconnaissance, parce que je lui dois tout, et que j’espère tout de lui. Enfin ce Dieu, qui est mon juge, veut que je le prie avec crainte et tremblement, pour trouver grâce auprès de lui dans le jour terrible du jugement.

Saint Paul veut encore des supplications avec ces prières, c’est-à-dire des prières pressantes, réitérées et ardentes, sans se rebuter, si l’on n’est pas écouté d’abord. Suivez bien cette instruction du grand Apôtre, et vous obtiendrez tout de Dieu.

Second point

Faites réflexion sur votre extrême pauvreté, elle vous produira une excellente leçon sur la prière : rendez-vous justice, convenez-en, sentez-la : ce sentiment vous humiliera d’abord, mais il vous persuadera de la nécessité de prier et de bien prier, si vous voulez sortir de votre misère.

Je ne possède rien, je ne puis rien ; parce que je ne suis rien, je ne puis me secourir dans mon indigence ; ce sentiment me conduit même naturellement à avoir recours à quelqu’un qui soit assez puissant pour me secourir, assez riche pour se répandre en ma faveur, et assez bon pour compatir à ma disgrâce. La foi et la religion m’apprennent que c’est Dieu seul, et je ne puis m’y adresser que par la prière ; je ne puis donc me passer de prier, parce que je ne puis me passer de Dieu.

Je suis dans les ténèbres : je prie, je suis éclairé dans la connaissance de Dieu et de moi-même. Ah ! Seigneur, dit le Prophète, en quelque temps que je vous aie prié, j’ai connu que vous étiez mon Dieu. (Ps. 35) Je suis accablé de misères temporelles et spirituelles, mes ennemis me persécutent ; ma conscience, embarrassée et chargée de péchés, se récrie contre moi, et je n’ai que trop sujet de craindre un avenir redoutable. Priez, priez toujours, priez avec ardeur et persévérance, la prière est une infaillible ressource à toutes ces disgrâces : ressource facile que je puis trouver partout, et en quelque situation où je puisse être, dit l’Apôtre, parce que, pour ma consolation, Dieu est partout, comme il y a été pour ceux qui l’ont invoqué avant moi dans leurs plus pressants besoins.

Daniel a prié dans la fosse aux lions, Joseph dans la prison, les trois enfants dans la fournaise de Babylone, Ézéchias dans son lit, Jonas dans le ventre d’une baleine, la chaste Susanne dans un jardin, le bon larron sur la croix, et ils ont tous été exaucés, quoiqu’ils fussent dans la dernière extrémité ; pourquoi ne le serais-je pas, si je prie comme eux ?

Travaillez donc à acquérir l’esprit de prière, surmontez toutes les difficultés qui s’y rencontrent, c’est à dire les distractions, l’ennui et la paresse ; vous y trouverez bien plus de douceur que vous ne pensez ; parlez, priez, suppliez, poursuivez Jésus-Christ comme a fait la Cananéenne, et si vous n’êtes pas écouté, changez, comme elle, vos prières en clameurs, et vous serez sûrement exaucé.

Sentiments

Apprenez-moi, ô Dieu de lumière et de bonté, à vous prier comme vous voulez que je vous prie, pour m’obtenir les grâces qui me sont les plus nécessaires, afin de faire et d’assurer mon salut. Inspirez à mon âme, formez vous-même dans mon cœur, et mettez sur mes lèvres les prières que vous écoutez avec plus de plaisir, et que vous exaucez avec plus de succès : favorisez-moi des mêmes ardeurs dont Augustin pénitent était embrasé, afin que je puisse prier comme lui, et vous dire avec lui : Seigneur, je soupirais dans mon égarement ; je priais, je vous disais ce que vous m’inspiriez vous-même de vous dire ; je criais de toutes mes forces, et enfin j’ai obtenu. Je suis malade, je crie à mon médecin ; je suis aveugle, j’invoque la lumière ; je suis mort, j’appelle la vie à mon secours : Jésus fils de David, source de miséricorde, ayez pitié de moi ; vous êtes mon médecin, guérissez-moi ; vous êtes ma lumière, éclairez- moi ; vous êtes ma vie, ressuscitez-moi.

Hélas ! je viens vous prier dans votre sanctuaire pour obtenir vos divines miséricordes. Je me trompe, je viens souvent plutôt languir que prier ; ma bouche parle, mais mon esprit s’égare et mon cœur ne sent rien ; je ne m’écoute pas moi-même, comment puis-je exiger que vous m’écoutiez ? Vos yeux me voient le corps prosterné à vos pieds en posture de suppliant, mais souvent vous n’y voyez ni mon esprit ni mon cœur ; mon esprit s’éloigne, il s’ennuie, il se rebute et il ne pense pas à vous ; mon cœur languit, et il est plus dur que la pierre du désert. S’il commence quelquefois à vous prier avec ardeur, la nonchalance, la tiédeur et l’insensibilité ne succèdent que trop.

Ah ! Seigneur, priez vous-même en moi, que mon esprit, que mon cœur, que ma langue ne soient que vos organes ; soyez vous-même mon modèle, et que l’ardeur et la soumission dont vous avez prié votre Père céleste soient dorénavant la règle que je me propose pour vous prier, afin d’obtenir plus sûrement de votre bonté tout ce que vous m’inspirerez de vous demander.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Seigneur, en quelque jour que je vous aie invoqué, j’ai connu que vous étiez mon Dieu. (Ps. 35)

Le Seigneur est toujours proche de ceux qui l’invoquent ; mais quand ils l’invoquent en vérité, il fera leur volonté. (Ps. 14)

Le Seigneur veut toujours donner, parce qu’il est bon, et il peut toujours donner, parce qu’il est tout puissant. (S. Augustin)

C’est par le cœur qu’on demande à Dieu, c’est par le cœur qu’on le cherche, c’est par le cœur qu’on frappe à la porte du sien, c’est enfin par le cœur qu’on obtient qu’il nous l’ouvre. (Idem)

Point de l’incarnation
Un créateur devenu créature

Dieu est le créateur de ce vaste univers et de toutes les créatures visibles et invisibles qui l’habitent ; il a créé tout aisément par une seule parole, et en se jouant, selon le langage de l’Écriture : Ludens in orbe terrarum. (Eccl., 30) Et par ce jeu sublime et divin tout sortait aisément de ses mains adorables ; c’est ce qui établit son infinie grandeur et son indépendance ; mais avoir tout tiré du néant, comme il l’a fait, c’est une preuve authentique de sa toute puissance et de sa divinité.

Il y a cette différence entre l’ouvrier et le créateur, que l’ouvrier travaille sur une matière existante, qui ne reçoit de son industrie et de son travail qu’une nouvelle manière d’être (S. Thomas) ; mais le créateur tire de son propre fonds et du néant tout ce qu’il produit, parce que la création n’est autre chose qu’un passage et un mouvement du néant à l’être ; et ce mouvement, qui ne peut être l’ouvrage que de Dieu seul, est quelque chose de si grand, de si sublime et de si divin, dit saint Bonaventure, que tous les Anges et tous les hommes unis ensemble ne pourraient pas tirer du néant le plus petit moucheron, ni la plus vile créature. Quelle gloire et quelle grandeur ! (S. Bonaventure)

Mais, ô bonté infinie de mon Dieu ! vous qui vous suffisez à vous seul, vous qui faites vos délices d’habiter dans vos propres grandeurs, vous avez tiré du néant des hommes pour en faire vos images, pour converser avec eux, pour faire en eux des effusions de vos bontés, pour les associer à votre gloire éternelle, et par un nouveau prodige, qui est le miracle de votre amour, tout créateur que vous êtes, vous venez encore vous faire créature avec eux, pour devenir leur Sauveur, en vous faisant leur égal et même leur serviteur.

Ce Dieu créateur descend du trône de gloire qu’il occupe dans le ciel ; il s’abaisse au-dessous des Anges, quoiqu’ils soient ses créatures, et par conséquent ses sujets et ses adorateurs ; en prenant notre nature, qui est beaucoup inférieure à la nature angélique, il se fait homme et par conséquent créature avec nous, et, dans un sens, comme nous, non pas pour être servi par nous pendant sa vie mortelle, mais pour nous servir, comme il a eu l’humilité de le dire lui-même. Il prend une chair, il prend une âme nouvellement créée et tirée du néant : le Saint-Esprit unit cette âme à cette chair pour lui donner la vie dans l’instant de sa formation, et l’une et l’autre à la personne du Verbe, pour en faire un Homme-Dieu, lequel n’était pas, quant à son humanité, un moment auparavant, lui qui est éternel : et voilà le prodigieux mystère par lequel ce Dieu fait homme est devenu sujet adorateur, créature et victime de Dieu son Père, quoiqu’il lui soit égal en tout par sa divinité.

Oraison jaculatoire

Seigneur, soyez attentif sur mon âme, et venez la sauver, parce que mes ennemis me pressent. (Ps. 68)

Le 3e mercredi de l’Avent
Jour de grâce

Pratique

Demandez, aussitôt votre réveil, la grâce à notre Seigneur Jésus-Christ qu’il vous a méritée par son incarnation et par l’effusion de son sang, et demandez-la par l’intercession de la divine Marie, qui en est devenue la mère et la dispensatrice, et qui dans notre Évangile est saluée pleine de grâces par un Ange, pendant que l’auguste mystère de l’Incarnation s’accomplissait dans son chaste sein ; mais demandez-la cette grâce avec tant d’ardeur, que vous l’obteniez ; conservez-la avec tant de fidélité, que vous ne la perdiez jamais, et travaillez avec elle avec tant de ferveur, qu’au lieu de diminuer et de s’affaiblir, elle s’accroisse et se fortifie tous les jours.

Méditation
Sur la grâce

Premier point

Je vous salue, ô pleine de grâces, le Seigneur est avec vous. (S. Luc)

Donnez ici toute votre attention à ce céleste entretien de l’Ange Gabriel avec Marie, vous y découvrirez tous les plus beaux traits de la grâce, et vous y entendrez traiter du plus profond, du plus impénétrable et du plus important de tous les mystères de notre religion, qui est le grand mystère de la grâce et le principe de toutes les grâces, qui est celui de l’Incarnation ; et que ce mystère s’accomplit dans Marie au moment qu’elle donna son consentement à l’Ange, qui lui parlait de la part de Dieu.

C’est un entretien entre deux anges et entre deux vierges, puisque les Anges sont vierges, et que les vierges sont des Anges, l’un du ciel, l’autre de la terre, mais tous deux célestes. La grâce paraît ici d’une manière tout éclatante ; plus l’Ange élève Marie, plus elle s’abaisse ; plus il parle, plus elle est en silence ; et c’était cette humilité même qui faisait briller sa grâce ; d’où vous devez conclure que, si vous voulez obtenir la grâce du Seigneur, vous devez commencer par vous humilier, parce que la mesure de la grâce est celle de l’humilité, et que Dieu, qui résiste aux superbes, donne toujours sa grâce aux humbles.

Je vous salue, ô pleine de grâces, dit l’Ange. Quelle importante commission, quel respectueux salut, quel admirable éloge ! mais quel bonheur de posséder et la grâce et la plénitude de la grâce ! Remarquez cependant que Marie n’était pas encore mère de Dieu, et qu’elle ne le fut qu’un moment après, parce que le Saint-Esprit attendait son consentement pour opérer dans son chaste sein l’incarnation du Verbe, ce qui l’éleva à l’auguste qualité de Mère de Dieu, et qui la combla de nouvelles grâces, infiniment plus sublimes et plus abondantes. Cependant elle en était déjà remplie ; mais le Saint-Esprit donna à son âme dans ce moment une capacité nouvelle pour contenir plus de grâces que tous les Anges et que tous les hommes ensemble, afin que nous reçussions un jour les effusions de sa plénitude de grâces, et qu’elle les répandît en notre faveur.

Second point

Marie répondit à l’Ange : Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole.

Après avoir donné votre attention à la plénitude des grâces de la divine Marie, il faut encore la renouveler pour la donner à son acquiescement et à son humble soumission à cette grâce, et profiter de ce grand exemple, pour vous y soumettre dès le moment qu’elle se présente ; c’est le profit que vous devez tirer de vos réflexions sur ce mystère de grâce.

L’amour infini que cette Vierge plus pure que les Anges avait pour la virginité, joint à son humilité profonde, l’avait troublée, et avait suspendu son consentement ; il fallait qu’elle pensât sérieusement à ce qu’elle devait répondre à un Ange du premier ordre, envoyé de Dieu, sur une matière si importante à son bonheur et à celui de tout le genre humain.

Mais dès qu’elle fut sûre de demeurer toujours vierge, et que c’était Dieu même qui voulait élever sa bassesse jusqu’au degré sublime de la maternité divine, elle exprima son consentement par ces belles paroles : Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole ; et elle ne les eut pas plutôt prononcées, qu’elle se sentit toute remplie de la Divinité, et par conséquent de la grâce, parce qu’elle concevait l’Auteur de la grâce.

Deux paroles de cette divine mère, qui doivent vous servir de règle pour bien répondre à la grâce : Voilà la servante du Seigneur, c’est la première, qu’il me soit fait selon votre volonté, voilà la seconde. Dès que Dieu parle à votre âme, ou pour vous inspirer une bonne action, ou pour vous détourner d’une mauvaise, suivez l’attrait de cette grâce, humiliez-vous, reconnaissez la grandeur de Dieu et votre bassesse, son autorité comme Dieu, et votre dépendance ; mais ajoutez aussitôt avec elle : Qu’il me soit fait selon votre parole : Fiat mihi secundum verbum tuum, obéissez promptement, exécutez dans le moment et sans aucun délai ce qu’il vous ordonne, c’est le moyen de faire triompher la grâce en vous.

Sentiments

Que mes infidélités à votre grâce, qui sont sans nombre, ô mon adorable Sauveur, devraient vous causer de douleur ! et combien de larmes pour le passé et de crainte pour l’avenir ! Ah ! je n’y puis penser sans trembler, à la vue de vos jugements, dont j’ai mérité toute la rigueur. Combien de fois ai-je préféré le monde, le respect humain, ma sensualité et mon amour-propre aux sollicitations réitérées de votre grâce ? Vous parliez à mon âme, ô Dieu de bonté, vous éclairiez mon esprit, vous lui montriez le bien que je devais faire, vous touchiez même mon cœur, vous lui faisiez sentir que c’était vous-même qui me parliez pour mon bien : le monde me parlait aussi, quoique je sentisse bien qu’il ne me parlait que pour me distraire, pour m’éloigner de vous, et pour m’engager à vous déplaire et à vous désobéir. J’ai prêté l’oreille de mon cœur à son langage pernicieux, je n’ai pas écouté celui de votre grâce. Ah ! que cette indigne préférence devrait me causer de gémissements et de larmes, et à vous, Seigneur, de justes sujets de colère et d’indignation contre moi !

Ou bien, si quelquefois, dans quelques efforts que j’ai faits contre moi-même, ou dans quelques sentiments de dévotion passagère, j’ai obéi à votre voix et ouvert mon cœur à l’attrait de votre grâce, j’ai si peu goûté ce don céleste, si peu conservé votre divine présence, si peu cultivé ce précieux trésor, que je devais chérir plus que tous mes biens, plus même que ma vie, que, commençant par de petites infidélités, qui se sont insensiblement multipliées, j’ai affaibli la grâce, et je l’ai enfin contrainte de sortir de mon cœur.

Rendez-la-moi, ô Dieu de miséricorde, malgré mon indignité, si j’ai le malheur d’en être privé ; fortifiez-la, soutenez-la, augmentez-la, ô Dieu de force, si j’ai le bonheur de la posséder : j’y serai dorénavant plus fidèle. Aussitôt que vous parlerez à mon cœur, je vous dirai comme votre divine mère : Qu’il me soit fait selon votre volonté, et je m’y conformerai dans le moment et sans différer.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Allons nous présenter avec confiance devant le trône de la grâce, afin d’y recevoir miséricorde, et d’y trouver le secours dans nos besoins. (Ép. aux Hébr., 4)

Comme nous voulons vous aider à faire votre salut, nous vous exhortons à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain. (2e Ép. aux Cor., 6)

La volonté de l’homme n’est pas forcée par la grâce ; mais de mauvaise qu’elle était, elle devient bonne ; et quand elle est devenue bonne, elle est encore aidée par la grâce, pour devenir meilleure. (S. Augustin)

La grâce nous est gratuitement donnée de Dieu : donnée, il la multiplie ; multipliée, il la conserve ; conservée, il la couronne dans le ciel. (S. Bonaventure)

Point de l’Incarnation
La Sagesse incréée devenue folie

Comme Dieu est souverainement intelligent, la sagesse est un apanage inséparable de sa divine nature, et cette sagesse est infaillible, et elle ne peut se tromper ; elle est incréée, elle est éternelle comme Dieu, en un mot elle est Dieu même. Elle réside dans son esprit et dans son cœur, et le premier objet de cette sagesse est Dieu même ; par elle il se connaît et il s’aime, et tout ce qui est en lui ; et le second objet est tout ce qui est hors de lui-même, c’est-à-dire toutes les créatures visibles et invisibles.

Quand cette divine sagesse parle d’elle-même, elle dit qu’elle sort de la bouche de Dieu, et que sa source est le Verbe de Dieu dans le ciel. (Sag., 7) En effet, elle lui est attribuée, et c’est par elle qu’il gouverne tout, qu’il pourvoit à tout et qu’il conduit tout à sa fin avec autant de force que de douceur.

Ce Verbe, qui est la sagesse même, s’est fait homme pour nous sauver ; et quoique l’incarnation fût l’ouvrage d’une souveraine sagesse, cependant elle a scandalisé les Juifs, et a paru aux gentils, c’est-à-dire à presque tout l’univers, une vraie folie : Gentibus autem stultitiam. (1re Ép. aux Cor., 1)

Cette Sagesse incréée, en prenant notre chair, en naissant dans une étable et en montant sur une croix, est donc devenue folie aux nations qui s’en sont moquées. Ce Verbe incarné en a soutenu tout l’opprobre ; mais enfin il en a tiré toute sa gloire ; et cette folie prétendue a triomphé avec éclat, et à la face de toute la terre, de la fausse sagesse des mondains : Palam triumphans illos in semetipso. (Ép. aux Coloss., 2)

Ils ont cru que c’était une folie d’attribuer à un Dieu qui est la sagesse même les humiliations, les douleurs et la mort même. Il est vrai, dit saint Paul, que c’est une folie pour ceux qui se perdent ; mais pour ceux qui se sauvent, c’est où éclate la sagesse de Dieu. (1re Ép. aux Cor., 1) Car, voyant que ce monde avec sa sagesse humaine ne l’avait point connu dans les ouvrages de sa sagesse divine, il a voulu sauver par une apparente folie ceux qui entraient en lui. Car, à bien examiner le grand ouvrage de l’incarnation avec tous ses glorieux succès, nous y verrons une sagesse toute divine, et nous conclurons, avec le même saint Paul, que ce Verbe incarné nous a été donné pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption. (Id)

Oraison jaculatoire

Ah ! Seigneur, si vous vouliez ouvrir les cieux et en descendre ! (Isaïe, 64)

Le 3e jeudi de l’Avent
Jour de modestie

Pratique

Comme il est ici question de la modestie singulière de la sainte Vierge pendant qu’elle s’entretenait avec l’Ange, on vous l’a donnée pour modèle ; on vous propose par conséquent pour pratique une modestie parfaite, qui ne se contente pas de régler l’extérieur, mais qui a son siège dans l’esprit, dans le cœur et dans l’âme tout entière, qui s’humilie par les bas sentiments qu’elle a de soi-même, et qui ne saurait souffrir les louanges, parce qu’elle ne croit pas les mériter ; une modestie qui de l’esprit et du cœur se communique aux regards, aux paroles, aux gestes, aux démarches, et à tout l’extérieur. Travaillez à ressembler à cette Vierge si humble et si modeste.

Méditation
Sur la modestie

Premier point

Marie, ayant entendu les paroles de l’Ange, fut troublée de ses paroles, et elle pensait quelle pouvait être cette salutation. (S. Luc)

Marie était la plus humble et la plus pure des vierges ; son humilité profonde et sa pureté incomparable sont les véritables causes de son trouble ; le trouble innocent de son cœur est la preuve évidente de sa modestie ; et sa modestie est la vertu que nous devons étudier et pratiquer, si nous voulons que Dieu opère en nous de grandes choses.

Marie est troublée parce qu’elle est humble, et qu’elle est saluée par un Ange qui l’élève et qui la comble de louanges, qui lui rend hommage comme à sa souveraine, en la préconisant par avance Mère de Dieu ; qui lui dit qu’elle est pleine de grâces, et qu’elle est bénie entre toutes les femmes. Une âme véritablement humble et modeste est toujours troublée quand on fait son éloge : comme elle est petite à ses yeux, et qu’elle croit ne mériter que le mépris, la louange est insupportable à sa modestie ; car, encore qu’elle ait un vrai mérite, cette même modestie, qui vient d’un cœur humble, le lui cache et cause le trouble dans son cœur et dans toutes les puissances de son âme, qui rejaillit jusque sur son front, et qui paraît dans ses paroles, ou plutôt dans son silence. Voilà un grand modèle de modestie ; étudiez-le, imitez-le, si vous voulez être agréable à Dieu.

Que fit donc cette Vierge sainte dans son trouble, qui fournissait un spectacle si digne des yeux de Dieu, qui en était lui-même l’auteur ? Elle se retira dans son néant et dans son silence, où sa modestie incomparable souffre et est alarmée : là, elle pense sérieusement au discours étonnant de l’Ange ; mais n’y trouvant aucune issue, parce que cette mission regarde ses grandeurs, que sa modestie ne croit pas mériter, loin de s’applaudir sur son mérite, qu’elle ne connaissait pas elle-même, mais qui était connu de Dieu, elle forme de nouvelles difficultés, et se retranchant toujours sur sa modestie, elle protestera seulement qu’elle est la servante du Seigneur : Ecce ancilla Domini.

Second point

Marie est troublée par le discours de l’Ange, parce qu’elle est vierge et une vierge plus pure que les Anges, et qu’il lui parle de devenir mère : seconde raison de son trouble et seconde preuve de son incomparable modestie. Que cet exemple de modestie est utile aux vierges chrétiennes, et qu’il est digne de leur attention !

Assistez souvent en esprit à ce chaste entretien de Marie avec l’Ange du Seigneur ; allez à la savante école de cette Vierge, la plus sage et la plus pure qui fut jamais ; vous y apprendrez cette modestie si bienséante à votre sexe ; vous y apprendrez à ne voir les hommes que par nécessité et toujours avec crainte, à ne les entretenir qu’avec inquiétude, à ne leur répondre qu’avec trouble, à n’écouter leurs louanges et leurs flatteries qu’avec frayeur. Gravez-vous bien avant dans le cœur le portrait de Marie lorsqu’elle s’entretenait avec saint Gabriel, quoiqu’il fût un Ange envoyé de Dieu ; la modestie de ses regards, la pureté de ses sentiments, la précision de ses réponses, l’inquiétude de son esprit et le trouble innocent de son cœur, vous apprendraient que vous devriez toujours être dans la crainte et dans le trouble, quand vous ne parleriez qu’à des Anges.

Marie était la plus pure de toutes les vierges, et l’amour souverain qu’elle avait pour la virginité l’avait séparée dès son enfance du commerce du monde, pour consacrer à Dieu sa virginité dans le temple. Jugez si un cœur aussi pur que le sien pouvait entendre parler d’une maternité future sans que sa modestie en fût alarmée, et sans que ce cœur vierge ressentît ce trouble intérieur et mystérieux qui peignit jusque sur son front les traits innocents où sa pudeur et sa modestie étaient marquées.

Cependant Marie consent enfin, parce que Dieu le lui commande par la bouche de cet esprit céleste, et qu’elle est sûre de demeurer toujours vierge malgré sa maternité, et humble malgré ses grandeurs ; et elle fait voir, en se déclarant la servante du Seigneur, qu’elle a autant d’obéissance aux ordres de Dieu que de modestie dans le cœur.

Sentiments

Vierge sainte, mère admirable, puisque vous êtes vierge et mère tout ensemble, et que Celui dont vous êtes la mère est un Dieu créateur du ciel et de la terre, et le Sauveur de tous les hommes ; créature la plus pure et la plus parfaite qui soit jamais sortie des mains de Dieu, je respecte vos grandeurs, quoiqu’elles passent toute la portée de mon esprit, et surtout votre humilité profonde et votre singulière modestie dans vos grandeurs ; elles ne peuvent être que l’objet de mes admirations ; mais votre modestie singulière peut être celui de mon imitation, et je la veux regarder dorénavant comme un modèle que je dois suivre pour arriver à la perfection, pourvu que je sois aidé par votre puissante protection.

Votre humilité profonde, jointe à votre incomparable pureté, a fait le sujet de votre trouble, quand l’Ange vous parla de devenir mère du Dieu tout-puissant, qui voulait avoir un corps formé du plus pur sang, pour s’en servir à sauver tous les hommes ; et c’est dans ce trouble mystérieux et si saint que votre modestie plus qu’angélique a brillé dans tout son éclat aux yeux de Dieu ; et c’est à ses yeux divins que vous avez plu par votre pureté et par votre humilité, que vous êtes devenue sa mère, aussi bien que de tous les fidèles.

Obtenez-nous, mère incomparable, de votre adorable fils, cette modestie si nécessaire à l’ouvrage de notre salut ; que l’humilité et la pureté la forment dans notre cœur, et que de notre cœur elle s’étende sur les regards de nos yeux, sur les paroles de notre bouche, sur les actions de nos mains, sur la sagesse de toutes nos démarches, et sur tous nos sens extérieurs, pour marcher toujours avec respect en la présence de Dieu, pour édifier le prochain, pour mériter vos bontés et votre protection, et pour porter en tous lieux la bonne odeur de Jésus-Christ.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Les fruits de la modestie sont la crainte de Dieu, des richesses, la gloire et la vie. (Prov., 22)

Que votre modestie soit connue à tous les hommes, car le Seigneur est proche. (Ép. aux Philipp., 4)

Travaillez à acquérir la modestie, vous aurez avec elle la paix de l’âme, la douceur et la grâce, la modération et la circonspection dans vos démarches et dans vos entretiens. (S. Ambroise)

Une personne modeste parle peu et à propos ; son visage est serein, ses yeux baissés et sages, son air tranquille et ses démarches graves. (S. Augustin)

Point de l’Incarnation
Le Tout-Puissant dans la faiblesse

Il est des hommes puissants sur la terre qui dominent sur les autres ; mais leur puissance est émanée de Dieu, qui peut les en priver quand il lui plaira ; leur puissance a ses bornes, elle n’est pas de durée ; et comme ils sont pécheurs, ils abusent souvent de leur puissance.

La puissance de Dieu est bien différente ; elle lui est propre, dit le Prophète : Potestas Dei est. (Ps. 61) Elle est inséparablement attachée à sa divine nature, et c’est de lui que dérive toute puissance dans le ciel et sur la terre ; tout lui est soumis dans ce vaste univers, et il n’est rien dont il ne vienne à bout ; c’est pourquoi il s’appelle Tout-Puissant. Sa puissance est éternelle ; comme elle n’a jamais eu de commencement, elle n’aura jamais de fin, dit le prophète Daniel. (Daniel, 4) Enfin, comme elle est unie à une souveraine justice, il ne peut jamais y avoir de défaut dans l’exercice de sa toute-puissance.

Cependant ce Dieu tout-puissant s’est fait homme ; il commence sa vie mortelle par l’enfance, quelle faiblesse ! il la finit par la croix, quelle autre faiblesse ! Crucifixus est ex infirmitate, dit saint Paul. (2e Ép. aux Cor., 13) Que je lève les yeux au ciel, j’y vois par la foi un Dieu tout-puissant, un Dieu créateur qui, par une seule parole, tire du néant des esprits célestes et des hommes pour en faire ses adorateurs, avec tout ce qui est contenu dans ce vaste univers. J’adore ce Tout-Puissant, et je suis saisi de crainte et de respect : mes yeux que j’avais élevés, il faut que je les abaisse pour voir un enfant sur la paille, poussant des cris enfantins ; et ma raison toute seule me dit : voilà un enfant faible comme les autres.

Mais je consulte la foi, et elle me dit que cet enfant est Dieu, et le même Dieu tout-puissant que je viens d’adorer sur son trône céleste, qui a épousé ma faiblesse, en se revêtant de ma chair, par l’amour qu’il a pour moi : surpris de ce miracle d’amour, je me dis à moi-même : Est-il possible que cet enfant si faible, qui ne peut pas parler, soit ce Verbe du Père qui a tout fait par sa parole, que ses petites mains soient capables de renverser les trônes des plus puissants monarques, et qu’elles disposent de la vie et de la mort ?

Oui, c’est ce même Dieu si faible, et c’est par cette même faiblesse que sa toute-puissance éclate. (2e Ép. aux Cor., 1) Ah ! je comprends, avec saint Paul, que ce qui est faible dans Dieu est plus fort que tous les hommes ; je comprends que je dois plus à sa faiblesse qu’à sa force : sa puissance m’a tiré du néant, sa faiblesse m’a tiré de l’enfer, et elle m’a ouvert le ciel ; sa puissance m’a donné celle de l’âme, combien suis-je obligé de l’aimer !

Oraison jaculatoire

Servez-vous, Seigneur, des charmes de votre beauté, avancez vers nous, réussissez en tout, et venez régner sur nous. (Ps. 44)

Les neuf jours avant Noël

Le 16 décembre Jour de reconnaissance
Le 17 décembre Jour d’obéissance
Le 18 décembre Jour de pénitence
Le 19 décembre Jour de rémission
Le 20 décembre Jour de réformation
Le 21 décembre Jour de préparation
Le 22 décembre Jour de zèle
Le 23 décembre Jour de retraite
La veille de Noël

Le 16 décembre
Jour de reconnaissance

Pratique générale pour les neuf jours

Célébrez cette sainte neuvaine avec une nouvelle ferveur ; augmentez en piété, en amour et en saints désirs, à mesure que l’heureux moment de votre rédemption approche ; unissez-vous avec plusieurs églises et un grand nombre de fidèles, qui solennisent avec beaucoup de piété et de religion ces neuf jours mystérieux qui nous acheminent au grand jour de notre salut, pour honorer les neuf mois pendant lesquels notre adorable Sauveur a été renfermé dans l’auguste sein de sa divine mère.

Pour entrer dans l’esprit de cette solide dévotion, vous rendrez tous les jours un hommage particulier à Jésus-Christ dans l’étable de Bethléem ; le premier des neuf jours, qui est aujourd’hui, vous ferez hommage à l’esprit de cet adorable Sauveur renfermé dans un corps d’enfant ; le second, vous le rendrez à son cœur, le troisième à sa bouche, le quatrième à ses yeux, le cinquième à ses mains, le sixième à ses pieds, le septième à sa chair, le huitième à son âme, et le neuvième à sa divinité. Vous finirez chaque jour par une paraphrase affective sur l’antienne 0, dont l’Église se sert à Vêpres ; ce qui suppléera à l’oraison jaculatoire des jours précédents, par-ci que ces antiennes si célèbres sont autant de désirs et de demandes des Prophètes pour obtenir le Messie.

Pratique particulière pour le 16 décembre

Comme cette sainte neuvaine commence aujourd’hui, pour honorer le premier mois de la grossesse de Marie, et le premier moment du séjour du Verbe incarné dans son chaste sein, commencez aussi à consacrer votre journée à l’incarnation du Verbe ; occupez-vous de tendres réflexions sur ce profond mystère ; entretenez-vous tantôt avec l’Ange Gabriel qui vient traiter,

avec cette Vierge si pure, de notre réconciliation, en l’engageant à consentir à la maternité divine ; tantôt avec Marie, qui conçoit dans le moment ce Verbe incarné sans rien perdre de sa virginité ; tantôt avec le Saint-Esprit, qui opère d’une manière ineffable et toute divine l’incarnation du Fils de Dieu, et qui lui forme un corps du plus pur sang de cette Vierge ; et tantôt avec Jésus-Christ qui est conçu, et qui commence à être revêtu de notre chair pour se faire semblable à nous et nous sauver.

Mais, dans ce jour consacré à la reconnaissance, entrez dans l’intérieur de cette Vierge sainte, pour admirer et pour imiter la sienne. Aussitôt en effet qu’elle se sent mère de Dieu, elle va faire chez sa cousine Élisabeth un acte public de sa reconnaissance sur sa maternité divine. Unissez aujourd’hui votre reconnaissance à la sienne, et remerciez ce Dieu de gloire et de bonté de ce qu’il a bien voulu se faire homme pour vous sauver ; et multipliez-en les actes le plus souvent que vous pourrez pendant la journée.

Méditation
Sur la reconnaissance

Premier point

Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sauveur, parce qu’il a regardé la bassesse de sa servante. (S. Luc, 1)

Remarquez que sainte Élisabeth, à l’arrivée de Marie, avait senti et la grâce qui était répandue sur ses lèvres, et l’Auteur de la grâce que cette divine mère portait dans son chaste sein, et qu’ayant ressenti le tressaillement de Jean-Baptiste dans le sien, elle s’écria par un mouvement du Saint-Esprit dont elle venait d’être remplie : Soyez bénie entre toutes les femmes ; et d’où me vient un si grand bonheur que la mère de mon Dieu me vienne visiter ?

Cet éloge si pur, qui élevait Marie au-dessus de toutes les autres femmes et de toutes les créatures mortelles, tira aussitôt de la bouche de cette Vierge mère ce sublime cantique Magnificat, qu’on peut appeler une action de grâces continuelle, dont toutes les paroles mériteraient d’être pesées au poids du sanctuaire. Tout abîmée dans la voie de sa bassesse, elle renvoie à Dieu toutes les louanges qu’on lui donne ; elle ne publie la grandeur et la puissance de Dieu que pour mieux insinuer sa bassesse et son néant. C’est un combat entre la grandeur et l’humilité, entre les bienfaits et la reconnaissance, où la grâce décide : on la traite de mère de Dieu ; elle ne se regarde et elle ne veut être regardée que comme sa servante ; elle proteste avec action de grâces que c’est Dieu qui a tout fait en elle, et elle publie la sainteté de son nom, l’étendue de sa puissance et la grandeur de ses miséricordes.

Voilà un grand modèle de reconnaissance, imitez-le ; rendez de continuelles actions de grâces à Dieu de ses bienfaits ; reconnaissez, comme Marie, votre bassesse et votre néant ; adorez, louez et publiez hautement sa grandeur et sa puissance avec la même humilité, c’est le moyen de vous acquitter envers ce souverain bienfaiteur, et de mériter de nouvelles grâces de sa libéralité, qui ne met point de bornes à ses faveurs à l’égard des cœurs reconnaissants.

Second point

Faites attention que la reconnaissance est une dette, que c’est une vertu et un sacrifice : c’est une dette que nous contractons dès le moment que nous recevons un bienfait ; c’est par conséquent une injustice de ne pas la payer, et une autre bien plus énorme de ne pas la reconnaître. C’est une vertu par laquelle nous connaissons et nous sentons que tous nos biens viennent de Dieu ; ce qui nous engage à retourner vers lui, à le louer et à le remercier de tout notre esprit, de tout notre cœur, de toute notre voix et de toutes nos bonnes œuvres.

Telle fut la reconnaissance de la divine Marie ; elle commence à s’humilier, à publier sa bassesse, et à s’avouer redevable à la puissance et à la bonté de Dieu de ce qu’il avait opéré en elle. Tout son esprit est appliqué à reconnaître ses divines miséricordes ; tout son cœur est pénétré de la plus vive reconnaissance ; toute sa voix le publie dans l’admirable cantique d’action de grâces qu’elle prononce hautement ; et elle va exprimer sa reconnaissance par ses bonnes œuvres, en servant humblement sa cousine l’espace de trois mois.

Si la reconnaissance est une dette, vous en êtes-vous jamais bien acquitté envers Dieu, à qui vous devez tout ce que vous avez et tout ce que vous êtes ? Si vous n’êtes pas attentif à la payer tous les jours, vous êtes injuste et vous êtes ingrat, puisqu’il n’est point de jours, point d’heures et point de moments auxquels vous ne soyez redevable à Dieu, quand ce ne serait que de votre conservation qu’il ne vous doit pas.

Pratiquez-vous cette vertu de reconnaissance comme vous y êtes engagé ? Notre esprit y pense-t-il aussi souvent qu’il devrait y penser ? Votre cœur en est-il pénétré ? Sent-il comme il devrait sentir les bienfaits continuels de Dieu ? N’attribuez-vous point quelquefois à votre industrie ce qui ne vient que de lui seul ? Votre voix entre-t-elle dans le concert de cette vertu, en parle-t-elle assez souvent, lui offre-t-elle des sacrifices de louange pour reconnaître les grâces et les miséricordes dont vous lui êtes redevable ? Faites-y attention.

Sentiments

Que je sens ici mon impuissance et ma faiblesse, ô mon divin Sauveur, et l’extrême besoin que j’ai de votre secours, pour vous rendre les actions de grâces que je vous dois ! Je devrais égaler mes actes de reconnaissance à mes respirations, puisque vos bontés sont continuelles à mon égard ; mais, hélas ! je ne me suis jamais bien acquitté de ce juste devoir ; ma mémoire oublie vos bienfaits, mon esprit tout dissipé ne s’y applique pas ; mon cœur ingrat ne les sent pas ; ma voix ne vous offre pas assez souvent le sacrifice de louange, et je confesse avec douleur et confusion mon insensibilité, mon injustice et mon ingratitude. Vous m’avez tiré du néant, je vous dois et l’être et la vie ; et cette vie entière, je devrais la consacrer à la reconnaissance. Vous m’avez donné la vie de la grâce, vous vous êtes revêtu de ma chair, vous avez souffert, vous êtes mort pour me mériter la vie de la gloire ; ma mémoire l’oublie, mon esprit n’y pense pas, mon cœur ne le sent pas, et ma bouche garde le silence quand elle devrait éclater en actions de grâces. Secourez-moi donc, Seigneur ; ne donnez de la fidélité à ma mémoire que pour me ressouvenir de vos bienfaits, de la vivacité à mon esprit que pour y penser, de la tendresse à mon cœur que pour les sentir, et de la force à ma voix que pour les publier.

Ou plutôt, ô mon Sauveur, chargez-vous vous-même de ma reconnaissance, afin que je puisse dire avec confiance comme le Prophète : Mon Seigneur rendra grâces pour moi, Dominus retribuet pro me. (Ps. 137) Rendez grâces pour moi à votre Père céleste, rendez-vous grâces à vous-même des faveurs dont je vous suis redevable ; vous m’avez donné votre chair, votre sang, votre passion, votre mort et tous vos mérites ; c’est mon bien, qui est d’une valeur infinie ; je vous les offre Seigneur, à vous-même en action de grâces ; pourriez-vous ne pas les accepter ?

Sentence de l’Écriture sainte et des saints Pères

Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’il m’a faits ? (Ps. 115. )

Rendez grâces à Dieu en toutes choses ; car c’est ce que Dieu veut que vous fassiez en Jésus-Christ. (Ép. aux Thessal., 5)

Heureux est celui qui recueille avec application toutes les grâces qu’il a reçues ; qui se les remet souvent devant les yeux, et qui en rend de continuelles actions de grâces à Dieu ! (S. Bernard)

L’action de grâces allume dans nos cœurs le feu du divin amour, nous attire l’amitié de Dieu, et nous dispose à de plus grandes grâces.

Point de l’Incarnation
La gloire dans l’infamie

Il n’y a qu’un Dieu, à proprement parler, qui soit véritablement glorieux. La définition même qu’on donne de la gloire ne convient pas à la sienne, quand on dit qu’elle est une connaissance distincte du mérite avec éloge : celle de Dieu est indépendante de la connaissance et des éloges les plus pompeux. Car, avant que sa main toute-puissante eût tiré du néant les Anges et les hommes, il n’était connu ni loué de personne ; cependant il n’en était pas moins glorieux.

Ce Dieu de gloire se suffisait à lui-même, il se connaissait, il s’aimait, il se louait, il prenait des complaisances infinies à habiter dans ses propres grandeurs, ce qui est le privilège de Dieu seul, son ciel, son temple, ses adorateurs, et toutes choses ; et c’est cette gloire qu’il a protesté qu’il ne donnerait jamais à personne. Il s’est formé des créatures qui ont reconnu cette gloire par leurs adorations et par leurs éloges, mais qui ne peuvent pas toutes ensemble y rien ajouter d’essentiel. Les Anges la chantent dans le ciel, les hommes la reconnaissent sur la terre ; les cieux mêmes, quoique insensibles, l’annoncent et la publient : Cæli enarrant gloriam Dei, et opera manuum ejus annuntiat firmamentum. (Ps. 18)

C’est cependant cette gloire qui paraît éclipsée et sacrifiée dans le mystère de l’incarnation, pour y substituer le mépris, l’humiliation et l’infamie ; en effet, qu’on dise d’un homme : il est né dans une étable sur la paille ; dès son enfance un roi l’a fait chercher pour l’égorger ; il a passé sa vie dans le mépris, dans l’opprobre et la persécution ; tout un peuple, les magistrats à la tête, ont demandé qu’on le fît mourir ; un séditieux et un homicide a été préféré à lui ; enfin il est mort sur un gibet comme un scélérat et entre deux scélérats ; on dira sans doute que cet homme est né, qu’il a vécu et qu’il est mort dans la plus affreuse infamie.

Voilà cependant ce que le Verbe divin a fait dans son incarnation, parce qu’il nous aime, par-ci qu’il veut que nous l’aimions et que nous marchions sur ses traces, qui sont devenues glorieuses depuis qu’il nous les a frayées : aussi l’Apôtre disait-il de lui-même et des chrétiens de son temps : Nous sommes patients dans les outrages, dans les prisons, parmi l’horreur et l’ignominie, parmi l’infamie et la bonne réputation : Per infamiam et bonam famam. ( 2e Ép. aux Cor., 5) Jésus-Christ lui-même a trouvé la gloire dans cette infamie, dit saint Augustin ; il tire sa grandeur de sa bassesse, son humilité fait son élévation, et ses opprobres font sa gloire et la nôtre.

Hommage à l’esprit de Jésus enfant dans la crèche

Esprit adorable de mon Jésus, je vous adore, et je vous rends mes plus tendres et mes plus respectueux hommages, quoique renfermé dans un corps d’enfant nouveau-né. Ô profondeur ! ô sublimité ! ô abîme de sagesse et de science ! qui sont d’autant plus pures que vous les avez puisées du sein de la Divinité, qui est en vous ; vous êtes d’autant plus respectable et d’autant plus aimable, que vous vous êtes caché pour mon amour dans un petit corps, qui contient toutes vos lumières, pour ne paraître que dans l’ignorance, comme les autres enfants. Cependant, ô esprit de Jésus enfant, si vous vouliez, vous brilleriez dans la crèche et en sortant du sein de votre divine mère, comme vous brillerez un jour au milieu des docteurs, qui admireront votre profonde sagesse. Guérissez mon ignorance, ô source de lumière ; dissipez mes ténèbres, éclairez mon âme ; et en l’éclairant, embrasez-la de vos divines ardeurs pour vous connaître et pour vous aimer de tout mon cœur dans le temps et dans l’éternité.

Oraison jaculatoire

Levez-vous, Jérusalem, recevez la lumière ; car voilà qu’elle vient, et que la gloire du Seigneur se lève sur vous. (Isaïe, 60)

Le 17 décembre
Jour d’obéissance

Pratique

Entrez aujourd’hui dans les dispositions d’une âme parfaitement obéissante aux ordres de Dieu ; portez-vous-y avec ardeur, soyez attentif à sa voix, il ne manquera pas de parler à votre cœur. Dès que vous verrez la lumière, marchez, sinon elle s’éteindra, et Dieu ne parlera plus. Prenez la divine Marie pour votre modèle ; obéissez à l’inspiration comme elle ; suivez-la d’esprit et de cœur dans son voyage de charité, étudiez bien toutes ses démarches, conformez-y les vôtres aussitôt que vous connaîtrez la volonté de Dieu.

Méditation
Sur l’obéissance

Premier point

Marie partit en ce même temps, et s’en alla en diligence vers les montagnes de Judée, en une ville de la tribu de Juda. (S. Luc. 1)

Il est important de remarquer que c’est ici une continuation d’obéissance à Dieu, et une persévérance héroïque dans la pratique de cette grande vertu. Marie venait d’obéir à Dieu, en disant à l’Ange : Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole ; et ce premier acte d’obéissance si soumise venait d’être récompensé de la manière la plus glorieuse qui fut jamais, puisqu’elle devint aussitôt la mère de Dieu.

Mais ce même Dieu, après qu’il est incarné dans son chaste sein, lui inspire d’aller visiter sa cousine Élisabeth, et pour lui annoncer cette grande nouvelle, et pour porter la grâce et l’Auteur de la grâce à Jean-Baptiste, encore renfermé dans son sein : et Marie obéit, et elle se met en chemin.

Tirez deux conséquences et deux instructions de l’obéissance ponctuelle de Marie : la première, c’est que Dieu a toujours récompensé l’obéissance d’une manière surprenante, parce qu’il la regarde, non comme une vertu commune, mais comme un hommage qu’on rend à son souverain domaine, et comme un sacrifice qui surpasse en mérite et qui lui est beaucoup plus agréable que tous ceux de l’Ancien Testament, comme il le dit lui-même par la bouche du prophète Samuel : Melior est obedientia quam victimæ (1er liv. des Rois, 15) ; parce que dans ceux-là on n’immolait qu’une chair étrangère, et que dans celui-ci on s’immole soi-même.

L’obéissance d’Abraham fut récompensée d’une nombreuse postérité, et il mérita d’être un des aïeux de Jésus-Christ ; et celle de Marie lui mérita d’en être la mère.

Secondement, vous devez conclure de l’obéissance de Marie, qu’il ne suffit pas d’obéir une fois au Seigneur, mais qu’il faut persévérer dans cette obéissance jusqu’à la mort, comme cette divine mère a fait, et comme a fait son adorable fils, qui a mieux aimé perdre la vie que l’obéissance. En effet, ce Dieu tout puissant est toujours notre souverain Seigneur, il a toujours droit de nous commander, et nous sommes obligés de lui obéir dans tous les moments de notre vie. Obéissons donc avec persévérance, si nous voulons avoir la couronne qu’il nous a promise.

Second point

Marie s’en alla en diligence vers les montagnes de Judée. (S. Luc, 1)

Faites encore ici réflexion à deux choses importantes renfermées en deux paroles de l’Évangile ; l’une dans ce mot en diligence ; l’autre en celui-ci, vers les montagnes : le premier marque la promptitude de l’obéissance ; le second, le courage pour surmonter les difficultés qui s’y rencontrent.

Dès que Marie connaît la volonté de Dieu, elle se hâte, dit l’Évangile, cum festinatione, et son obéissance ne peut être retardée. Une âme véritablement obéissante, dit saint Bernard, reçoit l’ordre de Dieu et de ses supérieurs dans son propre cœur ; elle retranche toutes les réflexions qui pourraient venir du côté de la délicatesse, de la vanité ou du respect humain ; elle aime l’obéissance, parce qu’elle fait toute sa sûreté et son repos de conscience : cet amour s’étend jusqu’à l’ordre qui lui est donné, et à la chose qui lui est ordonnée ; elle se ferait un crime du moindre délai ; à peine l’ordre est-il donné, qu’il est, pour ainsi dire, enlevé et qu’il est exécuté ; l’oreille est toujours attentive, les yeux ouverts, la langue prête à parler, les mains à travailler, et les pieds à marcher dans le premier moment que Dieu parle.

Secondement l’obéissance doit être généreuse pour tout entreprendre, même l’impossible : celle de Marie était héroïque, et elle ne put être ralentie, ni par la rapidité des montagnes, ni par la chaleur excessive de la saison, ni par la jeunesse de son âge, ni par la délicatesse de son tempérament, ni par la difficulté du voyage.

Quel agréable spectacle de voir cette jeune Vierge, à peine sortie de l’enfance, marcher courageusement dans les déserts et sur les montagnes, malgré la chaleur extrême ! Quelle impression l’ardeur du soleil pouvait-elle faire sur elle ! car elle n’était point encore sortie du temple depuis l’âge de trois ans ; c’était par conséquent le premier de ses voyages ; mais elle trouve dans l’obéissance des ressources à sa faiblesse ; tant il est vrai que, quand on obéit avec promptitude et avec courage, on ne trouve rien de difficile.

Sentiments

Ô vénérable et sainte obéissance, s’écrie saint Augustin, vous faites le salut de nos consciences, vous êtes la gardienne de nos vertus, vous nous fermez l’enfer, et vous nous ouvrez le ciel. Vous êtes l’ouvrage de la foi, l’épreuve de l’espérance, la preuve de la charité, et un noble genre de martyre, qui ne lui est point inférieur ni en mérite, ni en récompense ; et vous nous faites remporter de glorieuses victoires sur le démon, sur le monde et sur nous-mêmes.

Cet éloge si pompeux et si vrai me couvre de confusion et me pénètre de douleur, quand je pense à mes désobéissances ; ce seul nom de chrétien que je porte ne devrait-il pas m’engager à obéir, puisque j’ai à ma tête un souverain, un législateur, un sauveur, un Jésus-Christ, qui a été obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix ?

Tout Dieu que vous êtes, ô mon Jésus, vous vous êtes humilié, dit saint Paul, et cette humilité prodigieuse, qui devait vous être étrangère, vous a engagé à obéir à votre Père céleste, parce que vous m’aimez, quoique vous fussiez égal à lui en toutes choses ; et moi je n’ai que trop souvent désobéi à vos ordres, quoique je connusse assez votre volonté, et les avantages que je pourrais tirer de mon obéissance pour le temps et pour l’éternité ; ou si je l’ai pratiquée quelquefois, je l’ai fait avec tant de remise et tant de lâcheté, que mon obéissance ne ressemblait point à la vôtre, et qu’elle ne pouvait pas vous être agréable.

Apprenez-moi, Seigneur, à vous obéir comme vous avez obéi vous-même ; arrêtez mes révoltes, et pardonnez-les-moi ; soumettez mon esprit, réveillez ma langueur, engagez ma volonté à suivre toujours la vôtre, et embrasez-moi d’une sainte ardeur pour vous être obéissant jusqu’au dernier soupir.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

L’homme obéissant sera en droit de raconter ses victoires. (Prov., 21)

Jésus s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix : c’est pourquoi Dieu l’a exalté, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom. (Ép. aux Philipp., 2)

Ni l’occupation à une action sainte, ni le repos d’une éminente contemplation, ni l’effusion des larmes de pénitence ne peuvent dispenser de l’obéissance. (S. Bernard)

Qu’il y a peu de chrétiens dont l’obéissance soit si parfaite, et qui aient tellement renoncé à leur volonté, qu’ils ne se soient réservé aucune propriété sur leur propre cœur, pour être incessamment attentifs, non à ce qu’ils veulent, mais à ce que Dieu veut ! (S. Bernard)

Point de l’Incarnation
La liberté dans l’esclavage

Comme Dieu est un être indépendant par sa divine nature, et que sa volonté est le premier mobile de toutes les volontés créées, il est non seulement libre par lui-même, mais il est encore l’auteur et le principe de toute liberté. Les Anges et les hommes ont été créés libres, il est vrai ; mais leur liberté est une grâce qui ne leur était point due, et une participation et un écoulement de celle de Dieu ; mais la liberté de Dieu est attachée à son essence. Plusieurs d’entre eux ont abusé de leur liberté ; mais comme la liberté de Dieu est inséparable de la justice, il ne peut vouloir que le bien ; il peut tout ce qu’il veut, et tout ce qu’il veut est saint.

C’est par un acte de cette divine volonté inclinée par son amour pour les hommes que le Fils de Dieu s’est fait homme, et qu’il est venu sacrifier sa liberté en s’assujettissant à toutes les misères de l’humanité, excepté le péché. Il est vrai que ce Fils de Dieu n’a jamais perdu ni pu perdre le fonds de sa liberté ; mais il en a perdu volontairement les apanages, l’usage et tout l’honneur qu’il pouvait en retirer, en prenant les apparences de pécheur, de serviteur et d’esclave.

Allons en esprit à la crèche, nous y verrons un enfant dépendant de tout, assujetti à tout comme les autres enfants ; son esprit, dans lequel sont tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu, s’est ôté à lui-même la liberté de se faire connaître tel qu’il est ; son cœur, qui est le centre et le trône du divin amour, s’est mis dans l’impuissance d’en faire briller les flammes ; il a une bouche, mais il ne peut parler, des mains, mais il ne peut agir, des pieds, mais il ne peut marcher.

En un mot, cet adorable Sauveur sera par choix dans la forme de serviteur, et il y sera jusqu’à la mort : formam servi accipiens. (Ép. aux Philipp., 2) Heureuse et sublime servitude ! précieux et avantageux esclavage ! puisqu’il n’en a pris les apparences et les humiliations que pour nous délivrer du honteux esclavage du péché, et pour nous procurer la vraie liberté, qui est celle des enfants de Dieu ; ce qui nous doit inspirer deux choses, l’amour pour le libérateur qui a brisé nos chaînes, et la haine et l’horreur pour la servitude du péché.

Paraphrase sur l’Antienne O Sapientia

Ô Sagesse divine, Sagesse éternelle, Sagesse incréée, qui êtes sortie de l’esprit, du cœur et de la bouche du Très-Haut ! De son esprit, pour connaître et pour prévoir les choses les plus éloignées, et pour faire réussir les plus désespérées ; de son cœur, pour se faire goûter et pour faire aimer des hommes les moyens qu’il met en usage pour faire réussir ses adorables desseins ; de sa bouche, pour signifier ses volontés aux hommes, et les faire écouter avec respect. Sagesse, qui savez atteindre d’un terme à l’autre avec force pour surmonter tous les obstacles, et qui disposez tout avec une douceur ineffable qui gagne les cœurs les plus farouches et les plus rebelles, venez nous instruire, venez nous apprendre les voies de la prudence, pour nous conduire sûrement dans le chemin de notre salut.

Hommage au cœur adorable de Jésus dans la crèche

Cœur adorable de mon Jésus, unique objet de toutes mes richesses, centre délicieux de tous mes désirs, dans lequel il s’est déjà passé tant de mystères d’amour, depuis que le Saint-Esprit vous a formé du plus pur sang de Marie, et dans l’espace des neuf mois que vous avez été renfermé dans son chaste sein, je vous offre tous les plus respectueux et tous les plus tendres hommages du mien. Vous êtes resserré dans une poitrine d’enfant qui nous cache vos ardeurs ; cependant vous brûlez d’un amour incompréhensible pour votre Père céleste, et vous lui rendez une infinité d’hommages et d’adorations qui sont d’un mérite infini ; vous brûlez aussi d’amour pour les hommes, puisque vous venez vous immoler pour les sauver : je m’y unis de tout mon cœur et pour le temps et pour l’éternité.

Le 18 décembre
Jour de pénitence

Pratique

Après avoir adoré Dieu à votre réveil, sous le titre de Dieu des miséricordes, commencez la journée par un acte de douleur de l’avoir offensé. Revêtez-vous de l’esprit de pénitence ; faites réflexion, comme le prophète Isaïe, à vos péchés des années précédentes, avec amertume de cœur. (Isaïe, 38) Renoncez aujourd’hui à toute partie de joie et de plaisir ; séparez-vous, privez-vous, punissez-vous, faites tout, et recevez tout en esprit de pénitence ; exercez-en des actes qui viennent du cœur, et dites souvent à Dieu avec le Prophète : Seigneur, vous ne mépriserez pas un cœur contrit et humilié : Cor contritum et humiliatum, Deus, non despicies. (Ps. 50)

Méditation
Sur la pénitence

Premier point

Le Seigneur fit entendre sa parole à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. (S. Luc. 3)

Faites une sérieuse réflexion sur cet admirable préliminaire, qui marque assez qu’il s’agit ici de quelque chose de bien important. Car qui est-ce qui vient de faire entendre sa voix ? C’est Dieu même qui vient d’ouvrir sa bouche adorable pour faire savoir sa volonté, et pour établir de nouveau le grand précepte de la pénitence qu’on avait presque oublié, comme l’unique moyen pour apaiser sa colère et pour se préparer dignement à son avènement. À qui s’adresse-t-elle, cette divine parole ? à Jean, qu’il choisit pour son organe, et qui était d’autant plus digne de prêcher le baptême de la pénitence, qu’il l’avait pratiquée lui-même depuis son enfance dans sa plus grande rigueur, depuis laquelle il avait déclaré une guerre implacable à la sensualité, menant une vie affreuse à la délicatesse, ne vivant que de miel sauvage et de sauterelles.

Mais où était Jean-Baptiste dans le temps qu’il entendit cette voix de Dieu ? Il était dans le désert, où il avait passé toute sa vie à se préparer à cette fonction. C’est aussi dans la solitude que Dieu parle avec succès à nos cœurs, par ce qu’ils voient et par ce qu’ils entendent ; c’est dans la solitude que l’on pratique bien plus sûrement la pénitence, parce qu’on y est moins exposé, moins détourné, plus recueilli, plus à l’abri du respect humain, n’ayant que les yeux de Dieu pour spectateurs de ses larmes et de ses actes de pénitence.

Retirez-vous des compagnies du monde, soyez attentif à la voix de Dieu et à celle de son divin précurseur ; préparez votre cœur, par la pénitence, à la naissance de Jésus-Christ qui s’approche ; rendez droits et unis les chemins par lesquels il doit venir nous visiter.

Second point

Jean-Baptiste vint dans tout le pays du Jourdain, prêchant le baptême de la pénitence. (S. Luc. 3)

Ouvrez l’oreille de votre cœur, pour écouter avec attention l’oracle qui parle dans le désert : la voix du grand précurseur se fait entendre, non plus dans le voisinage du Jourdain, mais dans toute l’Église, pour engager tous les chrétiens à faire pénitence, et à la bien faire, ou tomber entre les mains terribles d’un Dieu vengeur.

Comparez la pénitence que vous avez faite jusqu’à présent à celle que Jean-Baptiste et les saints qui l’ont suivi ont embrassée et pratiquée. Il l’appelle aujourd’hui un baptême ; il faut qu’elle lave le pécheur de manière qu’il ne lui reste aucune souillure qui puisse déplaire aux yeux de Dieu. Saint Augustin l’appelle une douleur sincère et une véritable amertume de cœur. Saint Basile l’appelle un acte de justice, et une compensation de l’offense qu’on a commise contre Dieu. Saint Chrysostome l’appelle une sainte colère, et une juste vengeance accompagnée de haine, de détestation et d’horreur contre le péché. Et saint Thomas l’appelle une vertu qui opère une destruction totale du péché, une satisfaction pleine à la justice de Dieu, et une rénovation totale du pécheur.

Examinez à présent si votre pénitence ressemble à ces portraits tracés par les saints Pères. Si vous êtes de bonne foi, vous avouerez qu’il lui en manque bien des traits, qu’il faut que vous y ajoutiez. Demandez-vous donc à vous-même si vous avez été parfaitement lavé par ce second baptême ; si votre cœur a été pénétré de cette vive douleur et abreuvé de cette amertume si salutaire ; si votre pénitence peut être appelée une juste compensation, et si la justice de Dieu peut être contente de cette punition que vous avez faite de vous-même ; si vous avez eu cette horreur, cette aversion et cette détestation du péché ; si vous avez exercé contre vous une vengeance capable de vous soustraire à celle de Dieu ; enfin si vous avez entièrement détruit chez vous, et le péché et l’affection au péché. Examinez, gémissez et réformez.

Sentiments

Unissez-vous, ô mon âme, à cette sainte compagnie d’Israélites qui vont suivre Jean-Baptiste dans le désert pour entendre de sa bouche les paroles de vie, et recevoir de ses mains le baptême de la pénitence, pour vous préparer à recevoir votre divin Rédempteur. Mais, ô mon Dieu, vous m’avez déjà procuré, par votre pure miséricorde, un autre baptême infiniment plus sublime et plus efficace, parce qu’il a effacé mon péché, qu’il m’a procuré votre grâce et qu’il m’a fait héritier de votre royaume. Cependant comment ai-je conservé cette grâce baptismale ? et combien de fois ai-je été obligé de recourir au baptême de la pénitence pour recouvrer votre grâce que j’avais perdue ! Puis-je même me flatter de l’avoir recouvrée ?

Je vous demande, ô mon adorable Sauveur, ce vrai baptême de la pénitence qui me réconcilie parfaitement à vous et pour toujours ; ce baptême d’eau, mais de l’eau de mes larmes, qui me lave encore davantage de mes iniquités, quand elle devrait avoir toute l’amertume de l’hysope, que le Prophète pénitent vous demandait. Baptisez-moi encore du baptême de votre Esprit, qui est un Esprit de lumière et de sainteté, que votre précurseur nous a promis, afin qu’il me conduise dans les voies du salut, et que je suive fidèlement ses divines inspirations. Baptisez-moi du baptême du feu de votre divin amour, qui purifie mon cœur de toutes ses souillures, qui l’embrase de ses saintes ardeurs, et qu’il ne brûle jamais d’autres flammes ; je consens même, Seigneur, de passer par le baptême du sang pour expier mes péchés. Vous m’avez donné tout le vôtre pour m’ouvrir le ciel, il est bien juste que je vous consacre tout le mien.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Faites pénitence, car le royaume des cieux approche. (S. Matth., 4)

Faites de dignes fruits de pénitence. (S. Luc, 3)

Il n’y a que deux choses qui rendent la pénitence certaine : la haine du péché, et l’amour de Dieu. (S. Augustin)

Celui qui est véritablement pénitent ne s’effraie point de ce que la pénitence a de plus rigoureux ; mais il entreprend tout avec joie et ne se relâche jamais. (S. Grégoire)

Point de l’Incarnation
Un innocent pénitent

L’innocence, qui parmi les hommes est un rare et précieux trésor, ne se rencontre que parmi certaines âmes d’élite qui ont conservé la grâce du baptême. Du côté de Dieu, c’est une grâce ; du côté du fidèle, c’est une vertu et un courage à l’épreuve du penchant et des tentations ; cette innocence en Dieu est un attribut de sa divine nature, qui hait souverainement le péché : l’homme innocent peut pécher, parce qu’il est fragile, et que sa concupiscence lui donne du penchant pour le péché ; le juste même, dit le Saint-Esprit, tombe sept fois le jour : mais Dieu est impec-cable par nature ; et s’il pouvait pécher, il ne serait pas Dieu, et cette impuissance de pécher fait sa gloire. Ainsi l’homme le plus parfait pouvant pécher, et commettant tons les jours des fautes, quoique légères, n’est point parfaitement innocent ; il est par conséquent obligé de faire pénitence.

Cependant ce Dieu, seul impeccable et possédant une innocence infiniment parfaite, a aimé les hommes, quoiqu’ils fussent pécheurs, parce qu’ils sont les ouvrages de ses mains, et qu’en les formant il leur a imprimé son image. C’est en conséquence de cet amour qu’il s’est fait homme, qu’il a voulu prendre leur ressemblance, après leur avoir donné la sienne, et qu’en épousant leur nature, sans rien perdre de son impeccabilité, il s’est chargé de satisfaire pour eux à la justice de Dieu son Père, et d’unir ainsi, par un miracle d’amour, la pénitence la plus rigoureuse à l’innocence la plus parfaite et la plus sublime.

Le péché de l’homme méritait une pénitence éternelle, parce qu’offensant une majesté infinie, il y avait dans son péché une malice, dans un sens, infinie. Jésus-Christ vient le délivrer de cette pénitence éternelle, pourvu que cet homme pécheur accepte et s’impose une pénitence temporelle ; encore est-ce ce Dieu fait homme qui lui donne toute sa valeur, pour être en droit de faire cet heureux échange du temps pour l’éternité, en l’inspirant lui-même par sa grâce, et en l’unissant à la sienne et à ses satisfactions, qui sont d’un mérite infini.

Il a pratiqué pendant toute sa vie la plus rigoureuse de toutes les pénitences : il l’a même commencée en venant au monde, en naissant dans une étable abandonnée, en souffrant l’exil, et vivant en fugitif presque aussitôt qu’il est né, s’exposant au travail, à la servitude, aux humiliations, au supplice le plus cruel, et à la mort la plus ignominieuse et la plus sanglante ; unissez votre pénitence à la sienne ; il vous l’abandonne parce qu’il vous aime.

Paraphrase sur l’Antienne O Adonaï

Ô souverain Seigneur, Roi des rois, Maître du ciel et de la terre, et conducteur de la maison d’Israël à la Terre promise, qui était la figure du céleste héritage que vous nous avez mérité par l’effusion de votre sang, et où vous nous conduisez par votre grâce ; vous avez apparu à Moïse dans un buisson de flammes et de feu, vous lui avez donné une loi toute sainte sur la montagne de Sinaï, qui n’était qu’une préparation à la loi de grâce : loi sacrée que vous vouliez écrire dans le fond de nos cœurs, dans la nouvelle alliance que vous vouliez contracter avec nous. Venez, ô divin législateur, nous sommes prêts à la recevoir : venez avec toute la puissance de vos bras, pour nous délivrer de la mort, du péché et de l’enfer.

Hommage à la bouche adorable de Jésus dans la crèche

Bouche divine et enfantine de mon divin Sauveur, source des plus pures délices, lèvres sacrées sur lesquelles toutes les grâces sont répandues, qui avez parlé par les Prophètes, et qui n’êtes formée du Saint-Esprit que pour prononcer des oracles de sagesse et des lois saintes, qui font et le bonheur et la sûreté de tous ceux qui les entendent et qui les pratiquent, que pour donner à tous ceux qui auront recours à vous des témoignages de la bonté et de la tendresse de votre cœur, et des arrêts favorables de vie et de pardon ; je vous adore dans le sein de votre divine mère, où vous gardez un rigoureux silence, et sur la crèche, où vous ne vous expliquez que par des cris enfantins. Bouche adorable, consacrez la mienne, afin qu’elle ne s’occupe dorénavant que des divines miséricordes de mon Sauveur. Rendez-la digne, ô mon Dieu, de s’approcher avec respect et avec pureté de la vôtre, afin de pouvoir vous dire avec la même confiance que l’épouse des sacrés Cantiques : Que mon céleste époux me donne un baiser de sa bouche : Osculetur me osculo oris sui. (Cant., 1)

Le 19 décembre
Jour de rémission

Pratique

La rémission des péchés étant le fruit, la fin et la suite nécessaire de la pénitence que Jean- Baptiste prêche avec tant de force, parce qu’elle suppose un Dieu apaisé, commencez la journée par en faire une humble demande à Dieu, par ces paroles de l’Oraison dominicale : Seigneur, remettez-moi mes péchés comme je pardonne à ceux qui m’ont offensé. Répétez souvent cette demande, et faites-en aujourd’hui votre oraison jaculatoire : mais si vous voulez qu’elle soit favorablement écoutée, accompagnez-la, autant de fois que vous la ferez, d’un sentiment de douleur et de détestation de vos péchés, et d’un vrai désir d’obtenir cette rémission.

Méditation
Sur la rémission des péchés

Premier point

Jean-Baptiste vient dans tout le pays des environs du Jourdain, prêchant le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés.

Cet incomparable prédicateur était bien persuadé qu’on n’entreprend jamais plus volontiers les travaux les plus pénibles que quand on est assuré qu’ils seront abondamment récompensés, et qu’un chrétien qui est conduit par la foi doit s’assujettir sans balancer aux pratiques les plus rudes et les plus laborieuses de la pénitence, quand il a lieu d’espérer qu’elles seront suivies de la rémission de ses péchés, s’il la fait sincèrement et sans s’épargner.

C’est aussi par ce motif pressant que Jean-Baptiste prêchait aux Juifs le baptême de la pénitence ; motif qui doit aussi vous y engager et vous faire surmonter tous les obstacles qui pourraient venir du côté de votre délicatesse, de votre lâcheté ou du respect humain ; et vous vous y soumettrez sûrement si vous voulez assurer votre salut.

Dites-vous donc à vous-même : Je suis pécheur, j’ai offensé mon Dieu, j’ai encouru sa disgrâce, sa haine et son indignation ; j’ai lieu de craindre la plus douloureuse de toutes les privations et l’exclusion du ciel, qui renferme en soi des supplices éternels. Je suis sûr, par la parole de Jean- Baptiste, confirmée ensuite authentiquement par celle de Jésus-Christ, que, si je fais pénitence comme il me l’ordonne, mon péché me sera remis, et que les biens infinis qui suivront cette rémission seront ma réconciliation avec Dieu, sa grâce, son amour, l’exclusion de l’enfer, et le droit de prétendre à son héritage céleste, qui me rendra éternellement heureux dans la possession de Dieu.

Si je refuse de faire pénitence après ces motifs qui m’y engagent, qui sont les plus forts que la religion me puisse fournir, c’est un aveuglement impardonnable, c’est une impénitence et un péché contre le Saint-Esprit ; je ne compterais plus sur mon salut ; les souffrances mêmes et la mort de Jésus-Christ, par les quelles je pourrais espérer la rémission, me deviendraient inutiles : que deviendrais-je donc, hélas !

Second point

Il est important de remarquer que le baptême de saint Jean ne pouvait pas remettre les péchés ; il ne pouvait que promettre cette rémission, et y préparer ses auditeurs par la pénitence, en attendant que Jésus-Christ vint lui-même opérer efficacement cette rémission par ses souffrances et par sa mort. Ainsi les prêtres de la loi nouvelle ont plus de puissance que ce grand précurseur, parce qu’étant revêtus de l’autorité de Jésus-Christ, qu’ils représentent, ils sont en droit de conférer cette rémission, et de faire l’application des mérites et du sang du Sauveur : quel puissant motif pour se procurer ce grand bien ! ne le négligez pas.

Pour vous y engager davantage, faites encore réflexion aux différents noms sous lesquels cette rémission est exprimée dans l’Écriture : cette grâce est appelée tantôt un pardon, par rapport à l’offense que le péché fait à Dieu, qui est pardonnée ; tantôt une guérison, par rapport à la plaie mortelle que le péché fait à l’âme, qui est guérie par ce puissant remède ; tantôt une rédemption, par rapport à l’infâme servitude que le pécheur a encourue, dont il est affranchi et racheté ; tantôt un baptême, par rapport aux souillures du péché, dont l’âme est lavée et nettoyée ; tantôt une absolution, par rapport aux liens et aux chaînes du péché, dont le pécheur est délié, pour recouvrer la liberté des enfants de Dieu ; tantôt une quittance, un paiement, comme il est exprimé dans l’Oraison dominicale, par rapport aux dettes que le pécheur a contractées, et dont il s’acquitte ; tantôt il est dit par le Prophète que les péchés sont couverts, par rapport à la spoliation et au dépouillement de la grâce et de tous les dons surnaturels, dont il est revêtu de nouveau ; enfin une rémission, selon le divin précurseur, par rapport à la peine que le pécheur a encourue, et que la justice et la bonté de Dieu lui remettent. Étudiez ces expressions, qui sont du Saint-Esprit, et mettez tout en usage pour mériter cette rémission, par la vertu et par le sacrement de pénitence.

Sentiments

Permettez, ô mon adorable Sauveur, que, pour obtenir de votre divine miséricorde la rémission de mes péchés, je me serve ici de ces mêmes expressions que vous avez dictées à vos écrivains sacrés, me confiant que vous les écouterez avec plus de plaisir, et que vous m’exaucerez avec plus de succès, en m’accordant la rémission de mes péchés, que vous m’avez méritée par votre sang, et que vous m’ordonnez de vous demander tous les jours.

Seigneur, avec un cœur pénétré de douleur, je vous demande humblement pardon, parce que je vous ai offensé en transgressant vos lois saintes ; je vous demande guérison comme au souverain médecin de mon âme, qui s’est fait à elle-même autant de plaies qu’elle a commis de péchés. Rachetez-moi de nouveau, divin libérateur, et renouvelez en ma faveur la rédemption que vous avez ébauchée dans la crèche et consommée sur la croix, parce que mon péché m’a fait tomber dans le plus honteux de tous les esclavages : absolvez-moi, déliez-moi, brisez les chaînes qui lient mon âme captive, et rendez-moi la liberté que j’ai perdue par mon péché ; soyez ma caution, payez pour moi, parce que, hélas ! je me confesse insolvable, et parce qu’étant mon Sauveur, une seule goutte de votre sang peut m’acquitter de tout ce que je dois à votre justice ; couvrez mes péchés, cachez-les, s’il est possible, à vos propre yeux ; revêtez-moi, parce que je suis nu et que mon péché m’a dépouillé de tout, et couvrez-moi des précieux vêtements de la grâce et de la justice.

Enfin je vous demande cette rémission, qui, dans le langage de votre précurseur, est le fruit du baptême de la pénitence ; conférez-le-moi, ce baptême ; inspirez-la-moi, acceptez-la, cette pénitence, pour la rémission des péchés ; si cette pénitence est en partie l’ouvrage de mes mains, je veux la faire sans m’épargner, et dès à présent ; mais comme la rémission est celui de votre miséricorde, je vous la demande avec un cœur contrit et humilié.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Heureux ceux à qui les iniquités sont remises, et dont les péchés sont couverts ! (Ps. 31)

J’ai dit : Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur, et par là j’ai obtenu la rémission de l’impiété de mon péché. (Ibid)

La rémission du péché ne donne point licence de pécher ; et quand on retombe, on l’obtient plus difficilement. (S. Léon)

Jésus-Christ a été crucifié pour la rémission des péchés, et il n’a répandu tout son sang qu’afin qu’il nous en servît de caution et de gage. (S. Ambroise)

Point de l’Incarnation
La sainteté même chargée de péchés

Il n’y eut jamais de preuve plus authentique, ni d’éloge plus solennel et plus auguste de la sainteté de Dieu, que celui que nous tirons de la bouche des célestes intelligences : elles en fournissent la preuve, non seulement sur la terre, mais encore dans le ciel ; les Séraphins du premier ordre la chantent incessamment, cette sainteté, et ils la chanteront éternellement, en disant : Saint, saint, saint. La Jérusalem céleste retentit de ce sacré cantique, et son harmonie, qui surpasse mille fois en douceurs et en délices toutes celles qu’on pourrait entendre, fait la joie de tous les bienheureux. En effet, Dieu est saint, parce qu’il est immuable dans le souverain bien qu’il est lui-même ; de sorte que, s’il pouvait pécher, il ne serait plus Dieu ; il est saint, il est le Saint des saints, il est la sainteté même, et la source de toute sainteté ; l’amour infini qu’il se porte nécessairement à lui-même, la haine infinie qu’il a du péché, qu’il hait, dans un sens, autant qu’il s’aime lui-même, en sont des preuves incontestables.

Mais comment peut-on accorder cette haine infinie du péché avec l’amour du pécheur, qui a porté ce Dieu saint à prendre les apparences du pécheur, à mourir pour le pécheur, et à se charger de ses péchés pour en porter la peine, pour satisfaire à la justice de Dieu en sa place, comme s’il était pécheur lui-même ?

Ce n’est que par un miracle de son amour ; il le sent naître parmi les pécheurs et pour les pécheurs ; il souffre leurs outrages en naissant, par la dureté des habitants de Bethléem ; à peine est-il au monde, qu’il pleure dans une étable et sur une pauvre crèche, dont il souffre les incommodités ; ses larmes montent jusqu’au trône de Dieu son Père pour adoucir sa colère ; il se familiarise ensuite, et il mange avec les pécheurs pour les convertir ; il souffre les reproches que cette excessive charité lui attire ; il endure une infinité d’opprobres, les prisons, la mort ; il meurt entre deux scélérats, et il est compté lui-même parmi les scélérats. Voilà le Saint des saints chargé de nos péchés, parce qu’il nous aime ; ne le chargeons pas encore davantage, adorons sa sainteté, reconnaissons sa charité, et ne l’outrageons plus.

Paraphrase sur l’Antienne O Radix Jesse

Ô digne rejeton de Jessé, Fils unique d’un Dieu tout-puissant, qui avez bien voulu devenir le fils de David selon la chair, pour sauver tous les hommes par l’effusion de votre sang, soyez à la bonne heure comme un glorieux étendard pour rassembler ceux qui vivent dans une dispersion lamentable, dans un désordre et un aveuglement affreux : mettez-vous à leur tête pour les conduire comme un monarque ; venez établir ici une puissance éternelle, et régnez en souverain et en roi pacifique sur toute la terre. Que tous les rois deviennent vos sujets, et que devant vous ils se tiennent en silence par un profond respect ; que tous les gentils se soumettent à vos lois, et qu’ils s’adressent dorénavant à vous pour obtenir des grâces. Venez au plus tôt nous délivrer, et ne tardez pas de venir briser nos chaînes pour nous procurer la liberté des enfants de Dieu.

Hommage aux mains sacrées de Jésus-Christ dans la crèche

Est-ce un Dieu tout-puissant que je viens adorer ? Ces mains faibles que je vois, sont-ce celles d’un Dieu qui a tiré toutes les créatures du néant ; d’un Dieu qui sait si bien manier les foudres et les carreaux, pour les lancer sur les têtes criminelles de ses ennemis ; d’un souverain dont les mains sont les dispensatrices des sceptres et des couronnes, et qui sont assez puissantes pour les renverser quand il lui plait ? Oui, Seigneur, vos mains, faibles en apparence, que je vois

tantôt serrées de langes, tantôt étendues sur votre crèche, sont capables, si vous le vouliez, de renverser le ciel et la terre ; mais elles sont faibles comme celles des autres enfants, parce que vous le voulez, et que vous m’aimez. Mains enfantines, mains sacrées et dispensatrices de tous les trésors de la grâce et de la gloire, je vous adore ; mais accordez-moi tous les secours dont j’ai besoin pour assurer mon salut.

Le 20 décembre
Jour de réformation

Pratique

Comme un jour consacré à la réformation est un jour de grande attention, commencez la journée par un sérieux examen sur ce que vous avez à réformer ; demandez au Saint-Esprit des lumières pour vous bien connaître, et du courage pour entreprendre le grand ouvrage de votre réformation. Veillez sur tout, ne négligez rien, étudiez à fond votre tempérament, votre humeur, vos inclinations, et la manière dont vous vivez avec Dieu, avec votre prochain et avec vous-même : finissez la journée parle même examen ; retenez ce que vous aurez remarqué à réformer, et formez la résolution de travailler tous les jours à votre réformation.

Méditation
Sur la réformation

Premier point

Préparez la voie du Seigneur, rendez droits et unis ses sentiers. (S. Luc, 3)

Quand on sait qu’un grand roi doit passer par un chemin, on prend soin de le rendre droit et uni ; on réforme ses inégalités, on abaisse ses hauteurs, on remplit ses cavités, on en écarte les pierres. Jésus-Christ, Roi des rois, était prêt à paraître en public, lorsque Jean-Baptiste s’acquitta de ce devoir, en prêchant au peuple de rendre droits et unis les sentiers par la réformation de leurs mœurs.

Ce Jésus-Christ va naître ; non content de prendre naissance dans une étable, il veut la prendre encore dans nos esprits, pour les éclairer de ses lumières, et dans nos cœurs, pour les purifier et pour les embraser de ce feu qu’il vient allumer sur la terre, qui est le feu de son divin amour.

Préparez soigneusement les voies, en travaillant sérieusement à la réformation de ces deux puissances, afin qu’il revienne les consacrer par sa visite, par sa présence et par sa demeure. Il n’y a que trop à réformer dans notre esprit : l’ignorance de ses devoirs et des choses divines, sa curiosité des choses de la terre, son entêtement, ses préventions, ses préjugés, son opiniâtreté, le peu de réflexion sur ses propres défauts, pendant qu’il ne s’occupe que de ceux d’autrui ; ses

pensées vaines et inutiles, et sa paresse à s’appliquer aux vérités éternelles ; ses hauteurs, son orgueil et sa duplicité, qu’on peut appeler de petites collines qu’il faut abaisser et humilier pour préparer le chemin du Sauveur.

II n’y a que trop à réformer dans notre cœur : son insensibilité pour Dieu, et son amour excessif pour soi-même, sa passion dominante, ses inclinations perverses et déréglées, son attache à la créature et aux choses périssables, son indifférence et sa dureté pour ceux qui souffrent, ses révoltes contre la grâce, sa paresse pour servir Dieu et pour s’acquitter de ses devoirs de religion, ses délicatesses et son ardeur pour le plaisir : voilà les chemins tordus et raboteux qu’il faut redresser, si nous voulons que Dieu vienne à nous.

Second point

On a beau se sentir touché des sentiments les plus vifs et les plus douloureux de la pénitence, l’embrasser même d’abord avec ardeur, cette pénitence est vaine, dit Tertullien, si elle n’est suivie de réformation ; et cette réformation n’est pas complète si, après avoir travaillé à réformer l’esprit et le cœur, on ne réforme pas l’extérieur.

Jésus-Christ est venu sur la terre à la réformation de l’homme tout entier, et il l’a commencée dès la crèche, en réformant sa convoitise par une extrême pauvreté, son orgueil par l’humilité la plus profonde, et sa délicatesse par l’austérité la plus rigoureuse ; mais il veut aussi que l’homme travaille avec lui, qu’il ébauche cette réformation, et qu’il en fasse une étude, afin qu’il y mette le sceau, pour le rendre digne de son séjour en lui.

Vous attendez ce même Sauveur, dit saint Jean Chrysostome ; mais pour l’attirer en vous, et vous rendre digne des grâces attachées à sa naissance, réformez et l’intérieur et l’extérieur ; réformez les regards de vos yeux, et que la sagesse chrétienne en règle tous les mouvements ; réformez les paroles de votre bouche par la prudence et par la charité ; les gestes de tout votre corps, par la modestie ; toutes vos démarches, par la circonspection et par une gravité qui marque que vous marchez en la présence de Dieu ; votre visage par un air d’affabilité et de douceur chrétienne ; l’intempérance de votre bouche et de votre sensualité, par la mortification ; vos oreilles, en les fermant toujours à la médisance et à tout ce qui offense la modestie ; vos mains, en travaillant pour Dieu et pour votre prochain ; enfin, jusqu’à vos vêtements, par la simplicité.

Voilà le sujet d’un grand examen : si vous le faites bien et sans vous flatter, vous trouverez bien plus d’ouvrage que vous ne pensiez ; mais ne vous effrayez pas, la grâce vous aidera à faire et à adoucir cette réformation.

Sentiments

Que je sens de faiblesse, ô mon adorable Sauveur, quand il est question de mettre la main à la réformation de tout moi-même, dont je sens cependant l’extrême besoin, si je veux me rendre digne de vous donner une nouvelle naissance dans moi-même ! Le nombre infini de défauts que j’ai à réformer m’effraie ; la difficulté de l’entreprise me décourage ; ma paresse et ma lâcheté s’effarouchent, s’alarment d’un côté, parce qu’elles ne veulent point souffrir la violence qu’il faudrait me faire ; ma conscience, d’un autre côté, se récrie aussi, en me reprochant incessamment ma faiblesse, et en me menaçant de vos redoutables jugements, si je n’y travaille ; et je ne les apaise qu’en différant de jour en jour ce grand ouvrage, et en me promettant toujours à moi-même de l’entreprendre un jour.

Je prétends ainsi amuser ma conscience, et étouffer sa voix et ses reproches par ces faibles promesses, par ces délais et par ces remises, qui sont les productions lâches de mon amour-propre ; mais, hélas ! en vain, puisque sa voix, qui est la vôtre, ne cesse de crier aux oreilles de mon cœur, sans autre succès que de jeter mon âme dans le trouble.

Aidez-moi donc, ô Dieu de force et de bonté ! Je confesse en votre présence, avec le Prophète, mon injustice, mais faites-moi entendre, comme à ce roi pénitent, que vous m’avez accordé la rémission de mon iniquité. C’est donc à ce moment qu’avec le secours de votre grâce je vais travailler à ma réformation, et à devenir en vous et par vous une nouvelle créature ; écoutez ma très humble prière, éclairez-moi, conduisez-moi, fortifiez-moi, réformez-moi vous-même, divin Rédempteur, qui êtes venu sur la terre pour la réformation de tous les hommes, sur l’excellent

et divin modèle que vous m’allez produire dans la crèche, qui est vous-même. Réformez l’orgueil de mon esprit sur l’humilité que vous y allez pratiquer, en descendant de votre trône de gloire pour épouser ma bassesse et mon néant. Réformez mon cœur, et surtout le penchant qu’il a pour les plaisirs, par les rigueurs excessives que vous y allez endurer pour mon instruction, pour mon amour et pour m’engager à une parfaite réformation.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Gardez-vous bien de vous conformer à ce siècle, mais faites en vous une réformation et un renouvellement de vie. (Ép. aux Rom., 11)

Soyez en Jésus-Christ une nouvelle créature ; tout ce qui était vieux est passé, et tout est devenu nouveau, et le tout vient de Dieu. (2e Ép. aux Cor., 5)

La pénitence est inutile quand elle n’est pas suivie de réformation. (Tertullien)

Personne ne peut devenir ami de Dieu qu’il n’ait travaillé à se réformer soi-même. (S. Augustin)

Point de l’Incarnation
L’éternité assujettie au temps

Dieu seul est éternel d’une éternité parfaite, parce qu’il est sans commencement et sans fin, et parce qu’il est lui-même la source et le principe de son éternité ; c’est donc parler improprement de cet Être suprême, disent les saints Pères, de dire, il a été, il sera : mais seulement, il est, parce qu’il jouit par son éternité d’un présent éternel. Il n’y a rien de passé et rien de futur dans le Seigneur, parce que tout lui est présent, aussi bien ce qui est arrivé au commencement, que ce qui arrivera à la consommation des siècles. Il est donc le seul à qui l’on puisse attribuercet éloge prononcé par le Roi -Prophète : Seigneur, vous êtes Dieu depuis l’éternité jusqu’à l’éternité. (Ps. 102)

Mais quelle excessive bonté pour les hommes dans ce Dieu éternel, d’être sorti, pour ainsi dire, de son éternité, qui fait sa gloire, pour s’assujettir au temps qu’il a créé lui-même, et qui n’est qu’une mesure finie de mouvements, composée de siècles, d’années, de jours, d’heures et de moments rapides, qui conduisent nécessairement les hommes au tombeau ! Ce Dieu éternel, qui est un pur esprit et le créateur de tous les esprits célestes, auxquels il a fait part, non de son éternité parfaite, qui n’a ni commencement ni fin, et qu’il ne peut communiquer à personne, mais de son immortalité, est descendu, dans un sens, par humilité et par amour, de la plénitude de son éternité dans la plénitude des temps, dit l’Évangile, pour prendre un corps comme le nôtre, qui porte chez soi le principe de sa propre destruction, par les éléments contraires dont il est composé.

Ce Dieu de bonté s’est assujetti aux temps et aux moments marqués dans ses décrets éternels pour la rédemption des hommes, et aux temps et aux moments les plus fâcheux, et qui paraissaient les plus mortifiants et les plus opposés à son indépendance, à sa grandeur, et au bonheur inaltérable dont il jouissait ; et cet assujettissement volontaire est un miracle incompréhensible de son amour infini pour les hommes. Il s’est soumis en naissant au temps le plus rigoureux ; et ce souverain créateur et maître de tous les temps, dans le temps de sa mort, eut la bonté et l’humilité de dire que son heure était venue : Sciens Jesus quia venit hora ejus. Quel profond et quel impénétrable mystère ! pouvait-il y avoir une heure marquée dans tous les temps qui pût assujettir un Dieu éternel à la mort ? Oui, mais il se l’était marquée à soi-même par sa bonne volonté ; et il ne s’était assujetti au temps, tout éternel qu’il est, que pour nous procurer une immortalité bienheureuse. C’est un grand sujet de réflexions et d’actions de grâces ; c’est à nous à profiter de cet inestimable bienfait, et à faire un saint usage d’un temps si précieux qu’il nous a mérité par son sang, pour acquérir une heureuse éternité.

Paraphrase sur l’Antienne O Clavis David

Ô clef mystérieuse de David, et sceptre dominant de la maison d’Israël ; clef favorable aux élus, qui leur ouvrez le ciel, sans que personne puisse jamais le leur fermer, quand ils ont été fidèles à la grâce jusqu’à la mort ; mais clef redoutable aux réprouvés, qui leur fermez le ciel, sans que personne puisse jamais le leur ouvrir, venez au plus tôt briser nos fers, et nous délivrer de la dure captivité qui nous fait gémir. Hélas ! nous sommes en même temps et criminels et captifs, nous sommes nous-mêmes les artisans de nos chaînes, parce que ce sont des chaînes de

péchés ; venez donc, ô clef favorable, nous en décharger ; venez au plus tôt nous ouvrir les portes de nos prisons, et nous procurer cette heureuse liberté des enfants de Dieu, après laquelle nous soupirons depuis si longtemps ; venez, Seigneur, répandre vos lumières naissantes, quoique toujours éternelles, sur les ténèbres épaisses qui nous environnent, pour nous rendre dignes de voir le jour des vérités divines, dont vous êtes l’adorable principe.

Hommage aux yeux adorables de Jésus dans la crèche

Vos yeux versent des larmes, ô divin enfant ! n’est-ce point par un sentiment d’humilité, parce que vous voulez vous conformer aux autres enfants qui pleurent en naissant ? N’est-ce point aussi la douleur qui vous les fait répandre, parce que vous êtes dans une étable découverte, et que la rigueur de la saison vous fait souffrir ? Mais n’est-ce point par un sentiment d’amour et de tendresse, et parce que mes misères vous touchent le cœur ?

Mais, ô adorable enfant, je crains bien plutôt que ce ne soit un triste pressentiment de mes infidélités et de mes ingratitudes qui les tire de vos yeux.

Larmes précieuses de mon Jésus, coulez à la bonne heure, et rejaillissez jusqu’au ciel, et jusqu’a cœur du Père céleste, pour éteindre le feu de sa colère trop justement irritée contre moi ; descendez même jusqu’aux enfers pour en éteindre les flammes dévorantes que j’ai méritées ; mais surtout venez arroser nos cœurs pour en bannir toute la sécheresse, et pour en amollir la dureté, pour les laver, pour les purifier, pour les faire fructifier au centuple aux bonnes œuvres ; venez enfin les consacrer, les embraser et les unir inséparablement au cœur sacré de Jésus.

Le 21 décembre
Jour de préparation

Pratique

Après avoir fait pendant les jours précédents votre préparation éloignée à la naissance de Jésus-Christ, entrez aujourd’hui dans une préparation prochaine, parce que cet heureux jour approche, de peur que vous ne soyez surpris ; imaginez-vous entendre cette voix forte et retentissante de Jean-Baptiste, qui crie aux oreilles de votre cœur : Préparez la voie du Seigneur ; ne sortez de sa compagnie que pour vous joindre en esprit à celle de Joseph et de Marie, qui sont dans le chemin de Nazareth à Bethléem ; suivez-les jusqu’à l’étable, ne les perdez point de vue, ni les prodigieux mystères qui vont s’y passer, et regardez-la comme le point de vue auquel vous rapporterez aujourd’hui toutes vos actions.

Méditation
Sur la préparation à la naissance de Jésus-Christ

Premier point

Préparez la voie du Seigneur, rendez droits et unis ses sentiers. (S. Luc, 3)

Cette voie est celle par laquelle Dieu vient à nous, et par laquelle nous allons à lui ; ainsi l’intérêt de Dieu et le nôtre concourent pour nous engager à la préparer ; faites aussi attention que nous allons à Dieu et que Dieu vient à nous par la voie de l’esprit et par celle du cœur ; il faut un esprit docile, soumis et fidèle, et un cœur détaché du monde et attaché à lui par un amour sincère : préparons donc l’esprit et le cœur.

Comme c’est l’esprit qui pense, qui examine, qui connaît, il doit mettre tout en usage pour se bien préparer. Pensez donc sérieusement quel est Celui qui vient à vous : c’est un Dieu et un Dieu tout-puissant, dont le seul nom fait trembler la terre et les enfers ; c’est un Dieu créateur qui vous a tiré du néant, et qui vous a donné la vie et tout ce que vous avez, et tout ce que vous êtes ; un Dieu adoré des Anges dans le ciel, sur son trône de majesté, et qui en descend par amour, pour se revêtir de votre chair, pour naître dans une pauvre étable, pour souffrir, pour mourir sur une croix, et pour vous ouvrir le ciel, parce qu’il vous aime ; quel sujet de réflexion et quel puissant motif pour vous préparer à le bien recevoir !

Examinez sérieusement ce que ce Dieu sauveur vous demande pour cet effet ; c’est de rentrer en vous-même, de rechercher et de retrancher tout ce qui pourrait déplaire à ses yeux, et de régler votre préparation sur la sienne ; étudiez-la, faites-en votre modèle ; il vient avec une humilité profonde, lui qui est la grandeur même, et vous êtes orgueilleux, vous qui n’êtes rien ; il vient naître, vivre et mourir dans une extrême pauvreté, et vous cherchez le superflu ; il vient pour souffrir, et vous êtes sensuel, et la moindre mortification vous alarme. Voilà ce qu’il faut retrancher ; pensez-y, le jour approche ; veillez-y, vous êtes à la porte ; observez tout, selon le conseil du Sage, vous trouverez ce Dieu sauveur, et en le trouvant vous trouverez la vie. (Prov., 8 )

Second point

Préparez vos cœurs au Seigneur, dit le prophète Samuel aux Israélites, lorsqu’il fut question de recevoir l’arche d’alliance ; et ils s’y préparèrent. (1er Liv. des Rois, 7) A combien plus forte raison devons-nous préparer nos cœurs pour recevoir Celui dont cette arche n’était que l’ombre et la figure ! Cette arche n’était que de bois, et elle ne contenait que les tables de la loi, la verge de Moïse et la manne. L’arche vivante de la nouvelle alliance, qui est Jésus-Christ, a été formée par le Saint-Esprit d’une chair humaine et divine tout ensemble ; elle contient et elle est une manne céleste qui nourrit les âmes ; elle est la loi vivante, et elle possède toute la plénitude de la Divinité.

Mais que doit faire notre cœur pour s’y préparer ? Se purifier, se détacher, aimer et désirer : se purifier par la pénitence, et n’y rien laisser d’impur qui puisse offenser les yeux de Jésus-Christ, qui est la pureté même ; se détacher de tout ce qu’il aime au préjudice de ses devoirs, de peur que ce Sauveur n’y trouve quelque idole cachée qui partage le culte qui lui est dû, ou quelque secret rival qui lui en dispute l’entrée et la possession entière ; ce cœur doit aimer uniquement et ardemment Celui qui vient à lui par amour, et pour lui apprendre à bien aimer ce qu’il doit aimer. Enfin il doit désirer Celui qui est appelé par excellence le Désiré de toutes les nations ; s’il l’aime, il le désirera, et en le désirant il le possédera.

Purifiez donc votre cœur, détachez-le de la créature, aimez Jésus de tout votre cœur, cet époux de votre âme qui vous a aimé le premier ; et pensez en tremblant à ce qu’il nous a dit lui-même, qu’entre les vierges mêmes il n’y eut que celles qui étaient préparées qui furent admises au festin nuptial, et que les autres furent rejetées avec indignation.

Sentiments

Que ne puis-je vous dire, ô mon divin Sauveur, avec autant de confiance et de vérité que le roi-prophète : Mon Dieu, mon cœur est préparé, oui, il est préparé ! Paratum cor meum, Deus, paratum cor meum (Ps. 56) ; et il ne me reste plus pour consommer ma préparation qu’à chanter vos louanges et à me réjouir en vous seul, à goûter avec délices le prix et le bonheur de votre possession.

Mais cependant, quand je m’examine de près en votre divine présence, ô mon Dieu, ah ! que j’ai lieu d’être confus, et que je remarque dans les voies et dans les sentiers de mon esprit et de mon cœur de défauts à réformer pour me rendre digne de vous posséder ! que de pierres de scandale à écarter, que d’ordures à nettoyer, que de petites collines à abattre, que de hauteurs à abaisser, que d’inégalités à redresser, que d’orgueil, que d’amour-propre, que de lâchetés et que d’infidélités secrètes !

Ah ! Seigneur, en quelle confiance puis-je aller vous rendre visite à la crèche avec ces défauts et avec une infinité d’autres qui sont cachés à mon amour-propre ? et pourriez-vous venir à moi pour m’accorder les grâces que je vous demanderais ? je n’ose l’espérer. Que faut-il donc que je fasse, ô mon Dieu ? Ah ! je sens bien qu’il faut que je mette incessamment tout en usage pour vous engager à répandre dans mon âme les grâces attachées à votre naissance temporelle dans l’étable de Bethléem, et à votre naissance spirituelle dans mon âme ; j’ai confiance même que, quand j’aurai fait tous mes efforts pour me préparer à l’une et à l’autre, je pourrai dire avec le saint roi pénitent : Seigneur, vous avez écouté la préparation de mon cœur : Præparationem cordis eorum audivit auris tua. (Ps. 24)

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Préparez-vous, ô Israël, et allez au-devant de votre Dieu : son nom est le Seigneur, le Dieu des armées. (Amos 4)

Ceux qui craignent le Seigneur prépareront leurs cœurs, et sanctifieront leurs âmes en sa présence. (Eccl, 2)

Ouvrez votre bouche, et je la remplirai, dit le Seigneur. Votre bouche s’ouvre par la préparation, par la confession, par l’amour et par les saints désirs, et Dieu la remplit. (S. Augustin)

Dieu écoute non seulement nos prières, quand elles sont faites avec foi et avec ferveur ; mais il écoute même les préparations de nos cœurs à les lui faire. (S. Jean Chrysostome)

Point de l’Incarnation
Un prêtre victime

Quoique Jésus-Christ ne soit venu sur la terre que dans la plénitude des temps, cependant son sacerdoce est éternel, dit le Prophète, et la source et le principe du sacerdoce de tous les prêtres de l’une et de l’autre alliance : c’est un sublime et divin caractère, dont celui de Melchisédech n’était que l’ombre et la figure ; mais dont ce Dieu incréé a bien voulu se revêtir pour notre amour, afin de remplir les fonctions de Sauveur de tous les hommes ; fonctions qu’il a exercées avec un admirable succès auprès de son Père céleste, pour nous réconcilier à lui, en lui offrant pour nous et en notre place, tantôt des sacrifices de louanges, tantôt des sacrifices d’actions de grâces, tantôt des sacrifices d’expiation, qu’il a couronnés de celui de toute sa personne, en mourant sur la croix pour nous traduire du tribunal redoutable de sa justice à celui de sa miséricorde.

Mais, ô miracle étonnant de son amour ! ce prêtre éternel devient victime, et notre victime, et il s’immolera sur la croix pour nos péchés ; il semble renoncer au droit qu’il a par sa divine nature de recevoir des sacrifices avec son Père céleste, pour être victime lui-même ; il veut fournir dans sa seule personne la matière d’un sacrifice entier et complet, en épousant pour notre amour l’humble qualité de victime, en l’unissant par un prodige inouï à son sacrifice : il offre ce sacrifice, et la victime qu’il offre, c’est lui-même ; ainsi le Père éternel trouve dans ce Fils bien-aimé un Dieu, un prêtre et une victime. Que de puissants motifs qui nous engagent à l’aimer et à nous offrir nous-mêmes à lui en sacrifice, comme des victimes obéissantes, qui sont toujours prêtes à mourir pour sa gloire !

Les victimes de l’ancien Testament n’étaient pas capables de remettre les péchés ni d’apaiser la colère de Dieu ; Jésus-Christ vient suppléer à ce défaut, et l’apôtre saint Paul lui fait dire en entrant au monde : Seigneur, vous n’avez plus voulu de victimes, le sang grossier de ces animaux dépourvus de raison n’était pas digne de vous être offert, ni d’arroser vos autels ; mais vous m’avez formé un corps. (Ép. aux Hébr., 10) Me voici, ô mon Dieu, pour faire votre volonté,

il a commencé à remplir les fonctions de victime dès le sein de sa mère, et les a continuées dans la crèche, et il les a consommées sur le Calvaire, en répandant son sang en holocauste pour nos péchés. (S. Matth., 1)

Paraphrase sur l’Antienne O Oriens

Ô Soleil levant, source de toutes les lumières, puisque vous êtes engendré de toute éternité de votre Père céleste, dans la splendeur des saints, et par la fécondité de son Esprit ; qui portez dans les âmes le flambeau des vérités éternelles, pour les éclairer dans les voies du salut ; Soleil de justice, mille fois plus brillant que celui de la nature, qui ne brille que par vos clartés, et qui sans vous ne serait que ténèbres. Hélas ! nous sommes nous-mêmes dans les ténèbres et dans les ombres de la mort ; venez nous éclairer, nous soupirons après vous ; venez vous revêtir de notre chair, venez converser avec nous, venez nous ouvrir les yeux de l’âme, venez vous faire connaître à nous-mêmes, pour vous aimer et pour nous haïr ; venez dissiper nos ténèbres et nous délivrer de la mort, puisque vous êtes le principe de la lumière, et l’Auteur de la vie de la grâce et de la vie de la gloire.

Hommage aux pieds sacrés de Jésus dans la crèche

Pieds sacrés de mon Jésus enfant, de mon Souverain, de mon Sauveur et de mon Dieu, je vous adore, et je m’estimerais bien heureux de vous donner un respectueux baiser de ma bouche. Quoique vous paraissiez dans une extrême faiblesse, et que vous soyez emmailloté de pauvres langes, j’adore par avance les précieux et sacrés vestiges que vous imprimerez sur la terre ; heureux encore, si, en les adorant avec un profond respect et une foi vive, je pouvais toujours les suivre et ne m’en écarter jamais, puisqu’ils me traceraient toujours le chemin qui conduit à la gloire.

Pieds enfantins de mon aimable Sauveur, vous allez bientôt soutenir le corps d’un Dieu qui soutient lui seul le ciel et la terre ; vous allez le porter à la conquête des âmes qu’il rachètera au prix de son sang. Mais, hélas ! mon cœur est percé de douleur, quand je pense que lorsque ces pieds d’enfant auront acquis leur juste grandeur, ils seront attachés à une croix, percés de clous, et cruellement déchirés, parce qu’ils soutiendront tout le poids du corps de mon Sauveur expirant, et qu’il en sortira un fleuve de sang qui arrosera la croix où ils seront attachés, et le Calvaire, pour mon amour.

Le 22 décembre
Jour de zèle

Pratique

Commencez la journée par remercier le Seigneur du zèle qu’il a eu jusqu’à présent pour le salut de votre âme, zèle divin qui vient de son excessive charité ; demandez-lui de tout votre cœur la continuation, qu’il vous pardonne d’en avoir si peu profité ; exposez-lui la juste crainte que vous avez que ce zèle et cette divine jalousie ne cessent à votre égard, comme il en a menacé les pécheurs qui ne se sont pas rendus aux sollicitations de sa grâce. Répondez à ce zèle de Dieu par le vôtre pour sa gloire, pour votre salut et pour celui du prochain ; renouvelez souvent cette pratique, et ne manquez aujourd’hui aucune occasion de lui en donner des preuves.

Méditation
Sur le zèle

Premier point

Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie du Seigneur. (S. Luc. 3)

Ne vous lassez pas d’entendre la voix de ce grand prédicateur, ne laissez tomber à terre aucune de ses paroles, si vous voulez préparer les voies au Seigneur, et vous rendre digne de votre rédemption qui approche ; il a tant d’ardeur et tant de zèle pour le salut des âmes que, quand on lui demande ce qu’il est, il oublie qu’il est un homme, pour dire seulement qu’il est une voix qui parle, qui prêche, qui tonne et qui crie dans le désert : Ego vox clamantis in deserto.

Profitez de son zèle, réglez le vôtre sur le sien, et ayez comme lui pour objet de votre zèle Dieu, vous-même et le prochain, et votre zèle sera parfait.

La gloire de Dieu est le premier mobile qui le fait agir, qui le met en mouvement, et qui le transporte ; il veut le faire connaître, le faire adorer, le faire aimer, et il n’agit et il ne parle que pour sa gloire ; le zèle en effet n’est autre chose qu’un amour violent, lequel, ne pouvant plus se contenir dans les bornes étroites du cœur où il est renfermé, se répand au dehors pour faire aimer le Dieu qu’il aime lui-même avec ardeur ; et sans cet amour, le zèle n’est qu’une illusion spécieuse, une saillie d’humeur et de tempérament, une vraie colère déguisée, une passion sanctifiée sous des apparences de religion, et l’effet d’un orgueil secret caché sous des prétextes spécieux.

Un homme véritablement zélé a encore soi-même pour objet, et il commence par travailler à sa propre sanctification. Jean-Baptiste se retire du monde, il fait pénitence, macère son corps par les jeûnes, pour le soumettre à l’esprit ; et Jésus-Christ dit de lui qu’il ne mangeait pas et qu’il ne buvait pas. Voilà la base du vrai zèle. Enfin il aime son prochain, il le secourt, il met tout en usage pour procurer son salut, sans autre vue et sans autre intérêt ; c’est la charité seule qui l’anime, qui le fait parler, qui le fait agir et qui le presse ; voilà un excellent modèle, travaillez à lui ressembler.

Second point

Ne croyez pas que ce zèle soit une vertu réservée aux seuls hommes apostoliques ; elle est propre à tous les chrétiens, qui ont tous le même Dieu à aimer et à glorifier, chacun selon sa condition et sa manière. J’avoue qu’il est un précepte beaucoup plus indispensable pour ceux que Dieu a appelés à la conduite des âmes ; je sais qu’il fait l’ornement le plus glorieux et le plus brillant des héros de la religion, et qu’ils sont engagés par état à travailler à la gloire de Dieu, à l’accroissement de la religion et au salut des âmes.

Mais il y a un zèle propre au chef de famille, pour porter, premièrement par leurs bons exemples, et ensuite par leurs paroles et par leurs exhortations, les personnes qui leur sont soumises, à remplir tous leurs devoirs de justice et de religion, pour les instruire, pour veiller sur leur conduite, pour empêcher que le dérèglement ne s’insinue parmi elles, pour en corriger et en réprimer tous les désordres avec vigilance, avec force et avec douceur ; et celui qui n’a pas ce zèle pour ses enfants et pour le moindre de ses domestiques est, dans le sentiment du grand Apôtre, pire qu’un infidèle : Et est infideli deterior. (1re Ép. à Timoth., 5)

Il y a un zèle propre aux particuliers ; car, comme ils sont tous obligés d’aimer Dieu de tout leur cœur, ils sont tous obligés de témoigner du zèle pour sa gloire, de se déclarer pour lui partout où ils se trouvent, de ne rien souffrir qui le déshonore, de soutenir ses intérêts, son culte, sa religion, de procurer le salut de leurs frères, qu’ils doivent aimer pour l’amour de Dieu, de les relever quand ils tombent, de les corriger quand ils s’écartent de leurs devoirs ; et ce zèle doit être ardent, sans jamais mollir ; discret, sans emportement et sans aigreur ; pur, sans mélange d’humeur, d’intérêt, de respect humain et de vanité. Examinez votre zèle sur ce portrait, et travaillez à en réformer tous les défauts.

Sentiments

J’adore, ô Dieu tout-puissant, ce zèle divin que vous avez pour votre propre gloire, zèle qui vient de l’amour infini que vous vous portez, et que seul vous avez droit de vous porter à vous-même, parce que vous êtes infiniment aimable, que vous connaissez et que vous aimez vos infinies perfections.

J’adore, ô mon Sauveur, le zèle charitable que vous avez pour moi, sans que je l’aie mérité : votre incarnation, vos travaux, vos souffrances et votre mort en sont des preuves authentiques, dont je dois graver le souvenir dans mon âme en caractères ineffaçables ; ne retirez pas de moi, Seigneur, ni cet amour, ni ce zèle, ni cette divine jalousie, ce qui serait pour moi le plus grand de tous les malheurs.

Embrasez bien plutôt mon cœur d’un zèle ardent pour votre gloire et pour le salut de mon prochain. J’en serai bientôt embrasé, si j’ai pour vous un parfait amour, puisqu’il en est le principe : mais cet amour est encore une grâce, je vous la demande, Seigneur ; car, hélas ! je sais assez et je ne sens que trop que je ne puis vous aimer sans vous, et sans que vous répandiez dans mon cœur, par votre Saint-Esprit, cette divine charité qui me porte premièrement vers vous comme vers un objet souverainement aimable, et que je dois aimer de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes forces ; secondement, vers mon prochain, que vous voulez que j’aime pour l’amour de vous, parce qu’il est votre image et le prix de votre sang comme moi ; je recevrai cette faveur, et j’y répondrai avec toute la fidélité que vous me demandez, pour mériter

toutes les grâces attachées à votre naissance temporelle, et vous aimer éternellement dans le ciel.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Je suis zélé à l’excès pour le Seigneur, le Dieu des armées. (3e livre des Rois, 10)

Le zèle de votre maison m’a dévoré, Seigneur, et les outrages de ceux qui vous insultaient sont tombés sur moi. (Ps. 60)

Le zèle de Dieu est un or éprouvé par le feu, c’est la production de la foi, la flamme du divin amour, qui fait de nos cœurs un délicieux aliment pour Jésus-Christ. (S. Ambroise)

Voici l’ordre que doit avoir le zèle pour la gloire de Dieu : c’est de commencer par s’examiner, se reprendre et se corriger soi-même, et ensuite le prochain. (S. Augustin)

Point de l’Incarnation
Un Dieu fait homme

Dieu et l’homme ! Ah ! quelle distance infinie ! et où trouver des termes pour l’exprimer, puis qu’elle est incompréhensible ? Mais ce même Dieu, uni à l’homme, est de l’union la plus forte et la plus intime qu’on puisse imaginer, puisqu’elle est hypostatique, et que les deux natures sont unies dans une seule personne, qui est celle du Fils de Dieu ! Ah ! il fallait le miracle le plus surprenant et le plus extraordinaire de la toute-puissante miséricorde de Dieu, pour rapprocher cette distance infinie, pour former cette union prodigieuse, et que Dieu prît tout ce qui était dans l’homme, et que l’homme prît tout ce qui était dans Dieu. Un Dieu éternel, un homme sujet à la mort ; un Dieu qui est pur esprit, un homme de chair et corruptible ; un Dieu tout-puissant, un homme qui est la faiblesse même ; la grandeur avec la bassesse, la lumière avec les ténèbres ; l’immensité avec un petit corps d’enfant ! enfin l’Être suprême, source, principe, créateur de tous les êtres, avec le néant ; quelle surprenante union !

Qu’est-ce que Dieu ? c’est un Être suprême, subsistant par lui-même, indépendant, et de qui tout dépend ; éternel, sans commencement et sans fin ; immuable et qui ne peut jamais changer ; un pur esprit, simple, sans composition, sans mélange, sans partage, sans altération et sans mouvement, quoiqu’il donne le mouvement à toutes choses ; présent partout par son immensité qui pénètre tout, qui remplit tout ; seul et unique Créateur du ciel et de la terre, des Anges et des hommes, et de tout ce qui est contenu dans ce vaste univers ; maître absolu de toutes choses, sans que rien puisse jamais résister à ses adorables volontés ; souverainement heureux en lui-même et par lui-même, et faisant le bonheur et la félicité de tous les bienheureux ; seul ayant droit de s’aimer soi-même, et d’habiter, avec des complaisances infinies, dans ses propres grandeurs. Voilà, non la définition de Dieu qui est au-dessus de toutes les définitions, mais une faible idée de cet Être adorable qui s’est abaissé à se faire homme pour sauver l’homme qu’il aimait.

Qu’est-ce que l’homme, s’écriait le saint homme Job, l’homme à qui vous procurez tant d’honneur, et auprès duquel vous posez votre cœur ? (Job, 7) C’est une créature mortelle, que vous avez tirée du limon de la terre ; elle est plus faible que le roseau, dit saint Augustin, plus fragile que le verre, plus légère que le vent, plus changeante que la lune.

L’homme est, en effet, essentiellement dépendant, sujet à la corruption, à la maladie, aux souffrances et à la mort.

Que de bassesse, que de misère d’un côté, que de grandeur de l’autre ! Cependant cette grandeur vient s’unir par l’incarnation à cette bassesse ; quel sujet d’étonnement et quel motif d’amour !

Paraphrase sur l’Antienne O Rex gentium

Ô Roi des nations, Roi des rois, souverain Seigneur du ciel et de la terre, Roi chéri de tous les peuples qui ont le bonheur de vivre sous vos lois, et qui faites tout leur bonheur, toute leur gloire et tous leurs délices ! Pierre angulaire sur laquelle tout l’édifice de l’Église va être posé, et contre laquelle les portes de l’enfer ne prévaudront jamais !

Seigneur tout-puissant, qui avez seul la force de remettre dans le centre d’unité les choses les plus contraires et qui, des différents peuples des deux alliances, n’en allez faire qu’un seul, pour vivre dans la même foi, dans la même charité, pour le faire l’héritier de votre royaume éternel, hâtez-vous de venir opérer ce grand prodige, venez sauver l’homme que vous avez formé du limon de la terre, mais que vous avez honoré de votre image, pour établir un parfait amour dans une parfaite ressemblance.

Hommage à la chair adorable de Jésus-Christ dans la crèche

Chair adorable de mon Jésus, chaste production d’un Dieu qui est un pur esprit, et d’une Vierge qui est plus pure que les Anges ; chair humaine et divine tout ensemble ; humaine, parce qu’elle est semblable à la nôtre ; divine, parce qu’habite en elle toute la plénitude de la divinité, je vous adore et vous offre mes plus respectueux hommages.

Je vous adore dans l’auguste sein de votre divine mère, où vous avez été formée de son plus pur sang par l’opération ineffable du Saint-Esprit, et où vous avez été renfermée l’espace de neuf mois pour mon amour. Je vous adore dans l’étable et sur la crèche où vous souffrez les rigueurs du froid, pour m’épargner des souffrances que j’ai méritées. Vous allez croître par le lait que vous recevrez d’une mère vierge, et je soupire après votre accroissement pour accélérer mon bonheur ; mais je le crains aussi, parce que, quand vous serez parvenue à votre juste grandeur, vous serez percée et déchirée pour mes péchés.

Chair adorable et virginale de mon Jésus, purifiez, consacrez la mienne, préservez-la de toute corruption, afin qu’elle ressuscite glorieuse et incorruptible.

Le 23 décembre
Jour de retraite

Pratique

Sentez aujourd’hui dans votre retraite, comme vous le devez sentir, l’approche de votre rédemption et de la naissance de votre libérateur ; pensez beaucoup, désirez de même, parlez peu, excepté à Jésus prêt à sortir de l’auguste sein de Marie. Il y a neuf mois qu’il y est renfermé ; pensez aux occupations intérieures de ce divin solitaire, évitez les conversations inutiles, séparez-vous des compagnies et du tumulte du monde, où l’on ne trouve pas Jésus ; retirez-vous même de celles de vos amis, quand ils seraient des saints ; occupez-vous dans votre retraite à méditer ; parlez à Dieu, écoutez Dieu, et faites en silence votre préparation prochaine, pour donner à Jésus-Christ une nouvelle naissance dans votre cœur.

Méditation
Sur la retraite

Premier point

Je suis la voix de celui qui crie dans le désert. (S. Luc, 1)

C’est dans le silence du désert que l’on prêche et que l’on entend la parole de Dieu avec plus de succès ; aussi Jean-Baptiste ne crut pas devoir prêcher la pénitence, ni dans Jérusalem, ni dans les autres villes de la Judée, mais dans le désert, où l’on est le plus recueilli, où l’on écoute avec plus d’attention, et où Dieu se communique plus intimement, et au prédicateur, pour lui inspirer ce qu’il doit dire, et à l’auditeur, pour lui apprendre ce qu’il doit faire.

C’est dans le désert que Dieu a toujours opéré ses plus grands prodiges ; c’est là qu’il fait tomber sur son peuple choisi une manne céleste ; c’est là qu’il sait tirer du rocher des eaux délicieuses pour étancher la soif des âmes aussi bien que des corps ; c’est là, dit le prophète Jérémie, que le solitaire apprend à se reposer en Dieu seul en s’élevant au-dessus de soi-même (Jérém., 3) ; c’est là qu’un Prophète nous dit que l’Époux sacré mène les âmes choisies pour parler à leur cœur. (Osée, 1)

C’est aussi dans le désert et dans la solitude que Jésus-Christ attirait les peuples pour nourrir leurs âmes des mets de sa divine parole, sans oublier de faire des miracles éclatants pour nourrir leurs corps ; c’est au désert et dans la retraite d’une haute montagne que cet adorable Sauveur mène ses trois disciples les plus chéris pour manifester sa gloire ; c’est là enfin qu’il se retirait souvent seul pour prier.

C’est dans le désert que Jean-Baptiste exhorte et crie de toutes ses forces pour préparer la voie au Seigneur par la pénitence. Retirez-vous dans la solitude si vous le pouvez, pour vous préparer à la naissance du Désiré de toutes les nations, sinon dans le secret de votre oratoire ; là, pensez au bonheur que vous attendez, désirez-le avec ardeur, fermez votre porte, selon le conseil du Sauveur, pour être plus recueilli, et afin que le Père céleste, qui vous voit caché dans votre retraite, et qui vous entend, vous accorde ce que vous lui demanderez.

Second point

Ce n’est que dans la retraite, à force de méditer et d’étudier, et jamais dans le commerce du monde, que se sont formés les sages selon le monde, ces savants des siècles passés, ces grands hommes et ces vastes génies qui nous ont laissé ces beaux préceptes de morale et ces marques éclatantes de leur profonde érudition. (S. Matth., 2) Ce n’est aussi, à bien plus forte raison, que dans la retraite et dans le silence que se forme le sage selon l’Évangile. En effet, il faut être seul pour bien étudier et pour se bien connaître soi-même ; il faut être seul pour méditer, pour goûter les vérités divines, et pour bien connaître la volonté de Dieu.

D’ailleurs il faut deux choses pour acquérir la vraie sagesse du christianisme, qui est infiniment plus parfaite et plus sublime que la sagesse du paganisme : la première, c’est de savoir parler à Dieu ; la seconde, c’est de savoir écouter Dieu. Il faut que l’âme lui parle, il faut que Dieu lui parle ; il faut qu’elle sache parler par la prière, pour lui représenter ses besoins de manière à obtenir ses demandes, et elle ne lui parle jamais mieux que dans la retraite ; il faut que Dieu lui parle par ses inspirations et par sa grâce ; mais auparavant il faut qu’il la conduise à la solitude pour parler à son cœur ; car, comme il est jaloux de nos âmes, dont il est l’époux, il veut être seul avec elles ; il est ennemi du bruit et du tumulte ; sa voix, qui n’est faite que pour les oreilles du cœur, ne peut pas être entendue parmi le fracas et le bruit du monde, dont le langage est trop tumultueux pour ne pas ôter toute l’attention qu’on doit à celui de Dieu.

Pourquoi l’homme sage, qui n’est autre chose que l’homme chrétien, se retire-t-il dans la solitude ? c’est pour se chercher et se trouver lui-même, et il ne se trouve lui-même que pour être plus en état de chercher Dieu. Quand on le cherche ainsi, on le trouve infailliblement ; en le trouvant, on le possède ; et en le possédant, on possède le plus précieux de tous les trésors.

Sentiments

Sortir de Nazareth, votre patrie, ô mon Sauveur, avant même de naître, et pendant que vous étiez encore renfermé dans l’auguste sein de votre divine mère ; être contraint de sortir d’une ville ingrate, par la dureté de ses habitants, quoiqu’ils fussent vos frères ; vous retirer dans une étable abandonnée et toute découverte ; être obligé de prendre naissance sur du foin dans cette affreuse solitude, au milieu de la nuit et de la saison la plus rigoureuse, sans secours et sans compagnie ; ah ! Seigneur, c’est commencer de bonne heure la vie solitaire, et c’est nous en donner une leçon bien pathétique !

Fuir en Égypte presque aussitôt que vous êtes au monde, y mener une vie cachée, y vivre inconnu de tous pendant les premières années de votre vie mortelle ; aller ainsi de solitude en solitude, comme si vous étiez banni de toute la terre, dont cependant vous étiez le souverain, et mener une vie cachée jusqu’aux approches de votre passion ; ah ! divin solitaire, quel exemple de retraite me donnez-vous ici ! et comment puis-je aller à la solitude de votre étable pour vous demander des grâces, sans pratiquer une vertu qui vous est si chère, et que vous avez pratiquée vous-même l’espace de trente années ? Puis-je en approcher sans confusion pour vous y rendre mes hommages et mes adorations, avec ma dissipation, mon peu d’amour pour la vie retirée, mon envie de paraître et mon penchant à me répandre parmi le monde, qui ne parle pas de vous, parce qu’il ne vous aime pas, et qu’il ne vous connaît pas ?

Je m’en retire à ce moment, ô mon Dieu, pour ne plus penser qu’à me préparer à votre naissance ; mais aidez ma faiblesse, fixez ma légèreté ; dégoûtez-moi de ce monde imposteur que je n’ai que trop aimé ; donnez-moi un libre accès à votre table ; j’y établis ma demeure, résolu de n’en point sortir que quand vous en sortirez vous-même.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Je la mènerai dans la solitude, où je parlerai à son cœur. (Osée, 1)

Il s’assiéra dans la solitude, et là il s’élèvera au-dessus de lui-même. (Jérémie, Thren., 3)

Âme sainte, soyez seule, pour vous conserver à Dieu seul ; fuyez le monde, éloignez-vous de vos amis et même de vos plus intimes. (S. Bernard)

Le solitaire se délivre de trois ennemis qui lui livrent bien des combats, qui sont ses yeux, ses oreilles et sa bouche. (S. Éphrem)

Point de l’Incarnation

Un Dieu enfant

Vous trouverez un enfant, dit l’Ange aux pasteurs ; et c’est à ce signe qu’il leur marque la puissance d’un Dieu sauveur, un Dieu et un homme. Nous vous en avons fait admirer la prodigieuse distance, qui n’a pu être rapprochée que par un miracle d’amour de ce Dieu tout-puissant ; mais un Dieu et un enfant emmailloté de pauvres langes dans une étable, c’est quelque chose de bien plus surprenant et de bien plus humiliant pour un Dieu ; et la divinité jointe à l’enfance est un miracle bien plus incompréhensible.

Aussi le disciple bien-aimé ne dit pas que Dieu s’est fait homme, mais qu’il s’est fait chair : Et Verbum caro factum est (S. Jean, 1 ) ; autrement on aurait pu s’imaginer qu’il avait pris un corps humain dans le terme de son juste accroissement et de sa perfection, pour éviter les humiliations de l’enfance : mais en disant qu’il s’est fait chair, c’est nous faire entendre qu’il a pris une chair nouvellement formée dans le sein de sa mère, qu’il a attendu le terme ordinaire pour en sortir, et qu’enfin il est né d’une manière qui, bien que toute pure et toute consacrée, n’avait rien cependant en apparence qui relevât cette naissance au-dessus des autres enfants.

Notre enfance ne nous est point à charge, parce que, notre raison n’étant point encore développée, nous n’en sentons point la disgrâce ; mais l’enfance de Jésus-Christ est jointe à une souveraine raison, dont il eut le parfait usage dès le moment de sa conception : ainsi son amour le met avec réflexion dans cet état si humiliant et tout à fait indigne de sa souveraine grandeur.

Enfin c’est dans cet incompréhensible mystère d’amour et d’abaissement que ce Dieu tout-puissant permet qu’on l’emmaillote, parce qu’il s’est fait enfant, et que ce souverain Seigneur, qui nourrit le ciel et la terre, est obligé d’avoir recours aux sacrées mamelles de Marie, pour sucer le lait d’où va dépendre la vie de l’Auteur même de la vie ; parce que l’amour qu’il a pour les hommes l’a réduit, tout Dieu qu’il est, dans l’état d’un faible enfant.

Tant il est vrai, dit saint Augustin, que nous devenons ordinairement ce que nous aimons : aimez la terre, vous deviendrez terre ; aimez Dieu, vous deviendrez Dieu. Dieu a aimé l’homme, il s’est fait homme ; il a aimé l’enfance, il s’est fait enfant.

Paraphrase de l’Antienne O Emmanuel

Ô Emmanuel, c’est-à-dire ô Dieu avec nous, et c’est dans cet auguste mystère, ô mon adorable Sauveur, qu’on peut à juste titre vous attribuer ce glorieux nom qui vous est si précieux et si favorable, et plus dans le temps de votre naissance que dans tout autre temps ; car, hélas ! le péché nous avait éloignés de vous, il avait formé un cruel intervalle entre vous et les hommes : il fallait une miséricorde infinie et un miracle d’amour pour le rapprocher.

Vous le faites, ô Dieu de bonté, dans le mystère de l’incarnation, vous pénétrez les espaces infinis qui sont entre le ciel et la terre, vous descendez du trône éclatant de votre majesté, vous venez naître, vivre et converser avec nous, vous faire semblable à nous pour faciliter nos approches ; nous étions, hélas ! sans conducteur, et vous venez comme un roi, comme un père, comme un ami, comme le désiré de toutes les nations, et enfin comme un puissant libérateur, pour nous délivrer du péché, de la mort et de l’enfer ; venez donc, ô mon Dieu et mon Sauveur, pour nous secourir.

Hommage au sang de Jésus-Christ dans la crèche

Sang adorable, qui commencez à couler dans les veines de mon Jésus, qui soutenez la vie de ce divin Sauveur dans l’étable, et qui la soutiendrez l’espace de trente-trois années, jusqu’au triste moment marqué dans les décrets de Dieu, auquel il sera répandu pour le salut de tous les hommes, je vous adore de tout mon cœur ; coulez à la bonne heure dans ces veines enfantines et sous cette chair délicate pour l’animer et pour la conduire jusqu’à son parfait accroissement :

j’ai droit sur toutes les gouttes dont vous êtes composé, puisque vous êtes le prix de ma rançon, l’auguste matière et le glorieux instrument de ma rédemption.

Sang adorable, vous brûlez d’ardeur d’être incessamment répandu pour accélérer mon bonheur ; mais mon Sauveur qui, selon l’oracle du Prophète, veut que ma rédemption soit abondante, attend que ses veines soient grossies par la succession des années, pour en contenir et pour en répandre une plus grande quantité. Mais, hélas ! je frémis quand je pense que le sang de ce Dieu sauveur, que j’adore, sera un jour tiré de ses veines sur le Calvaire par la cruauté des

bourreaux ; mais aussi ce qui fait le sujet de ma crainte et de ma douleur fait celui de mon espérance et de mon bonheur éternel.

La veille de Noël

Jour de salut

Pratique

Ressouvenez-vous à votre réveil de ces consolantes paroles du grand Apôtre aux Philippiens : Nous attendons un Sauveur, qui est notre Seigneur Jésus ; et que cette espérance, qui sera remplie demain, vous cause une sainte joie. (Ép. aux Philip., 2. ) Rendez-lui par avance vos premiers hommages dans l’étable où il va prendre naissance, puisque c’est là qu’il commence à en remplir les glorieuses fonctions, par les humiliations, par la pauvreté et par les souffrances qu’il y endure pour l’amour de vous ; mais pour répondre à ses adorables desseins, dirigez tellement toutes vos vues et toutes vos actions de la journée, qu’il n’y en ait aucune qui ne tende à cette fin si importante, et dont vous ne puissiez dire : Je travaille pour mon salut.

Méditation
Sur le salut

Premier point

Il sera le sauveur de son peuple, en le délivrant de ses péchés. (S. Matth., 5)

Ces paroles furent apportées du ciel par un Ange, et adressées à saint Joseph pour le guérir de tout soupçon et de toute crainte sur l’incomparable pureté de Marie son épouse, en l’assurant qu’elle était enceinte par l’opération du Saint-Esprit, et qu’elle enfanterait un fils qui serait nommé Jésus, c’est-à-dire Sauveur, parce qu’il délivrerait son peuple de ses péchés. (Jérém., 3) Voilà la prophétie qui nous doit être infiniment agréable et infiniment intéressante, puisque c’est la prophétie de notre propre salut ; pensez-y, et recevez-la avec la même joie qu’un exilé dans un pays barbare recevrait la nouvelle de son rappel dès le lendemain dans le centre de sa propre patrie ; qu’un malade depuis longtemps recevrait celle de sa parfaite guérison ; qu’un esclave accablé de maux, celle de sa liberté ; entrez dans les sentiments de ces malheureux, entre le temps de la nouvelle et de l’événement ; quels seraient leurs transports de joie, et quel accueil et quelles caresses feraient-ils à leur libérateur !

Voilà, dis-je, l’oracle et la prophétie, mais nous en aurons sûrement demain l’accomplissement ; pensez-y, occupez-vous-en, préparez-vous-y avec empressement et avec joie, ayez soin de nettoyer votre âme de tout ce qui pourrait déplaire au divin libérateur que vous attendez.

Le prophète Isaïe en était éloigné de plusieurs siècles ; cependant il désirait ce Sauveur avec ardeur, il le demandait aux cieux et à la terre, quand il disait dans ses transports mystérieux : Cieux, ouvrez-vous, rompez-vous pour laisser passer celui que je désire, faites-le descendre sur nous comme une pluie et comme une rosée de bénédiction ; terre, ouvrez votre sein et faites-en sortir le Sauveur comme un germe précieux. (Isaïe, 48) Nous sommes à la veille du Sauveur et du salut, occupez-vous aujourd’hui des mêmes sentiments et des mêmes désirs.

Second point

Comme le salut n’est pas l’ouvrage de Dieu tout seul, mais celui de Dieu et de l’homme, et que ce Dieu tout-puissant qui nous a faits sans nous, dit saint Augustin, ne nous sauvera pas sans nous, de là vient qu’on ne se sauve pas toujours, quoiqu’on ait un Sauveur, et qu’on n’achète pas toujours le ciel, quoiqu’on ait en main de quoi s’en mettre en possession.

Il est de foi que Dieu veut sauver tous les hommes : Deus vult omnes homines salvos fieri, dit l’Apôtre (1reÉp. à Tim., 4) ; mais il y a bien des hommes qui ne veulent pas se sauver ; car il faut que la volonté de Dieu et la volonté de l’homme concourent ensemble pour en assurer l’événement. Dieu a marqué suffisamment sa volonté sincère par son incarnation, par sa naissance dans une étable, par ses souffrances et par sa mort ; mais tous les hommes ne veulent pas entrer dans les voies qui leur en mériteraient l’application, ni garder les préceptes, ni entrer dans la carrière de la pénitence, leur mollesse ne s’en accommode pas ; ils possèdent tous les mérites et le sang de Jésus-Christ, qui est un prix plus que suffisant pour acheter le ciel ; mais, plus amateurs de leurs corps que de leurs âmes, ils ne veulent pas se servir de ces trésors infinis qui leur sont offerts, parce qu’il y faudrait ajouter la mortification et la pratique des bonnes œuvres qui

feraient violence à leur délicatesse. Ainsi on peut dire qu’ils ne veulent pas se sauver ; et on ne peut pas se sauver sans le vouloir ; et quand on le veut efficacement, on prend les moyens pour arriver à cette fin : il faut préférer l’affaire de son salut à toutes les autres, et la regarder comme la plus importante, comme la plus pressée, et comme l’unique qu’on ait en cette vie, et agir conséquemment : demandez-vous à présent si vous voulez efficacement vous sauver.

Sentiments

Je reconnais, Seigneur, avec votre Prophète, que vous êtes vous seul mon Dieu et mon Sauveur (Ps. 24), que vous êtes ma lumière et mon salut, et que c’est vous seul que je dois craindre et que je dois aimer souverainement, parce que vous êtes mon souverain Seigneur. (Ps. 26) Je le sais, et je veux vivre et mourir dans cette dépendance qui fait toute ma gloire, tout mon bonheur et toute ma sûreté ; mais permettez-moi d’ajouter à cette reconnaissance, avec le même Prophète, cette prière qu’il vous fit avec une tendre confiance pour dissiper toutes ses frayeurs et pour calmer toutes ses alarmes sur son salut éternel ; dites vous-même à mon âme, ô mon Dieu : Je suis ton salut et ton Sauveur, et faites-le-lui sentir : Dic animæ meæ, salus tua ego sum. (Ps. 34)

Mais, ô mon Sauveur, ma demande n’est-elle point indiscrète et téméraire ? Ne me l’avez-vous pas assez dit par ce que vous avez fait pour moi dans le mystère de votre incarnation et de votre naissance ; avoir pris ma ressemblance après m’avoir donné la vôtre, être né dans une étable et sur une crèche ? vos douleurs, vos cris enfantins, vos larmes ne me disent-ils pas assez que vous êtes mon salut ? Vous me le répéterez mille fois dans votre vie mortelle par vos paroles, par vos miracles, par vos tendres sollicitudes et par vos empressements de Sauveur pour les pécheurs, et vous le direz encore bien plus haut par vos souffrances ; et la voix éloquente de votre sang, qui sera répandu sur la croix posée sur la montagne du Calvaire, fera entendre à tous les habitants de la terre que vous en êtes le Sauveur. Heureux si je réponds à cette voix si favorable ! Accordez-moi la grâce d’en profiter, et de vouloir mon salut comme vous le voulez vous-même.

Sentences de l’Écriture sainte et des saints Pères

Seigneur, vous êtes ma lumière et mon salut ; que craindrai-je à présent que vous seul ? (Ps. 26)

Opérez votre salut avec crainte et tremblement. (Ép. aux Philip., 2)

Seigneur, si j’ai eu le malheur de commettre des péchés pour lesquels vous pouvez me damner, vous n’avez pas perdu de quoi me sauver. (S. Augustin)

Tout ce que nous faisons pour la santé de notre corps périra ; mais tout ce que nous faisons pour le salut de notre âme est conservé dans le ciel.

Point de l’Incarnation
Un Dieu anéanti

Jésus-Christ s’est humilié lui-même en se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. (Ép. aux Philip., 2) C’est l’idée que l’apôtre saint Paul donnait aux premiers fidèles pour les engager à s’humilier à l’exemple du Sauveur qui, bien qu’il fût Dieu et la grandeur même, et le souverain du ciel et de la terre, s’est humilié et s’est fait obéissant jusqu’à la mort de la croix, lui qui était la vie et l’auteur de la vie.

Cependant cet Apôtre, craignant de ne pas donner une idée assez forte de l’humilité prodigieuse de ce Dieu incarné, en disant qu’il s’est humilié lui-même, enchérit dans le même endroit sur cette expression par une autre infiniment plus énergique, en se servant du terme d’anéantissement, et en disant : Soyez, mes frères, dans les mêmes dispositions et dans les sentiments de Jésus-Christ, lequel, possédant la forme et la nature de Dieu, s’est anéanti lui-même, en prenant la forme de serviteur : Exinanivit semetipsum. (Ép. aux Philip., 2)

Que cette expression est étonnante ! et comment est-il possible qu’on puisse l’attribuer à un Dieu ? car le néant est le dernier de tous les abaissements ; l’esprit de l’homme ne peut rien concevoir qui lui soit inférieur ; Dieu même, tout puissant qu’il est, ne peut pas porter ses humiliations dans un centre plus bas et plus ravalé.

Allons en esprit dans l’étable de Bethléem, nous y trouverons ce Dieu fait homme, et ce pur esprit devenu chair : quelle étrange humiliation ! mais nous y trouverons un Dieu enfant ; ah ! quel prodigieux anéantissement ! car tous les plus glorieux attributs, qui sont l’ornement de la Divinité, paraissent éclipsés et anéantis par l’enfance : en effet, qui dit enfant, dit un sujet qui n’était pas, et qui vient de commencer d’être ; c’est ce qui semble anéantir l’éternité de Dieu ; qui dit enfant, dit une petite créature faible, infirme, dépendante, et qui ne peut pas se secourir soi-même ; c’est ce qui paraît anéantir son indépendance, sa grandeur et sa toute-puissance ; qui dit enfant, dit un homme muet dont la langue est liée par un silence nécessaire ; c’est ce qui semble anéantir sa qualité de Verbe éternel ; qui dit enfant, dit un petit corps borné de tous côtés ; c’est ce qui détruit son immensité ; enfin, qui dit un enfant, dit un sujet qui ne peut ni penser, ni connaître, ni raisonner, et qui n’a que l’ignorance pour partage ; c’est ce qui anéantit en apparence sa sagesse éternelle. Humilions-nous donc, puisque nous ne sommes rien ; humilions-nous par justice, par amour et par imitation ; anéantissons-nous devant cette souveraine majesté qui s’est anéantie dans le mystère de l’incarnation pour notre amour.

Hommage à l’âme de Jésus dans la crèche

Je vous adore, ô âme toute sainte de mon Sauveur enfant, et mon âme tout entière se consacre à vous pour toujours ; vous êtes la production la plus sublime qui soit sortie des mains du Saint-Esprit, qui vous unit au corps adorable de Jésus-Christ, en le formant du plus pur sang d’une vierge ; et il vous plaça dans ce corps qui était un chef-d’œuvre de sa puissance, de sa grâce et de son amour, pour lui donner la vie et pour consommer ainsi le mystère ineffable de notre rédemption.

Âme toute adorable de mon divin Sauveur, vous eûtes alors, et dès ce premier moment, le parfait usage de la raison, quoique vous fussiez renfermée dans un petit corps nouvellement formé, et placée dans l’auguste sein de Marie ; vous pensiez alors, et d’une manière infiniment sublime ; vous adoriez le Père céleste d’une manière digne de lui ; vous l’aimiez d’un amour infini et autant qu’il est aimable ; vous acceptiez déjà pour l’amour de moi l’état humilié où vous

étiez réduite, et les rigueurs où vous alliez être exposée dans l’étable et sur une crèche, et les disgrâces nombreuses des trente-trois années de votre vie mortelle, et les persécutions que vous deviez souffrir de la part des Juifs ; en un mot, vous acceptiez le sacrifice de la croix et la mort la plus cruelle et la plus infâme, pour me racheter au prix de tout votre sang. Je vous dois donc ma rédemption, ô âme toute sainte ; mais acceptez le sacrifice entier de la mienne ; je vous la consacre, acceptez-la, purifiez-la, éclairez-la, sanctifiez-la, et rendez-la digne de vous aimer éternellement dans le ciel.

Noël !

Le jour de Noël
Paraphrases affectives sur l’Évangile Pour s’entretenir pendant le jour et les fêtes de Noël
Le dernier jour de l’année Jour de réparation
Le premier jour de l’année Jour de rénovation

Le jour de Noël

Pratique

Voici enfin le grand jour après lequel la terre soupirait depuis tant de siècles ; voici l’heureux accomplissement des promesses de tous les Prophètes, des désirs de tous les Patriarches et de tous les justes de la loi ancienne ; voici le bienheureux moment qui approche, auquel nos liens et nos chaînes vont commencer à se rompre ; nous allons être délivrés de la cruelle captivité du péché, de la mort et de l’enfer, pour jouir de la liberté des enfants de Dieu, qui nous sera procurée par le divin enfant qui va paraître ; et le ciel va s’ouvrir en notre faveur par cet incomparable

libérateur qui prend naissance aujourd’hui dans une pauvre étable et sur une pauvre crèche, au milieu de deux animaux ; qui va, pour notre amour, commencer dès cette nuit la pénible carrière de sa vie, et qui la fournira jusqu’à la fin en héros divin, parmi les fatigues, les traverses, les humiliations et les souffrances, l’espace de trente-trois années, toujours occupé aux œuvres de la charité la plus ardente et la plus laborieuse, à la conquête des âmes, et qui ne la finira que par le supplice le plus horrible, et par la mort la plus cruelle et la plus infâme aux yeux des hommes sur le Calvaire.

Passez cette grande fête dans la plus grande piété et dans la plus grande ferveur que vous pourrez ; ne faites rien qui ne convienne à la sainteté du jour, soyez toujours en prière, ou en oraison, ou en actions de grâces, ou en sentiments de tendresse pour cet adorable enfant, ou occupé à la lecture, ou à la divine parole, ou aux offices de l’Église.

Gardez-vous bien de rien donner aujourd’hui au monde, ni même aux plaisirs permis ; parce que tous les moments de ce jour, qui est un jour de vie, de grâce et de rédemption, sont infiniment précieux, et que vous devez mettre tout en usage pour renaître spirituellement avec Jésus-Christ, et pour ne rien laisser perdre des grâces qui sont attachées à ce grand mystère.

Commencez à célébrer cette fête si solennelle dès la nuit, puisque c’est le temps auquel notre adorable Sauveur est né ; entrez en esprit dans l’étable de Bethléem, et n’en sortez point de la journée ; Jésus naissant dans une étable, couché sur une crèche comme l’enfant le plus pauvre de tous les hommes, est un sujet digne d’occuper tout votre esprit et tout votre cœur, non seulement le jour où il repose sur la crèche, mais encore tous les jours de votre vie. Assistez avec recueillement et avec une ardeur de Séraphin aux trois messes qu’on célèbre aujourd’hui, pour nous marquer que tous les hommes qui ont vécu sous la loi de nature, sous la loi écrite, et qui vivent et vivront sous la loi de grâce, n’ont pu et ne peuvent se sauver que par Jésus-Christ, qui prend naissance aujourd’hui.

Dans l’une de ces trois messes vous déplacerez avec un profond respect Jésus-Christ de sa crèche, pour le placer en substance auprès de votre cœur par la sainte communion ; préparez-vous-y avec tant de ferveur, que vous puissiez, par le feu de votre amour, réchauffer la chair délicate de ce divin enfant tout transi de froid dans son étable, et en même temps embraser votre cœur des saintes ardeurs de la charité qui brille incessamment dans le sien.

Méditation
Sur la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ

Premier point

Vous trouverez un enfant emmailloté et couché sur une crèche. (S. Luc, 2)

Ce sont les paroles de l’Ange du Seigneur adressées aux bergers qui veillaient sur leurs troupeaux, pour leur annoncer la naissance d’un Dieu sauveur ; écoutez-les avec respect, puis qu’elles s’adressent à vous aussi bien qu’à ces pasteurs ; joignez-vous à eux, allez en esprit à cette étable mille fois plus auguste et plus respectable que les plus magnifiques palais des plus grands rois de la terre : vous y trouverez d’abord un enfant couché sur une crèche, mais cet enfant est un Dieu. Comment accorderez-vous la grandeur suprême d’un Dieu avec la faiblesse d’un enfant ? quel prodige d’humilité et d’amour tout ensemble ! et quel puissant motif pour abaisser ou pour confondre votre orgueil, et pour nous engager à l’aimer de tout notre cœur !

Si vous n’étiez pas éclairé des lumières de la foi, à la seule vue de cette étable, de cette crèche, de ces pauvres langes et de cette enfance, n’hésiteriez-vous pas, et ne vous demanderiez-vous pas à vous-même si cet enfant ne prend pas la place de l’ambitieux mondain qui est puni de la main de Dieu, parce qu’il a mérité les humiliations les plus honteuses, ou s’il représente le juste qui s’humilie par vertu, par sentiments et par amour, pour mériter les récompenses promises aux humbles ?

Quand vous faites attention à son extrême pauvreté, ne vous demandez-vous pas si cet enfant n’a point encouru la disgrâce du riche avare, qui a mérité d’être dépouillé de tous ses biens ; ou s’il est le modèle du parfait chrétien, qui méprise les biens de la terre pour mériter de posséder ceux du ciel ?

Mais instruit par la foi et par une infinité de glorieux événements, je dis que Jésus-Christ sur la crèche est l’un et l’autre, et que son amour infini pour les hommes qui l’a humilié, qui l’a dépouillé, l’a aussi engagé à prendre sur lui le châtiment que méritait le premier, et de servir de règle et de modèle au second. Ainsi, ô mon Sauveur, vous êtes ici ma caution, vous payez pour moi, et vous êtes le modèle que je veux imiter ; je veux m’humilier et me dépouiller, parce que je le mérite, parce que je veux vous aimer et suivre vos traces.

Second point

Considérez encore plus attentivement ce Sauveur naissant, voyez ce qu’il souffre : c’est un enfant qui vient de naître ; il est exposé, dans une étable ouverte de tous côtés, à la rigueur de la saison, au milieu de l’hiver et de la nuit, et couché durement sur une crèche ; faites attention que cet enfant qui souffre est un Dieu essentiellement heureux par lui-même ; que pensez-vous de cette joie et de cette douleur jointes ensemble ?

Méditez sérieusement au pied de cette crèche, appelez la foi à votre secours, elle vous dira que l’amour de ce Sauveur pour les hommes l’a réduit, tout jouissant de Dieu qu’il est, dans cet état douloureux, parce qu’il en veut à notre cœur, et qu’il veut, pour le rendre digne des tendresses du sien, le purifier et le dégoûter de la volupté des sens par les souffrances, afin de lui procurer plus sûrement les plaisirs purs et éternels.

Dans cette vue, il cède tous les droits que son bonheur essentiel lui donne ; il se livre et s’abandonne volontairement à l’impression de la douleur ; il suspend en ma faveur, par un miracle de son amour, cette communication de joie et de plaisir qui devrait être naturellement entre la divinité et l’humanité ; il retient et il éclipse le rejaillissement de gloire sur son corps, qui, sans ce miracle, serait impassible, pour le rendre sensible à la douleur, afin de satisfaire à la justice de Dieu pour les plaisirs criminels dont les hommes sont coupables, en attendant qu’il consomme sur la croix ce sacrifice de douleur qu’il commence aujourd’hui dans l’étable ; le temps, le froid, la nuit, le lieu, tout conspire à en faire un enfant de douleur. Que ce spectacle est touchant ! et quelle condamnation pour ma délicatesse et pour ma lâcheté, et quel engagement à souffrir dorénavant pour mes péchés et pour mon amour !

Sentiments

En quelle étrange situation vous vois-je ici, ô Dieu tout-puissant et Dieu sauveur ! vous paraissez à mes yeux et vous êtes véritablement un enfant ; vous venez de naître, et de naître pour mourir ; et la foi me dit que vous êtes un Dieu éternel ; vous prenez naissance dans une pauvre étable abandonnée, et le ciel est votre demeure ; sur une crèche, et votre trône est un trône de gloire ; placé entre deux animaux, et dans le ciel vous êtes environné de Séraphins ; dans les ténèbres de la nuit, et vous êtes la lumière qui éclaire le ciel et la terre ; vous souffrez le froid, et les Prophètes me disent que vous êtes un feu consumant ; sur du foin, comme le plus pauvre de tous les hommes, et vous êtes la source de tous les trésors.

Mais, ô mon Dieu, faut-il que ceux pour qui vous avez tant souffert vous fassent aujourd’hui tant d’outrages ? Enfance de mon Jésus, qui êtes le signe de son humilité, que vous êtes à présent méprisée par les superbes et par les ambitieux, qui s’imaginent qu’il est permis à une vile créature de s’élever injustement, pendant que son Dieu et son Sauveur s’abaisse, s’humilie et s’anéantit pour guérir son orgueil et pour la sauver ! Pauvres langes de mon Jésus naissant, que vous êtes souvent déshonorés, foulés aux pieds et déchirés par les avares et par les mondains qui courent après les richesses et les vaines parures, pendant que leur souverain Seigneur se dépouille de tout pour leur inspirer le détachement ! Étable rigoureuse, divines souffrances de mon Sauveur enfant, que vous êtes peu connues par les voluptueux et par les délicats mondains, qui veulent goûter les fausses joies du monde et se livrer aux plaisirs des sens, pendant que Dieu fait homme est dans la douleur et dans les larmes !

Pardon, ô divin enfant, regardez-moi d’un œil de bonté au pied de votre crèche où je suis prosterné en esprit, pour vous adorer, pour vous rendre mes hommages, pour vous marquer mes respects et mon amour, et pour vous demander miséricorde ; accordez-moi la grâce de renaître avec vous, venez vous-même renaître dans mon cœur, pour le rendre digne de vous posséder éternellement dans le ciel.

Hommage à la divinité de Jésus dans la crèche

Célestes intelligences, Chérubins qui brillez par vos lumières, Séraphins qui brûlez du plus fervent et du plus pur amour, fournissez-moi et vos lumières et vos ardeurs pour connaître, pour aimer et pour adorer dans la crèche la même divinité à qui vous rendez incessamment vos hommages et vos adorations dans le ciel ; une divinité dans une étable qui lui sert de palais, sur une crèche qui lui sert de trône, dans une chair mortelle, dans un corps d’enfant nouvellement formé qui lui sert de sanctuaire, et entre deux animaux qui servent de courtisans au Roi des rois ; un Dieu tout puissant renfermé et caché sous tant de voiles, lui qui remplit le ciel et la terre ; ô prodige inouï ! ô miracle des miracles ! ô extase ! ô transposition qui doit surprendre et réjouir tous les mortels ! puisque c’est pour leur amour et en leur faveur que Dieu l’a bien voulu faire, et que ce Dieu de bonté s’est fait homme, afin que des hommes il fît des dieux.

Divinité adorable, je vous rends mes plus respectueux et mes plus tendres hommages, non sur le trône de gloire que vous occupez dans le ciel, au milieu des Séraphins, mais dans l’étable, mais dans le corps d’un faible enfant où vous résidez à présent : là vous habitez une lumière inaccessible, et mes yeux sont trop faibles pour les fixer sur un objet si brillant et sur un soleil si éblouissant ; ici, vous êtes renfermée dans un corps d’enfant que mes yeux ne peuvent supporter ; je ne pouvais pas voir un Dieu, mais je puis voir un enfant qui vient de naître, et cet enfant est mon Dieu, parce que la plénitude de la divinité habite en lui corporellement. Recevez là mes hommages, ô Sauveur, en attendant que je vous les rende pendant une éternité tout entière sur votre trône de gloire dans le ciel.

Paraphrases affectives sur l’Évangile
Pour s’entretenir pendant le jour et les fêtes de Noël

César-Auguste fit publier un édit pour faire le dénombrement des habitants du monde. (S. Luc, 2)

  1. Vous n’êtes pas encore né, ô divin enfant, que l’ambition démesurée, jointe à l’avarice d’un prince de la terre dont vous étiez le souverain vous-même, vous oblige de quitter votre patrie et de vous exposer à un long et pénible voyage, dans la saison la plus rigoureuse de l’année, pour aller naître en pauvre et en pèlerin dans une terre étrangère ; non dans une maison, comme les plus destitués des biens de ce monde ; mais dans une étable découverte et abandonnée, et sur une pauvre crèche. Quoique renfermé dans le sein de votre divine mère, vous sentiez toute cette disgrâce, vous souffriez avec Marie qui vous portait, vous souffriez avec saint Joseph qui vous conduisait, parce qu’ils souffraient l’un et l’autre pour l’amour de vous, et vous souffriez par obéissance à un prince idolâtre à qui vous n’en deviez pas, parce qu’il était votre créature : quel miracle d’humilité, d’obéissance et d’amour tout ensemble ! Ah ! si vous souffrez de si bonne heure et avant même de voir le jour, quel triste pronostic nous donnez-vous par ces douleurs anticipées de ce que vous allez souffrir dans tout le cours de cette vie mortelle, et avant de consommer le grand ouvrage de notre rédemption sur la croix ! Mais quelle condamnation de ma délicatesse et de ma lâcheté, qui se récrie et qui se révolte à la moindre souffrance ; quoique je mérite de souffrir, parce que je suis pécheur !

Joseph partit avec Marie de Nazareth pour se faire inscrire à Bethléem. (S. Luc, 2)

  1. Adorable enfant, vous partez avec Marie et Joseph parce que vous le voulez ainsi, et vous partez sans aucun délai, malgré les difficultés qui se rencontrent, parce que vous voulez me donner un exemple de la plus prompte obéissance et du plus parfait détachement, non seulement quand il faut se soumettre aux ordres de Dieu, mais encore à ceux des princes de la terre et de tous les supérieurs, quels qu’ils soient ; et, pour obéir comme vous le faites dans ce voyage, vous vous exposez sans balancer à une infinité de fatigues, de rigueurs et de disgrâces. Seigneur, si vous aviez pris naissance dans votre maison paternelle de Nazareth, où le mystère de votre incarnation s’est accompli, vous n’auriez pas été destitué des commodités de la vie dans une occasion si pressante ; mais vous voulez être un enfant d’obéissance et un homme de douleurs, pour me racheter et pour m’apprendre à obéir et à souffrir pour votre amour, et pour satisfaire à votre justice, parce que je suis pécheur.

Malheur à moi si j’oublie cette divine leçon que vous me donnez même avant de naître ! Plaisirs sensuels, attaches imparfaites, je renonce de tout mon cœur à tout ce que vous avez de plus flatteur et de plus séduisant ; révoltes secrètes, délais inventés par la paresse et par l’amour-propre, indépendance, je vous déteste ; mon Jésus, encore renfermé dans le sein de son auguste mère, m’apprend par son exemple que l’on ne mérite la liberté des enfants de Dieu que par l’obéissance, et les plaisirs les plus purs, les plus durables et les plus délicieux de l’autre vie, que par les souffrances, les privations et les mortifications de celle-ci.

Jésus partit de Nazareth pour se faire inscrire à Bethléem. (S. Luc, 2)

III. Vous vous laissez conduire, ô divin enfant, par saint Joseph, et porter par votre divine mère, de Nazareth, votre patrie, à Bethléem ; et vous le faites par obéissance à un prince adorateur des idoles, vous, ô Dieu tout-puissant qui, pour être renfermé dans les bornes étroites du sein d’une Vierge, n’en étiez pas moins la lumière du monde, le conducteur du peuple d’Israël, le Dieu des armées, le Roi des rois, et qui pourriez, si vous le vouliez, le renverser du trône où votre main toute-puissante l’a placé, le confondre et le réduire en poussière ; vous lui obéissez cependant, et aussitôt que son édit paraît ; obéissance qui vous est et qui vous sera dorénavant si chère, que, de peur de la perdre, vous perdrez un jour la vie par le supplice le plus cruel et le plus infâme.

Quel exemple me donnez-vous, ô Dieu sauveur ! et combien l’obéissance me doit-elle être précieuse, puisqu’elle me conduit sûrement à un souverain bonheur, qu’elle me délivre du fardeau insupportable de ma propre volonté, et qu’elle est consacrée et honorée par votre exemple ! Mais, hélas ! quelle punition dois-je attendre de toutes mes désobéissances et de mes révoltes continuelles contre votre grâce, si je ne travaille incessamment à les expier ! Vous obéissez, ô divin enfant, à votre créature, et vous êtes un Dieu tout-puissant ; je désobéis à mon Dieu et à mes supérieurs qui vous représentent, moi qui ne suis qu’une vile créature, qui ne suis que poussière, que corruption et que péché : quel étrange aveuglement !

Joseph partit avec Marie, son épouse, qui était enceinte. (S. Luc, 2)

  1. Divine mère de mon Sauveur, digne dépositaire du plus riche et du plus sacré dépôt qui fut jamais ; char très précieux qui portez dans votre chaste sein le Roi des rois ; lit d’honneur, lit de délices où repose le Sauveur, qui doit être un jour l’époux des vierges, des âmes saintes et de toute l’Église ; temple le plus auguste qui fut et qui sera jamais ; autel sacré où s’est placé un Dieu immortel revêtu de notre chair, qui est la vôtre quant à l’origine, parce que vous en êtes la mère, j’adore avec un profond respect votre divine plénitude, et elle mérite d’être adorée, non seulement de tous les hommes, mais encore de tous les esprits célestes ; vous êtes toute pleine, selon l’esprit et selon la chair, de Celui qui, dans le sentiment du disciple bien-aimé, est plein de grâce et de vérité, parce qu’il est un Dieu, bien que caché sous le double voile de sa chair et de la vôtre : plénitude adorable qui fait à présent toute l’espérance, et qui fera le bonheur de tous les hommes qui ont été, qui sont et qui seront jusqu’à la consommation des siècles, pourvu qu’ils y répondent par leur fidélité.

Plénitude infinie dont je suis sûr de recevoir les sacrés écoulements, si je m’en rends digne. Oui, Vierge sainte, il n’est point sur la terre de sanctuaire plus auguste ni plus respectable que votre sein virginal et maternel tout ensemble, puisqu’il contient un Dieu et un Sauveur, et le Souverain du ciel et de la terre ; rendez-vous favorable ce Dieu immortel que vous portez et que vous allez enfanter pour le salut de tous les hommes, et traduisez-nous du tribunal rigoureux de sa justice à celui de sa divine miséricorde ; vous le pouvez, puisque vous en êtes la mère.

Joseph partit avec Marie, son épouse, qui était enceinte. (S. Luc, 2)

  1. Portez, ô divine aurore, le Soleil de justice jusqu’à son lever ; produisez-nous au plus tôt cette lumière si pure et si brillante, cette lumière éternelle qui n’eut jamais de ténèbres, et qui doit éclairer tous les hommes dans les voies de la justice et du salut ; montrez-nous la face de ce Dieu sauveur que vous nous cachez, et que les Anges souhaitent de voir avec tant d’ardeur, et que les Prophètes appellent le désiré de toutes les nations, et nous serons sauvés ; découvrez à nos yeux cette chair enfantine plus pure que les esprits célestes, qui doit être l’instrument de notre bonheur.

Portez ce céleste et glorieux fardeau jusqu’à Bethléem ; il n’a point de pesanteur qui puisse vous incommoder dans votre voyage, puisqu’au contraire vous serez toujours portée, selon l’expression de saint Bernard, par la grâce et par la vertu divine de l’adorable fils que vous portez vous-même, parce qu’il est un Dieu tout-puissant : Portans a quo portabatur.

Mais souvenez-vous, ô Vierge sainte, que c’est pour nous que vous le portez, et que c’est pour nous aussi bien que pour vous qu’il va naître, vivre et mourir, et opérer ainsi notre rédemption ; il opère la vôtre d’une manière bien plus noble et bien plus sublime, en empêchant que vous ne tombiez ; il va opérer la nôtre en nous relevant de notre chute : rendez-le-nous favorable, ô divine mère ; soyez notre puissante médiatrice auprès de ce souverain médiateur de Dieu et des hommes ; présentez-lui nos vœux, servez-vous de votre autorité de mère auprès de cet adorable fils, pour obtenir que nous renaissions en lui dans ce saint temps par une nouvelle ferveur, et de ne nous en séparer jamais, ni dans le temps ni dans l’éternité.

Le temps auquel Marie devait accoucher arriva. (S. Luc. 2)

  1. Divine Marie, voici enfin l’heureux moment qui va vous combler de gloire et de consolation, qui va finir nos disgrâces, essuyer nos larmes, faire cesser nos soupirs, briser nos chaînes, commencer le bonheur de notre vie, et nous assurer celui de l’éternité. Il y a neuf mois, ô mère incomparable, que vous portez ce premier-né, ce Fils unique de Dieu et le vôtre : il est temps que vous le produisiez aux yeux de toutes les nations, qui soupirent depuis si longtemps après lui ; il est temps qu’il sorte de votre auguste sein, comme un ruisseau sort de sa source pour inonder toute la terre de ses eaux salutaires ; ce fruit de vie est heureusement parvenu à sa parfaite maturité, et il est temps qu’il se détache de lui-même et sans violence de l’arbre précieux qui l’a porté, pour faire la nourriture, les délices et le salut de tous les hommes ; il faut qu’il soit la production miraculeuse d’une virginité consacrée, que vous l’enfantiez avec la même intégrité que vous l’avez conçu, et que le miracle ineffable de l’enfantement soit une suite de celui de la conception ; il faut enfin que cette lumière, source de toute lumière, qui s’est incarnée en vous pour éclairer tous les hommes, procède incessamment de votre sein virginal, comme le rayon du soleil de la nature procède de cet astre, et qu’il pénètre le cristal le plus pur sans l’offenser. Vierge sainte, présentez-lui nos vœux en le mettant au monde, et à présent que vous êtes avec lui dans la gloire, unissez nos adorations aux vôtres, pour les lui rendre plus agréables.

Le temps auquel Marie devait accoucher s’accomplit. (S. Luc. 2)

VII. Donnez au plus tôt, ô Vierge sainte, ce divin Sauveur ; nous attendons avec une amoureuse impatience le bienheureux moment auquel il sortira de votre chaste sein ; divine aurore, donnez-nous incessamment ce Soleil de justice, pour dissiper nos ténèbres par ses divines lumières, et pour purifier et embraser nos cœurs par ses divines ardeurs. Vous en êtes non seulement la dépositaire, parce que Dieu vous l’a confié, et qu’il est renfermé chez vous ; mais il vous appartient, parce que vous en êtes la mère ; et l’on ne peut en disposer sans vous, parce que votre sang est la précieuse matière qui a formé son corps ; le Saint-Esprit même a voulu attendre votre consentement pour ce grand ouvrage, et nous attendons votre enfantement, pour marquer notre joie et pour sortir de notre captivité.

Soyez aussi notre protectrice, ô divine mère, auprès de cet adorable enfant qui fait l’objet de nos désirs, parce qu’il doit être le principe de tout notre bonheur ; nous graverons profondément dans notre esprit et dans notre cœur les obligations essentielles que nous vous avons d’avoir concouru si efficacement par votre amour, par votre consentement, par votre propre sang, par votre propre lait, à nous donner, à nous former et à nous élever ce Dieu sauveur dont vous êtes la mère.

Et Marie enfanta son fils. (S. Luc, 2)

VIII. Enfin, ô divine Marie, vierge plus pure que les Anges, vous venez d’enfanter votre adorable fils, votre Dieu, votre Sauveur et le nôtre ; vous êtes donc cette terre virginale, si féconde en bénédictions, où était renfermé le fruit de la grâce et de la vie de la gloire, pour réparer la faute de nos premiers parents, qui avaient mangé dans le paradis terrestre le fruit d’un arbre qui leur était défendu. Vous venez de nous donner ce fruit précieux qu’il nous est permis de manger pour nourrir nos âmes et pour les préparer à jouir d’un bonheur éternel ; malheur à nous si nous méprisons ce Pain de vie et d’esprit qui nous engraisse de la substance même d’un Dieu vivant, et si nous allons chercher des fruits défendus parmi les mondains et les plaisirs sensuels qu’ils nous présentent, qui ne sont capables que de porter la corruption, le venin et la mort dans nos âmes.

Vous venez de nous donner Jésus-Christ, Fils de Dieu, fils de l’homme, sauveur de tous les hommes ; ce divin Soleil vient de sortir de votre chaste sein, comme de la nuée qui le cachait à nos yeux ; et nous allons marcher plus sûrement à la faveur de cette lumière si brillante. Terre virginale et féconde en fruits de bénédictions, obtenez-nous la grâce de porter des fruits dignes de pénitence : nuée mystérieuse, mettez-nous à couvert, par votre puissante protection, du Soleil de justice que vous venez de mettre au monde, et attirez-nous ses divines miséricordes.

Et Marie enfanta son fils. (S. Luc, 2)

  1. Vierge sainte, qui pourrait connaître en quelle heureuse situation était votre cœur, lorsque après les rebuts d’une ville ingrate, et arrivée dans l’étable de Bethléem, vous nous donnâtes enfin votre adorable fils ? Ah ! si les portes de l’auguste sanctuaire de ce cœur vierge nous étaient ouvertes, comme nous y découvririons de prodiges et de mystères du plus pur et du plus ardent amour ! quels sentiments exquis ! quelle union intime ! quelle prodigieuse élévation ! quelle sublime contemplation ! Quels transports de joie que la langue ne pourra jamais exprimer ! Quelle paix profonde, et de quelles douceurs ineffables n’était-il pas inondé ! Quels pieux excès d’amour vers ce Dieu naissant ! amour d’autant plus pur et plus délicieux qu’il n’était mélangé d’aucun sentiment de douleur que les autres mères éprouvent alors ; car il n’était pas juste, ô mère incomparable, que vous fussiez sujette aux disgrâces des autres femmes, parce que vous étiez mère et vierge tout ensemble, et que Celui dont vous étiez mère était un Dieu ; et il fallait que cette glorieuse exception qui vous était due annonçât à toute la terre que, selon la parole de l’Ange, vous étiez bénie entre toutes les femmes.

Mais, hélas ! cette joie si pure et si sainte va bientôt être mélangée de douleurs par une prophétie sanglante qui sortira de la bouche de Siméon, et vous connaîtrez trop clairement que ce cher fils ne remplira la signification du nom de Jésus qu’en répandant un jour, pour le salut des hommes, le même sang dont le vôtre est le principe et l’origine.

Et Marie enfanta Jésus. (S. Luc, 2)

  1. Divine mère, vous venez de mettre au monde le Sauveur de tous les hommes, et ce Sauveur est votre fils ; il n’est pas sorti de votre cœur, et il ne cesse pas d’être à vous ; il est à présent sous vos yeux, et il fait l’objet de vos complaisances ; vous avez l’honneur de l’embrasser, de lui donner mille tendres et chastes baisers ; vous le serrez étroitement sur l’auguste sein qui l’a porté, et où il a été formé, et vous le nourrissez à présent de votre propre substance, en lui donnant le lait d’où dépend la vie de l’Auteur même de la vie.

Jouissez donc à présent de ses premières tendresses ; tout Dieu qu’il est, il vous les doit, parce qu’étant sa mère, et que n’ayant point d’homme pour père, il vous est redevable à vous seule de tout son corps et de tout son sang.

Soyez aussi, Vierge très pure, dans l’heureux moment de sa naissance la première de ses adoratrices, comme vous êtes la première et la plus parfaite de ses amantes ; il n’y a que vous seule sur la terre qui soyez en droit d’adorer votre propre production ; ce qui serait dans toutes les autres créatures une idolâtrie abominable est pour vous un culte légitime qui mérite des couronnes immortelles, parce que vous êtes non seulement la mère d’un homme, mais la mère d’un Dieu ; et dans cette glorieuse qualité, les Anges du ciel et les rois de la terre ne seront admis qu’après vous à rendre leurs hommages et leurs adorations à ce divin Sauveur.

Et Marie enfanta son fils. (S. Luc, 2)

  1. Quel honneur et quelle glorieuse distinction pour vous, ô divine Marie, de trouver dans votre propre sang, et l’objet de vos légitimes adorations, et la matière, et l’instrument, et l’auteur de votre propre rédemption, en mettant Jésus-Christ au monde, parce qu’il est, et votre fils, et votre Dieu, et votre Sauveur ! Vous aurez ainsi la consolation, et pendant tout le cours de votre vie, et pendant une éternité tout entière, d’adorer le fruit de votre chaste sein, d’avoir concouru à sa production en unité de principe, sans qu’aucun des mortels puisse partager avec vous cet avantage ; vous serez rachetée par ce même sang qui, avant de couler dans les veines de votre adorable fils, a coulé auparavant dans les vôtres.

Votre rédemption est infiniment plus glorieuse que celle de tous les hommes ; elle prévient la chute en vous pour l’empêcher, et vous n’aurez jamais de péchés à pleurer, pendant que nous ne pouvons offrir à Dieu qu’une liberté dont le péché a souillé les prémices. Voilà, Vierge sainte, le glorieux privilège que vous donne ce fils incomparable dont vous êtes la mère. Mais ressouvenez-vous aussi que vous êtes non seulement la mère de Dieu, mais encore celle de tous ceux qui sont rachetés du sang de votre fils, dont j’ai l’honneur d’être du nombre. La qualité d’enfant me donne par conséquent la confiance et même le droit de participer à tous vos biens spirituels, d’adopter les adorations que vous rendez à Jésus-Christ dans la crèche, d’y joindre les miennes ; et cette union, qui m’est si avantageuse, rendra mes hommages plus agréables à votre divin enfant.

Et Marie enfanta son fils. (S. Luc, 2)

XII. Mère incomparable, je vous vois dans l’étable, prosternée aux pieds de Jésus, dans le moment qu’il est sorti de votre chaste sein, dans la plus humble posture et comme la plus petite et la plus chétive de toutes les créatures, quoique vous en soyez la mère ; aussi est-il votre Dieu et votre fils en même temps, et l’adoration que vous lui rendez, quoique vous soyez la plus sublime de toutes les créatures, m’apprend ce que je dois à mon Dieu et à mon Sauveur. Mais allez plus loin, Vierge sainte, livrez-vous tout entière à vos doux transports de joie et d’amour : prenez ce divin enfant entre vos bras ; faites-lui, après l’avoir adoré, les caresses les plus tendres que votre amour maternel pourra vous inspirer ; serrez étroitement ce divin et cher enfant sur votre sein maternel ; unissez votre bouche de mère à la sienne par mille chastes baisers.

Vous avez plus de droit de le faire que l’épouse des sacrés Cantiques, qui avait bien la hardiesse de le demander à son époux ; c’est votre privilège, pendant que nous autres pécheurs nous nous tiendrons trop honorés qu’il nous souffre humblement prosternés à ses pieds enfantins ; prenez donc cet enfant, comme disait la fille de Pharaon à la mère du jeune Moïse, et nourrissez-le-moi, afin qu’il soit un jour en état de me faire entendre les divins oracles qui sortiront de sa bouche, de m’apprendre le chemin du ciel, et de consommer le grand ouvrage de ma rédemption.

Marie, ayant emmailloté Jésus, le coucha dans une crèche. (S. Luc. 2)

XIII. Dieu tout-puissant, quoi ! vous emmailloter – vous qui êtes la force même et le soutien des faibles ! – envelopper vos petits membres, les serrer, les retenir, les contraindre dans des langes, ainsi prisonniers comme ceux d’un enfant privé de raison ! vous, ô mon Dieu, qui êtes l’auteur de la liberté ; vous, ô mon divin libérateur, qui délivrez les captifs qui ont recours à votre puissance ; vous, ô adorable enfant, qui êtes venu sur la terre pour rompre nos liens et pour briser nos chaînes, et pour nous délivrer de la cruelle tyrannie du péché, de la mort et de l’enfer ; vous, dont le bras tout-puissant arrête la fureur de la mer et lui prescrit des bornes qu’elle n’ose passer, abat et désarme les tyrans les plus redoutables, brise les sceptres, renverse les trônes des plus puissants monarques qui osent vous résister, détruit en un moment les armées les plus nombreuses et les plus formidables, et qui avez toujours triomphé de tous mes ennemis, et par qui seul les vrais héros triomphent !

Je vous adore, Seigneur, qui êtes le Dieu de force ; je vous adore dans votre étable, sur votre crèche et dans vos petits langes, comme un captif volontaire et comme un prisonnier d’amour. J’adore votre toute puissance cachée sous les voiles mystérieux de cette faiblesse dans laquelle vous avez voulu paraître ; et je vous dirai avec votre grand Apôtre que je ne serai jamais plus fort que quand je vivrai sous le joug de votre loi, et quand je serai captif pour l’amour de vous.

Marie, ayant emmailloté Jésus, le coucha dans une crèche. (S. Luc, 2)

XIV. Ah ! divin enfant, quel prodige d’humilité et quel miracle d’amour de vous laisser emmaillotter de pauvres langes ; de vous laisser réduire dans une captivité si humiliante pour un Dieu ; de nous cacher ces bras tout-puissants dans leur faiblesse apparente, qui pourraient dans un instant renverser le ciel et la terre ; ces mains qui vont être les ouvrières de tant de prodiges, éclairer les aveugles et guérir tous les malades ; ces pieds enfantins dont j’adorerai les sacrés vestiges, et qui feront tant de démarches et tant de voyages de charité, pour aller chercher les pécheurs, pour les éclairer dans les voies du salut, et pour les faire marcher dans celles de la justice !

Vous voulez, ô adorable Sauveur, commencer votre vie mortelle et la finir par la captivité ; dans les prémices, je ne vois que des langes, il est vrai ; mais en fallait-il davantage à un enfant nouveau-né pour en faire un prisonnier ? Hélas ! à la fin de votre vie, je verrai des cordes cruelles ; de petits langes vous serrent à présent le corps à votre naissance, des cordes vous meurtriront les mains, les bras, et vous serreront tout le corps dans le jardin des Oliviers pour vous conduire aux tribunaux et dans les prisons ; et l’une et l’autre captivité seront l’ouvrage de votre amour et de mes péchés, dont vous vous êtes plaint par votre Prophète, quand vous lui avez fait dire : Les chaînes des pécheurs m’ont cruellement embarrassé : Funes peccatorum circumplexi sunt me (Ps. 118) ; et c’est à ce prix, ô divin Libérateur, que vous opérerez ma rédemption et que vous briserez les chaînes de mes péchés.

Et elle le coucha dans une crèche. (S. Luc, 2)

  1. À quelles rigueurs excessives vous exposez-vous pour l’amour de moi, et dès le premier moment de votre naissance, ô adorable enfant ! Quoi ! au sortir du sein virginal de l’auguste Marie, où vous aviez séjourné l’espace de neuf mois, et dans la délicatesse où vous étiez alors, vous coucher sur du foin dans une pauvre étable abandonnée et découverte, dans la saison la plus rigoureuse et au milieu de la nuit ! Ah ! Seigneur, que cet événement prodigieux me surprend, me pénètre, m’humilie, confond ma délicatesse et m’ouvre les yeux pour me faire connaître que je ne puis gagner le ciel, ni porter dignement le nom de chrétien, ni vous marquer mon amour, que je ne vous imite dans vos souffrances !

Quel est l’enfant de la plus pauvre de toutes les femmes de la terre qui fut jamais exposé à une si dure nécessité ? Les autres enfants, quoique couchés sur la plume, ne laissent pas de pousser des cris après leur naissance, parce que, quelque précaution qu’on y apporte, ils souffrent toujours, quoiqu’ils ne puissent pas s’exprimer autrement sur leurs douleurs. Mais vous, ô mon Dieu, que ne souffriez-vous pas ! Quoi de plus délicat et de plus susceptible de douleur que la chair d’un enfant nouveau-né, quand elle est exposée à la rigueur du froid ? C’est ce qui faisait de vous par avance un homme de douleurs. Que ce spectacle est touchant ! qu’il est intéressant pour ceux pour lesquels vous souffrez ! qu’il est capable de m’attendrir, de réformer ou de confondre ma lâcheté et ma délicatesse ! Divin enfant, apprenez-moi à souffrir et à me fortifier pour votre amour.

Parce qu’il n’y avait point de place pour eux dans l’hôtellerie. (S. Luc, 2)

XVI. Je vois ici avec une extrême douleur, ô divin enfant, et saint Joseph, votre zélé conducteur qui vous tenait lieu de père, et la Vierge sainte, votre divine mère, chercher avec empressement de porte en porte, dans Bethléem, un asile pour vous procurer une naissance plus commode qu’une étable et qu’une crèche ; mais leur extrême pauvreté trop marquée ne leur attire que des rebuts et des mépris de tous les habitants de cette ville ingrate, malgré le pressant besoin où ils étaient. Ah ! Seigneur, qui êtes la grandeur même, à quelle humiliation et à quelle fâcheuse extrémité vous exposez-vous, avant même de naître, dans la personne de vos parents.

Car, en effet, parmi cette foule de voyageurs qui allaient se faire inscrire par l’ordre de César, combien de scélérats et de gens de néant furent-ils logés préférablement à vous, qui étiez le Roi des rois, le Saint des saints, et un Dieu tout-puissant ! Vous sentiez, ô divin enfant, quoique renfermé dans le sein de Marie, une préférence si indigne et si injuste. Vous la souffriez pour mon instruction et pour mon amour, et vous l’offriez déjà à votre Père céleste pour l’expiation de mes péchés, et pour commencer, en venant au monde, le grand ouvrage de ma rédemption ; c’était aussi pour m’apprendre à souffrir pour votre amour tous les rebuts de la part de la créature, toutes les disgrâces de la pauvreté, en me persuadant que je ne suis rien et que je ne mérite rien, parce que je suis pécheur, et que je ne suis qu’un étranger sur la terre.

Il n’y avait point de place pour eux dans l’hôtellerie. (S. Luc, 2)

XVII. Que ce refus, ô mon divin Jésus, me paraît affreux et injuste, puisqu’il est fait à un Dieu tout puissant, qui pouvait confondre ces indignes citoyens, et faire descendre dans le moment le feu du ciel pour réduire en cendres et cette ville ingrate et tous ses habitants ! Mais aussi qu’il renferme de mystères, d’instructions et de consolations pour mon âme, si je suis assez fidèle et assez généreux pour suivre l’exemple de mon Jésus dans la pratique et dans l’amour de la pauvreté ! Je comprends par cette conduite si mystérieuse, dit saint Ambroise, que, pendant que vous vous voyiez si indignement traité, ô mon Jésus, d’une Bethléem terrestre et ingrate, votre ardente charité, qui mettait tout à profit pour mon salut, s’occupait alors, dit ce saint docteur, à me préparer une demeure abondante et délicieuse dans le ciel.

Peut-être aussi, ô mon charitable Sauveur, prétendiez-vous par là me toucher le cœur, et y faire naître la compassion de votre pauvreté et des injustes refus qu’elle vous attirait des hommes, qui ne se gagnent que par l’éclat, et m’engager tendrement à vous présenter mon cœur, pour y prendre une naissance spirituelle par votre grâce et par mon amour. Entrez-y dans ce cœur, ô divin enfant ; rendez-le digne de vous servir, non pas d’une étable incommode et destituée de toutes choses, mais de temple, de sanctuaire et d’autel, où vous soyez servi, adoré et aimé constamment jusqu’au dernier soupir de ma vie et pendant toute l’éternité.

Il n’y avait point de place pour eux dans l’hôtellerie. (S. Luc, 2)

XVIII. Je m’aperçois, ô divin enfant, que je sens de l’indignation dans mon cœur contre cette ville ingrate et contre ses habitants, si dépourvus de sentiment d’humanité, qui eurent la dureté de vous refuser le couvert dans votre extrême besoin ; mais, hélas ! je n’ai qu’à rentrer dans moi-même ; si je me rends toute la justice que je mérite, je dois convenir que c’est moins contre eux que contre moi que je dois tourner toute ma haine et mon indignation. Ces habitants ne vous connaissaient pas, ils ne savaient pas que Marie était vierge et mère tout ensemble, et qu’elle portait dans son chaste sein et leur Dieu et leur Sauveur, et le Messie qu’ils attendaient, qu’ils désiraient, et que leurs Prophètes leur faisaient espérer depuis tant de siècles ; et moi, Seigneur, je sais que vous êtes le Dieu vivant, mon Créateur, mon Juge, mon Sauveur, l’Auteur de la vie, et qu’en vous possédant chez moi, je possède la source de tous les trésors ; et cependant j’ai refusé mille fois de vous ouvrir la porte de mon cœur pendant que vous y frappiez par les sollicitations de votre grâce ; et ce cœur, je l’ouvrais à vos ennemis et aux miens, c’est-à-dire à des souvenirs dangereux, à des sentiments imparfaits, à des attaches déréglées pour les créatures.

Pardonnez, Seigneur, mes refus et mes désobéissances ; entrez dans mon cœur, prenez-en une entière possession, soyez-en le maître absolu ; il est à vous sans réserve et sans partage, et les portes n’en seront jamais ouvertes qu’à vous seul ; demeurez-y, purifiez-le, embrasez-le de vos divines ardeurs, prenez-y une nouvelle naissance, consacrez-le et n’en sortez jamais.

Il y avait aux environs des pasteurs qui veillaient sur leurs troupeaux. (S. Luc, 2)

XIX. À peine êtes-vous sorti de l’auguste sein de Marie, ô enfant de grâces et de prodiges, que vous commencez déjà la glorieuse fonction de Sauveur ; ne pouvant vous annoncer vous-même par votre bouche, parce que vous l’avez condamnée au silence pour vous conformer aux autres enfants, vous substituez des intelligences célestes à votre impuissance, et vous les envoyez d’abord, non à des riches, mais à de pauvres bergers ; non à des grands du monde, mais à ceux de la plus basse condition ; et c’est ainsi, ô Dieu tout-puissant, qui êtes la grandeur même et la source de tous les trésors, que vous préférez la pauvreté aux richesses, la bassesse à la grandeur, et la houlette au sceptre.

Ces pauvres pasteurs veillaient à la garde de leurs troupeaux ; une lumière éclatante les environne, ils sont effrayés, ils craignent. L’Ange les rassure, il leur annonce votre naissance, il leur désigne le lieu, il dit qu’ils trouveront un enfant emmailloté et couché sur une crèche, et ils marchent dans le moment ; ils quittent leurs troupeaux pour vous venir adorer. C’est autant pour moi que pour eux, ô adorable Sauveur, que cette lumière brille, que cet Ange paraît et qu’il parle ; mais donnez-moi la même fidélité pour y répondre, et que rien ne me puisse arrêter dorénavant quand il sera question d’obéir à l’attrait de votre grâce.

Il y avait aux environs des pasteurs qui veillaient sur leurs troupeaux. (S. Luc, 2)

  1. Adorable enfant, vous avez beaucoup plus fait pour moi que pour ces pauvres pasteurs qui veillaient pendant la nuit sur les troupeaux qui leur étaient confiés ; et il s’en faut bien que j’aie été aussi attentif et aussi docile à la voix de votre grâce, et aussi fidèle à y répondre par ma prompte obéissance. J’ai vu la lumière comme eux, lumière bien plus précieuse et bien plus multipliée, puisque vous m’avez montré tous les jours, et ce que je devais croire, et ce que je devais faire pour prendre le chemin de votre crèche qui conduit infailliblement au ciel ; vous m’avez fait connaître tout ce que vous avez fait pour moi depuis votre naissance jusqu’à votre mort ; votre Évangile, que vous m’avez laissé, est la source d’où je puis tirer tous les jours les plus pures lumières pour régler ma conduite, puisque j’y lis tout ce que vous avez dit et tout ce que vous avez fait pour m’instruire et pour me sauver. L’Ange ne leur a parlé qu’une fois, et j’ai entendu mille fois votre voix, tantôt aux oreilles de mon corps par les prédicateurs, tantôt à celles de mon cœur par les sollicitations de votre grâce ; et, au lieu de veiller pour vous entendre et pour vous obéir, je me suis laissé abattre au sommeil de la paresse, et je ne veillais que pour entendre la voix pernicieuse du monde.

Réveillez mon âme de son assoupissement, ô divin Jésus, conduisez-moi vous-même à votre crèche ; souffrez que j’y demeure à vos pieds pour vous adorer ; parlez-y souvent à mon âme, et donnez-moi assez de docilité de cœur pour profiter de vos divines leçons.

Ne craignez point, je vous annonce une nouvelle qui fera le sujet d’une grande joie : c’est qu’il vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. (S. Luc, 2)

XXI. Quelle plus agréable nouvelle un esclave peut-il entendre, lorsque, chargé de fers, on vient lui annoncer l’arrivée d’un puissant libérateur qui vient briser ses chaînes, le délivrer de l’esclavage, et lui procurer une entière liberté ! Quel sujet de joie pour ces pauvres pasteurs qui sont ici préférés aux têtes couronnées, invités les premiers, et par des esprits célestes, à la visite et à l’adoration du Sauveur !

Quel sujet de joie pour les vrais Israélites et pour tous les hommes qui attendaient le Messie, d’apprendre que leur commun libérateur avait pris naissance ! Vous faites, Seigneur, la joie de toutes les nations ; ne ferez-vous pas aussi la mienne ? Aurai-je le malheur d’y être insensible et de n’y prendre point de part, pendant que les païens mêmes y trouvent leur bonheur, et de trouver la mort où les autres trouvent la vie ?

Mais au milieu de tant de sujets de joie n’ai-je point quelque sujet de tristesse ? Ai-je profité comme je le devais de la naissance de mon Sauveur et de mon Dieu ? Ai-je pris une nouvelle naissance avec lui par une piété plus fervente ? Cette naissance de mon Jésus enfant fait-elle, dans le fond de mon cœur, toute l’impression de cette joie spirituelle qu’elle y devrait faire, si je sentais comme je le dois le poids de mes chaînes, qui sont mes péchés, et le bonheur de ma rédemption ? Rendez-moi plus sensible, ô mon divin Sauveur, aux vrais intérêts de mon âme et à l’excès de vos bontés.

Voici les signes auxquels vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant. (S. Luc, 2)

XXII. Quels signes étranges nous donnez-vous, Anges du ciel, pour nous marquer la naissance du Roi des rois ! Tout brille d’illuminations et de feux de joie à la naissance d’un prince mortel ; la nuit la plus obscure le dispute en clarté au plus beau des jours, quoique ce ne soit qu’un homme et qu’un pécheur ; et je ne vois ici aucun flambeau, sur cette pauvre étable, qui marque qu’un Dieu sauveur a pris naissance, quoique la foi me dise qu’il est lumière de lumière, le soleil de justice et le flambeau qui éclaire le ciel et la terre, et qu’enfin il est engendré dans la splendeur des saints. On relève la naissance d’un prince de la terre par des noms pompeux et par des titres de grandeur qui lui sont préparés avant même de naître, et vous me dites seulement que je trouverai un enfant ; l’or, la broderie et tout ce qu’on peut trouver de plus riche et de plus magnifique brillent aux langes et aux berceaux des enfants des rois de la terre, et je ne vois ici que de la paille et de pauvres langes ; enfin de superbes palais retentissent de cris de joie et d’acclamations, tout est ici dans un profond silence ; Joseph et Marie, qui font toute la cour de ce Roi du ciel dans sa naissance, sont dans un trou de terre et dans une solitude affreuse, et Jésus n’est posé que sur une crèche, au milieu de deux animaux dans une étable champêtre et abandonnée. Ah ! divin Sauveur, quelle différence ! quelle humilité et quel amour !

Vous trouverez un enfant. (S. Luc, 2)

XXIII. Dieu tout-puissant, Souverain du ciel et de la terre, est-ce ici vous-même ? et après un si étrange et si prodigieux déguisement, puis-je vous reconnaître et me flatter de ne pas me tromper par la situation faible et humiliée où je vous vois ? Mon esprit et mes yeux ne peuvent ici s’accorder que par le secours d’une foi aveugle. Rassurez-moi, divin enfant, vous qui êtes la source des lumières. La foi me dit que vous êtes un pur esprit, et mes yeux me disent que vous êtes un Dieu corporel, ce que ma raison toute seule ne peut accorder ; la foi me dit que les vastes espaces du ciel et de la terre ne peuvent vous contenir, à cause de votre immensité, et mes yeux vous voient dans un petit corps d’enfant borné de tous côtés ; la foi me dit que votre trône est céleste et environné de Séraphins qui chantent incessamment des cantiques à votre gloire, et je vous vois sur une crèche au milieu d’un bœuf et d’un âne ; vos divins oracles m’apprennent que votre bras est un bras tout-puissant, et je ne vois ici que de petits bras d’enfant qui n’ont aucune force ; encore sont-ils prisonniers et serrés dans un lange comme ceux des autres enfants.

Ah ! divin enfant et Dieu tout-puissant, vous êtes cependant le même. Oui, vous êtes mon Dieu, et un Dieu d’autant plus fort que vous avez épousé ma faiblesse ; d’autant plus aimable que votre amour pour moi vous a plus humilié. Apprenez-moi donc à vous aimer comme je le dois, pour répondre à vos bontés, qui sont infinies, et vous aimer sans partage jusqu’au dernier soupir de ma vie.

Vous trouverez un enfant. (S. Luc, 2)

XXIV. Quel étonnant spectacle nous donnez-vous dans une étable et sur une crèche, ô divin Jésus ! Quelle incompréhensible énigme présentez-vous ici à mon âme ! Je vois en vous un Dieu et un enfant, la grandeur et la bassesse, la lumière et les ténèbres, la toute-puissance et la faiblesse, la gloire et l’infamie, la source des trésors et la pauvreté ; et c’est dans vous seul, divin enfant, que se rassemblent des extrémités si opposées. Je vous vois dans la douleur et dans les larmes, vous qui jouissez de Dieu, et qui faites la joie et le bonheur des Anges et des hommes.

Vous paraissez et vous êtes en effet un enfant qui venez de naître, et je sais que vous êtes de toute éternité ; votre bouche enfantine garde le silence, je sais cependant que vous êtes la Parole vivante du Père céleste, et que c’est vous qui ouvrez la bouche à tous les Prophètes ; je vous vois réduit dans un extrême besoin, c’est vous cependant qui trouvez dans le fonds d’une providence inépuisable, que vous faites agir vous-même, de quoi fournir tous mes besoins.

Divin enfant, vous êtes sur une crèche comme sur le centre amoureux où se réunissent les choses les plus opposées, et ce sont autant de miracles que vous n’opérez que parce que vous m’aimez ; soyez donc aussi le centre de mon cœur ; attirez-le efficacement à vous, afin qu’il demeure en vous, qu’il y demeure, qu’il s’y repose et qu’il apprenne, dans votre sacré cœur, comment il faut vous aimer.

Vous trouverez un enfant. (S. Luc, 2)

XXV. Que faites-vous dans votre étable et sur votre crèche, ô divin enfant ? développez-nous ce mystère si intéressant pour notre bonheur, et où votre amour pour nous a tant de part ? Y êtes-vous à la manière des autres enfants, dont l’esprit est incapable de raisonner et même de penser, et le cœur de sentir et d’aimer ? Y êtes-vous dans l’inaction, dans l’impuissance et dans l’insensibilité ? Ouvrez à notre foi, à notre intelligence et surtout à notre cœur, les portes de ces deux sanctuaires de votre esprit et de votre cœur, renfermés dans un faible corps d’enfant, pour connaître, pour sentir, pour aimer et pour adorer ce qui s’y passe en notre faveur, afin d’en profiter et d’en tirer des motifs d’une tendre reconnaissance.

Vous me faites entendre, ô adorable enfant, qu’étant un Dieu sous le voile de l’enfance, votre esprit est un abîme de science et de sagesse, qui contient et qui cache tous ses trésors aux yeux des hommes par une humilité profonde ; vous adorez votre Père céleste en esprit et en vérité, vous lui rendez vos hommages et vos adorations, tout Dieu que vous êtes, et vous vous offrez à lui en sacrifice pour mon amour.

Votre cœur, mille fois plus ardent que tous les Séraphins, brûle d’un amour ineffable et pour ce Père adorable et pour moi, puisqu’il vient se sacrifier pour me donner la vie de la grâce et la vie de la gloire. Que vous rendre, ô divin enfant, pour reconnaître tant de bonté ? Vous voulez seulement que je vous aime ; quoi de plus juste !

Vous trouverez un enfant. (S. Luc. 2)

XXVI. Vous êtes caché dans une pauvre étable, ô divin enfant, et vous y paraissez, aux yeux de tout le monde, faible et désarmé ; mais cependant, quand j’ouvre les yeux de la foi sur ce qui se passe et sur ce que vous faites, j’y découvre des marques si éclatantes de votre grandeur, de votre puissance et de votre divinité, que je n’hésite pas un moment à vous adorer comme mon Dieu ; et mes respects et mon amour augmentent à mesure que je vous vois plus faible et plus humilié.

Tout faible enfant que vous êtes, vous créez une étoile brillante dans le ciel, qui l’emporte en clarté sur celles de tout le firmament, et, par ce météore miraculeux et nouveau, vous attirez des philosophes, vous détachez trois souverains de leur trône, pour vous faire hommage de leurs diadèmes et de leurs personnes, comme à leur premier souverain, et pour vous adorer comme leur Dieu ; vous appelez de pauvres pasteurs qui quittent leurs troupeaux pour vous reconnaître comme le Messie ; les Anges du ciel quittent dans l’instant ce délicieux séjour pour venir dans votre étable chanter des cantiques à votre gloire ; et c’est ainsi, ô divin Jésus, que le ciel et la terre ne peuvent résister à votre attrait, quoique vous paraissiez dans la dernière faiblesse.

Attirez-moi efficacement à vous, ô admirable enfant ; soyez le céleste aimant de mon cœur de fer, touchez-le, amollissez-le, inclinez-le ; permettez que, pour donner plus de mérites à mes adorations, je les unisse à celles des Anges, des pasteurs et des rois, et que je ne fasse, avec ces saints adorateurs, qu’un esprit, qu’un cœur et qu’une voix.

Vous trouverez un enfant. (S. Luc. 2)

XXVII. Quelle prodigieuse humiliation, ô Dieu tout-puissant, de vous être fait homme pour notre amour, de vous être revêtu d’une chair fragile semblable à la nôtre, et sujette à toutes les misères qui en sont inséparables, excepté le péché, vous qui pouviez nous racheter sans vous exposer à tant de disgrâces et à tant de souffrances ; mais surtout quel excès de bonté, de vous être fait enfant ! Ah ! c’est ici le comble et le miracle de votre amour, que je ne puis assez admirer ni assez reconnaître. Ah ! si vous n’étiez pas un Dieu, l’enfance ne vous humilierait pas à l’excès ; car l’homme, en naissant, loin de perdre, acquiert l’être qu’il n’avait pas, et loin que son enfance lui soit à charge, il y acquiert, par la succession des années, un accroissement de grandeur qui ne lui était pas due ; d’ailleurs, cette enfance n’est pas pour lui une disgrâce, parce qu’étant privé de raison, il ne la sent pas avec réflexion.

Mais vous, ô mon Sauveur, comme votre enfance est jointe à une souveraine raison dont vous avez le parfait usage, vous en sentez toute la disgrâce ; cette humiliation se montre tout entière à votre esprit, vous la souffrez généreusement et dans le silence sans vous plaindre, et l’amour infini que vous avez pour les hommes vous met volontairement et avec réflexion dans cet état si humiliant et tout à fait indigne de votre souveraine grandeur.

Après cet exemple héroïque d’une humilité profonde, refuserai-je, moi, vile créature, qui ne suis qu’un ver de terre, qu’une boue animée et qu’un néant vivant, de m’humilier en vue de mes misères et pour l’amour de mon Dieu ?

Vous trouverez un enfant. (S. Luc, 2)

XXVIII. Esprits célestes, j’entends votre voix ; et si elle ne frappe pas les oreilles de mon corps par un son articulé, elle frappe celles de mon esprit et de mon cœur ; comme elle s’adresse à moi aussi bien qu’aux pasteurs qui veillaient à la garde de leurs troupeaux, je m’y rends, j’y obéis, je m’unis à eux pour aller à Bethléem adorer Jésus. Vous me le désignez avec trop de précision pour me tromper, quand vous me dites que je trouverai un enfant emmailloté dans une étable et couché sur une crèche ; j’irai en leur compagnie pour lui rendre mes hommages et pour l’adorer, persuadé qu’il est mon Dieu, mon Souverain et mon Sauveur ; il faut des adorations à un Dieu, des hommages à un Souverain, et une tendre reconnaissance pour un Sauveur.

Je vais dans une pauvre étable voir un enfant couché sur du foin : ah ! ma raison toute seule semble ici condamner mon empressement, en me remontrant que je ne dois pas entreprendre un voyage pour un si petit objet en apparence ; mais un Ange parle, sa voix a quelque chose de plus imposant que celle des hommes ; il est du ciel, il vient de Dieu ; mon esprit est étonné, mon cœur est ému, la foi se réveille, c’est elle qui me conduira, c’est par les yeux de la foi que cette étable et que cette crèche me paraîtront plus augustes et plus respectables que les palais des rois, et que je verrai ce Dieu, ce Souverain et ce Sauveur caché sous les voiles de l’enfance. Ô divin enfant, je vous adore et je veux vous aimer de tout mon cœur ; faites-moi la grâce de devenir enfant avec vous, pour mériter d’avoir part à votre rédemption et à votre royaume, que vous avez promis aux enfants.

Vous trouverez un enfant. (S. Luc, 2)

XXIX. Allez à la crèche, ô mon âme, et allez-y avec une foi vive et une piété pleine d’ardeur ; l’Ange du Seigneur, en y appelant les pasteurs des environs, vous y appelle aussi ; vous y trouverez un enfant, dit cet esprit céleste ; mais cet enfant est le même Dieu tout-puissant qui a créé le ciel et la terre ; ainsi vous serez agréablement dédommagée et glorieusement récompensée de votre obéissance. Dans cet admirable enfant, vous trouverez un docteur éclairé qui vous instruira de ce que vous devez penser, de ce que vous devez aimer, de ce que vous devez faire pour vous conduire au bienheureux terme auquel vous aspirez ; il vous apprendra que l’homme, qui n’est rien, ne doit pas s’élever, quand Dieu, qui est la grandeur même, s’abaisse pour son amour à l’humble qualité d’enfant.

Approchez-vous sans crainte de cette crèche : les mains de l’adorable enfant qui y repose, comme sur son trône de grâce et d’amour, ne sont plus armées de foudres, mais elles sont serrées de petits langes, et elles ne sortent de cette faible prison que pour vous caresser ; vous ne verrez dans ses yeux enfantins aucune marque de hauteur, de colère ou d’indignation, mais, au contraire, des signes évidents de sa bonté et de sa tendresse ; les larmes qu’ils répandent sont des preuves que vos misères le touchent, qu’il n’est venu dans cette humble qualité que pour les porter et pour vous en délivrer.

Divin enfant, j’obéis à vos ordres ; je m’approche, recevez-moi ; je vous adore avec un profond respect, comme mon Dieu ; je vous aime de toute la tendresse de mon cœur, comme mon Sauveur.

Vous trouverez un enfant. (S. Luc, 2)

XXX. Ne dirait-on pas, ô enfant adorable, en vous voyant emmailloté de ces pauvres langes, que vous êtes faible comme les autres enfants, vous qui êtes un Dieu tout-puissant ? Oui, Seigneur, vous êtes faible, et vous ne l’êtes que parce que vous le voulez ; j’adore et j’aime cette faiblesse, parce qu’elle est la preuve de votre amour pour tous les hommes, que vous voulez sauver.

Je comprends même que je suis plus redevable à votre faiblesse qu’à votre force ; par votre force et par votre puissance vous m’avez tiré du néant de l’être ; mais par votre faiblesse, ô adorable Rédempteur, vous m’avez tiré du néant du péché. Sans votre force je ne serais pas au monde ; mais, sans votre faiblesse, je gémirais encore dans la cruelle captivité du péché, de la mort et de l’enfer ; je n’aurais aucun droit au céleste héritage, ni aucune lumière, ni aucun secours pour m’y conduire, ni aucune grâce pour le mériter ; les portes m’en seraient toujours fermées, sans aucune espérance d’y pouvoir jamais entrer.

Faiblesse de mon Jésus enfant, langes sacrés qui retenez tout son corps dans la captivité, je vous respecte, je vous adore, non seulement parce que vous avez l’honneur de toucher la chair adorable de mon Sauveur, mais encore parce que, la retenant dans la captivité, vous me marquez qu’il s’est fait prisonnier, dès son enfance, pour mon amour, et qu’il a volontairement épousé ma faiblesse, pour me revêtir de sa force qui est divine.

Vous trouverez un enfant dans les langes. (S. Luc, 2)

XXXI. Vos pauvres langes, ô adorable enfant, me touchent de compassion, ils m’instruisent et ils condamnent l’attachement que j’ai aux commodités de la vie. « Vous en vouliez faire, dit le dévot saint Bernard, un signe sacré et un étendard, pour ramener les délicats du siècle et les avares, et les engager à vous suivre sous les enseignes de la mortification et de la pénitence ; mais, hélas ! ils sont devenus à présent un signe de contradiction aux gens du monde, qui n’ont que l’avarice, le luxe et la mollesse pour partage. » « Âme mondaine, s’écrie saint Jérôme ; ne craignez-vous point que ce divin enfant, si pauvre, si humble et si mortifié dans sa naissance, ne fasse retentir sa voix du milieu de sa crèche, et qu’à cette voix enfantine il ne substitue une voix de tonnerre, pour vous reprocher tant de délicatesses et tant de vaines parures aux dépens de la modestie et de la pauvreté ? »

Dieu tout-puissant, devenu enfant pour mon amour, je vais dorénavant respecter les pauvres langes dont votre corps adorable est environné ; je veux qu’ils me servent de modèle et de motif pour réformer le luxe et la vanité dont je puis avoir été coupable ; je me dirai souvent à moi-même avec confusion : « Voilà, vile et orgueilleuse créature, dont le corps n’est que boue, ordure et corruption, de quoi te confondre ; chercheras-tu dorénavant les étoffes les plus précieuses pour le couvrir, pour l’orner et pour plaire aux yeux des mortels, pendant que le corps enfant de ton Sauveur et de ton Dieu n’est couvert que de pauvres langes ?

Vous trouverez un enfant dans les langes et couché dans une crèche. (S. Luc, 2)

XXXII. Une étable, de la paille, du foin, une crèche, voilà, ô Roi des rois, le superbe palais, voilà, ô divin et aimable enfant, le lit magnifique et délicieux où reposera, pendant quelques jours, votre corps délicat, à la sortie de l’auguste sein de votre divine mère ; voilà les ameublements magnifiques qui font tout l’éclat et tout le brillant de vos appartements, à vous qui êtes un Dieu et le souverain Maître de tous les monarques de la terre ; voilà où vous et votre divine mère pouvez recevoir et admettre à votre audience trois rois, qui viennent au nom de tous les gentils contracter une alliance avec vous : audience la plus auguste qui fut jamais, puisque c’est un Dieu qui la donne, et trois souverains qui y sont admis ! alliance la plus solennelle et la plus intéressante qui se soit jamais contractée, puisqu’elle est éternelle, et qu’elle ouvre le chemin du ciel à toutes les nations !

Voilà, Seigneur, ce qui doit m’attacher inséparablement à vous, et ce qui doit confondre ma délicatesse ; vous êtes ici le divin modèle que je dois imiter, ou le juste juge que je dois craindre ; vous souffrez, parce que vous m’aimez et que vous voulez réformer mon cœur, et me faire comprendre qu’il y a des plaisirs éternels auxquels on ne peut légitimement prétendre que par la mortification ; mais, hélas ! quel usage en ai-je fait jusqu’à présent ? Crèche de mon Sauveur naissant, que j’ai lieu de craindre que vous ne me condamniez un jour !

Vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. (S. Luc, 2)

XXXIII. Voilà, ô divin enfant, ce que votre grand amour vous a fait faire pour moi en venant au monde ; c’est aussi tout ce que vous pouviez faire dans un âge si tendre pour me marquer l’excès de vos bontés, en attendant que votre héroïque et excessive charité vous fît soutenir des travaux immenses, des souffrances infinies, la mort la plus cruelle et la plus honteuse, pour me l’épargner et pour me procurer la vie de la grâce et la vie de la gloire.

Je suis pénétré d’un respect infini pour votre crèche, ô mon Sauveur : premièrement parce que c’est le lit, ou, pour mieux dire, le trône où a reposé votre humanité sainte en sortant de l’auguste sein de Marie ; secondement, parce qu’elle est le douloureux pronostic et le triste prélude de tout ce que vous endurerez pour moi à votre passion, et qu’elle est, dit un saint docteur, l’arbre précieux sur lequel sont greffées et votre passion, et votre mort, et les souffrances de tous les martyrs.

Mais, ô mon Sauveur, faut-il que ceux que vous avez tant aimés, et pour lesquels vous avez commencé à souffrir de si bonne heure, vous fassent tous les jours tant d’outrages ! Crèche respectable de mon Dieu, que vous êtes aujourd’hui déshonorée par les mondains ! Souffrances anticipées de mon Jésus, que vous êtes peu connues des hommes voluptueux, qui se livrent aux plaisirs des sens pendant que leur Sauveur repose sur du foin, qu’il est dans les larmes, et qu’il ne les répand dans sa crèche que parce que leurs misères le touchent et qu’il veut les en délivrer !

En même temps une troupe d’esprits célestes se joignit à l’Ange, en disant : Gloire à Dieu dans les cieux ! (S. Luc, 2)

XXXIV. Quelle grandeur et quelle bassesse ! quelle gloire et quelle humiliation tout ensemble, ô divin enfant ! Naître dans une étable, sur une crèche et entre deux animaux, quelle humiliation ! Mais être adoré des pasteurs, des rois ; disons plus, être annoncé et préconisé par une multitude d’esprits célestes, quelle gloire !

J’entends, en effet, des Anges descendus du ciel qui chantent des cantiques en son honneur, et qui s’efforcent de célébrer cette naissance avec toute la joie et toute la pompe dont ils sont capables ; ils sont environnés d’une lumière d’autant plus éclatante qu’elle brûle au milieu d’une nuit obscure, et ils forment le concert le plus mélodieux qui fut jamais entendu.

Célestes intelligences, il est juste que votre joie éclate, la gloire de cette naissance est pour le ciel ; les places de cette céleste Jérusalem, que les Anges rebelles avaient laissées vides, vont bientôt être remplies par les âmes que Jésus-Christ va racheter au prix de son sang ; vous y participez à cette gloire, puisque vous voyez aujourd’hui un Dieu tout-puissant abaissé au-dessous de vous par l’humanité qu’il a épousée.

Chantez au Très-Haut, puisque cette naissance donne au Père éternel un Dieu égal à lui pour sujet et pour adorateur ; car, avant cette naissance, il n’avait que des Anges et des hommes. Un Dieu fait homme est le plus glorieux chef-d’œuvre de ce Père céleste, et c’est ce qui met le comble à sa gloire. C’est aussi, ô divin enfant, ce qui assure la mienne, si j’ai le bonheur de vous être fidèle jusqu’à la mort ; et c’est ce que j’espère par le secours de votre grâce. Ainsi soit-il.

Le dernier jour de l’année
Jour de réparation

Pratique

Entrez aujourd’hui dans une sincère, humble et cordiale réparation à la justice de Dieu pour tous les péchés que vous avez commis pendant tout le cours de l’année, et commencez-la, cette réparation, dès votre réveil, continuez-la toute la journée, jusqu’à ce que vous soyez obligé le soir de reprendre votre sommeil ; vous vous endormirez même avec cette pensée ; accompagnez cette réparation d’actions de grâces de tous les bienfaits dont il vous a comblé pendant l’année ; examinez toutes les infidélités que vous avez commises, gémissez-en de tout votre cœur, demandez à Dieu qu’il vous les pardonne, faites-en des actes d’une douloureuse contrition, et imposez-vous-en quelques pratiques de pénitence.

Méditation
Sur la préparation à la fin de l’année

Premier point

Persuadez-vous qu’il n’y a point de jour où vous ne commettiez quelque péché, et que par conséquent il n’est point de jour que vous ne deviez une réparation à Dieu ; si le juste tombe sept fois le jour, à plus forte raison vous, qui êtes pécheur, combien de fois êtes-vous tombé pendant tout le cours d’une année entière, et de combien de réparations lui êtes-vous redevable ?

Persuadez-vous encore qu’il n’y a point de péché qui ne fasse injure à la majesté de Dieu ; il offense sa souveraine autorité par le mépris et l’infraction que le pécheur fait de ses divins préceptes ; il offense son immensité par le peu de respect qu’il a pour sa divine présence ; choisissez, et choisissez bien ; prenez le parti le plus sûr, qui est celui de la réparation ; heureusement pour vous, il est le plus doux. Craignez-vous de tomber entre les mains de Dieu, qui ne se fait point réparation à lui-même qu’il n’en coûte infiniment au pécheur dans cette vie ou dans l’autre, hâtez-vous de faire cette réparation par vos propres mains ; elle vous coûtera beaucoup moins, quelque rigoureuse qu’elle soit. Que votre esprit, que votre cœur, que votre langue et vos mains entrent dans le commerce de cette réparation si nécessaire à votre bonheur et à votre sûreté ; que votre esprit entre dans cette réparation, en pensant avec amertume aux infidélités multipliées de toute cette année et en disant souvent à Dieu dans la journée, avec le prophète Isaïe : Seigneur, je penserai en votre présence et avec amertume de cœur aux péchés que j’ai commis dans les années précédentes : Recogitabo tibi omnes annos meos in amaritudine animæ meæ. (Isaïe, 38)

Que votre cœur y entre aussi, en concevant une vraie douleur de vos infidélités passées, et formant une généreuse résolution de les expier et de les réparer jusqu’à ce que la justice de Dieu soit satisfaite ; votre bouche, en prononçant souvent des actes qui expriment la sincérité et l’amertume de votre douleur ; et vos mains, en vous punissant vous-même pour prévenir la sévérité des jugements de Dieu.

Second point

Souvenez-vous, disait le dévot saint Bernard à ses religieux, que bien commencer c’est quelque chose, à la vérité ; que soutenir ces heureuses prémices par un progrès et par une ferveur qui y répondent, c’est une grande grâce et un présage avantageux pour l’avenir ; mais être fidèle à Dieu, persévérer et augmenter en piété et en amour jusqu’à la fin, c’est l’assurance du salut, c’est la couronne de la vie, parce que ce n’est qu’une heureuse fin qui nous met en possession du bonheur éternel. Finissez donc l’année comme vous voudriez finir votre vie ; finissez-la par une réparation sincère ; et, pour donner plus de force et plus de mérite à votre réparation, finissez l’année en Dieu, avec Dieu et pour Dieu.

Finissez-la en Dieu, qui est lui-même la dernière fin à laquelle nous aspirons ; noyez-vous, absorbez-vous, perdez-vous dans l’abîme de ses bontés et de sa divine essence ; avantageuse perte, puisqu’on ne s’y perd que pour se retrouver plus heureusement en lui ; soyez dans une tendance continuelle d’esprit, de cœur, de volonté et de désirs vers cet adorable centre de tous les biens, en qui tous les êtres se reposent, et hors duquel il n’y a qu’inquiétude et que trouble.

Finissez-la avec Dieu, soyez aujourd’hui dans une intime présence de ce Dieu de bonté, afin qu’il accepte votre réparation ; ne vous en faites pas un simple passage, mais une demeure permanente ; faites-vous une loi, non seulement de commencer, mais encore de finir avec lui ; l’année aura beau finir, vous ne finirez jamais, parce que vous serez toujours avec Dieu, non seulement dans cette vie, mais dans tous les siècles, sans pouvoir jamais en être séparé.

Enfin finissez l’année pour Dieu, rapportez fidèlement à ce divin objet et à cet adorable terme tout ce que vous ferez de bien avec le secours de sa grâce, et vous pourrez toujours tout, étant avec lui et agissant pour lui.

Purifiez et rectifiez toutes les vues imparfaites qui se sont glissées dans les actions de l’année. Examinez en sa présence ce que vous avez acquis ou ce que vous avez perdu ; humiliez-vous de vous trouver le même, gémissez de votre peu d’avancement, pendant que la mort s’avance à grands pas ; et si vous avez le bonheur de communier aujourd’hui, faites-le en réparation de toutes les communions tièdes, imparfaites et inutiles que vous avez faites dans le cours de l’année, et finissez par une action de grâces des bienfaits que vous y avez reçus.

Acte de réparation

Prosterné humblement aux pieds de votre admirable majesté, j’implore, ô mon Sauveur, votre divine miséricorde pour tous les péchés dont je me confesse coupable dans toute ma vie, et en particulier dans le cours de cette année ; de toutes mes révoltes, de mes infidélités, de mes négligences et des délais que j’ai apportés aux grâces et aux inspirations dont vous m’avez favorisé ; de toutes mes langueurs, de toutes mes négligences et de toutes les fautes que j’ai commises dans la réception des sacrements de la pénitence et de l’eucharistie ; dans le premier, par mon peu de préparation, de douleur et de résolution ; dans le second, par mon peu de ferveur, et enfin par le peu de profit que j’ai remporté de l’un et de l’autre, qui m’auraient fait faire un tout autre progrès dans la victoire de mes passions et dans la pratique de la vertu si j’avais eu une foi plus vive, un amour plus ardent et une attention plus exacte et plus fidèle.

Pardon, ô mon adorable Sauveur, de toutes mes lâchetés, de toutes mes irrévérences et de toutes mes dissipations dans le culte que je dois, dans votre propre sanctuaire et aux yeux de votre divine majesté ; de mes délicatesses, de mes sensualités, des recherches de moi-même, et de toutes les lâches complaisances que j’ai eues pour le monde, que je savais être et votre ennemi et le mien.

Apprenez-moi donc, Seigneur, comment je pourrai réparer tant d’infidélités ; inspirez-le-moi, et je vous obéirai, quoi qu’il m’en coûte. Vous voulez que je vous consacre et que je vous sacrifie en réparation toute ma mémoire, tout mon esprit, tout mon cœur, tous mes désirs, toute ma volonté, tous mes sens, tout mon corps, tout ce que je possède et tout ce que je suis ? J’y consens, ô mon divin Sauveur. Je vous les offre de toute mon âme, heureux encore si vous voulez bien les accepter !

Mais, ô adorable Jésus, qui êtes mon Sauveur, soyez aussi mon réparateur ; je vous offre à vous-même, avec tous vos travaux, tous vos mérites, toutes vos souffrances et tout votre sang ; ils sont à moi, vous me les avez donnés et transportés ; je suis, par conséquent, en droit de vous les offrir, et vous ne pouvez pas les refuser. Heureux d’avoir en vous de quoi vous faire réparation à vous-même de mes propres péchés, puisque vous vous en êtes chargé en mourant pour l’amour de moi, et pour faire en ma place une réparation plus que suffisante à votre Père céleste. Ah ! si j’ai le malheur de trouver en vous un Dieu offensé, j’ai aussi la consolation de trouver en vous un Dieu sauveur, un Dieu médiateur et un Dieu réparateur.

Le premier jour de l’année
Jour de rénovation

Pratique

Commencez, à votre réveil, et l’année et la journée par une rénovation universelle et par une consécration entière de tout votre esprit, de tout votre cœur, de toute votre âme et de toutes ses puissances, et enfin de toute votre personne à Jésus-Christ, qui vient lui-même tout renouveler sur la terre, et par le sang qu’il commence aujourd’hui à répandre sous le couteau de la circoncision, et par l’adorable nom de Jésus qu’il prend dans cette humiliante et douloureuse cérémonie.

Prononcez-le souvent ce saint nom, si doux et si agréable à prononcer, puisqu’il signifie Sauveur ; mais efforcez-vous, en le prononçant, de penser à ce qu’il signifie, et de le faire sentir à votre cœur, et demandez à ce divin Jésus qu’il détruise en vous le vieil homme, et qu’il vous accorde la grâce d’une vraie rénovation.

Prosternez-vous aussitôt que vous serez en état de le faire ; faites, au nom de Jésus et du sang qu’il répand aujourd’hui, toutes vos demandes pour l’année, qui sera peut-être la dernière de votre vie. Demandez à Dieu, avec toute l’ardeur dont vous êtes capable, sa protection contre tous vos ennemis visibles, ses lumières pour vous conduire dans les voies du salut, la conservation et l’augmentation de la foi, sa grâce, son amour, la persévérance finale ; et prenez soin de réitérer souvent vos demandes dans le cours de la journée.

Méditation
Sur la rénovation, sur le modèle du Sauveur circoncis et nommé Jésus

Premier point

Huit jours s’étant écoulés depuis la naissance de l’enfant, il fut nommé Jésus. (S. Luc, 2)

Voici une mystérieuse et surprenante nouveauté, où nous trouvons un heureux pronostic de notre bonheur et le commencement de notre rédemption, un Dieu devenu enfant. Quelle nouveauté inouïe ! un pur esprit revêtu de notre chair, un Dieu, impassible de sa nature, sujet à la douleur, souffrant et répandant du sang ; un Dieu, un Être suprême, infini, incompréhensible, qui a un nom caché, ineffable, qu’on ne peut connaître, pas même nommer, excepté lui seul, et qui veut bien prendre un nom, qui est celui de Jésus, qu’il se laisse imposer, et qu’il veut bien que nous mettions dans notre cœur, pour en faire l’objet de nos tendresses et le motif de nos confiances, et dans notre bouche, pour l’appeler et pour l’invoquer dans tous nos besoins.

Cet adorable nom est imposé au Sauveur, il est à lui, il est aussi à vous, servez-vous-en comme d’un bien qui vous est propre, pour en faire tout l’usage que vous devez ; passez insensiblement du nom à la personne qui commence à le porter aujourd’hui. Vous ne pouvez le prononcer en esprit et en chrétien que vous ne vous représentiez d’un côté un Dieu tout-puissant, dont la grandeur est infinie, et de l’autre un nouvel homme, un enfant de prodiges, humble, patient, aimable, plein de charité, qui éclipse en notre faveur tous les grands attributs de la divinité, qui

souffre et qui commence pour notre amour à répandre son sang, qui nous invite ainsi à nous dépouiller du vieil homme et à nous revêtir du nouveau, qui est lui-même, par une rénovation universelle de vie, de mœurs, de conduite et d’amour, selon le conseil du grand Apôtre : Ita et nos in novitate vitæ ambulemus. (S. Jean, 9)

Je trouve du goût et du plaisir, disait saint Bernard, à prononcer cet aimable nom ; quand je suis lâche, il me renouvelle, et ma ferveur prend de nouvelles flammes ; cette délicieuse répétition m’enlève, loin de m’être ennuyeuse ; prononcez-le mille fois le jour, et vous sentirez un goût toujours nouveau, une joie innocente et un chaste plaisir ; à quoi tient-il que vous ne l’expérimentiez ?

Second point

À peine Jésus-Christ est-il né sur la terre, dit saint Augustin, qu’il renaît aussitôt par de nouveaux sacrements, dans sa circoncision et dans l’imposition de l’adorable nom de Jésus. Il est ce Souverain des cœurs que le disciple bien-aimé vit sur son trône de grâce, et qui dit : Je viens renouveler toutes choses. Ecce nova facio omnia. (Apoc, 2)

Au huitième jour il commence à répandre du sang, dont une seule goutte aurait suffi pour racheter tous les hommes, parce qu’il était d’une valeur infinie ; pendant l’effusion de ce premier sang, on lui impose l’adorable nom de Jésus ; et s’il répand ce sang si nouveau et si précieux pendant cette imposition d’un nom si respectable, il lui en coûtera bien davantage, et jusqu’à la dernière goutte, quand il consommera notre rédemption sur la croix.

Transportez-vous en esprit du lieu où il est circoncis sur le Calvaire ; jetez les yeux sur ce Dieu souffrant et mourant ; cherchez la cause d’une mort si injuste, si cruelle et si honteuse, et si vous voulez la savoir, levez les yeux au-dessus de la tête toute sanglante de ce Dieu mourant ; lisez le titre de la croix, les Juifs ont pris soin de le faire écrire en trois langues différentes, afin que personne ne l’ignorât ; le voici : Jésus de Nazareth, roi des Juifs. Comprenez en lisant ce titre qu’il ne meurt innocent que parce qu’il est Jésus, qui signifie Sauveur ; ce premier mot suffit, il me développe tout le mystère ; le nom de Jésus qu’il prend aujourd’hui est sa destination à la mort pour le salut de tous les hommes. Je trouve dans ce seul nom si mystérieux, écrit au haut de la croix, l’oracle infaillible de ma rédemption et la mort du Rédempteur ; j’y vois le motif, la cause, l’arrêt et le procès tout entier qui le condamne à mourir. Combien ce nom vous doit-il être précieux, puisqu’il renferme toute l’économie de votre bonheur ! Courez donc, s’écrie ici saint Bernard, non à des nouveautés profanes, mais au nom de Jésus, qui est à vous ; le salut est entre vos mains, puisqu’il est écrit que quiconque aura invoqué ce saint nom sera sauvé : Quicumque invocaverit nomen Domini, salvus erit. (S. Jean, 11)

Sentiments

Je l’avoue, ô mon adorable Sauveur, disait Augustin pénitent, que mes infidélités qui sont sans nombre ont mérité des châtiments éternels ; je n’ai que trop commis de péchés énormes sur lesquels vous pouvez justement me condamner ; mais je respire, ô mon Jésus, je reviens de ma frayeur, quand je pense que vous portez un nom sur lequel je puis établir toute mon espérance, parce que c’est un nom que vous n’avez pris que pour me sauver ; et ce nom de salut, vous le portez encore et vous ne le perdrez jamais.

C’est par cet adorable nom de Jésus que je vous demande une vraie rénovation et la grâce de ne plus retomber cette année, ni pendant toute ma vie, dans les péchés que j’ai commis dans les précédentes, et d’en faire une pénitence si sincère et si rigoureuse que, si elle était la dernière de ma vie, je mérite de mourir de la mort des justes et d’être couronné avec eux. Accordez-moi de nouvelles lumières, de nouvelles forces, de nouvelles grâces et une nouvelle ferveur ; je vous en conjure, et par les prémices du sang précieux que vous répandez aujourd’hui, et par votre adorable nom de Jésus qui fait toute ma confiance.

Auguste nom, dont le conseil de l’éternité a conçu les premières idées, que les Patriarches ont représenté dans leurs figures, que les Prophètes ont préconisé dans leurs oracles, que les Anges ont apporté du ciel, que les Apôtres ont publié par toute la terre, que les Martyrs ont glorifié par l’effusion de leur sang ; qui a calmé les tempêtes, arrêté les incendies, guéri les maladies, ressuscité les morts, chassé les démons ; qui réjouit le ciel, fait trembler les enfers ; qui soutient les forts, qui anime les héros de la religion, et qui fortifie les faibles !

Soyez-moi donc Jésus, ô mon divin Sauveur, pendant le cours de cette année et de toute ma vie, pour me sauver de la corruption du siècle ; soyez-moi Jésus au lit de la mort, pour me sauver de l’enfer ; mais soyez-moi Jésus dans le ciel, pour me faire goûter l’oracle et le fruit de ma rédemption dans la jouissance éternelle de mon Dieu sauveur, qui l’a porté pour mon amour.

Ainsi soit-il.

LITANIES
en l’honneur de l’enfance de Notre Seigneur Jésus-Christ

Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus-Christ, ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus enfant, écoutez-nous.
Jésus enfant, exaucez-nous.
Père céleste qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Fils rédempteur du monde qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Esprit saint qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Trinité sainte qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.
Enfant, Fils du Dieu vivant, ayez pitié de nous.
Enfant, fils de la Vierge Marie, ayez pitié de nous.
Enfant engendré avant l’étoile du matin, ayez pitié de nous.
Enfant Verbe qui s’est fait chair, ayez pitié de nous.
Enfant sagesse de votre Père, ayez pitié de nous.
Enfant qui avez consacré la pureté de votre mère, ayez pitié de nous.
Enfant Fils unique de votre Père, ayez pitié de nous.
Enfant le premier-né de votre mère, ayez pitié de nous.
Enfant l’image de votre Père, ayez pitié de nous.
Enfant l’origine de votre mère, ayez pitié de nous.
Enfant la splendeur de votre Père, ayez pitié de nous.
Enfant la gloire de votre mère, ayez pitié de nous.
Enfant égal à votre Père, ayez pitié de nous.
Enfant qui avez été soumis à votre mère, ayez pitié de nous.
Enfant qui êtes notre Dieu, ayez pitié de nous.
Enfant qui êtes notre frère, ayez pitié de nous.
Enfant qui marchez dans la voie étant glorieux, ayez pitié de nous.
Enfant qui possédez la gloire étant voyageur, ayez pitié de nous.
Enfant qui pleurez dans le berceau, ayez pitié de nous.
Enfant qui tonnez du haut du ciel, ayez pitié de nous.
Enfant qui êtes redouté des tyrans, ayez pitié de nous.
Enfant désiré des Mages, ayez pitié de nous.
Enfant qui renversez les idoles, ayez pitié de nous.
Enfant rempli de zèle pour la gloire de votre Père, ayez pitié de nous.
Enfant puissant dans la faiblesse, ayez pitié de nous.
Enfant grand dans la petitesse, ayez pitié de nous.
Enfant trésor de la grâce, ayez pitié de nous.
Enfant la source du pur amour, ayez pitié de nous.
Enfant qui avez rétabli la gloire du ciel, ayez pitié de nous.
Enfant le réparateur de la terre, ayez pitié de nous.
Enfant le chef des Anges, ayez pitié de nous.
Enfant la tige des Patriarches, ayez pitié de nous.
Enfant la parole des Prophètes, ayez pitié de nous.
Enfant le désir des gentils, ayez pitié de nous.
Enfant la joie des Pasteurs, ayez pitié de nous.
Enfant la lumière des mages, ayez pitié de nous.
Enfant le salut des enfants, ayez pitié de nous.
Enfant l’attente des justes, ayez pitié de nous.
Enfant le maître des docteurs, ayez pitié de nous.
Enfant les prémices de tous les saints, ayez pitié de nous.
Soyez-nous propice, pardonnez-nous, enfant Jésus.
Soyez-nous propice, écoutez-nous, enfant Jésus.
Du joug de la servitude des enfants d’Adam, délivrez-nous, enfant Jésus.
De la captivité du démon, délivrez-nous, enfant Jésus.
De la malice du siècle, délivrez-nous, enfant Jésus.
De la concupiscence de la chair, délivrez-nous, enfant Jésus.
De l’orgueil de la vie, délivrez-nous, enfant Jésus.
De la passion désordonnée de savoir, délivrez-nous, enfant Jésus.
De l’aveuglement d’esprit, délivrez-nous, enfant Jésus.
De la mauvaise volonté, délivrez-nous, enfant Jésus.
De nos offenses, délivrez nous, enfant Jésus.
Par votre pure Conception, délivrez-nous, enfant Jésus.
Par votre Nativité humble et pauvre, délivrez-nous, enfant Jésus.
Par vos larmes, délivrez-nous, enfant Jésus.
Par votre douloureuse Circoncision, délivrez-nous, enfant Jésus.
Par votre manifestation très glorieuse, délivrez-nous, enfant Jésus.
Par votre très dévote Présentation, délivrez-nous, enfant Jésus.
Par votre conversation très innocente, délivrez-nous, enfant Jésus.
Par votre pauvreté, délivrez-nous, enfant Jésus.
Par vos voyages et vos travaux, délivrez-nous, enfant Jésus.
Par vos souffrances, délivrez-nous, enfant Jésus.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, enfant Jésus.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, écoutez-nous, enfant Jésus.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous, enfant Jésus.

Jésus enfant, écoutez-nous.
Jésus enfant, exaucez-nous.

ORAISON

Seigneur Jésus, qui, ayant été conçu du Saint Esprit, avez voulu naître de la sainte Vierge, être circoncis, manifesté aux gentils et présenté au Temple, être porté en Égypte, y être sevré et y passer une partie de votre enfance, de là retourner à Nazareth, paraître dans Jérusalem, comme un prodige de sagesse, parmi les docteurs, et qui avez eu la bonté de renouveler le monde par votre divine enfance durant douze années, faites-nous la grâce de révérer les mystères de cette sainte enfance avec tant de piété, que nous devenions humbles de cœur et d’esprit et conformes à vous en toutes choses, divin enfant, qui vivez et régnez avec Dieu votre Père, en l’unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.